La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2015 | FRANCE | N°13/23610

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 02 avril 2015, 13/23610


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 02 Avril 2015



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/23610



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 septembre 2013 par le tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 12/00216



APPELANT

Monsieur [M] [F]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté et ayant

pour avocat plaidant Me Bernard de FROMENT de la SELAS ADAMAS - AFFAIRES PUBLIQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0291





INTIMÉS

FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION D'AVOUE

[Adres...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 02 Avril 2015

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/23610

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 septembre 2013 par le tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 12/00216

APPELANT

Monsieur [M] [F]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Bernard de FROMENT de la SELAS ADAMAS - AFFAIRES PUBLIQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0291

INTIMÉS

FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION D'AVOUE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Sandrine BOURDAIS, avocate au barreau de PARIS, toque : G0709

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Commissariat du gouvernement

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Monsieur [P] [O], commissaire du gouvernement en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 février 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Christian HOURS, président de chambre, spécialement désigné pour présider cette chambre par ordonnance de Madame la Première présidente de la Cour d'Appel de PARIS,

Monsieur Claude TERREAUX, conseiller, désigné par Madame la Première présidente de la Cour d'Appel de PARIS

Madame [B] [K], juge de l'expropriation au tribunal de grande instance de CRETEIL désignée conformément aux dispositions de l'article L.13-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MAREVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Christian HOURS, président et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel formé, le 4 décembre 2013, par M. [M] [F] d'une décision du juge de l'expropriation de Paris en date du 16 septembre 2013, ayant dit qu'aucune indemnité ne lui était due par le Fonds d'indemnisation de la profession d'avoués (FIDA) au titre de la loi 2011-94 du 25 janvier 2011, portant réforme de la représentation devant la cour d'appel, considérant que sa décision de partir à la retraite au 1er janvier 2012, date de la dissolution de la SCP à laquelle il appartenait, relevait de son libre choix.

M. [F] exerçait son activité d'avoué à [Localité 1], au sein de la SCP [M], dont il était devenu le seul titulaire des 1 532 parts sociales.

La SCP a perçu une indemnité de 1 447 068 euros qu'elle a contestée devant le juge de l'expropriation, au titre de son préjudice résultant de la perte du droit de représentation.

La commission avait en revanche estimé n'y avoir matière à offre pour le préjudice personnel de M. [F].

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- déposées au greffe par M. [F], les 30 janvier et 27 mars 2014, tendant à l'infirmation du jugement et à ce que :

- lui soit allouée la somme de 4 071 260,48 euros se décomposant comme suit :

. 2 770 431,10 euros au titre du préjudice de perte de revenus d'activité (entre 62 et 68 ans) ;

. 37 890 euros au titre du rachat de trimestres ;

. 69 433 euros au titre du préjudice de retraite (après 68 ans) ;

. 282 901,58 euros au titre de l'impossibilité de cotiser aux PERCO et PEI de l'entreprise ainsi qu'à la retraite complémentaire de la loi Madelin ;

. 311 792,80 euros au titre de la perte de son industrie ;

. 598 812 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence des avoués du fait des modalités successives de la réforme ;

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir avec capitalisation ;

- il soit ordonné à l'Etat de garantir le Fonds de toute condamnation ;

- le Fonds soit condamné à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le Fonds soit condamné aux dépens de première instance et d'appel ;

- déposées au greffe par le FIDA le 8 février 2014 et concluant à :

- la confirmation du jugement sur le débouté de M.[F] de l'ensemble de ses demandes ;

- y ajoutant, la condamnation de M. [F] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel ;

- adressées par le commissaire du gouvernement le 3 mars 2014, aux termes desquelles il conclut au rejet de l'ensemble des demandes présentées par M.[F].

