La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2015 | FRANCE | N°13/14769

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 02 avril 2015, 13/14769


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7





ARRÊT DU 02 Avril 2015



(n° , 14 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/14769



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 Juillet 2013 par le tribunal de grande instance de Paris - RG n° 13/00028





APPELANT

FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION DES AVOUES

DACS

[Adresse 1]

75001 PARIS

Représent

é et ayant pour avocat plaidant Me Sandrine BOURDAIS, avocate au barreau de PARIS, toque : G0709





INTIMÉES

S.C.P. GRAMMAGNAC-YGOUF, BALAVOINE & LEVASSEUR

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée et ayant ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 02 Avril 2015

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/14769

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 Juillet 2013 par le tribunal de grande instance de Paris - RG n° 13/00028

APPELANT

FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION DES AVOUES

DACS

[Adresse 1]

75001 PARIS

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Sandrine BOURDAIS, avocate au barreau de PARIS, toque : G0709

INTIMÉES

S.C.P. GRAMMAGNAC-YGOUF, BALAVOINE & LEVASSEUR

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Nadine PROD'HOMME SOLTNER, avocate au barreau de PARIS, toque : L0165

Madame [J] [I] épouse [Z]

Née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 3] (27)

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Nadine PROD'HOMME SOLTNER, avocate au barreau de PARIS, toque : L0165

Monsieur [L] [V]

Né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 2] (50)

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Nadine PROD'HOMME SOLTNER, avocate au barreau de PARIS, toque : L0165

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Commissariat du gouvernement

[Adresse 2]

75001 PARIS

Représentée par M. [O] [X], commissaire du gouvernement, désigné en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Christian HOURS, président de chambre, spécialement désigné pour présider cette chambre par ordonnance de Madame la Première présidente de la cour d'appel de PARIS,

Madame Maryse LESAULT, conseillère, désignée par Madame la Première présidente de la cour d'appel de PARIS,

Madame Sylvie SUPLY, juge de l'expropriation au tribunal de grande instance de BOBIGNY, désignée conformément aux dispositions de l'article L. 13-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

GREFFIÈRE : Madame Amandine CHARRIER, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Monsieur Christian HOURS, président et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel formé, le 18 juillet 2013, par le Fonds d'indemnisation des avoués (le FIDA) d'une décision du juge de l'expropriation de Paris en date du 1er juillet 2013, fixant avec exécution provisoire, de la façon suivante, l'indemnisation due à la SCP Grammagnac-Ygouf, Balavoine, [I], en liquidation amiable, titulaire d'une charge d'avoués à Caen (la SCP), ainsi qu'à Mme [J] [I], épouse [Z] et M. [L] [V], avoués, au titre de la loi 2011-94 du 25 janvier 2011, portant réforme de la représentation devant la cour d'appel :

Pour la SCP Grammagnac-Ygouf, Balavoine, Levasseur

- indemnité principale pour perte du droit de présentation : 1 208 777 euros (méthode du produit demi-net sur les exercices 2006 à 2010 ;

- indemnité de remploi : 119 728 euros (comme en matière d'expropriation de fonds de commerce) ;

- frais liés au licenciement du personnel : sursis à statuer ;

- frais d'archivage : 26 178 euros ;

- frais d'assurance et de gestion de la chambre nationale des avoués (CNA) : 14 400 euros ;

Pour Mme [J] [I], épouse [Z] et M.[L] [V]

- perte de revenus pour chacun d'eux : 150 000 euros (trois années du revenu médian de la profession d'avocat) ;

A la SCP, Mme [I] et M.[V], ensemble, la somme de 6 000 euros pour les frais non compris dans les dépens.

Le juge de l'expropriation n'a pas fait droit aux demandes :

- de la SCP aux titres de la résiliation des contrats en cours (préjudice non certain ou indirect), de la reconversion et à l'adaptation de l'outil de travail ;

- de Mme [I] et de M.[V] en production des offres faites aux autres avoués, au titre des intérêts des emprunts, des frais d'assurance et pour trouble dans les conditions d'existence des avoués du fait des modalités successives de la réforme.

Il est rappelé que la SCP Grammagnac-Ygouf, Balavoine, Levasseur n'a pas accepté l'offre d'indemnisation de la Commission nationale d'indemnisation à hauteur de 1 153 983 euros (droit de présentation pour 1 111 788 euros, forfait archivage pour 27 795 euros et assurances responsabilité civile/cotisation CNA pour 14 400 euros), mais qu'elle en a obtenu le versement à titre provisionnel, selon ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Coutance du 7 juin 2012. La SCP a par ailleurs accepté l'offre d'indemnisation à hauteur de la somme de 24 398,68 euros au titre du poste contrat de sécurisation professionnelle pour trois salariés (Mmes [A], [S] et [F]).

