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07/04/2015 | FRANCE | N°12/11397

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 07 avril 2015, 12/11397


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 07 Avril 2015



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/11397



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/13855





APPELANT

Madame [R] [F] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 3]

comparante en personne,

assistée de Me Florence LAUSSUCQ-CASTON

, avocat au barreau de PARIS, toque : E2034







INTIMEE

Société LOUIS CAPITAL MARKETS UK LLP

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Isabelle FRANCOU, avocat au barreau de PA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 07 Avril 2015

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/11397

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/13855

APPELANT

Madame [R] [F] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 3]

comparante en personne,

assistée de Me Florence LAUSSUCQ-CASTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E2034

INTIMEE

Société LOUIS CAPITAL MARKETS UK LLP

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Isabelle FRANCOU, avocat au barreau de PARIS, toque : D2082

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Février 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [F] (dite [R]) [T] a été engagée par contrat à durée indéterminée, par la société LOUIS CAPITAL MARKETS, UK, LLP, société de droit anglais, à compter du 1er janvier 2009, en qualité d'opérateur marché et affectée dans l'établissement parisien de cette société, moyennant le versement d'une rémunération fixe annuelle de 100.000 euros complétée par une rémunération variable ;

Madame [T] a, le 29 juin 2010, pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :

Monsieur,

je vous informe de ma décision de mettre un terme à mon contrat à durée indéterminée datant du 27 octobre 2008.

En effet, je constate avec regret que je n'ai pas reçu l'intégralité de la rémunération variable qui aurait du me revenir.

Et pour cause, le chiffre d'affaires que j'ai généré sur les deux desk n'a pas été pris en compte pour la détermination de ma rémunération variable.

Je déplore également et avec tout autant de contrition le manque de retour et de décisions probants concernant l'organisation du 'desk Delta one' entre [Localité 1] et [Localité 2] et ce malgré toutes les doléances exprimées et les solutions proposées au cours de nombreuses réunions et conférences call. Vous n'avez pas apporté de réponse satisfaisante à ma demande sur ces points.

En conséquence je ne peux que constater la rupture de confiance et prendre acte de la rupture du contrat.

Sous la condition des actions que je me réserve d'entreprendre pour le rétablissement de mes droits, je me permets de rappeler que j'ai toujours donné satisfaction à mes supérieurs hiérarchiques et j'ai contribué efficacement à l'essor de l'entreprise; grâce à mes efforts, mes clients, mon autonomie, mon expertise LCM est aujourd'hui reconnue sur des marchés où elle n'était pas présente avant mon arrivée. C'est pourquoi je tiens à déplorer le traitement que je subis '

Aux termes d'une ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Paris le 19 novembre 2010 celui c-i a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes principales et reconventionnelles de Madame [T] et la société LOUIS CAPITAL MARKETS,

Par jugement rendu le 25 octobre 2012 par le conseil de prud'hommes de Paris, Madame [T] et la société LOUIS CAPITAL MARKETS ont été déboutées de l'ensemble de leurs demandes;

Madame [T] a interjeté appel de ce jugement

Par conclusions visées au greffe le 18 février 2015 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Madame [T] demande l'infirmation du jugement , le rejet des prétentions de la société LOUIS CAPITAL MARKETS et sa condamnation à lui verser les sommes suivantes :

90'830,10 euros à titre de rappel de rémunération variable 2009,

140'272 € à titre de rémunération variable 2010,

95'136 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 9513,60 euros au titre des congés payés afférents,

23'784 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

26'938,20 euros à titre de restitution des sommes indûment perçues par l'employeur à compter de janvier 2010,

253'696 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

100'000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

190'272 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

la capitalisation des intérêts

et subsidiairement la désignation d'un expert à la charge de la société LOUIS CAPITAL MARKETS afin de déterminer sa rémunération variable.