MOTIFS DE L'ARRÊT

Considérant que M. [F] reproche au juge de l'expropriation d'avoir commis une inégalité de traitement, nullement justifiée par l'intérêt général, en refusant d'indemniser, pour la perte de revenus, l'ancien avoué qu'il était qui a été dans l'obligation de prendre sa retraite, alors qu'il a indemnisé des anciens avoués devenus avocats ; que l'article L13-13 du code de l'expropriation précise pourtant que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation ; que sa décision, courant 2011, de prendre sa retraite, alors qu'il aurait pu en définitive proroger son activité jusqu'à fin 2012, n'était pas un choix car il ne pouvait raisonnablement devenir avocat à 62 ans, eu égard au trop grand nombre d'avocats et au temps nécessaire pour se constituer une clientèle, de l'ordre de 7 ans ; qu'il s'estime ainsi victime d'une situation de violence économique au sens de l'article 1112 du code civil ; qu'il appuie ses demandes sur les dispositions précitées du code de l'expropriation et sur l'article 1 du protocole additionnel n°1 et la jurisprudence de la CEDH (arrêt Lallement), selon laquelle, lorsque le bien exproprié est l'outil de travail de l'exproprié, l'indemnité versée n'est pas raisonnablement en rapport avec la valeur du bien si d'une manière ou d'une autre elle ne couvre pas cette perte spécifique ; que sa structure d'exploitation a subi un grave déséquilibre du fait de la réforme et ne pouvait plus fonctionner dans les mêmes conditions économiques ; qu'il se fonde également sur l'interprétation a contrario de l'arrêt Wedenbourg contre l'Allemagne qui a refusé d'indemniser les études d'avocat à la suite de la suppression du monopole de plaidoirie dont ils bénéficiaient devant la cour d'appel car ils n'avaient apporté aucun élément concret prouvant qu'ils étaient tributaires des recommandations d'autres avocats pour trouver l'essentiel de leur clientèle ; qu'il démontre au contraire que la quasi-totalité des dossiers ouverts dans le cabient provenaient des avocats ; qu'il affirme que la Convention s'applique à la protection des privilèges accordés par la loi, lorsque ces privilèges donnent naissance à un espoir légitime d'acquérir certains biens ; qu'il sollicite :

- une indemnité pour sa perte de revenus qui est certaine pendant 6 ans (six années de baisse de son revenu annuel, soit 6 X 461 173,52 euros) ;

- l'indemnisation du préjudice en découlant pour ses droits à la retraite (rachat de 9 trimestres de retraite pour atteindre les 161 trimestres requis pour une retraite pleine à 65 ans, perte de droits à la retraite, perte de la possibilité de continuer à cotiser au régime de retraite complémentaire PERCO/PEI d'une part, MADELIN d'autre part) ;

- l'indemnisation de sa perte en industrie, les statuts prévoyant que 40 % du bénéfice revenait aux parts en industrie, de sorte qu'il est fondé à réclamer à ce titre 40 % du demi-net de la SCP sur l'année 2010) ;

- l'indemnisation du préjudice au titre des troubles dans les conditions d'existence des avoués du fait des modalités successives de la réforme, qui d'assez favorable a abouti à la décision du Conseil constitutionnel extrêmement traumatisante, équivalent à une année du bénéfice moyen des exercices pris en compte pour le calcul de l'indemnité de présentation ;

Considérant que le FIDA fait valoir qu'il résulte de la décision 2010-624 du Conseil constitutionnel que le versement d'indemnités pour des préjudices autres que celui résultant de la perte du droit de présentation et le préjudice subi par les avoués détenant des parts en industrie, était inconstitutionnel ; qu'il a ainsi écarté le préjudice de carrière (considérant 21), les préjudices économiques jugés purement éventuels (considérant 24), les anciens avoués pouvant devenir avocats et jouir d'un monopole de représentation non seulement devant les cours d'appel mais aussi les tribunaux de grande instance ; que le juge de l'expropriation ne pouvait dès lors statuer que sur le montant de l'indemnité pour perte du droit de présentation et l'indemnité allouée aux avoués qui exerçaient au sein d'une société dont ils détenaient des parts en industrie ;

Considérant qu'il souligne que la situation à prendre en compte est celle d'une profession juridique ayant perdu un monopole sur une partie seulement de son activité et bénéficiant de plusieurs contreparties ; que des revenus futurs ne constituent pas des biens actuels au sens du protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme ; que le juge national ne saurait ordonner une indemnisation excédant les limites fixées par le Conseil constitutionnel, qui primerait en l'espèce sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que l'application du code de l'expropriation ne saurait avoir pour effet de reconnaître un droit à indemnisation de préjudices économiques ou accessoires déclarés contraire à la Constitution au nom du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; que la perte de revenus invoqués pour l'avoué devenant avocat n'est qu'éventuelle ; qu'en l'occurrence il a été fait le choix d'un départ anticipé à la retraite avec ses conséquences alors que la loi lui permettait de maintenir son outil de travail en devenant avocat ; que la réparation du préjudice lié au préjudice d'industrie n'est pas simplement subordonnée à la condition de posséder des parts en industrie mais au fait de subir également une discordance entre la part de bénéfice qui lui revenait et celle correspondant à sa participation au capital ; qu'il n'est pas possible d'indemniser les autres préjudices invoqués qui sont purement éventuels ou d'ordre moral ;

Considérant que le commissaire du gouvernement demande à la cour de rejeter toutes les demandes de M. [F] ; qu'il soutient que l'indemnisation sollicitée, si tant est qu'elle est recevable, la SCP ayant accepté les sommes offertes, ne peut lui être allouée, s'agissant d'un préjudice économique que le Conseil constitutionnel a refusé d'indemniser sous peine de contrevenir au principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques et à la règle de bonne utilisation des deniers publics ;