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- déposées au greffe par le FIDA, les 18 septembre 2013 et 22 janvier 2014, tendant :

- à l'infirmation du jugement,

- au débouté de Mme [I] et de M.[V] de l'ensemble de leurs demandes,

- à la fixation de l'indemnité allouée à la SCP Grammagnac-Ygouf, Balavoine, [I] au titre du droit de présentation à la somme de 1 111 788 euros, avant déduction des sommes déjà versées, mais à laquelle viendra s'ajouter la somme prise en charge par le FIDA au titre des contrats de sécurisation professionnelle,

- à la condamnation de ladite SCP à lui rembourser le trop-perçu de 42 195 euros au titre des indemnités indûment reçues,

- au débouté des autres demandes de la SCP,

- à la condamnation de la SCP Grammagnac-Ygouf, Balavoine, Levasseur, de Mme [I] et de M.[V] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déposées au greffe par la SCP Grammagnac-Ygouf, Balavoine, Levasseur, ainsi que par M. [V] et Mme [I], les 19 décembre 2013 et 7 novembre 2014, concluant à :

- la confirmation du jugement sur l'indemnisation de la SCP Grammagnac-Ygouf, Balavoine, [I] à la somme globale de 1 369 083 euros (droit de présentation, indemnité de remploi, frais d'archivage, charges ordinales) ;

- la constatation de l'acceptation par la SCP de l'offre complémentaire de la Commission d'indemnisation du 24 juin 2014, portant sur la somme de 24 398,68 euros à lui revenir au titre des frais de licenciement et des contrats de sécurisation professionnelle ;

- la condamnation du Fonds, sur son appel incident, à verser :

- à la SCP Grammagnac-Ygouf, Balavoine, Levasseur les sommes de :

- 34 118,68 euros, au titre de la résiliation des contrats en cours ;

- 20 655 euros, au titre des frais de liquidation ;

- 53 543,66 euros, au titre du déséquilibre d'exploitation ;

- 14 600 euros, au titre des frais de déménagement ;

- à M. [L] [V] les sommes de :

- 2 381 513 euros, au titre du trouble professionnel et de la perte de revenus ;

- 149 840 euros, au titre de la perte des droits à la retraite ;

- 11 668,41 euros, en remboursement des intérêts d'emprunts professionnels provisoirement arrêtés au 31 décembre 2014, outre les intérêts à courir postérieurement à cette date jusqu'au versement effectif de l'indemnisation ;

- 20 000 euros, en réparation du trouble subi dans les conditions d'existence ;

- 68 850 euros, à titre d'indemnité de remploi, à titre subsidiaire, aux lieu et place de la SCP ;

- à Mme [J] [I] les sommes de :

- 1 609 060 euros, au titre du trouble professionnel et de la perte de revenus ;

- 117 272 euros, au titre de la perte des droits à la retraite ;

- 9 870,49 euros, en remboursement des intérêts d'emprunts professionnels provisoirement arrêtés au 31 décembre 2014, outre les intérêts à courir postérieurement à cette date jusqu'au versement effectif de l'indemnisation ;

- 20 000 euros, en réparation du trouble subi dans les conditions d'existence ;

- 53 877 euros, à titre d'indemnité de remploi, à titre subsidiaire, aux lieu et place de la SCP ;

- le débouté du Fonds d'indemnisation et du commissaire du gouvernement de l'ensemble de leurs demandes contraires à ce dispositif, ainsi que la confirmation du jugement en ses autres dispositions non contraires audit dispositif ;

- la condamnation du Fonds à payer à la SCP Grammagnac-Ygouf, Balavoine, Levasseur, la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;

- adressées par le commissaire du gouvernement, les 20 décembre 2013 et 2 janvier 2014, aux termes desquelles il demande :

- l'infirmation du jugement sur l'indemnité revenant à la SCP pour la perte du droit de présentation et l'indemnité de remploi, ainsi que sur l'indemnité revenant à M.[V] et Mme [I] ;

- la confirmation du jugement sur les autres points, à l'exception des indemnités dues au titre des frais d'archivage, des frais d'assistance de professionnels qualifiés et des frais d'assurances et de gestion de la CNA, laissés à l'appréciation de la cour ;

MOTIFS DE L'ARRÊT

Considérant que sur l'indemnisation du droit de présentation de la SCP, le Fonds soutient que :

- conformément au considérant 20 de la décision du Conseil constitutionnel, l'indemnité doit être fixée dans la limite de la valeur de l'office ; aucun droit de propriété ne peut être revendiqué sur un monopole de postulation, ce qui constituerait le retour à la vénalité des charges ; seul doit être indemnisé le préjudice résultant de la perte du droit de présentation ; le principe de bon emploi des deniers publics trouve à s'appliquer, peu important que l'indemnisation des anciens avoués soit financée par une taxe, dès lors que celle-ci est acquittée par l'ensemble des contribuables ;

- la méthode du produit demi-net (recettes brutes diminuées de certaines charges à savoir loyers, salaires, cotisations sociales et taxe professionnelle avec application d'un coefficient censé refléter les conditions économiques locales) ne peut être adoptée car elle ne retient qu'une partie des charges et a d'ailleurs été abandonnée par la Chancellerie dans sa circulaire du 26 juin 2006 ;

la nouvelle méthode appliquée à partir de l'analyse de tableaux financiers déterminant un compte de résultant comportant l'ensemble des recettes et des charges donne une vision plus exacte de l'office et du droit de présentation ; la méthode prévue par l'article 6 du décret du 1er avril 2011 est la méthode la plus appropriée, qui calcule l'indemnisation en prenant pour base la moyenne entre, d'une part, la recette nette moyenne des cinq derniers exercices comptables dont les résultats sont connus de l'administration fiscale à la date de publication de la loi et d'autre part, trois fois le solde moyen d'exploitation des mêmes exercices ; cette méthode exclut les divergences de coefficients selon les régions et ne rompt pas l'égalité entre les 220 avoués qui ont accepté l'offre de la commission et les 15 qui l'ont refusée ;

