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01/04/2015 | FRANCE | N°12/09368

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 01 avril 2015, 12/09368


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 01 Avril 2015



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09368



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 juin 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section industrie - RG n° 10/10101









APPELANT

Monsieur [S] [F]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1959

comp

arant en personne, assisté de Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocate au barreau de PARIS, E1355







INTIMEE

SA AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE (ALFI) venant aux droits de la SA AIR LIQUIDE

[Adresse 3]

[...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 01 Avril 2015

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09368

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 juin 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section industrie - RG n° 10/10101

APPELANT

Monsieur [S] [F]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1959

comparant en personne, assisté de Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocate au barreau de PARIS, E1355

INTIMEE

SA AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE (ALFI) venant aux droits de la SA AIR LIQUIDE

[Adresse 3]

[Localité 1]

SIRET n° 314 119 504 00012

représentée par Me Cyprien PIALOUX, avocat au barreau de PARIS, P0461

PARTIE INTERVENANTE :

FEDERATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES CGT

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocate au barreau de PARIS, E1355

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 février 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, Présidente de la chambre

Mme CLEROY Joëlle, Conseillère

Madame Aline BATOZ, vice présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 02 septembre 2014 qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [S] [F] a été embauché le 5 avril 1982 par un contrat à durée indéterminée, en qualité de personnel de fabrication, par la société Air liquide SA, coefficient 150, selon la classification des emplois issue de la convention collective nationale des industries chimiques.

En mai 2011, les activités opérationnelles de la société Air liquide SA ont été filialisées et c'est dans ce cadre que le contrat de travail de M. [S] [F] a été transféré à la filiale Air Liquide France Industrie dite ci-après ALFI

La société exerce une activité de gaz pour l'industrie, la santé, l'électronique et l'environnement et emploie plus de 10 salariés.

M. [S] [F] qui avait adhéré au syndicat CGT en 1977 est titulaire d'un mandat syndical depuis 1984.

Soutenant avoir été victime de discrimination syndicale et sollicitant le paiement de diverses sommes au titre d'un préjudice financier et moral, M. [S] [F] a saisi, le 29 juillet 2010, le conseil de prud'hommes de Paris qui par jugement du 26 juin 2012, a :

' débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes

' débouté la société de sa demande reconventionnelle

' condamné solidairement les parties aux entiers dépens

M. [S] [F] a régulièrement formé appel de cette décision et aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience du 4 février 2015, demande à la cour d'appel de :

' constater la nullité du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 26 juin  2012;

' infirmer, à titre subsidiaire, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes;

' dire en tout état de cause qu'il a été victime de discrimination syndicale;

' fixer au 1er janvier 2009 son coefficient à 300 et son salaire de base à 2.519 € bruts;

' dire que ce salaire devra être majoré annuellement des augmentations individuelles et générales moyennes perçues par la catégorie de salarié à laquelle il appartient, déduction faite des augmentations individuelles et générales dont il a bénéficié;

' fixer au 1er janvier 2013 son coefficient à 325;

' condamner la société ALFI au rappel de salaire correspondant avec intérêts de droit à compter de la saisine du conseil, le tout sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir;

' ordonner la délivrance des bulletins de salaire rectifiés à partir de janvier 2009, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours en suite à la notification de la décision à intervenir;

' condamner la société ALFI à lui verser les sommes de :

' 83 866,25 € au titre du préjudice financier subi

' 20 000 € en réparation du préjudice moral subi

' 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation des accords relatifs au droit syndical en vigueur au sein de l'entreprise et des dispositions conventionnelles

' 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de son obligation de sécurité de résultat

' 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

' ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil

' condamner la société ALFI aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution éventuels.

La société ALFI a repris oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier et demande à la cour de :

' confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris

' rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [F]

' condamner M. [F] à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

La Fédération Nationale des Industries Chimiques CGT a repris oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier et demande à la cour de :

' constater la nullité du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 26 juin 2012,

' à titre subsidiaire, d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes,

' condamner in solidum les sociétés ALFI, ALEM, et Cryopal à lui verser les sommes de:

' 10 000 € au titre du préjudice moral et financier, direct ou indirect

' 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

' condamner in solidum les sociétés ALFI, ALEM, Cryopal aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution éventuels.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur la nullité du jugement du conseil de prud'hommes

Aux termes de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal impartial.

