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02/04/2015 | FRANCE | N°13/14471

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 02 avril 2015, 13/14471


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 02 Avril 2015



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/14471



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 mai 2013 par le tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 12/00202



APPELANTE

FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION D'AVOUES

DACS

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté et assisté par Me Sandrine BOURD

AIS, avocate au barreau de PARIS, toque : G0709





INTIMÉS

Monsieur [W] [Y]

né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 2] (MAROC)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté et assisté par M...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 02 Avril 2015

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/14471

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 mai 2013 par le tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 12/00202

APPELANTE

FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION D'AVOUES

DACS

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté et assisté par Me Sandrine BOURDAIS, avocate au barreau de PARIS, toque : G0709

INTIMÉS

Monsieur [W] [Y]

né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 2] (MAROC)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté et assisté par Me Bernard de FROMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0291

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Commissariat du gouvernement

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée et assistée par Monsieur [D] [K], commissaire du gouvernement en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 février 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Christian HOURS, président de chambre, spécialement désigné pour présider cette chambre par ordonnance de Madame la Première présidente de la Cour d'Appel de PARIS,

Monsieur Claude TERREAUX, conseiller, désigné par Madame la Première présidente de la Cour d'Appel de PARIS

Madame [M] [X], juge de l'expropriation au tribunal de grande instance de CRETEIL désignée conformément aux dispositions de l'article L.13-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Christian HOURS, président et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel formé, le 18 juillet 2013, par le Fonds d'indemnisation des avoués (le FIDA) d'une décision du juge de l'expropriation de Paris en date du 27 mai 2013, fixant avec exécution provisoire, à la somme de 145 970,30 euros, l'indemnisation due à M. [W] [Y] (indemnité de remploi), au titre de la loi 2011-94 du 25 janvier 2011, portant réforme de la représentation devant la cour d'appel.

Le juge de l'expropriation n'a pas fait droit à la demande d'une indemnité au titre de la perte de revenus tirés de l'activité d'avoué et des droits à la retraite. Il n'a pas davantage indemnisé le trouble invoqué dans les conditions d'existence des avoués du fait des modalités successives de la réforme.

Il est rappelé que M. [Y] a accepté une indemnité de 1 768 314 (et non comme indiqué dans le jugement de 1 587 400 euros), pour la perte de son droit de présentation, outre des frais de licenciement et l'indemnisation de coûts spécifiques (archivage et cotisations ordinales).

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- déposées au greffe par le FIDA les 17 septembre et 18 décembre 2013, tendant à l'infirmation du jugement, au débouté de M. [Y] de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- déposées au greffe par M. [Y], les 14 novembre et 19 décembre 2013, concluant à :

- la confirmation du jugement sur l'indemnité de remploi,

- son infirmation pour le surplus et à ce que la cour, statuant à nouveau, lui octroie les sommes suivantes :

. 842 500 euros au titre des pertes de revenus (revenus d'activité à la date de la réforme),

. 11 572 euros au titre des préjudices de perte de revenus futurs (retraite),

. 396 587,50 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence des avoués du fait des modalités successives de la réforme,

ces sommes portant intérêts à compter de la décision à venir, avec capitalisation annuelle,

- ce qu'il soit ordonné à l'Etat de garantir le FIDA de toute condamnation,

- la condamnation du FIDA à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- adressées par le commissaire du gouvernement le 8 novembre 2013, aux termes desquelles il demande l'infirmation du jugement et le débouté de M. [Y] de toutes ses demandes.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Considérant que le FIDA fait valoir qu'il résulte de la décision 2010-624 du Conseil constitutionnel que le versement d'indemnités pour des préjudices autres que celui résultant de la perte du droit de présentation et le préjudice subi par les avoués détenant des parts en industrie, était inconstitutionnel ; qu'il a ainsi écarté le préjudice de carrière (considérant 21), les préjudices économiques jugés purement éventuels (considérant 24), les anciens avoués pouvant devenir avocats et jouir d'un monopole de représentation non seulement devant les cours d'appel mais aussi les tribunaux de grande instance ; que le juge de l'expropriation ne pouvait dès lors statuer que sur le montant de l'indemnité pour perte du droit de présentation et l'indemnité allouée aux avoués qui exerçaient au sein d'une société dont ils détenaient des parts en industrie ;