- il n'y a pas lieu de retenir les bonifications apportées par la Commission au titre du forfait archivage et au titre de l'assurance responsabilité civile/cotisation CNA, qui avaient été faites dans le cadre d'une offre amiable, qui a été refusée et ne peut être considérée comme maintenue ;

Considérant que le FIDA fait également valoir qu'il résulte de la décision 2010-624 du Conseil constitutionnel que le versement d'indemnités pour des préjudices autres que celui résultant de la perte du droit de présentation et le préjudice subi par les avoués détenant des parts en industrie, était inconstitutionnel ; que le Conseil constitutionnel a ainsi écarté le préjudice de carrière (considérant 21), les préjudices économiques jugés purement éventuels (considérant 24), les anciens avoués pouvant devenir avocats et jouir d'un monopole de représentation non seulement devant les cours d'appel mais aussi les tribunaux de grande instance ; que le juge de l'expropriation ne pouvait dès lors statuer que sur le montant de l'indemnité pour perte du droit de présentation et l'indemnité allouée aux avoués qui exerçaient au sein d'une société dont ils détenaient des parts en industrie ;

Considérant que, selon le FIDA, la situation à prendre en compte est celle d'une profession juridique ayant perdu un monopole sur une partie seulement de son activité et bénéficiant de plusieurs contreparties ; que des revenus futurs ne constituent pas des biens actuels au sens du protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme ; que le juge national ne saurait ordonner une indemnisation excédant les limites fixées par le Conseil constitutionnel et qui primerait en l'espèce sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que l'application du code de l'expropriation ne saurait avoir pour effet de reconnaître un droit à indemnisation de préjudices économiques ou accessoires déclarés contraire à la Constitution au nom du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; que la transposition de l'indemnité de remploi à l'indemnisation des avoués n'est pas concevable puisqu'alors il n'y a ni expropriation ni prise de possession (le droit de présentation n'est transféré à personne et il n'y a pas indemnisation préalable) ni remploi concevable ; qu'il n'est pas possible d'indemniser les autres préjudices invoqués qui sont purement éventuels ou d'ordre moral ;

Considérant que le FIDA observe que, sur le fondement de l'article L13-13 du code de l'expropriation, seuls les préjudices directement nés de la perte du droit de présentation et présentant un caractère matériel et certains peuvent être pris en considération ; que le préjudice lié à la résiliation des contrats en cours pouvait être évité et transféré à la nouvelle entité ; que les honoraires des professionnels correspondent à un choix de la SCP qui doit en assumer les conséquences ; que, s'agissant du déséquilibre d'exploitation invoqué, la gestion des dossiers ouverts avant la réforme a pour contrepartie la perception de la rémunération prévue auparavant; que les frais de déménagement sont un préjudice accessoire dont l'indemnisation a été refusée par le Conseil constitutionnel ;

Considérant que le Fonds fait encore valoir, s'agissant des demandes des avoués à titre personnel, que le préjudice pour trouble dans les conditions d'existence des avoués et la perte des droits à la retraite sont des préjudices accessoires, toutes causes de préjudice confondues, dont l'indemnisation est prohibée par le Conseil constitutionnel ; que, sur le fondement de l'article L13-13 du code de l'expropriation, le préjudice pour trouble est un préjudice moral non indemnisable, tandis que le préjudice pour manque à gagner n'est pas un préjudice certain ; que l'indemnisation de la perte de revenus a également été écartée par le Conseil constitutionnel comme étant un préjudice purement éventuel, méconnaissant l'exigence du bon emploi des deniers publics et conduisant à une rupture de l'égalité devant les charges publiques, étant souligné que nul n'a le droit au maintien d'une législation et qu'il n'y a pas d'obligation d'indemniser systématiquement tous ceux qui pourraient souffrir d'une façon quelconque de ce changement, le système judiciaire pouvant être modifié selon les modalités estimées par l'Etat être les plus conformes à l'intérêt général ; que les montants demandés ne visent qu'à permettre la reconduction future d'un revenu passé et reviennent à indemniser les intéressés jusqu'à la retraite ; qu'il n'y a pas lieu à indemnisation de l'industrie pure des avoués, dès lors que la loi n'a prévu l'indemnisation que des avoués exerçant au sein du société dont ils détiennent des parts en industrie, ce qui n'est pas le cas, les anciens avoués confondant industrie et parts en industrie; qu'il observe que la participation aux bénéfices des anciens avoués suit leurs participations au capital ; qu'il n'existe aucune discordance à cet égard, de sorte qu'il n'y a lieu à aucune indemnisation de ce chef ; que la demande d'indemnisation des intérêts des emprunts doit être rejetée, les intéressés pouvant solliciter le remboursement anticipé du prêt, ce qu'ils ont choisi de ne pas faire ;

