Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 08 AVRIL 2015
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/02217
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2013 -Tribunal de Commerce de CRETEIL -1ère chambre - RG n° 2011F00373
APPELANTE :
SAS HOPITAL PRIVE ARMAND BRILLARD 'H.P.A.B'
immatriculée au RCS de CRETEIL sous le n° 383.890.266
ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
ayant pour avocat plaidant : Me Anne-carine ROPARS-FURET de la SELARL W & S, avocat au barreau de PARIS, toque : L0215 ; substitué par : Me Louis-romain RICHÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0215
INTIMEE :
SELARL DE DIRECTEURS ET DE DIRECTEURS ADJOINTS DE LABORATOIRES D'ANALYSES DE BIOLOGIE MEDICALE ANA-L
immatriculée au RCS de CRETEIL sous le n° 443.489.174
ayant son siège [Adresse 2]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Patrice FROVO, avocat au barreau de PARIS, toque : L0022 ; substituée par : Me Adrienne DUCOS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mars 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente, chargée du rapport et Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, rédacteur
Madame Irène LUC, Conseillère
Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, présidente et par Madame Violaine PERRET, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédures :
Le Docteur [L], pharmacien biologiste, a signé le 20 novembre 1990 avec la clinique Armand Brillard un contrat d'«exercice privilégié» par lequel cette dernière confiait au laboratoire d'analyses médicales exploité par le Docteur [L] l'exécution de l'intégralité des analyses de biologie médicale pour le compte des malades hospitalisés à la clinique. Le contrat était à durée déterminée de 30 ans, renouvelable par tacite reconduction.
Le 28 mai 2002 le Dr [L] a signé avec la société d'exercice libérale [M]-[O], représentée par ses deux gérants, Messieurs [M] et [O], médecins biologistes, qui constituaient pour la reprise du contrat d'exercice la Société de directeurs et de directeurs adjoints de laboratoires d'analyses de biologie médicale Anal-L (société Ana-L), un acte de cession du laboratoire sous condition suspensive de l'agrément par la clinique du nouvel exploitant.
Le 16 juillet 2002, la clinique devenue Hôpital Privé Armand Brillard (HPAB) a donné son accord sur la reprise. Par un courrier distinct du même jour, elle a proposé de modifier des clauses essentielles du contrat, à savoir la transformation en un contrat à durée déterminée et la modification du taux de redevances de 10% à 15% TTC par un «avenant en bonne et due forme» ; Messieurs [M] et [O], médecins biologistes signaient le courrier.
Par lettre du 20 décembre 2010, la société hôpital privé Armand Brillard a annoncé à la société Ana-L la résiliation du contrat moyennant un préavis de 18 mois, considérant que le contrat était désormais un contrat à durée indéterminée.
Par lettre du 27 janvier 2011, la société Ana-L a rappelé à la société HPAB qu'en l'état, les relations contractuelles entre les parties étaient toujours régies par le contrat de 1990 d'une durée de 30 ans, aucun avenant modificatif n'ayant été signé.
La société HPAB a maintenu sa position, puis, par courrier du 2 mars 2011, a indiqué que la rupture des relations contractuelles prendraient effet le 2 avril 2011.
C'est dans ces conditions que la société Anal-L a assigné la société HPAB le 25 mars 2011 pour obtenir des dommages-intérêts en raison de la rupture abusive du contrat.
Par jugement rendu le 21 janvier 2013, le tribunal de commerce de Créteil a :
- condamné la société HPAB à payer à la société Ana-L la somme de 1 626 515, 28 €,
- débouté la société Ana-L du surplus de sa demande,
- débouté la société HPAB de sa demande d'expertise,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire sous réserve qu'en cas d'appel la société Ana-L produise une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit,
- condamné la société HPAB à payer à la société Ana-L la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code procédure civile et a débouté la société Ana-L du surplus de sa demande et la société HPAB de sa demande de ce chef,
- condamné la société HPAB aux dépens.