Considérant qu'elle souligne que la situation à prendre en compte est celle d'une profession juridique ayant perdu un monopole sur une partie seulement de son activité et bénéficiant de plusieurs contreparties ; que des revenus futurs ne constituent pas des biens actuels au sens de l'article 1 du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme ; que le juge national ne saurait ordonner une indemnisation excédant les limites qui ont été fixées par le Conseil constitutionnel, conformément à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que l'application du code de l'expropriation ne saurait avoir pour effet de reconnaître un droit à indemnisation de préjudices économiques ou accessoires déclarés contraire à la Constitution au nom du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; que la transposition de l'indemnité de remploi à l'indemnisation des avoués n'est pas concevable puisqu'alors il n'y a ni expropriation ni prise de possession (le droit de présentation n'est transféré à personne et il n'y a pas indemnisation préalable ) ni remploi concevable ; qu'il n'est pas possible d'indemniser les autres préjudices invoqués qui sont purement éventuels ou d'ordre moral ;

Considérant que M. [Y] se prévaut quant à lui des dispositions de l'article L13-13 du code de l'expropriation, code auquel il est fait référence dans la loi du 25 janvier 2011, selon lequel les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation, ainsi que de celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), selon lequel toute personne a droit au respect de ses biens, nul ne pouvant être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; qu'il observe que le Conseil constitutionnel est juge de la constitutionnalité des lois mais non de leur conventionnalité, à la différence du juge national qui a l'obligation d'appliquer les dispositions issues de traités internationaux ; que l'office d'avoué est un bien ayant la nature d'un meuble incorporel, objet de propriété ; qu'il s'ensuit qu'il est fondé à solliciter l'indemnisation appréciée in concreto du préjudice particulier qu'il subit en raison de la perte de son outil de travail ; qu'en l'espèce la clientèle des avoués qui provenait presque exclusivement des avocats va disparaître puisque ceux-ci n'auront plus l'obligation de passer par un avoué ;

Considérant qu'il fait valoir que le FIDA confond préjudice et indemnité et plaide que l'indemnité de remploi accordée par le juge de l'expropriation ne répare pas un préjudice distinct de la perte du droit de présentation mais vient seulement compléter l'indemnisation de ce même préjudice sur la base duquel il est classiquement calculé (5 % jusqu'à 23 000 euros et 10 % au delà, soit une somme de 144 820,30 euros) ;

Considérant qu'il affirme justifier par ailleurs de préjudices non pas éventuels mais certains et établis :

- résultant de la perte de revenus pendant les deux années où il comptait encore exercer les fonctions d'avoué, jusqu'à 68 ans, âge moyen de départ à la retraite des avoués, sur la base d'un revenu net moyen annuel sur les trois dernières années de 421 250 euros ;

- résultant de la perte de droits à la retraite s'il avait travaillé deux ans de plus, soit 11 572 euros ;

- résultant du trouble dans les conditions d'existence des avoués du fait des modalités successives de la réforme qui prévoyait des conditions d'indemnisation équitables jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 2011, saisi par un groupe de sénateurs jugeant l'indemnisation insuffisante, qui a abouti à une décision inverse et traumatisante, ce préjudice spécifique ne pouvant être inférieur à une année de bénéfice (BNC), soit 396 587,50 euros ;