Considérant que la SCP et les anciens avoués se prévalent des dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), selon lequel toute personne a droit au respect de ses biens, nul ne pouvant être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; qu'ils observent que le Conseil constitutionnel est juge de la constitutionnalité des lois mais non de leur conventionnalité, à la différence du juge national qui a l'obligation d'appliquer les dispositions issues de traités internationaux ; que l'office d'avoué, tout comme l'espérance légitime de tirer profit de cet office, sont des biens au sens de l'article 1er du premier protocole ; qu'ils sont fondés, par suite de l'inconventionnalité de la loi du 25 janvier 2011, dans sa version censurée par le Conseil constitutionnel, à solliciter l'indemnisation appréciée in concreto de l'ensemble des préjudices qui sont la conséquence directe de la suppression de la profession d'avoué ; qu'ils excipent également de l'article L13-13 du code de l'expropriation, auxquels il est fait référence dans la loi du 25 janvier 2011, selon lesquels les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; qu'en l'espèce la clientèle des avoués qui provenait presque exclusivement des avocats va disparaître, puisque ceux-ci n'auront plus l'obligation de passer par un avoué ;

Considérant que la SCP soutient qu'il convient de recourir à la méthode d'évaluation du demi-net, que la circulaire du 26 juin 2006 ne condamne nullement et qui a continué à être utilisée pendant les 12 dernières années pour les cessions d'études d'avouées sur la cour d'appel de Caen, le cédant et le cessionnaire étant laissés libres du processus d'évaluation de l'office, sous le seul contrôle de la régularité et de la normalité du prix de cession opéré par le Parquet général ;

Considérant sur l'indemnité de remploi que la SCP reproche au commissaire du gouvernement de se contredire sur ce point par rapport à son argumentation de première instance ; qu'il convient d'appliquer le régime juridique de l'expropriation (R13-46 du code de l'expropriation) comme le prévoit l'article 13-1 de la loi du 25 janvier 2011, de sorte qu'il est normal que le juge de l'expropriation ait retenu pour cette indemnité un taux identique à celui applicable en matière d'expropriation de fonds de commerce ; que cette indemnité est d'autant plus nécessaire que le capital lié à la perte du droit de présentation sera amputé par l'impôt sur les plus-values, les charges courantes et le remboursement du capital restant dû pour le remboursement des parts ;

Considérant que la SCP admet que le poste de préjudice correspondant aux contrats de sécurisation professionnelle a été indemnisé ; qu'elle demande la confirmation du jugement sur les frais d'archivage au vu du devis qu'elle produit ; qu'il y a lieu également de maintenir l'indemnisation des cotisations ordinales que le Fonds ne contestait pas en première instance ;

Considérant sur son appel incident, qu'elle demande l'indemnisation des conséquences de la résiliation des contrats en cours (bail, maintenance monte-charges, abonnements divers, copieur et fax, mission annuelle d'expertise comptable), qui interviendra avec la clôture des opérations de liquidation de la SCP, soit un préjudice futur mais certain ; qu'elle conteste que les frais exposés pour s'assurer le concours de professionnels fassent partie des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile, dès lors qu'il n'ont pas été engagés dans le cadre de cette instance ; qu'il existe des frais de reconversion et d'adaptation de l'outil de travail, la SCP qui est en cours de liquidation n'ayant plus ouvert de dossiers depuis le 1er janvier 2012 mais devant continuer de traiter les dossiers ouverts auparavant, ce qui provoque un déséquilibre d'exploitation ; qu'il y a lieu également de tenir compte des frais futurs mais certains de déménagement et de remise en état des lieux à exposer par la SCP, les anciens associés ne pouvant s'y maintenir ;

Considérant que les anciens avoués réclament à titre personnel l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de revenus au titre de leur industrie, alors que 70 avoués ont reçu une offre d'indemnisation de ce préjudice ; qu'il est nécessaire dans un souci de transparence que le Fonds les communique ; qu'à défaut, le Fonds ne peut discuter utilement les sommes réclamées de ce chef, ayant reconnu pour ces avoués un droit à indemnisation s'ajoutant au droit de remboursement de la valeur patrimoniale de l'office ; qu'ils doivent être indemnisés dès lors que les statuts de la SCP prévoient une rémunération de l'industrie à concurrence de 80 % des bénéfices ; qu'il est établi qu'un avoué ne détenant que 0,12 % du capital social d'une société d'avoués et n'ayant par conséquent effectué qu'un investissement financier très limité pour accéder à la profession, s'est vu offert 805 870 euros au titre de la perte de revenus ; qu'en l'espèce, le préjudice subi par les avoués n'est pas qu'éventuel, ce qu'à d'ailleurs expressément reconnu le Fonds en demandant la suspension de l'exécution provisoire devant le premier président et qu'il ne peut désormais se contredire au détriment d'autrui ; qu'ainsi doit être réparée la perte de revenus pendant l'horizon de temps nécessaire à la récupération d'une situation si possible équivalente à celle antérieure à l'atteinte portée par la loi à leur situation, qui constitue une charge exorbitante et spéciale ; que ce préjudice ne peut être réparé forfaitairement comme l'a fait le premier juge, alors que les avoués ont droit à une réparation appropriée et individualisée, par conséquent intégrale ; que les revenus moyens de M. [V] et de Mme [I] étaient respectivement en 2011 de 10 906 euros par mois et de 8 362 euros par mois, alors que le revenu moyen de l'avocat bas-normand est de 55 952 euros par an, soit 4 662,66 euros par mois ; qu'ils doivent faire face au remboursement des emprunts contractés pour acheter leurs parts, respectivement 131 495,38 euros et 145 597,38 euros, ce qui les empêche de contracter un financement bancaire pour acquérir, le cas échéant, une clientèle d'avocat ou d'entrer comme associé dans une structure existante ; que pour éviter une imposition des plus-values à titre individuel, ils ont dû liquider la société et exercer individuellement, ce qui s'est traduit par un effondrement de leurs revenus et même un déficit en 2012 de 1 708,25 euros par mois pour Mme [I], tandis que M. [V] a réalisé un bénéfice fiscal de 3 384,66 euros par mois avant remboursement des prêts professionnels ; que leur préjudice peut être calculé en multipliant le différentiel entre leurs revenus moyens d'avoué de l'année 2009 (la meilleure) et le revenu moyen d'avocat par le nombre d'années d'activité restant à réaliser par chaque avoué (26 et 25 ans) ; que la deuxième méthode plus favorable et devant être retenue consiste à calculer le préjudice sur deux périodes, sur une première période de 10 ans nécessaire pour constituer un cabinet rentable permettant d'atteindre le niveau moyen de revenu de l'avocat du ressort et sur une deuxième période y faisant suite jusqu'à l'âge de la retraite ;