Par conclusions visées au greffe le 18 février 2015 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société LOUIS CAPITAL MARKETS demande la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a rejeté ses demandes reconventionnelles, le rejet des prétentions de Madame [T] et sa condamnation à lui verser les sommes suivantes :

58'333 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2010 en remboursement de la prime de fidélité,

25'000 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

94'342,38 euros à titre de dommages-intérêts pour brusque rupture,

16'908 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2010 au titre du solde de l'acompte accordé le 10 décembre 2009,

10'537 € bruts au titre du trop-perçu sur la rémunération variable 3ème et 4 ème trimestres 2009,

3000 € à titre d'amende civile,

20'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

subsidiairement voir constater que Madame [T] n'est pas éligible à recevoir sa rémunération variable sur l'année 2010, voir dire qu'en tout état de cause la société LOUIS CAPITAL MARKETS ne saurait être redevable que d'une somme de 39'041,50 euros sur les deux premiers trimestres de cette année et voir prononcer la compensation entre les créances respectives des parties.

MOTIFS

- sur la rémunération variable

Le contrat de travail en date du 27 octobre 2008 lequel se réfère à la convention collective nationale de la bourse du 26 octobre 1990 prévoit que Madame [T] percevra, en complément de sa rémunération fixe annuelle de 100.000 euros bruts, une rémunération variable brute, indemnité de congés payés incluse, déterminée par la différence avec la rémunération brute fixe annuelle, sachant que la rémunération totale brute (fixe + variable) devait être égale à:

-30% du chiffre d'affaires net personnellement réalisé par Madame [T], jusqu'à un chiffre d'affaires annuel de 1.000.000 d'euros;

-35% du chiffre d'affaires net personnellement réalisé par Madame [T], pour la tranche au-delà d'un chiffre d'affaires annuel de 1.000.000 d'euros ;

Ce contrat précise que le chiffre d'affaires net s'entend du chiffre d'affaires brut diminué des frais d'exécution et comptes erreurs négatifs, avoirs clientèle;

Il énonce par ailleurs que la rémunération variable fera l'objet de paiements trimestriels (avec un trimestre de décalage) sous forme d'avances et d'une régularisation annuelle en fin d'exercice sur la base du chiffre d'affaires annuel effectivement réalisé et vise que si Madame [T] prend l'initiative de la rupture du contrat, l'employeur n'aura pas à lui verser la part variable de sa rémunération si elle n'est pas présente dans l'effectif le jour de sa mise en paiement;

Madame [T] soutient que son employeur n'a pas pris en compte, pour calculer sa rémunération variable, l'intégralité du chiffre d'affaires qu'elle a généré, qu'il ne produit pas de documents comptables probants pour justifier du calcul de sa rémunération, que la société LOUIS CAPITAL MARKETS après lui avoir versé des acomptes d'un montant de 28'649 € et de 59'340 € pour le premier et deuxième trimestre 2009 a supprimé de manière unilatérale sa rémunération variable contractuelle à compter du troisième trimestre 2009 et procédé à tort en 2010 à des retenues sur un acompte de 50'000 € versé en décembre 2009, qu'ayant pris acte de la rupture de son contrat le 29 juin 2010, elle aurait du percevoir la rémunération variable qui lui était due au titre des deux derniers trimestres 2009 ainsi que des deux premiers trimestres 2010 intégralement travaillés;

Elle sollicite en conséquence la condamnation de la société LOUIS CAPITAL MARKETS à lui régler les sommes de 90'830,10 euros et de 140'272 € à titre de rappel de rémunération variable sur les années 2009 et 2010;

La société LOUIS CAPITAL MARKETS, UK, LLP conteste le non-paiement d'une partie de la rémunération de la salariée étant notamment observé qu'aucune somme n'est due au titre de l'année 2010 dont la rémunération variable annuelle n'était exigible qu'au 31 décembre. Elle fait au contraire valoir qu'elle a versé plus qu'elle ne devait et sollicite le remboursement par la salariée de la somme de 10'537 € bruts au titre d'un trop versé sur l'année 2009 , celui du solde de l'avance de 50.000 euros versé le 10 décembre 2009 pour un montant de 16'908,44 euros, ainsi que le remboursement à hauteur de 58'333 € d'une prime de fidélité versée le 28 avril 2010;

Le droit à rémunération est acquis lorsqu'une période a été intégralement travaillée et ne peut être soumis à une condition de présence à la date postérieure à son paiement;

Il s'en déduit que la société LOUIS CAPITAL MARKETS est ici redevable d'une rémunération variable contractuelle au titre des 4 trimestres 2009 et des deux premiers trimestres 2010 durant lesquels Madame [T] a travaillé ;