Considérant que le commissaire du gouvernement conteste le jugement rendu, uniquement sur la question de l'indemnité de remploi, considérant, si la demande de M. [Y] était jugée recevable, que cette indemnité ne peut lui être allouée, s'agissant d'un préjudice accessoire que le Conseil constitutionnel a refusé d'indemniser sous peine de contrevenir au principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques et au principe de la bonne utilisation des deniers publics ; qu'en outre, au regard des textes du code de l'expropriation, il ne peut être estimé que les avoués perdent leur outil de travail ni qu'il y a dépossession par la puissance publique au sens de l'article 17 de la déclaration de 1789 et transfert au profit de l'Etat ou d'une autre personne avec versement d'une indemnité préalable, puisqu'ils conservent de fait leur activité initiale qui leur confère une spécialisation en procédure d'appel dont ils peuvent se prévaloir et obtiennent le droit d'exercer l'ensemble des attributions réservées aux avocats, notamment le monopole de postulation devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle ;

Considérant que les avoués ont été institués par les décrets des 29 janvier et 20 mars 1791 pour représenter en justice les parties à un procès, après la suppression des charges des procureurs royaux dont le ministère était obligatoire depuis 1620 ; qu'ils ont été supprimés en même temps que les avocats par le décret du 24 octobre 1793, avant d'être rétablis par la loi du 18 mars 1800 près les juridictions de première instance, d'appel et de cassation, qui leur attribue un monopole de la postulation, tant en matière civile que pénale, l'Etat fixant leur nombre et leur rémunération ;

Considérant que la loi du 18 février 1801 a supprimé la spécialité d'avoué près les tribunaux criminels ; qu'après le rétablissement, également en 1800, de la profession d'avocat, celui-ci étant en charge de la plaidoirie, l'avoué a conservé le monopole de la postulation et du dépôt des conclusions ; que la profession d'avoué a été scindée en celle d'avoué au tribunal et d'avoué à la cour d'appel ;

Considérant que la loi du 28 avril 1816 a consacré la patrimonialité des offices, les avoués étant autorisés à présenter un successeur au roi puis au garde des Sceaux, pourvu qu'il réunisse les qualités ; que ce système a été maintenu, le titulaire de l'office, officier ministériel, jouissant ainsi d'un droit de présentation de son successeur, un traité étant conclu avec celui-ci, fixant un prix de cession, soumis à l'agrément de la Chancellerie ;

Considérant que la patrimonialité des offices d'avoué a été supprimée dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, après la guerre de 1870, sans avoir été rétablie après 1918, les lois du 20 février 1922 et 29 juillet 1928 définissant seulement un régime de postulation spécifique, où les avocats doivent choisir de postuler devant le tribunal de grande instance ou devant la cour d'appel ;

Considérant que les offices d'avoué au tribunal de grande instance et ceux d'avoués près les cours d'appel dans les départements d'outre-mer ont été supprimés par la loi du 31 décembre 1971, les anciens avoués devenant avocats ;

Considérant que les avoués à la cour d'appel ont conservé le monopole de la postulation devant les cours d'appel dans les procédures où la représentation est obligatoire, soit la majorité du contentieux civil, à l'exclusion notable des affaires portées devant les chambres sociales des cours d'appel ; qu'ils peuvent en outre exercer une activité hors monopole de consultation juridique, de rédaction d'actes sous seing privé, de représentation et de plaidoirie dans des contentieux judiciaires ou administratifs où la représentation n'est pas obligatoire ;

Considérant que les avocats, s'ils avaient la possibilité de plaider partout en France, ne pouvaient postuler que devant le tribunal de grande instance dont dépendait leur barreau d'inscription (les avocats des barreaux de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil pouvant eux postuler devant tous ces tribunaux de grande instance, issus de l'ancien tribunal de la Seine) ;

Considérant que les avoués percevaient pour leur activité monopolistique des émoluments tarifés, selon un tarif fixé par le décret du 30 juillet 1980, modifié en 1984, puis en 2003 ;

Considérant qu'à la suite des rapports au Président de la République présentés par MM. [Q] (2008) et [T] (2009), remettant en cause le bien-fondé de la dualité d'intervention de l'avoué et de l'avocat, en cause d'appel et compte tenu de la directive 2006/123 relative aux services dans le marché intérieur (directive « services »), un projet de loi a été élaboré, intégrant les avoués dans la profession d'avocat en les inscrivant au barreau près du tribunal de grande instance dans le ressort duquel leur office est situé, avec possibilité de renoncer à devenir avocat ou de choisir un autre barreau ; que, corrélativement, l'activité des avocats a été étendue à la postulation devant la cour d'appel, le tarif de postulation en cause d'appel étant supprimé ;