Considérant que les anciens avoués demandent également l'indemnisation réelle de la perte des droits de retraite due au fait que la chute de leurs revenus ne leur permettra pas de cotiser à la même hauteur et du fait que les droits servis du fait de la rupture de régime seront inférieurs à ceux qui auraient résulté de la poursuite de l'affiliation à la CAVOM ;

Considérant qu'ils réclament encore le remboursement des intérêts des emprunts contractés pour faire l'acquisition des parts sociales de la SCP ; qu'ils n'ont pas pu user du mécanisme prévu par l'article 17 de la loi pour ne pas priver les trois associés de tout acompte légalement prévu pour assurer une trésorerie, dès lors que cette option ne permettait que le remboursement du capital emprunté par déduction sur l'acompte versé, venant ici en absorber la quasi-totalité ; qu'ils estiment ainsi que ce préjudice trouve fondamentalement sa cause dans la loi litigieuse ;

Considérant qu'ils soutiennent enfin que les conditions d'incertitude prolongée dans laquelle la réforme est intervenue, ont créé une situation de trouble professionnel et personnel profond, d'une tension et d'une angoisse forte depuis 2012, les difficultés de reconversion sans trésorerie, sans masse salariale, sans revenu, sans indemnisation effective, tout en devant continuer de faire face à leurs charges sociales, financières, personnelles et fiscales leur ont occasionné un préjudice sérieux et profond dans leurs conditions d'existence, aggravé par l'attitude procédurale du Fonds;

Considérant que le commissaire du gouvernement conteste le jugement rendu :

- sur l'indemnité pour perte de présentation en ce qu'il considère que les dispositions de l'article 6 du décret du 1er avril 2011 permettent d'approcher de la façon la plus juste son montant, tout en retenant les résultats des exercices 2006 à 2010 ;

- sur l'indemnité de remploi, s'agissant d'un préjudice accessoire que le Conseil constitutionnel a refusé d'indemniser sous peine de contrevenir au principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques et au principe de la bonne utilisation des deniers publics ; qu'en outre, au regard des textes du code de l'expropriation, il ne peut être estimé que les avoués perdent leur outil de travail ni qu'il y a dépossession par la puissance publique au sens de l'article 17 de la déclaration de 1789 et transfert au profit de l'Etat ou d'une autre personne avec versement d'une indemnité préalable, puisqu'ils conservent de fait leur activité initiale qui leur confère une spécialisation en procédure d'appel dont ils peuvent se prévaloir et obtiennent le droit d'exercer l'ensemble des attributions réservées aux avocats, notamment le monopole de postulation devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle ; - sur les frais d'archivage, qui doivent être indemnisés sur justificatifs et non sur une base forfaitaire ; qu'il en va de même pour les frais d'assurance et de gestion de la CNA, sauf à adopter, dans un souci d'équité entre avoués, les modalités de calcul retenues par la Commission nationale d'indemnisation ;

- sur l'indemnité pour pertes de revenus, dès lors qu'il s'agit de préjudices économiques dont l'indemnisation est exclue et que l'indemnisation de la perte du droit de présentation couvre le préjudice intégral subi, ce préjudice n'étant par ailleurs ni direct ni certain ;

Considérant que les avoués ont été institués par les décrets des 29 janvier et 20 mars 1791 pour représenter en justice les parties à un procès, après la suppression des charges des procureurs royaux dont le ministère était obligatoire depuis 1620 ; qu'ils ont été supprimés en même temps que les avocats par le décret du 24 octobre 1793, avant d'être rétablis par la loi du 18 mars 1800 près les juridictions de première instance, d'appel et de cassation, qui leur attribue un monopole de la postulation, tant en matière civile que pénale, l'Etat fixant leur nombre et leur rémunération ;

Considérant que la loi du 18 février 1801 a supprimé la spécialité d'avoué près les tribunaux criminels ; qu'après le rétablissement, également en 1800, de la profession d'avocat, celui-ci étant en charge de la plaidoirie, l'avoué a conservé le monopole de la postulation et du dépôt des conclusions ; que la profession d'avoué a été scindée en celle d'avoué au tribunal et d'avoué à la cour d'appel ;