L'article 455 du code de procédure civile dispose que le jugement doit être motivé.

M. [F] soutient que le jugement du conseil de prud'hommes du 26 juin 2012 a été rendu le soir même de l'audience, sans aucun examen des dossiers, qu'il est identique à celui concernant les 10 autres salariés et qu'il ne comporte aucune motivation.

Le jugement du 26 juin 2012 ne mentionne, au titre des motifs de la décision, que la phrase suivante : «'Le conseil après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par jugement contradictoire en premier ressort, après examen des pièces déposées à la barre, les explications du demandeur et du défendeur, après l'observation et la comparaison des situations sur le panel mis en place et signé par les parties, déboute Monsieur [F] [S] de l'ensemble de ses demandes.'»

Il en résulte que cette décision n'est pas motivée. Il convient en conséquence d'en prononcer l'annulation et, dès lors que les parties ont présentement conclu sur le fond du litige, l'affaire est en état de recevoir une solution définitive devant la cour qui fera usage en l'espèce de son droit d'évocation en application de l'article 568 du code de procédure civile.

Sur la discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article'L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

Selon l'article L.1134-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [F] soutient que, si l'analyse du panel des comparants élaboré conjointement par le syndicat CGT et la direction, ne met pas en exergue de différence en termes de rémunération ou de coefficient, elle révèle une disparité de traitement dans la mesure où il aurait dû avoir une évolution de carrière plus favorable que la moyenne de son panel compte tenu de ses compétences spécifiques en matière de cryo bio, domaine dans lequel il est spécialiste en région parisienne, où il a formé des salariés et déposé de nombreuses innovations. Il affirme que son engagement syndical a été un frein certain au développement de sa carrière.

M. [F] évoque par ailleurs le fait que ses augmentations individuelles ont toujours été nettement inférieures à la moyenne de celles des autres salariés de la filiale. Il souligne en outre qu'en comparaison avec l'ensemble des salariés de la société, il bénéficie au coefficient 250 d'un salaire inférieur de 1% à la médiane, et qu'il est resté deux à trois fois plus longtemps dans chaque coefficient que les autres.

Il ressort des pièces versées aux débats que M. [F] a été embauché au salaire mensuel de base de 716,51 € brut. Il est établi que la date à partir de laquelle la société ALFI ne pouvait ignorer l'engagement syndical de M. [F] a été conjointement validée par la direction et l'organisation syndicale CGT, à savoir l'année 1984.

Il n'est pas contesté qu'un panel de comparaison a été conjointement établi au cours de l'année 2009 par la direction et la CGT, rassemblant des salariés ayant des caractéristiques comparables à celle du salarié dont la situation est examinée, à savoir :

' une embauche au même coefficient

' une ancienneté et un âge comparable

' une qualification à l'embauche similaire

' une appartenance au même département Air Liquide.

M. [F] a ainsi bénéficié d'un panel de comparaison comprenant 12 salariés. Il en résulte qu'en 1983, seuls deux salariés bénéficiaient d'une rémunération plus importante que lui. En 2008, alors qu'il bénéficiait d'un salaire de 2.122 € et du coefficient 250, cinq salariés étaient mieux rémunérés que lui et quatre d'entre eux avaient atteint un coefficient supérieur au sien. La moyenne des salaires des 12 salariés composant le panel s'élevait en 1983 à 810 € et en 2008 à 1.983 €. Ce mode de calcul doit être retenu en ce qu'il permet de tenir compte des niveaux de rémunération de chacun, les plus bas comme les plus hauts, et intègre donc de façon concrète les évolutions professionnelles de chacun, alors que le fait de retenir, comme le suggère l'employeur, le salaire médian, revient à éliminer les salaires les plus bas ainsi que les plus hauts, ce qui ne permet pas de refléter la diversité des possibilités d'évolution.

M. [F] percevait donc en 1983 une rémunération supérieure de 49 € à la moyenne des salariés du panel, et en 2008 d'une rémunération supérieure de 8 € à cette moyenne.

Il ne résulte donc pas de ces éléments que l'évolution de la carrière de M. [F] aurait été freinée à compter de son engagement syndical.