Considérant que le projet initial prévoyait seulement une indemnisation du droit de présentation des avoués correspondant aux deux tiers de la valeur de la charge, qui sera portée par l'Assemblée nationale à la totalité de cette valeur, le Sénat ajoutant ensuite l'indemnisation des préjudices de carrière, économique, accessoires et désignant le juge de l'expropriation de Paris pour fixer cette indemnisation en cas de désaccord des avoués sur les propositions à eux faites par une commission chargée de statuer sur leurs demandes ;

Considérant que sur le recours de 82 sénateurs, contestant notamment, d'une part, les modalités de l'indemnisation des avoués prévues par la loi déférée, en ce qu'elle n'était pas préalable à la suppression de cette profession, d'autre part, le régime fiscal de cette indemnisation, le Conseil constitutionnel a rejeté ces contestations et, se saisissant d'office, a notamment considéré que le préjudice de carrière était inexistant pour un avoué, que le préjudice économique et les préjudices accessoires toutes causes confondues étaient purement éventuels, compte tenu des activités qu'ils pouvaient continuer d'exercer et qu'en prévoyant l'allocation d'indemnités correspondant à ces préjudices, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée avaient méconnu l'exigence de bon emploi des deniers publics et créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

Considérant qu'en conséquence l'article 13 de la loi déférée, ainsi libellé initialement : "les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L13-1 à L13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi..." a été privé par la décision n°2010-624 DC du 20 janvier 2011 des mots "du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues", de même que des mots " en tenant compte de leur âge" ;

Considérant sur la recevabilité des demandes d'indemnisation présentées par M. [Y] que l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011dispose que les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi. L'indemnité est versée par le fonds d'indemnisation prévu à l'article 19. Par dérogation aux règles de compétence territoriale, le juge de l'expropriation compétent est celui du tribunal de grande instance de Paris. Dans un délai de trois mois suivant la cessation de l'activité d'avoué près les cours d'appel et au plus tard le 31 mars 2012, la commission prévue à l'article 16 notifie à l'avoué le montant de son offre d'indemnisation. En cas d'acceptation de l'offre par l'avoué, l'indemnité correspondante est versée à l'avoué dans un délai d'un mois à compter de cette acceptation ;

Considérant que, sauf à vouloir escamoter toute possibilité de débat sur les contours de l'indemnisation du droit de présentation, l'avoué est recevable à contester devant le juge de l'expropriation toute offre qu'il n'a pas acceptée sans réserve ;

Considérant dès lors que la recevabilité des demandes de M. [Y], qui n'a accepté que la valeur du droit de présentation n'est pas contestable ;

Considérant que le législateur a confié au juge de l'expropriation le soin de fixer l'indemnisation du droit de présentation et, le cas échéant, des parts en industrie de l'avoué exerçant en société, conformément aux dispositions des articles L13-1 à L13-25 du code de l'expropriation ;

Considérant que le renvoi par le législateur de l'indemnisation de l'avoué au juge de l'expropriation n'implique pas que la charge d'avoué ait fait l'objet d'une expropriation mais seulement que le législateur a choisi de retenir le régime d'indemnisation applicable en matière d'expropriation ;

Considérant que s'agissant de l'indemnisation de la perte du droit de présentation, les textes applicables en matière d'expropriation, auxquels renvoie la loi, prévoient pour son titulaire, outre une indemnité principale, une indemnité de remploi, calculée à partir de l'indemnité principale, destinée à couvrir les frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature ; qu'il est admis en matière d'expropriation qu'il n'est pas nécessaire de justifier le remploi et que l'indemnité est due au cas même où, en raison de sa nature particulière, le bien ne serait pas susceptible de remplacement ; que cette indemnité directement complémentaire de l'indemnité principale, car calculée en fonction du montant de celle-ci, est due également en cas de cessation d'activité ; qu'il suffit, comme en l'espèce, de ne pas se trouver dans un cas d'exclusion prévue par l'article R 13-46 du code de l'expropriation ;