Considérant que la loi du 28 avril 1816 a consacré la patrimonialité des offices, les avoués étant autorisés à présenter un successeur au roi puis au garde des Sceaux, pourvu qu'il réunisse les qualités ; que ce système a été maintenu, le titulaire de l'office, officier ministériel, jouissant ainsi d'un droit de présentation de son successeur, un traité étant conclu avec celui-ci, fixant un prix de cession, soumis à l'agrément de la Chancellerie ;

Considérant que la patrimonialité des offices d'avoué a été supprimée dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, après la guerre de 1870, sans avoir été rétablie après 1918, les lois du 20 février 1922 et 29 juillet 1928 définissant seulement un régime de postulation spécifique, où les avocats doivent choisir de postuler devant le tribunal de grande instance ou devant la cour d'appel ;

Considérant que les offices d'avoué au tribunal de grande instance et ceux d'avoués près les cours d'appel dans les départements d'outre-mer ont été supprimés par la loi du 31 décembre 1971, les anciens avoués devenant avocats ;

Considérant que les avoués à la cour d'appel ont conservé le monopole de la postulation devant les cours d'appel dans les procédures où la représentation est obligatoire, soit la majorité du contentieux civil, à l'exclusion notable des affaires portées devant les chambres sociales des cours d'appel ; qu'ils peuvent en outre exercer une activité hors monopole de consultation juridique, de rédaction d'actes sous seing privé, de représentation et de plaidoirie dans des contentieux judiciaires ou administratifs où la représentation n'est pas obligatoire ;

Considérant que les avocats, s'ils avaient la possibilité de plaider partout en [J], ne pouvaient postuler que devant le tribunal de grande instance dont dépendait leur barreau d'inscription (les avocats des barreaux de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil pouvant eux postuler devant tous ces tribunaux de grande instance, issus de l'ancien tribunal de la Seine) ;

Considérant que les avoués percevaient pour leur activité monopolistique des émoluments tarifés, selon un tarif fixé par le décret du 30 juillet 1980, modifié en 1984, puis en 2003 ;

Considérant qu'à la suite des rapports au Président de la République présentés par MM. [R] (2008) et [N] (2009), remettant en cause le bien-fondé de la dualité d'intervention de l'avoué et de l'avocat, en cause d'appel et compte tenu de la directive 2006/123 relative aux services dans le marché intérieur (directive « services »), un projet de loi a été élaboré, intégrant les avoués dans la profession d'avocat en les inscrivant au barreau près du tribunal de grande instance dans le ressort duquel leur office est situé, avec possibilité de renoncer à devenir avocat ou de choisir un autre barreau ; que, corrélativement, l'activité des avocats a été étendue à la postulation devant la cour d'appel, le tarif de postulation en cause d'appel étant supprimé ;

Considérant que le projet initial prévoyait seulement une indemnisation du droit de présentation des avoués correspondant aux deux tiers de la valeur de la charge, qui sera portée par l'Assemblée nationale à la totalité de cette valeur, le Sénat ajoutant ensuite l'indemnisation des préjudices de carrière, économique, accessoires et désignant le juge de l'expropriation de Paris pour fixer cette indemnisation en cas de désaccord des avoués sur les propositions à eux faites par une commission chargée de statuer sur leurs demandes ;

Considérant que sur le recours de 82 sénateurs, contestant notamment, d'une part, les modalités de l'indemnisation des avoués prévues par la loi déférée, en ce qu'elle n'était pas préalable à la suppression de cette profession, d'autre part, le régime fiscal de cette indemnisation, le Conseil constitutionnel a rejeté ces contestations et, se saisissant d'office, a notamment considéré que le préjudice de carrière était inexistant pour un avoué, que le préjudice économique et les préjudices accessoires toutes causes confondues étaient purement éventuels, compte tenu des activités qu'ils pouvaient continuer d'exercer et qu'en prévoyant l'allocation d'indemnités correspondant à ces préjudices, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée avaient méconnu l'exigence de bon emploi des deniers publics et créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

Considérant qu'en conséquence l'article 13 de la loi déférée, ainsi libellé initialement : 'les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L13-1 à L13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi...' a été privé par la décision n°2010-624 DC du 20 janvier 2011 des mots 'du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues' , de même que des mots ' en tenant compte de leur âge' ;

Considérant sur la recevabilité des demandes d'indemnisation présentées par la SCP Grammagnac, Maîtres [Z] et [V], que l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011dispose que les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi. L'indemnité est versée par le fonds d'indemnisation prévu à l'article 19. Par dérogation aux règles de compétence territoriale, le juge de l'expropriation compétent est celui du tribunal de grande instance de Paris. Dans un délai de trois mois suivant la cessation de l'activité d'avoué près les cours d'appel et au plus tard le 31 mars 2012, la commission prévue à l'article 16 notifie à l'avoué le montant de son offre d'indemnisation. En cas d'acceptation de l'offre par l'avoué, l'indemnité correspondante est versée à l'avoué dans un délai d'un mois à compter de cette acceptation ;