En ce qui concerne les augmentations individuelles, M. [F] verse aux débats des tableaux pour les années 2010, 2011 et 2012, dans lesquels il compare ses augmentations avec le montant moyen des augmentations individuelles accordé à l'ensemble des salariés hommes de la filiale à laquelle il appartient. Il mentionne ainsi avoir bénéficié d'une augmentation annuelle de 300 € en 2010 lorsque le montant moyen d'augmentation individuelle était de 932 € dans sa tranche horaire de rémunération, d'une augmentation de 431,14 € en 2011 alors que le montant moyen était de 702 €, de 282,88 € en 2012 alors que le montant moyen était de 320 €, et de 426 € en 2013 alors que le montant moyen était de 722 €.

Il y a toutefois lieu de souligner que, si M. [F] prétend avoir établi le montant des augmentations individuelles annuelles moyennes dans la filiale à partir des données issues du bilan de la paritaire salaire pour chaque année, force est de constater que ces bilans ne sont pas produits. En tout état de cause, cette comparaison est inopérante dans la mesure où M. [F] ne saurait invoquer une discrimination en se comparant à l'ensemble des salariés de sa filiale, fondée sur une moyenne, ce qui ne permet pas d'établir si les salariés auxquels il se compare se trouvent dans une situation identique à la sienne. Il convient de rappeler à cet égard qu'une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise ne constitue pas en elle-même une discrimination illicite au sens de l'article L.1132-1 du code du travail précité, des salariés qui ne se trouvent pas dans une situation identique pouvant percevoir des salaires différents.

Il ressort des pièces versées aux débats que M. [F], qui a été embauché en 1982 au coefficient 150, est passé en 1984 au coefficient 160, puis au coefficient 175 en 1986, au coefficient 205 en 1993, au coefficient 225 en 1995, au coefficient 235 en 1998 puis au coefficient 250 en 2007. Il communique le rapport 2008 sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes mentionnant l'ancienneté moyenne des salariés au sein de chaque coefficient, à savoir trois ans pour le coefficient 175, trois ans pour le coefficient 235 et trois ans pour le coefficient 250, ce dont il résulte qu'il est resté deux à trois fois plus longtemps dans chaque coefficient que la moyenne des salariés. Toutefois, M. [F] se compare là encore à l'ensemble des salariés sans distinction entre ceux qui pourraient se trouver dans une situation identique à la sienne et les autres.

En outre, l'étude du panel le concernant pour l'année 2008 a révélé qu'il n'existait pas de différence notable entre lui et les 12 salariés auxquels il a été comparé, et qui se trouvaient bien dans une situation semblable à la sienne.

M. [F] verse en outre aux débats ses entretiens d'évaluation réalisés en 2009, 2010, 2011, 2013 et 2014. Il en résulte qu'il a évoqué dès 2009 le projet d'évoluer vers l'expertise sur la petite cryogénie, domaine dans lequel ses compétences ont été soulignées à l'occasion de chacun de ces entretiens. S'il n'est pas contesté qu'il fournissait un travail de qualité, ayant toujours bénéficié de la note d'évaluation «'C'» qui correspond à de bonnes performances, force est de constater que M. [F] ne communique aucun élément permettant d'étayer ses allégations selon lesquelles, eu égard à ses compétences particulières, il aurait du avoir une meilleure évolution de carrière, ni qu'il a été bloqué en cela par son employeur en raison de ses activités syndicales.

M. [F], qui évoque également le fait qu'il a fait l'objet de demandes de détermination précise de la répartition entre les heures de délégation et l'activité professionnelle, ne verse aux débats que deux emails qu'il a lui-même écrits, ainsi qu'un email de sa responsable qui n'est pas explicite sur le sujet puisque de nombreuses abréviations sont utilisées. En ce qui concerne l'exclusion de réunions ou les convocations infondées à des entretiens préalables dont il fait état, force est de constater qu'il ne communique que des emails ou courriers écrits par lui ou par son syndicat. Il produit en revanche un courrier qui lui a été adressé par son employeur le 8 juin 2010, lui reprochant d'avoir participé au blocage du site du [Localité 4] le 25 mai 2008, qui a empêché la libre circulation des véhicules et interdit l'accès au personnel qui souhaitait se rendre sur son lieu de travail. Ce seul élément, alors même que M. [F] exerce des activités syndicales depuis 1984, ne saurait caractériser des faits de discrimination.