La société HPAB a interjeté appel de cette décision le 4 février 2013.
Avis a été donné aux parties le 09 octobre 2013 de la date des plaidoiries pour le 10 mars 2015 et de la date de clôture pour le 17 février 2015.
L'appelante a conclu le 6 mai 2013, le 4 septembre 2013. L'intimée a conclu le 5 juillet 2013, le 28 janvier 2015.
La clôture a été prononcée le 17 février 2015.
L'appelante a déposé de nouvelles conclusions au fond et des conclusions de procédure le 25 février 2015.
L'intimée a déposé des conclusions de procédure en réponse le 6 mars 2015.
Par conclusions de procédure du 25 février 2015, la société HPAB demande à la cour de constater l'atteinte aux droits de la défense de la société HPAB, et, à titre principal, de révoquer l'ordonnance de clôture et admettre ses conclusions du 25 février 2015, subsidiairement, de rejeter les conclusions et pièces produites en dernière heure par la société Ana-L le 28 janvier 2015, en tout état de cause de condamner la société Ana-L aux dépens de l'incident qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'art 699 du code de procédure civile.
Par conclusions au fond du 4 septembre 2013, la société HPAB demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Créteil rendu le 21 janvier 2013 en ce qu'il a :
- dit le contrat liant les sociétés HPAB et Ana-L à durée indéterminée,
- dit n'y avoir eu rupture abusive en raison du préavis de dix-huit mois proposé par la société HPAB
En conséquence
- débouter la société Ana-L de l'ensemble de ses demandes,
Et statuant à nouveau
- constater que dans la décision rendue le 21 janvier 2013, le tribunal de commerce de Créteil a statué extra petita en accordant une indemnité de rupture à la société Ana-L de 942 345, 05 €,
En conséquence
- infirmer la décision du tribunal de commerce de Créteil rendue le 21 janvier 2013 en ce qu'elle condamne la société HPAB au paiement d'une indemnité de 942 345, 05 € au titre d'une indemnité de rupture,
A titre subsidiaire :
- constater l'absence d'effet contractuel du projet de contrat en date du 15 novembre 2004 fondant l'indemnité de rupture accordée à la société Ana-L,
En conséquence
- infirmer la décision du tribunal de commerce de Créteil rendue le 21 janvier 2013 en ce qu'elle condamne la société HPAB au paiement d'une indemnité de 942 345, 05 € au titre d'une indemnité de rupture,
A titre infiniment subsidiaire
- constater que le tribunal de commerce de Créteil a statué en octroyant à la société Ana-L réparation du même dommage tant sur les fondements délictuel au titre du délai de préavis raisonnable que contractuel au titre de l'indemnité de rupture,
En conséquence
- infirmer la décision du tribunal de commerce de Créteil rendue le 21 janvier 2013 en ce qu'elle condamne la société HPAB au paiement d'une indemnité de 942 345, 05 € au titre d'une indemnité de rupture sur le fondement contractuel,
En tout état de cause
- condamner la société Ana-L au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Ana-L aux entiers dépens.
L'appelante fait valoir qu'elle a subordonné son agrément à la condition que les deux modifications sur la durée du contrat et le montant des redevances recueillent l'accord des deux médecins, Messieurs [M] et [O], et que c'est après la remise de la lettre du 15 juillet 2002 contresignée le 16 juillet par les deux médecins qu'elle a donné son agrément et confirmé celui-ci le 18 septembre 2002. Elle ajoute que les parties ont ainsi accepté les modifications contractuelles, que la société Ana-L a payé la redevances portée à 15 %. Elle explique qu'à la suite d'une fusion avec un autre établissement, elle a voulu rationaliser l'organisation de ses relations, qu'elle a ainsi résilié le contrat d'exercice et en a informé la société Ana-L par deux courriers des 18 et 20 décembre 2010, moyennant un préavis de dix-huit mois.