Considérant qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article 13 qu'une demande d'indemnisation, adressée directement au juge de l'expropriation, sans avoir été soumise préalablement à la commission, serait irrecevable ;

Considérant dès lors que la recevabilité des demandes de la SCP Grammagnac-Balavoine-Levasseur, de Maîtres [I] et [V], qui n'ont pas accepté les offres qui leur ont été faites par la commission d'indemnisation, n'est pas contestable ;

Considérant que le législateur a confié au juge de l'expropriation le soin de fixer l'indemnisation du droit de présentation et, le cas échéant, des parts en industrie de l'avoué exerçant en société, conformément aux dispositions des articles L13-1 à L13-25 du code de l'expropriation ;

Considérant s'agissant de la valeur du droit de présentation que le juge de l'expropriation est libre de choisir la méthode qui lui apparaît la plus appropriée pour la déterminer ; qu'il ne saurait lui être imposé de se conformer à un barème, fût-celui prévu par l'article 6 du décret du 1er avril 2011, applicable à la seule commission d'indemnisation, faute de quoi il était inutile de prévoir le recours au juge ;

Considérant que la valeur de la charge doit être déterminée, ainsi d'ailleurs que le prévoit la circulaire de la direction des affaires civiles et du sceau, relative à la constitution des dossiers de cessions des offices publics et/ou ministériels, conformément aux usages de la profession et aux considérations économiques, c'est à dire selon la loi du marché ; qu'ainsi, l'indemnité doit être égale à la somme qui aurait été perçue par l'avoué si le droit de présentation avait été cédé dans le cadre d'une cession ordinaire ;

Considérant qu'il est suffisamment établi par les attestations versées aux débats que les cessions de charges d'avoué ont été faites, depuis de nombreuses années, partout où les avoués existaient en [J], essentiellement selon la méthode dite du produit demi-net (moyenne sur cinq ans des différences entre le produit brut de l'office et certaines charges limitativement énumérées, à savoir loyers des locaux professionnels, salaires et charges sociales ou encore taxe professionnelle) avec application d'un coefficient dit de cour, tenant aux conditions économiques dans la cour d'appel à laquelle appartient l'avoué ; qu'il n'est pas démontré que la Chancellerie aurait, à l'occasion des cessions intervenues, refusé le prix ainsi obtenu ;

Considérant qu'il convient par ailleurs de prendre en considération les données sur la période la plus récente précédant la mise en oeuvre de la loi ;

Considérant qu'au vu des justificatifs versés aux débats par la SCP, il convient, selon le calcul fait par le premier juge, que la cour fait sien, de retenir le chiffre de 1 208 777 euros, de sorte que le jugement querellé doit être confirmé sur ce point ;

Considérant que le renvoi par le législateur de l'indemnisation de l'avoué au juge de l'expropriation n'implique pas que la charge d'avoué ait fait l'objet d'une expropriation mais seulement que le législateur a choisi de retenir le régime d'indemnisation applicable en matière d'expropriation ;

Considérant que s'agissant de l'indemnisation de la perte du droit de présentation, les textes applicables en matière d'expropriation, auxquels renvoie la loi, prévoient pour son titulaire, outre une indemnité principale, une indemnité de remploi, calculée à partir de l'indemnité principale, destinée à couvrir les frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature ; qu'il est admis en matière d'expropriation qu'il n'est pas nécessaire de justifier le remploi et que l'indemnité est due au cas même où, en raison de sa nature particulière, le bien ne serait pas susceptible de remplacement ; que cette indemnité directement complémentaire de l'indemnité principale, car calculée en fonction du montant de celle-ci, est due également en cas de cessation d'activité ; qu'il suffit, comme en l'espèce, de ne pas se trouver dans un cas d'exclusion prévue par l'article R 13-46 du code de l'expropriation ;

Considérant qu'il n'est pas contestable que la réforme de la représentation devant les cours d'appel, aboutissant à la suppression de la profession d'avoué, impose aux anciens avoués de se réorganiser, le cas échéant de changer de locaux par suite de réduction du personnel, de matériels, de support sur les plans matériel et juridique et de supporter des charges fiscales, le Parlement ayant en définitive supprimé les exonérations fiscales et sociales prévues par le Sénat ;

Considérant que la cour approuve et fait sien le calcul fait par le premier juge évaluant, comme en matière d'expropriation de fonds de commerce, à la somme de 119 728 euros, cette indemnité de remploi ; qu'il convient de confirmer la décision de première instance sur ce point ;

Considérant qu'il convient également de prendre en considération les charges occasionnées par la loi, pour lesquelles la commission d'indemnisation a fait des propositions ; que le fait qu'elles aient été refusées n'interdit pas d'en tenir compte à titre d'élément d'appréciation ;

Considérant que la SCP justifie ainsi des charges suivantes directement liées à la suppression du droit de présentation :

- frais d'archivage : 26 178 euros ;

- charges ordinales : 14 400 euros ;

Considérant qu'il sera donné acte à la SCP de son acceptation de l'offre complémentaire de la commission d'indemnisation du 24 juin 2014, portant sur la somme de 24 398,68 euros au titre des frais de licenciement et de contrats de sécurisation professionnelle ;

Considérant en revanche que les autres demandes de la SCP sont relatives à des frais d'adaptation des structures matérielles et juridiques d'exercice et font partie de ceux couverts par l'indemnité de remploi allouée, de sorte qu'elles ne peuvent être accueillies ;