Considérant qu'il n'est pas contestable que la réforme de la représentation devant les cours d'appel, aboutissant à la suppression de la profession d'avoué, impose aux anciens avoués de se réorganiser, fût-ce si on arrête son activité et de supporter toutes sortes de frais non pris en compte par la commission ;

Considérant en revanche que l'indemnisation des préjudices économique et accessoires, toutes causes de préjudices confondues, a été déclarée contraire à la Constitution, de même que la référence à l'âge de l'avoué, au regard du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ;

Considérant que cette décision et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire ne peuvent être écartés par le juge ordinaire, eu égard aux dispositions impératives de l'article 62 de la Constitution, disposant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours et s'imposent aux pouvoirs publics ainsi qu'à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ;

Considérant que si le juge ordinaire est certes compétent pour apprécier la conventionnalité des lois, il ne peut fait application de dispositions jugées inconstitutionnelles, les décisions du Conseil constitutionnel et leurs motifs prévalant, dans l'ordre juridique interne, sur les dispositions conventionnelles ;

Considérant en tout état de cause, que le juge de l'expropriation évalue le préjudice au jour du jugement de première instance, selon une date de référence située au jour de l'application de la loi ; qu'à cette date, l'avoué perdant son monopole de postulation devant la cour d'appel, conserve néanmoins son outil de travail puisqu'il peut continuer d'exercer son activité, quand bien-même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats, susceptibles de devenir des concurrents ; qu'il doit cependant être observé à cet égard que de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir à un ancien avoué pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant ; que des partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place ; que l'ancien avoué peut également postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépend et intervenir pour plaider devant toutes les juridictions ; qu'il peut donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé ;

Considérant que l'évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique ;

Considérant que la suppression du monopole de postulation devant leur cour était motivée notamment par un but d'intérêt public de simplification de la procédure et d'abaissement de son coût, c'est à dire par le souci d'une meilleure administration de la justice ; qu'elle constituait ainsi une immixtion justifiée, voire obligatoire, des pouvoirs publics, proportionnée eu égard à l'intervention prévue du juge de l'expropriation susceptible d'indemniser raisonnablement les préjudices directement liés à la perte du droit de présentation, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, étant souligné que le droit mis à la charge du justiciable en cause d'appel est insuffisant à assurer le financement et la trésorerie des sommes à revenir aux avoués ;

Considérant que les avoués ne sont dès lors pas fondés à obtenir, au delà de l'indemnisation de leur droit de créance résultant de la perte de leur droit de présentation, l'équivalent monétaire de ce qu'ils auraient continué de percevoir si la réforme n'était pas survenue ;

Considérant qu'en l'espèce M. [Y] a fait le choix personnel de prendre sa retraite et ne peut prétendre à la fois en jouir et continuer à percevoir les revenus extrêmement confortables qu'il percevait avant la suppression de la profession d'avoué ;

Considérant qu'au vu de ce qui précède, M. [Y] doit être débouté de ses demandes d'indemnisation du préjudice économique allégué tenant à une perte de revenus et de droits à la retraite ;

Considérant qu'en matière d'expropriation, le préjudice moral n'est pas indemnisable, de sorte que la demande de dommages et intérêts visant les troubles dans les conditions d'existence présentée par M. [Y] ne peut être accueillie ;

Considérant en définitive que le jugement entrepris doit être entièrement confirmé ;

Considérant qu'il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; qu'en revanche, le FIDA supportera les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Et ceux non contraires du premier juge, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du juge de l'expropriation de Paris du 27 mai 2013 ;

Y ajoutant :

DIT que chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

DIT que le FIDA supportera les dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 13/14471
Date de la décision : 02/04/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°13/14471 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-02;13.14471 ?
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