Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 25 MARS 2015
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/09515
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mars 2011 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - 3ème Chambre - 4ème Section - RG n° 10/00314
( suite à cassation partielle de l'arrêt du 26 septembre 2012 - Cour d'appel de Paris - Pôle 5 chambre 4- RG n° 11/07458, par l'arrêt du 11 Mars 2014 -Cour de Cassation - chambre commerciale - Pourvoi n° S 12-29.434)
DEMANDERESSES À LA SAISINE :
1/ SA ERAM (venant aux droits de la SAS Manufacture Française des chaussures Eram)
immatriculée au RCS de ANGERS sous le n° 388.583.239
ayant son siège [Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par : Me Sandra BERDUGO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0182
2/ SARL EXTEN.S
immatriculée au RCS de ANGERS sous le n° B 440.322.667
ayant son siège [Adresse 4]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par : Me Sandra BERDUGO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0182
DÉFENDERESSES À LA SAISINE :
1/ SAS BATA FRANCE DISTRIBUTION
ayant son siège [Adresse 1]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par : Me Anne LAKITS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0765
2/ Société FLUCHOS SL
société de droit espagnol
ayant son siège chez LAVERO
[Adresse 7]
[Adresse 7]
26580 ESPAGNE
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par : Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
ayant pour avocat plaidant : Me Juan Antonio CREMADES de l'Association JA CREMADES ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R168 ; substitué par Me Caroline BONNARDEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R168
PARTIES INTERVENANTES :
1/ SELARL FHB
ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société BATA FRANCE DISTRIBUTION
ayant son siège [Adresse 2]
[Localité 3]
prise en la personne de Me [T] [Q], y domiciliée
représentée par : Me Anne LAKITS JOSSE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 17
2/ SELARL [C] [D]
ès qualités de mandataire judiciaire de la société BATA FRANCE DISTRIBUTION
ayant son siège [Adresse 3]
[Localité 4]
prise en la personne de Me [N] [D], y domicilié
représentée par : Me Anne LAKITS JOSSE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 17
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Février 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente, chargée du rapport, et Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, rédacteur
Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère
Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller appelé d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R.312-3 du Code de l'Organisation Judiciaire,
qui en ont délibéré,
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, présidente et par Mme Violaine PERRET, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La société Exten.S est titulaire d'un brevet européen EP 138402 déposé sous brevet français FR 0105702 sur «une semelle à structure extensible, article chaussant muni d'une telle semelle et son procédé de montage». La semelle dénommée «S.STENS» est extensible transversalement au moyen d'un insert élastique pour s'adapter aux déformations du pied.
Par acte du 18 octobre 2002, la société Exten.S a concédé une licence exclusive d'exploitation de ce brevet d'invention à la société Manufacture Française des Chaussures Eram ( MFCE) pour la France, l'Union Européenne et la [Localité 6] par périodes de trois ans renouvelables. Cette concession autorisait la société MFCE ainsi que les société du groupe Eram à fabriquer des chaussures équipées de semelles sous licence autorisée.
La société de droit espagnol Fluchos commercialisait, par l'intermédiaire des sociétés Bata et Beryl, des chaussures «Fluchos Multiple Expansion» dont il était dit sur une étiquette en forme de dépliant fixée sur chaque paire de chaussures et à l'intérieur de chaque boîte d'emballage : «Fluchos Multiple Expansion est une semelle équipée de bandes de largeur variable qui s'adapte aux diverses dimensions adoptées par le pied au cours de la marche» ; de même, sur le site www.fluchos.com , se trouvait la mention suivante : «Fluchos Multiple Expansion. Parmi les technologies de pointe développées par Fluchos, il faut citer la Multiple Expansion (ME). Ce système est une semelle spéciale, équipée de bandes à largeur variable qui s'adaptent aux différentes dimensions que le pied adopte lorsqu'il touche le sol».
Estimant qu'au regard de la structure de la semelle qui est rigide, les bandes en question ne confèrent pas à la chaussure les caractéristiques d'élasticité invoquées lesquelles sont mensongères, la société Exten.s et la société Eram, son licencié ont assigné la société Fluchos et ses deux distributeurs en France, les sociétés Bata et Beryl, devant le tribunal de grande instance de Paris. Le tribunal de grande instance les a déclarées irrecevables à agir, et a débouté les sociétés Bata et Beryl de leurs demandes reconventionnelles par jugement du 24 mars 2011.
Les sociétés Exten.s et Eram ont interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 26 septembre 2012, la cour d'appel de Paris qui devait se prononcer sur la recevabilité des demandes des sociétés Eram et Exten.S, et, sur le fond, sur la concurrence déloyale et le parasitisme, a déclaré l'action de la société Exten.s recevable et a, pour le surplus, confirmé le jugement, débouté les parties du surplus de leurs demandes, condamné les sociétés Exten.s et Eram aux dépens et à une indemnité pour frais irrépétibles de 5000 Euros pour chacune des sociétés Fluchos, Bata et Beryl.
La Cour de cassation a, par arrêt du 11 mars 2014, au visa des articles 31 du Code de procédure civile, de l'article 1382, de l'article L 121-1 du Code de la consommation tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005, cassé et annulé l'arrêt de la cour seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Eram et rejeté les demandes formées par la société Exten.S au titre d'une concurrence déloyale fondée sur une publicité déloyale, et remis la cause et les parties sur ces points dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt.
Les sociétés Eram et Exten.S ont saisi la cour de renvoi.
Par jugement du 26 novembre 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société Bata France Distribution. Les sociétés Eram et Exten.S ont déclaré leurs créances à la procédure collective.