Elle soutient que les faits démontrent que la société Ana-L a accepté sans équivoque la modification concernant la durée de la convention d'exercice qui était la condition «sine qua non» de l'agrément de la société HPAB, que la signature d'un avenant était un «formalisme surabondant». Selon elle, la résiliation pouvait intervenir à tout moment, moyennant un préavis raisonnable, excluant alors tout caractère abusif à la rupture. L'indemnité fixée par les premiers juges après avoir tenu compte d'un taux de 49,37 % à la somme de 684 170, 23 Euros est justifiée.
Elle estime que les juges ont commis un excès de pouvoir en statuant extra petita en fixant une indemnité supplémentaire de rupture de 942 345, 05 €, que la société Ana-L n'avait pas demandée et à laquelle la société HPAB n'a pas fait référence dans ses écritures, en se référant à un projet de contrat du 15 novembre 2004 non signé par les parties, qui ne pouvait produire d'effets.
Elle expose qu'il ne peut y avoir de cumul de responsabilités contractuelle et délictuelle, ce que le tribunal de commerce a retenu sauf à indemniser doublement le même dommage.
Par conclusions du 6 mars 2015, la société Ana-L demande à la cour de constater qu'il n'existe pas de cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture, de constater que la société HPAB ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité de préparer utilement sa défense à la suite des la signification des conclusions du 28 janvier 2015, de la débouter de ses demandes, de la condamner aux entiers dépens de l'incident.
Par conclusions au fond du 28 janvier 2015, la société Ana-L demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré que la société HPAB et la société Ana-L étaient liées par un contrat à durée déterminée,
- constater la rupture abusive du contrat d'exercice privilégié à durée déterminée liant la société HPAB à la société Ana-L, rupture ayant pris effet le 2 avril 2011,
- condamner par conséquent la société HPAB au paiement à la société Ana-L de la somme de 6 766 775 € à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice subi,
A titre subsidiaire
- constater la rupture abusive par la société HPAB du contrat la liant à la société Ana-L et ayant pris effet le 2 avril 2011,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la somme de 684 170, 23 € le montant de l'indemnité due par la société HPAB à la société Ana-L au titre du préavis non effectué,
Statuant à nouveau
- condamner la société HPAB à verser à la société Ana-L, la somme de 711 236 € au titre du préavis non effectué,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société HPAB à verser à la société Ana-L la somme de 942 345,05 € à titre d'indemnité complémentaire de réalisation,
A titre infiniment subsidiaire
- dire que le préavis observé aurait dû être de 24 mois et condamner la société HPAB à indemniser la société Ana-L en conséquence à hauteur de 1 183 959 €,
- condamner au surplus la société HPAB au paiement à la société Ana-L d'une annuité d'honoraires de dommages et intérêts au titre de l'abus de droit de rompre, soit à hauteur de 942 345,05€,
En tout état de cause
- condamner la société HPAB à payer à la société Ana-L, la somme de 10 000 € par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, outre les condamnations déjà mises à la charge de la société HPAB aux termes du jugement de première instance,
- condamner la société HPAB aux entiers dépens.
L'intimée estime que l'échange de lettres du 15 juillet 2002 ne constitue pas une rencontre des volontés pouvant modifier la durée du contrat mais un accord sur le principe de la renégociation du contrat ; elle estime que toute modification devait faire l'objet d'un «avenant en bonne et due forme» ce qui n'est pas une manifestation d'un «formalisme surabondant». Elle ajoute qu'on ne peut rechercher aucun autre sens dans la formule «avenant en bonne et due forme» qui dans le doute doit s'interpréter contre le stipulant. Par ailleurs, l'exécution volontaire d'une des modifications souhaitées du contrat, (augmentation du montant de la redevance) ne peut peut faire la preuve que l'avenant est un «formalisme surabondant». Enfin, elle fait valoir que par la suite, les parties ont négocié sans parvenir à un accord.