Considérant que les avoués ont été institués par les décrets des 29 janvier et 20 mars 1791 pour représenter en justice les parties à un procès, après la suppression des charges des procureurs royaux dont le ministère était obligatoire depuis 1620 ; qu'ils ont été supprimés en même temps que les avocats par le décret du 24 octobre 1793, avant d'être rétablis par la loi du 18 mars 1800 près les juridictions de première instance, d'appel et de cassation, qui leur attribue un monopole de la postulation, tant en matière civile que pénale, l'Etat fixant leur nombre et leur rémunération ;

Considérant que la loi du 18 février 1801 a supprimé la spécialité d'avoué près les tribunaux criminels ; qu'après le rétablissement, également en 1800, de la profession d'avocat, celui-ci étant en charge de la plaidoirie, l'avoué a conservé le monopole de la postulation et du dépôt des conclusions ; que la profession d'avoué a été scindée en celle d'avoué au tribunal et d'avoué à la cour d'appel ;

Considérant que la loi du 28 avril 1816 a consacré la patrimonialité des offices, les avoués étant autorisés à présenter un successeur au roi puis au garde des Sceaux, pourvu qu'il réunisse les qualités ; que ce système a été maintenu, le titulaire de l'office, officier ministériel, jouissant ainsi d'un droit de présentation de son successeur, un traité étant conclu avec celui-ci, fixant un prix de cession, soumis à l'agrément de la Chancellerie ;

Considérant que la patrimonialité des offices d'avoué a été supprimée dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, après la guerre de 1870, sans avoir été rétablie après 1918, les lois du 20 février 1922 et 29 juillet 1928 définissant seulement un régime de postulation spécifique, où les avocats doivent choisir de postuler devant le tribunal de grande instance ou devant la cour d'appel ;

Considérant que les offices d'avoué au tribunal de grande instance et ceux d'avoués près les cours d'appel dans les départements d'outre-mer ont été supprimés par la loi du 31 décembre 1971, les anciens avoués devenant avocats ;

Considérant que les avoués à la cour d'appel ont conservé le monopole de la postulation devant les cours d'appel dans les procédures où la représentation est obligatoire, soit la majorité du contentieux civil, à l'exclusion notable des affaires portées devant les chambres sociales des cours d'appel ; qu'ils peuvent en outre exercer une activité hors monopole de consultation juridique, de rédaction d'actes sous seing privé, de représentation et de plaidoirie dans des contentieux judiciaires ou administratifs où la représentation n'est pas obligatoire ;

Considérant que les avocats, s'ils avaient la possibilité de plaider partout en France, ne pouvaient postuler que devant le tribunal de grande instance dont dépendait leur barreau d'inscription (les avocats des barreaux de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil pouvant eux postuler devant tous ces tribunaux de grande instance, issus de l'ancien tribunal de la Seine) ;

Considérant que les avoués percevaient pour leur activité monopolistique des émoluments tarifés, selon un tarif fixé par le décret du 30 juillet 1980, modifié en 1984, puis en 2003 ;

Considérant qu'à la suite des rapports au Président de la République présentés par MM.[Z] (2008) et [D] (2009), remettant en cause le bien-fondé de la dualité d'intervention de l'avoué et de l'avocat, en cause d'appel et compte tenu de la directive 2006/123 relative aux services dans le marché intérieur (directive « services »), un projet de loi a été élaboré, intégrant les avoués dans la profession d'avocat en les inscrivant au barreau près du tribunal de grande instance dans le ressort duquel leur office est situé, avec possibilité de renoncer à devenir avocat ou de choisir un autre barreau ; que, corrélativement, l'activité des avocats a été étendue à la postulation devant la cour d'appel, le tarif de postulation en cause d'appel étant supprimé ;

Considérant que le projet initial prévoyait seulement une indemnisation du droit de présentation des avoués correspondant aux deux tiers de la valeur de la charge, qui sera portée par l'Assemblée nationale à la totalité de cette valeur, le Sénat ajoutant ensuite l'indemnisation des préjudices de carrière, économique, accessoires et désignant le juge de l'expropriation de [Localité 2] pour fixer cette indemnisation en cas de désaccord des avoués sur les propositions à eux faites par une commission chargée de statuer sur leurs demandes ;

Considérant que sur le recours de 82 sénateurs, contestant notamment, d'une part, les modalités de l'indemnisation des avoués prévues par la loi déférée, en ce qu'elle n'était pas préalable à la suppression de cette profession, d'autre part, le régime fiscal de cette indemnisation, le Conseil constitutionnel a rejeté ces contestations et, se saisissant d'office, a notamment considéré que le préjudice de carrière était inexistant pour un avoué, que le préjudice économique et les préjudices accessoires toutes causes confondues étaient purement éventuels, compte tenu des activités qu'ils pouvaient continuer d'exercer et qu'en prévoyant l'allocation d'indemnités correspondant à ces préjudices, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée avaient méconnu l'exigence de bon emploi des deniers publics et créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