Par ailleurs, lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire afin de permettre au salarié de vérifier que le calcul a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail;

Madame [T] critique ici les tableaux chiffrés produits par l'employeur en ce que les pièces communiquées ne sont pas certifiées par un tiers indépendant et en ce que la société LOUIS CAPITAL MARKETS n'apporte aucun justificatif sur le chiffre d'affaires brut et sur les frais d'exécution et 'comptes erreurs négatifs' qui en ont été déduits. Elle fait valoir qu'elle a généré la totalité du chiffre d'affaires des produits dividendes sur indice et que la répartition des opérations effectuées entre les salariés et entre les bureaux londoniens et parisiens par l'employeur est injustifiée ;

Il doit cependant être observé que par ordonnance rendue le 12 avril 2011, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes a ordonné sous astreinte la communication par la société LOUIS CAPITAL MARKETS des chiffres d'affaires permettant le calcul de la rémunération variable de Madame [T] du 1er janvier 2009 au 29 juin 2010, ces chiffres devant être donnés mois par mois, sur les deux bureaux de [Localité 1] et [Localité 2] pour la période considérée;

La société LOUIS CAPITAL MARKETS a produit en conséquence des tableaux récapitulant les chiffres d'affaires pour chacun des types de produits visés par la salariée devant le bureau de conciliation ainsi qu'un tableau récapitulatif du chiffre d'affaires de Madame [T] sur chacun des produits au cours de la période contractuelle ;

Ces pièces en ce qu'elles sont produites dans les termes visés par le bureau de conciliation, serviront de base à la discussion entre les parties étant tenu compte si nécessaire des observations formulées par Madame [T] à leur encontre ;

Les tableaux communiqués par l'employeur (pièces 15 à 30) justifient que le chiffre d'affaires réalisé par Madame [T] concernait les produits dont la salariée fait état de la commercialisation par ses soins soit notamment les dividendes Swap CAC, Eurotoxx, AEX, Roll CAC, Eurotoxx, CAC et DAX, synthetic CAC, DAX, AEX;

Cette commercialisation n'apparaît pas exclusivement opérée par Madame [T], les pièces produites par l'employeur mentionnant également les chiffres d'affaire bruts réalisés sur certains de ces produits par d'autres salariés à [Localité 1] ou à [Localité 2] tels Monsieur [D] [B] ou Monsieur [I] [Q] en 2010, les attestations produites par Madame [T] visant ses relations spécifiques avec certains clients pour développer les produits 'delta one indice' ne permettant pas de remettre en cause le travail effectué par d'autres salariés de la société sur les produits susvisés et servant de base au calcul de leur rémunération ;

Le chiffre d'affaires net sur chacun des produits est communiqué par l'employeur avec l'identification précise de celui de Madame [T], un récapitulatif visant le chiffre d'affaires net de l'intéressée produit par produit étant par ailleurs communiqué faisant état d'une somme de 668'174 € en 2009 et de 296 805 € en 2010;

La répartition du chiffre d'affaires brut d'un montant total de 534'984 € est uniquement donné par l'employeur pour le premier trimestre 2010 ,

A cet égard, le seul récapitulatif établi par Madame [T] aux débats visant un chiffre d'affaires personnel brut de 508'792 € pour cette dernière période n'est pas étayé par des pièces comptables et ce montant apparaît manifestement disproportionné par rapport à celui du chiffre d'affaires global brut dont fait état l'employeur pour la même période au titre du travail de l'ensemble de ses salariés;

À défaut cependant pour l'employeur de justifier du chiffre d'affaires brut pour l'année 2009 permettant de s'assurer du bien-fondé de ses calculs aboutissant à la rémunération variable de l'année 2009, celle ci sera retenue à la somme de 111'747 € ;

La rémunération variable sera pour sa part retenue à la somme de 39'041,50 euros au titre des deux premiers trimestres 2010 sur la base des éléments susvisés ;

- sur la rupture du contrat de travail le 29 juin 2010

En application de l'article L 1231 - 1 du code du travail, le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ou d'un commun accord . Lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire ;

En l'espèce, Madame [T] fonde sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail sur le défaut de paiement de sa rémunération variable par l'employeur, son refus de fournir des données permettant le calcul de cette rémunération, sa modification unilatérale, l'infraction de travail dissimulé;