Considérant sur les demandes personnelles des avoués que l'indemnisation des préjudices économique et accessoires, toutes causes de préjudices confondues, a été déclarée contraire à la Constitution, de même que la référence à l'âge de l'avoué, au regard du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ;

Considérant que cette décision et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire ne peuvent être écartés par le juge ordinaire, eu égard aux dispositions impératives de l'article 62 de la Constitution, disposant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours et s'imposent aux pouvoirs publics ainsi qu'à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ;

Considérant que si le juge ordinaire est certes compétent pour apprécier la conventionnalité des lois, il ne peut fait application de dispositions jugées inconstitutionnelles, les décisions du Conseil constitutionnel et leurs motifs prévalant, dans l'ordre juridique interne, sur les dispositions conventionnelles ;

Considérant en tout état de cause, que le juge de l'expropriation évalue le préjudice au jour du jugement de première instance, selon une date de référence située au jour de l'application de la loi ; qu'à cette date, l'avoué perdant son monopole de postulation devant la cour d'appel, conserve néanmoins son outil de travail puisqu'il peut continuer d'exercer son activité, quand bien-même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats, susceptibles de devenir des concurrents ; qu'il doit cependant être observé à cet égard que de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir à un ancien avoué pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant ; que des partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place ; que l'ancien avoué peut également postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépend et intervenir pour plaider devant toutes les juridictions ; qu'il peut donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé ;

Considérant que l'évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique ;

Considérant que la suppression du monopole de postulation devant leur cour était motivée notamment par un but d'intérêt public de simplification de la procédure et d'abaissement de son coût, c'est à dire par le souci d'une meilleure administration de la justice ; qu'elle constituait ainsi une immixtion justifiée, voire obligatoire, des pouvoirs publics, proportionnée eu égard à l'intervention prévue du juge de l'expropriation susceptible d'indemniser raisonnablement les préjudices directement liés à la perte du droit de présentation, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, étant souligné que le droit mis à la charge du justiciable en cause d'appel est insuffisant à assurer le financement et la trésorerie des sommes à revenir aux avoués ;

Considérant que les avoués ne sont dès lors pas fondés à obtenir, au delà de l'indemnisation de leur droit de créance résultant de la perte de leur droit de présentation, l'équivalent monétaire de ce qu'ils auraient continué de percevoir si la réforme n'était pas survenue ;

Considérant sur l'indemnisation prévue par la loi des parts en industrie, qu'un même bénéfice ne pouvant être réparti deux fois, il convient de ne retenir que les situations où l'avoué bénéficiait de parts en industrie lui permettant de percevoir une part des bénéfices supérieure à celle à laquelle lui donnait droit sa participation dans le capital social ; que dans le cas contraire, il ne résulte pour lui aucun préjudice supplémentaire de la disparition de ces parts ;

Considérant que les avoués requérants ne se trouvant pas dans cette situation, ne justifient d'aucun préjudice à ce titre et doivent être déboutés de ce chef de demande, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la communication requise des offres d'indemnisation faites par la commission, qui est inutile ;

Considérant que Maîtres [I] et [V] doivent être déboutés de leur demande de remboursement des intérêts d'emprunts professionnels, dès lors que ceux-ci pouvaient être remboursés par anticipation et que leur décision à cet égard résulte d'un choix personnel de gestion ;

Considérant qu'ils ne peuvent se plaindre d'avoir à continué de traiter après la réforme les dossiers ouverts auparavant, dès lors qu'ils ont pu percevoir corrélativement les émoluments correspondants ;

Considérant qu'au vu de la décision du Conseil constitutionnel et de ce qui précède, ils doivent être également déboutés de leur demande d'indemnisation du préjudice économique allégué tenant au déséquilibre d'exploitation allégué, à leur perte de revenus et de droits à la retraite ; que le jugement doit être infirmé sur ces deux derniers points, ainsi que sur l'indemnité pour frais irrépétibles allouée à Maîtres [I] et [V] ;

Considérant qu'en matière d'expropriation, le préjudice moral n'est pas indemnisable, de sorte que la demande de dommages et intérêts visant les troubles dans les conditions d'existence présentée par Maîtres [I] et [V] ne peut être accueillie, le jugement étant confirmé sur ce point ;

Considérant qu'il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; qu'en revanche, le FIDA supportera les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Et ceux non contraires du premier juge, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du juge de l'expropriation près le tribunal de grande instance de Paris du 1er juillet 2013, sauf en ce qu'il a alloué à Mme [I] et M. [V], à chacun d'eux, la somme de 150 000 euros au titre de la suppression de la profession des avoués et une indemnité pour frais irrépétibles ;

INFIRME le jugement sur ce point et statuant à nouveau, déboute Mme [I] et M. [V] de leurs demandes de ces chefs.

Y ajoutant :

DONNE acte à la SCP de son acceptation de l'offre complémentaire de la commission d'indemnisation du 24 juin 2014, portant sur la somme de 24 398,68 euros au titre des frais de licenciement et de contrats de sécurisation professionnelle ;

DIT que chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

DIT que le FIDA supportera les dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 13/14769
Date de la décision : 02/04/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°13/14769 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-02;13.14769 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award