Considérant qu'en conséquence l'article 13 de la loi déférée, ainsi libellé initialement : "les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L13-1 à L13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi..." a été privé par la décision n°2010-624 DC du 20 janvier 2011 des mots "du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues" , de même que des mots " en tenant compte de leur âge" ;

Considérant sur la recevabilité de la demande d'indemnisation présentée par M. [F], que l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011dispose que les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi. L'indemnité est versée par le fonds d'indemnisation prévu à l'article 19. Par dérogation aux règles de compétence territoriale, le juge de l'expropriation compétent est celui du tribunal de grande instance de Paris. Dans un délai de trois mois suivant la cessation de l'activité d'avoué près les cours d'appel et au plus tard le 31 mars 2012, la commission prévue à l'article 16 notifie à l'avoué le montant de son offre d'indemnisation. En cas d'acceptation de l'offre par l'avoué, l'indemnité correspondante est versée à l'avoué dans un délai d'un mois à compter de cette acceptation ;

Considérant que la recevabilité des demandes de M. [F], dont les demandes d'indemnisation à titre personnel ont été rejetées par la commission, n'est pas contestable ;

Considérant que l'indemnisation des préjudices économique et accessoires, toutes causes de préjudices confondues, a été déclarée contraire à la Constitution, de même que la référence à l'âge de l'avoué, au regard du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ;

Considérant que cette décision et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire ne peuvent être écartés par le juge ordinaire, eu égard aux dispositions impératives de l'article 62 de la Constitution, disposant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours et s'imposent aux pouvoirs publics ainsi qu'à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ;

Considérant que si le juge ordinaire est certes compétent pour apprécier la conventionnalité des lois, il ne peut fait application de dispositions jugées inconstitutionnelles, les décisions du Conseil constitutionnel et leurs motifs prévalant, dans l'ordre juridique interne, sur les dispositions conventionnelles ;

Considérant en tout état de cause, que le juge de l'expropriation évalue le préjudice au jour du jugement de première instance, selon une date de référence située au jour de l'application de la loi ; qu'à cette date, l'avoué perdant son monopole de postulation devant la cour d'appel, conserve néanmoins son outil de travail puisqu'il peut continuer d'exercer son activité, quand bien-même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats, susceptibles de devenir des concurrents ; qu'il doit cependant être observé à cet égard que de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir à un ancien avoué pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant ; que des partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place ; que l'ancien avoué peut également postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépend et intervenir pour plaider devant toutes les juridictions ; qu'il peut donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé ;

Considérant que l'évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique ;

Considérant par ailleurs que la suppression du monopole de postulation devant leur cour était motivée notamment par un but d'intérêt public de simplification de la procédure et d'abaissement de son coût, c'est à dire par le souci d'une meilleure administration de la justice ; qu'elle constituait ainsi une immixtion justifiée, voire obligatoire, des pouvoirs publics, proportionnée eu égard à l'intervention prévue du juge de l'expropriation susceptible d'indemniser raisonnablement les préjudices directement liés à la perte du droit de présentation, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, étant souligné que le droit mis à la charge du justiciable en cause d'appel est insuffisant à assurer le financement et la trésorerie des sommes à revenir aux avoués ;

Considérant que les avoués ne sont dès lors pas fondés à obtenir, au delà de l'indemnisation de leur droit de créance résultant de la perte de leur droit de présentation, l'équivalent monétaire de ce qu'ils auraient continué de percevoir si la réforme n'était pas survenue ;

Considérant qu'en l'espèce M. [F] a fait le choix personnel de prendre sa retraite et ne peut prétendre à la fois en jouir et continuer à percevoir les revenus qu'il percevait en exerçant son activité avant la suppression de la profession d'avoué ;

Considérant qu'en conséquence, M. [F] doit être débouté de ses demandes d'indemnisation des préjudices économiques allégués tenant aux pertes de revenus et de droits à la retraite, y compris en termes de cotisations ;

Considérant qu'en matière d'expropriation, le préjudice moral n'est pas indemnisable, de sorte que la demande de dommages et intérêts visant les troubles dans les conditions d'existence présentée par M. [F] ne peut être accueillie ;

Considérant que le jugement doit être entièrement confirmé ;

Considérant qu'il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; qu'en revanche, M. [F] supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du juge de l'expropriation de [Localité 2] du 16 septembre 2013 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

DIT que chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

DIT que M. [F] supportera les dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 13/23610
Date de la décision : 02/04/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°13/23610 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-02;13.23610 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award