L'employeur fait valoir que ces griefs sont infondés et que la prise d'acte produit les effets d'une démission étant relevé que seule la rémunération variable éventuellement due à Madame [T] sur l'année 2009 peut être examinée par la cour pour apprécier les conditions de la rupture le 29 juin 2010 ; que Madame [T] venait de percevoir à cette date une prime de fidélité de 60'000 € et avait déjà trouvé une autre activité dans une société concurrente, qu'elle avait bénéficié antérieurement d'acomptes et d'avances d'un montant total de 125'000 € ;

Il a d'ores et déjà été relevé que l'employeur avait produit aux débats des documents utiles pour établir le montant de la rémunération variable de Madame [T];

Aux termes du contrat de travail, le paiement de la rémunération variable de Madame [T] s'opérait chaque trimestre avec un trimestre de décalage ;

Il s'en déduit que l'employeur devait au 29 juin 2010 avoir réglé la rémunération variable de Madame [T] due au titre de l'année 2009, les rémunérations variables des premier et deuxième trimestres 2010 ne devant être versées que postérieurement;

À cet égard, les bulletins de salaire produits aux débats justifient du versement des sommes de 28'649 € au mois de juillet 2009, 59'340 € au mois d'octobre 2009,9663 € au mois de janvier 2010 et 14'095 € au mois d'avril 2010 soit au total 111 747 euros ce dont il se déduit que Madame [T] était remplie de ses droits au titre de sa rémunération variable contractuellement prévue à la date de la prise d'acte ;

Madame [T] fait valoir qu'à compter du début 2010 à la mention 'variable' indiquée sur ses bulletins de salaire ont succédé les mentions 'bonus' et 'commissions' dont les montants étaient fortement réduits par rapport aux sommes versées jusque-là , qu'il s'en déduit que l'employeur a décidé de manière unilatérale de supprimer sa rémunération variable contractuelle allant même jusqu'à lui imposer un contrat de prêt en avril 2010 en lieu et place de cette rémunération afin de se soustraire aux cotisations sociales;

Si les mentions portées sur les bulletins de salaire varient entre juillet 2009 et avril 2010 par l'utilisation des mots 'variables', 'bonus' et ' commissions', il ressort cependant des pièces produites que le calcul des sommes ainsi versées est resté effectué sur la base de l'article 5 du contrat de travail du 27 octobre 2008 sans qu'il ne puisse donc en être déduit une modification unilatérale de la structure de la rémunération par l'employeur;

La cour a d'ores et déjà constaté que la salariée était remplie de ses droits au titre de la rémunération variable exigible à la date de la rupture ;

Il n'est justifié d'aucun caractère intentionnel susceptible de fonder un travail dissimulé par l'employeur;

En conséquence de ces éléments, la prise d'acte produit les effets d'une démission, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

- sur les comptes entre les parties au titre de la rémunération

Sur la base des mentions portées au contrat de travail et des éléments susvisés, Madame [T] devait percevoir des sommes totales de 211'747 € au titre de sa rémunération de l'année 2009 (100'000 € + 111'747 euros) et de 89'041,50 euros au titre de sa rémunération sur les 6 mois travaillés en 2010 ( 50'000 € + 39'041,50 euros),

Etant tenu compte des avances sur rémunération perçues en avril, juillet et décembre 2009 par la salariée d'un montant total de 125 000 euros et des sommes déduites postérieurement à ce titre par l'employeur, celui ci reste redevable d'une somme de 22'139,06 euros au titre de la rémunération variable portant sur l'année 2010 avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 5 novembre 2010 .