Elle fait valoir que le contrat devait aller jusqu'à son terme fixé en 2020, que la rupture du contrat est abusive. Elle explique que le calcul des dommages-intérêts doit prendre en compte la spécificité du laboratoire «avec contrat clinique», que les dommages-intérêts devant lui être alloués (6 766 775 Euros) doivent être calculés par référence à un chiffre d'affaires de 1 108 853 Euros en tenant compte du montant de la marge brute analytique de 61, 02 % perdue du fait de la rupture brutale et fautive.
La société Ana-L expose subsidiairement, si la cour retenait que le contrat est à durée indéterminée, qu'en se référant aux modifications de la clause de durée sur laquelle les parties se sont mises d'accord, la société HPAB devrait alors respecter un délai de préavis de douze mois, en l'espèce en versant une indemnité de 711 236 Euros, compte tenu des trois mois effectivement respectés par HPAB et qu'elle devrait également respecter la clause forfaitaire d'indemnisation en versant une indemnité complémentaire de 942 345, 05 Euros.
La société Ana-L indique infiniment subsidiairement que si le contrat est considéré comme de durée indéterminée et si les clauses modificatives sur lesquelles les parties se sont mises d'accord ne sont pas prises en compte, il y aurait lieu alors de s'en référer aux usages applicables dans le domaine de la biologie, c'est-à-dire les «Recommandations relatives aux établissements de soins privés et les laboratoires d'analyse de biologie médicale», de tenir compte de la durée d'intervention du laboratoire auprès de l'établissement, de retenir un délai de préavis de vingt-quatre mois, et de lui allouer la somme de 1 183 959 Euros à titre de dommages-intérêts.
Enfin, la société Ana-L expose qu'elle a subi du fait de la résiliation du contrat un préjudice économique «majeur», que la société HPAB a procédé avec mauvaise foi, que sa faute a dégénéré «en abus du droit de rompre», qu'elle peut demander l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 942 345, 05 Euros, ce qui correspond à une annuité d'honoraires.
SUR CE,
sur l'incident de procédure :
considérant qu'il est soutenu par la société HPAB que par des conclusions signifiées le 28 janvier 2015, la société Ana-L n'a pas respecté le principe du contradictoire, la loyauté dans le déroulement du procès, qu'elle n'a pas fait communiquer en temps utile ses conclusions et pièces, que selon la société HPAB, la société Ana-L a développé des arguments nouveaux, une nouvelle demande à titre subsidiaire, qu'elle n'a pu ainsi organiser convenablement sa défense,
considérant que la société Ana-L conteste ne pas avoir mis la société HPAB en mesure de se défendre,
considérant tout d'abord que la révocation de l'ordonnance de clôture peut être ordonnée pour cause grave survenue postérieurement à celle-ci ou pour des motifs non connus lors de la clôture, qu'en l'espèce, la cause grave n'est pas rapportée,
considérant ensuite que la société Ana-L a certes attendu plusieurs mois avant de signifier de nouvelles conclusions, que dans celles-ci, la société Ana-L développe un argumentaire, communique dans le même temps des décisions de justice, substitue à la demande subsidiaire en paiement d'une somme de 1 183 959 Euros celle de 942 345, 05 Euros et demande à titre infiniment subsidiaire la somme de 1 183 959 Euros,
considérant que la société HPAB ne justifie pas que ces conclusions et pièces, la demande à titre subsidiaire, ont désorganisé son système de défense ; que l'argumentaire développé ne présente pas de caractère véritablement nouveau, que la demande subsidiaire n'est pas nouvelle, que le temps qui lui restait avant la clôture, soit vingt jours, lui permettait largement et en temps utile de prendre connaissance des conclusions et des pièces, de répondre avant la clôture,
considérant qu'il n' y a ni procédé déloyal, ni violation du contradictoire, qu'il y a respect du «temps utile»,