Par ailleurs M. [F], qui prétend avoir été exclu du bénéfice de certaines formations ou stages, communique des emails qu'il a écrits pour se plaindre de ce qu'il n'a pas eu de stage en 2009 et qu'il n'a eu qu'un stage de deux jours en 2010, un email adressé au mois de novembre 2008 à la directrice de région pour indiquer qu'il n'a jamais bénéficié de stage de conduite, ainsi que la réponse précisant que cette demande sera prise en compte pour son plan de formation de l'année suivante, et l'historique des formations qu'il a suivies depuis 2000. Il ressort de ce dernier document qu'il a bénéficié de deux formations en 2000, d'une en 2001, d'une en 2003, d'une en 2005, d'une en 2009, d'une en 2010, que ses trois demandes de formations pour 2011 ont été approuvées, et que la formation de 2009 portait sur la conduite, de sorte que l'employeur a tenu compte de la demande formulée par M. [F] en 2009. Ces éléments ne permettent donc pas d'établir que M. [F] a été exclu du bénéfice de formations et été ainsi victime de discrimination.

Il ressort des entretiens d'évaluation communiqués qu'en 2009, est mentionné comme point à faire progresser le fait d'avoir une meilleure vision de sa disponibilité. En 2010 il est indiqué «'Dans ses temps de présence pour la région GIS Ile de France, [S] a su se rendre disponible pour les opérations qui lui ont été confiées.'», ou encore «'[S] sait se rendre disponible dans les 40% du temps qu'il consacre à la région Ile de France'». En 2011, il est précisé : «'Même si [S] communique de plus en plus avec le pôle de planification PCMS de St Priest, les 40% estimés de temps disponible pour ses missions de chargé d'affaires maintenance et services au sein de la région Ile de France sont difficilement programmables dans le cadre de l'organisation à 4 semaines qui a été mise en place.'»

Il convient de relever que ces comptes rendu d'entretien d'évaluation ne font aucune référence à ses activités syndicales. En outre, il est précisé que ses missions sont les suivantes :

«'Sous l'autorité du responsable régional maintenance, services et ingénierie,

il réalise des prestations de maintenance et de services dans le respect des règles et dans un souci permanent d'efficacité, de professionnalisme et d'optimisation des coûts

il prépare et réalise en liaison avec le PCMS ses interventions en clientèle

il applique lapolotique Image de marque AIR LIQUIDE

[S] a en charge sur la région GIS Ile de France la maintenance préventive et curative des installations liées à la petite cryogénie.'»

Il en résulte que les commentaires dont fait état M. [F] peuvent faire référence à la répartition de son temps entre ses différentes missions et à sa disponibilité pour assurer chacune d'elle. Il n'est donc pas établi qu'il lui a été reproché un manque de disponibilité en lien avec ses mandats, et qu'il aurait ainsi été victime de discrimination syndicale.

En l'état des explications et des pièces ainsi fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus n'est pas démontrée. Les demandes relatives au repositionnement professionnel (en termes de coefficient et de salaire), aux rappels de salaire en découlant, aux dommages et intérêts pour préjudices financier et moral, ainsi qu'à la remise de documents sociaux, doivent donc être rejetées.

Sur la violation de l'accord d'entreprise

M. [F] soutient que la société ALFI n'a pas respecté l'accord d'entreprise sur le droit syndical, qui dispose en son article 5 que «'l'engagement syndical et de représentation du personnel ne doit pas empêcher, modifier ou ralentir l'évolution professionnelle en terme de promotion et de salaire'», et en son article 11 que «'la moindre disponibilité d'un salarié mandaté ne doit pas intervenir dans l'évaluation par sa hiérarchie de la performance réalisée'».

La société souligne qu'un accord de droit syndical a été signé le 11 septembre 2002 entre la direction et les organisations syndicales représentatives, dont la CGT, par lequel la direction s'est engagée à ce que le pourcentage de représentants promus et/ou augmentés ne soit pas inférieur à celui obtenu pour l'ensemble des salariés.

Il convient toutefois de relever que M. [F] ne développe aucun argument à l'appui de cette allégation autre que ceux précédemment exposés, qui ne permettent pas d'établir qu'il a été victime de discrimination syndicale.