-Sur la demande de remboursement de l'indu formulé par l'employeur sur la base de la convention du 28 avril 2010

Les dispositions de l'article L 1321-6 alinéas 2 du code du travail ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger étant observé que l'absence de respect de ces dispositions n'aboutit pas non plus à rendre lesdits documents inopposables au salarié;

En l'espèce, le contrat de prêt intitulé 'forgivable loan' en date du 20 avril 2010 a été établi à [Localité 1] par la société employeur de droit anglais . Il a été rédigé en langue anglaise, langue pratiquée couramment Madame [T] dans le cadre de son travail;

La demande d'inopposabilité à la salariée le concernant sera rejetée compte tenu de ces éléments;

La convention ainsi passée a alloué à Madame [T] une prime de 60'000 € payée d'avance, pouvant donner lieu à un remboursement prorata temporis, en cas de départ du salarié avant un terme fixé de 3 ans, le remboursement du solde n'étant cependant du qu'en cas de démission ;

La prise d'acte produisant en l'espèce les effets d'une démission et la salariée ayant quitté la société le 29 juin 2010, Madame [T] sera condamnée à payer à la société LOUIS CAPITAL MARKETS, sur la base de la convention du 20 avril 2010, la somme de 58'333 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2010, date de la mise en demeure;

La compensation entre les créances respectives des parties sera ordonnée de même que la capitalisation des intérêts .

-Sur les demandes de dommages-intérêts formulées par Madame [T]

La cour n'a pas retenu le bien fondé des griefs formulés par la salariée à l'encontre de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail,

La demande d'indemnité pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail est dès lors rejetée ;

Il n'est pas justifié de l'existence d'un travail dissimulé étant observé que la prime payée d'avance dans le cadre de la convention du 28 avril 2010 n'avait pas à être soumise à cotisations sociales tant que la salariée n'était pas demeurée au service de l'employeur pendant la durée prévue de trois ans visée par cette convention;

La demande de dommages-intérêts de ce chef sera donc rejetée

-Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Lorsque la prise d'acte produit les effets d'une démission, le salarié peut être condamné à verser à l'employeur une indemnité pour non-respect du préavis sauf dispense de la part de l'employeur ou s'il n'a pu l'exécuter en raison de sa maladie ;

En l'espèce, il est justifie par les pièces médicales produites aux débats que Madame [T] se trouvait en arrêt maladie entre le 26 juin 2010 et le 9 juillet 2010 tandis que par courrier du 5 juillet 2010, la société LOUIS CAPITAL MARKETS l'informait de la cessation immédiate de son contrat après avoir établi son solde de tout compte le 30 juin;

Ces éléments s'opposent à faire droit à la demande de la société LOUIS CAPITAL MARKETS,

-Sur les dommages-intérêts sollicités par l'employeur au titre de la rupture

La société LOUIS CAPITAL MARKETS rappelle que la rupture est abusive si le salarié démissionne brusquement par abus manifeste dans le but de nuire à son employeur et entraîne notamment par son départ une désorganisation de l'entreprise ;

Elle fait valoir que Madame [T] a pris acte de la rupture de son contrat de travail alors qu'elle venait de percevoir une prime de fidélité et au même moment que démissionnaient deux autres salariés, qu'elle avait déjà trouvé une autre activité dans une société concurrente;

Il n'est cependant pas justifiée par l'employeur d'un emploi de Madame [T] immédiatement après la rupture intervenue le 26 juin 2010, le début de son travail auprès de la société FINACOR étant daté du 6 septembre 2010;

Le lien n'est pas établi entre son départ de la société et celui de Monsieur [P] [Y] et de Monsieur [Z] [J] ;

Madame [T] a enfin perçu la somme de 60'000 € le 30 avril 2010 sans qu'il ne soit justifié qu'à cette date elle avait pris la décision de quitter l'entreprise;

La demande de dommages et intérêts sollicitée est donc rejetée.

-Sur les autres demandes

L'abus d'ester en justice n'étant pas ici constitué, la demande d'amende civile n'a pas lieu d'aboutir;

Madame [T] qui succombe en ses demandes principales est tenue aux dépens;

Néanmoins , l'équité et la situation économique respective des parties justifient de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de Madame [T] afférente à la rémunération variable 2010 et la demande de la société LOUIS CAPITAL MARKETS afférente au paiement de l'indu sur la base de la convention du 28 avril 2010,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société LOUIS CAPITAL MARKETS à payer à Madame [T] la somme de 22'139,06 euros au titre de la rémunération variable portant sur l'année 2010 avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2010,

Condamne Madame [T] à payer à la société LOUIS CAPITAL MARKETS la somme de 58'333 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2010,

Ordonne la capitalisation des intérêts,

Ordonne la compensation des créances respectives des parties,

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [T] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/11397
Date de la décision : 07/04/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°12/11397 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-07;12.11397 ?
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