considérant que les conclusions de la société Ana-L du 28 janvier ne seront pas écartées des débats et que les conclusions du 25 février 2015 de la société HPAB signifiées après l' ordonnance de clôture, seront déclarées irrecevables,
sur le fond :
sur la durée du contrat :
considérant qu'il résulte des pièces du débat :
que par courrier du 17 juin 2002, Madame [K] [L] confirmait à la société HPAB sa volonté de céder son laboratoire aux docteurs [M] et [O], demandait de bien vouloir les «accepter» comme biologistes ; que deux courriers étaient ensuite adressés par la société HPAB à Madame [L] ;
que le premier daté du 15 juillet précisait : «Nous vous confirmons par la présente la teneur de nos entretiens relatifs à votre contrat d'exercice en date du 11 septembre 2002 Nous souhaitons d'une part porter le taux de redevance de 10 à 15 % TTC et d'autre part transformer ledit contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Ces deux modifications feront l'objet d'un contrat en bonne et due forme.» ; que ce courrier porte en bas les mentions de «bon pour accord» datées du 16 juillet 2002 et signées par les docteurs [M], [O] et [K] [L],
que le second courrier daté du 16 juillet, précisait : «Nous vous informons que suite à votre demande et conformément aux dispositions de l'article X de votre contrat d'exercice en date du 11 septembre 2002, nous agréons votre successeur en la personne de Messieurs les docteurs [V] [M] et [E] [O]» et portait une mention manuscrite qu'il était remis en main propre le 16 juillet à Madame [L],
qu' au cours de l'exécution du contrat d'exercice par la société Ana-L, les parties discutaient et proposaient un projet d'avenant, de nouveaux contrats (en 2004 et 2005), sans toutefois parvenir à la signature d'un document ; que la société Ana-L versait une redevance de 15 % à la société HPAB,
considérant que la condition «sine qua non» de deux modifications du contrat pour l'obtention de l'agrément importe peu pour la solution du litige,
considérant que l'apposition de la formule «bon pour accord» et la signature de cette formule par les docteurs [M] et [O] manifestaient leur accord sur les deux modifications souhaitées ; que contrairement à ce qui est soutenu, faute de l'avoir exprimé, ils n'entendaient pas ainsi montrer leur volonté de donner un accord sur le principe de «l'engagement de discussions concernant le futur avenant» ou encore sur le principe d'une «renégociation des conditions d'exercice du contrat de 1990» ; que certes, ils peuvent soutenir que la cession avait été envisagée au regard des termes de la convention de 1990 et le prix de la cession déterminé en conséquence, que les modifications de HPAB remettaient en cause l'économie du contrat de cession ; que toutefois, ces considérations sont étrangères au litige actuel avec la société HPAB ; que l'accord des parties a porté sur les deux modifications ; qu'aucune autre interprétation n'est possible ; que la rédaction d'un avenant «en bonne et due forme» était à fin purement probatoire ;
considérant qu'il résulte de ces motifs que le contrat liant les parties était à durée indéterminée,
sur l'indemnisation de la rupture :
considérant que le contrat sur la base duquel les relations des parties ont été établies après la cession ne prévoyait aucune clause sur les modalités de la rupture de la convention sinon la dénonciation possible 12 mois à l'avance à l'expiration du contrat de trente ans, ainsi qu'en cas de rupture du contrat pour cause de force majeure ou pour faute professionnelle du praticien,
considérant par ailleurs, que contrairement à ce qui a été soutenu par la société Ana-L à titre subsidiaire, les parties n' ont pas trouvé d'accord sur un nouveau contrat au cours de leurs négociations, notamment en 2005, et que les échanges qu'ils ont pu avoir ne matérialisent aucune rencontre de volontés ; que les dispositions figurant dans les projets ne peuvent être par conséquent prises en compte, notamment une indemnité conventionnelle de rupture de contrat,
considérant que la rupture du contrat à durée indéterminée est toujours possible pour une partie moyennant un préavis raisonnable,