M. [F] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la demande indemnitaire de la Fédération Nationale des Industries Chimiques (FNIC) CGT

Dès lors que M. [S] [F] a été débouté de ses demandes au titre de la discrimination syndicale alléguée, la cour ne pourra que rejeter la réclamation indemnitaire du syndicat FNIC CGT présentée sur le fondement des articles L.2131-1 et L.2132-3 du code du travail.

Sur la demande indemnitaire au titre de l'obligation de sécurité de résultat

Au soutien de sa demande de ce chef, M. [F] rappelle qu'il a régulièrement travaillé sur les sites de [Localité 5] de 1982 à 1995 et de [Localité 4] de 1995 à 2007, que tous ont été recensés par la société Air Liquide elle-même comme ayant pu provoquer une exposition de ses salariés à l'amiante, que la présence de ce produit a été détectée dès 1987 au sein de l'atelier H40 de l'unité 4 (Département de Construction et de Ventes Mécaniques ' DCVM) de l'établissement de [Localité 5], qu'il a été spécialement mentionné en juillet 2006 comme un des salariés exposés à ce type de risque dans l'entité GIS, qu'il n'y avait aucune protection individuelle et collective réellement adaptée contre les risques physiques en découlant dès lors que, notamment, en l'absence de système d'aspiration, l'air ambiant était chargé de poussières d'amiante avec un mode de nettoyage de l'atelier totalement inapproprié, ce que ne pouvait ignorer l'employeur, et que malgré de telles conditions de travail il n'y a eu aucune information sur les risques pour leur santé, ce qui constitue, selon lui, un manquement de l'intimée à son obligation de sécurité de résultat au visa de l'article L.4121-1 du code du travail.

Contrairement à ce qu'objecte sur ce point la Sa Alfi qui prétend que M. [F] n'a pas été en contact avec des produits à base d'amiante qu'il aurait pu manipuler tout en étant exposé à un risque d'inhalation de fibres d'amiante, au vu des pièces produites par ce dernier, il ressort que dès avril 1980 la commission d'hygiène et de sécurité insistait sur la situation des «personnes manipulant des produits à base d'amiante», qu'en septembre 1981 la direction émettait une note «AMIANTE» suite à la détection d'un cas d'asbestose révélateur des «dangers présentés par la manipulation d'un produit contenant de l'amiante utilisé pour le garnissage de certains appareils de production de gaz»; que le chargé de sécurité en juin 1986 indiquait encore que «certaines fibres d'amiante peuvent occasionner à longue échéance des lésions de l'appareil respiratoire inscrites au tableau n°30 des maladies professionnelles»; que dans un document de juillet 2006 «Point Amiante» présenté au comité central d'entreprise la direction faisait le recensement des salariés directement exposés à l'amiante en visant notamment l'entité GIS de [Localité 5] où il était alors en poste et que plusieurs témoignages viennent confirmer, outre les insuffisances dans la communication en direction des salariés concernés, une utilisation régulière et massive de produits ou d'éléments d'équipement à base d'amiante sans aucune protection individuelle adaptée et encore moins collective.

En vertu du contrat de travail le liant aux salariés, l'employeur est tenu envers ceux-ci d'une obligation générale de sécurité de résultat en matière de protection de leur santé ainsi que de leur sécurité dans l'entreprise, ce dont l'intimée s'est manifestement abstenue pour les raisons venant d'être exposées, en violation des prescriptions posées par l'article L.4121-1 du code du travail, texte rappelant que «l'employeur prend les mesures nécessaires» en ce sens.

La SA ALFI sera en conséquence condamnée à payer à M. [F] la somme indemnitaire à ce titre de 20'000 € en réparation du préjudice qu'il a subi consécutivement à ce manquement de l'intimée, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties supportera la charge des dépens exposés par elle en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

ANNULE le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 26 juin 2012 ;

ÉVOQUE l'affaire et statuant,

CONDAMNE la société ALFI à verser à M. [F] la somme de 20.000 € en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de résultat ;

DÉBOUTE M. [F] du surplus de ses demandes ;

DÉBOUTE le syndicat FNIC CGT de sa demande de dommages et intérêts ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties les dépens par elle exposés en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 12/09368
Date de la décision : 01/04/2015
Sens de l'arrêt : Annulation

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°12/09368 : Annule la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-01;12.09368 ?
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