considérant qu'en l'espèce, un préavis de dix-huit mois a été donné par la société HPAB qui l'estime suffisant, expliquant que seules sont à considérer les relations contractuelles «intuitu personae» entretenues par l'HPAB et Messieurs [M] et [O],
considérant que la société Ana-L revendique un préavis d'une durée de vingt-quatre mois faisant état de relations de vingt ans à la suite de la reprise du contrat signé en 1990 par la société HPAB avec Madame [L] et une indemnité en application des articles 1134 et 1147 du Code civil,
considérant que le contrat d'exercice privilégié a été exécuté par la société Ana-L à compter du premier octobre 2002 et a pris fin le 2 avril 2011 ; que la société Ana-L ne peut invoquer la durée des relations entretenues avec le docteur [L] depuis 1990 alors que le contrat entre la société HPAB et la société Ana-L a été conclu en considération des personnes en cause ; que la durée du préavis consentie par la société HPAB est suffisante, compte tenu de la durée de dix années des relations des parties et de ce que préconisent les usages,
considérant enfin que le taux de marge est discuté ; que l'indemnité versée par la société HPAB a pris en compte un taux de marge brute de 49,37 % alors que la société Ana-L invoque le taux de 61,02 % ; que pour expliquer ce taux, la société Ana-L se réfère aux explications fournies le 16 avril 2012 par son expert comptable [C] [Z] selon lesquelles «La notion de marge brute «stricto sensu» suppose que soient également exclus de l'assiette des postes comptables à déduire du chiffre d'affaires de la société les postes qui ne sont pas directement liés à l'activité Clinique, mais existeraient même en l'absence de celle-ci : il faut ainsi mettre de côté les frais généraux, d'amortissements et les impôts et taxes, seuls devant être pris en compte la redevance (10 % aux termes du contrat mais 15 % selon les versements comptables relevés, le coût des réactifs et consommables et les frais de personnel directs», que la société HPAB se réfère à une précédente «analyse de la marge et de l'excédent brut d'exploitation du laboratoire pour la période 2009-2010» en date du 18 octobre 2011 de l'expert comptable de la société Ana-L, Monsieur [O], qui avait fixé le taux de marge brute à 49, 38 % après avoir retenu les redevances, les réactifs, les frais généraux, les frais de personnel, l'amortissement et les impôts et taxes ; qu'il apparaît que fort justement, le tribunal avait retenu ce dernier taux, les frais généraux, les amortissements et impôts et taxes devant nécessairement être pris en compte dans sa détermination ; que la cour retiendra celui-ci ; que par conséquent, l'indemnité allouée à la société Ana-L d'un montant de 684 170, 21 Euros correspondant aux quinze mois de préavis non effectués est justifiée,
considérant que la société Ana-L soutient que le contrat a été rompu abusivement, ce qui justifie une indemnité supplémentaire, qu'il est indiqué toutefois qu' il peut être mis fin à tout moment à un contrat indéterminé moyennant le respect d'un préavis dont la durée varie en fonction de divers paramètres qui, comme il a été dit, ont été respectés ; qu'au surplus aucune motivation n'est à donner même si en l'espèce, des motifs ont été fournis ; que rien, à l'évidence, ne caractérise une rupture abusive et que la demande formée sur ce point doit être rejetée,
PAR CES MOTIFS
la cour,
dit n' y avoir lieu d'écarter des débats les conclusions du 28 janvier 2015,
écarte des débats les conclusions du 25 février 2015,
infirme le jugement,
condamne la société HPAB à payer à la société Ana-L la somme de 684 170, 21 Euros,
déboute la société Ana-L du surplus de ses demandes,
condamne la société HPAB à payer la somme de 10 000 Euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,
condamne la société HPAB aux dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'art 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
V. PERRET F. COCCHIELLO