Par conclusions du 2 février 2015, les sociétés Eram et Exten.S demandent à la cour de :
-dire la société Eram recevable en son action,
-condamner la société Fluchos à verser à la société Eram la somme de 300 000 Euros et à la société Exten.S celle de 80 000 Euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la concurrence déloyale,
-débouter la société Fluchos de sa demande reconventionnelle,
-fixer la créance de la société Exten.S et de la société Eram à inscrire au passif de la société Bata avec intérêts de droit et exécution provisoire, à la somme de 80 000€ pour la société Exten.S, à la somme de 300 000 Euros pour la société Eram, 100 000 Euros pour la société Exten.S et 100 000 Euros pour la société Eram, outre les dépens,
-interdire sous astreinte définitive de 1000 Euros par infraction constatée la continuation des faits de publicité mensongère et de concurrence déloyale, notamment toute référence sur tout document ou site internet à un système équipé de bandes à largeur variable s'adaptant aux différentes dimensions que le pied adopte lorsqu'il touche le sol, se réserver la liquidation de l' astreinte,
-ordonner la publication de la décision dans dix publications et aux frais avancés solidaires par les défenderesses, sans que le coût de chaque insertion excède la somme de 10 000 Euros,
-condamner chacune des défenderesses à leur payer chacune la somme de 100 000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
-assortir la décision de l'exécution provisoire au visa de l'article 515 du Code de procédure civile et des intérêts de droit au visa de l'article 1153 du Code civil,
Par conclusions du 26 janvier 2015, la société Fluchos SL demande à la cour de :
-principalement, débouter les sociétés Eram et Extens.S de toutes leurs demandes eu égard aux faits de concurrence déloyale faute d'effet de la publicité litigieuse,
-subsidiairement, les débouter de toute demande d'indemnisation,
-en tout état de cause, débouter les sociétés Eram et Exten.S, les condamner à lui payer la somme de 20 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions du 2 février 2015, la société Bata France Distribution, la selarl FHB en la personne de Maître [Q], administrateur judiciaire de la société Bata France Distribution, la Selarl [C][D] en la personne de Maître [D] en qualité de mandataire judiciaire de la société Bata France Distribution, demandent à la cour de :
-donner acte à la selarl FHB en la personne de Maître [Q], administrateur judiciaire, la Selarl [C][D] en la personne de Maître [D] en qualité de mandataire judiciaire de leur intervention,
-déclarer les sociétés Exten.S et Eram irrecevables, en tous cas mal fondées en leurs demandes, et les en débouter,
-les condamner in solidum à lui payer la somme de 15 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE,
La cour de renvoi doit statuer sur l'intérêt à agir de la société Eram et sur la concurrence déloyale, étant observé que la question du parasitisme est tranchée définitivement, de même que les demandes reconventionnelles faites par Beryl et Bata.
sur l'intérêt à agir de la société Eram et de la société Exten.S :
considérant que si la société Fluchos ne conteste pas la recevabilité de l'action de la société Eram, en revanche la société Bata France Distribution ainsi que la selarl FHB en la personne de Maître [Q] et la Selarl [C][D] en la personne de Maître [D] ès-qualités, expliquant que «rien n'établit que la SAS Eram qui a absorbé la société Manufacture Eram, licenciée, bénéficie aujourd'hui d'une quelconque licence des brevets Exten.S», soutiennent que l'action des appelants est irrecevable,
considérant selon la société Eram qui vient aux droits de la société MFCE à la suite d'une fusion-absorption, que les conditions restrictives à la limite de transmission de la licence précisées en article 10 du contrat de licence ne s'appliquent pas aux sociétés du groupe Eram en raison des termes du dernier paragraphe de ce même article ; qu'elle a par conséquent intérêt à agir, étant par ailleurs, toujours titulaire du brevet dont la procédure en annulation de la portion française est toujours en cours,
considérant que la recevabilité de l'action de la société Exten.S n'a pas été remise en cause devant la Cour de cassation, que l'arrêt du 26 septembre 2012 de la cour d'appel de Paris est ainsi définitif sur ce point, qu'il n' y a plus lieu de se prononcer sur ce point,
considérant que la société Eram a un intérêt à agir dès lors que, vendant des chaussures qui seraient équipées de la technologie invoquée, elle se dit victime des agissements des intimées ; qu'au surplus, venant aux droits de la société MFCE dont elle est l'ayant cause universel après la fusion-absorption, elle a recueilli le contrat de licence conclu intuitu personae avec la société MFCE dont la transmissibilité n'était nullement limitée à l'égard des sociétés du groupe Eram selon les termes de l'article 10 dernier paragraphe qui précise : «Cela étant, il convient de préciser que toutes ces limites à la transmissibilité de la licence, objet du présent contrat, ne jouent pas à l'égard des sociétés du groupe Eram», et que l'annulation alléguée d'une partie du brevet par les intimées n'est pas établie,
sur la concurrence déloyale :
considérant que la société Exten.S et la société Eram exposent que la cour a définitivement jugé que l'expertise réalisée par le Centre technique du Cuir a établi que la présentation effectuée par la société Fluchos des semelles équipant ses chaussures constitue une présentation fausse du produit et que la preuve est démontrée du caractère mensonger de la publicité effectuée par la société Fluchos dans son dépliant et sur son site internet, qu'elles soutiennent qu'en renvoyant le reste de stock de chaussures concernées par cette publicité à Fluchos, les sociétés Bata et Beryl ont reconnu implicitement ce qui est reproché et qu'en modifiant le slogan de son site internet, la société Fluchos a également implicitement avoué le caractère mensonger de son slogan antérieur incriminé de concurrence déloyale ; que les appelantes ajoutent qu'il suffit que la publicité litigieuse ait été susceptible de déterminer le consommateur dans son achat ; qu'en l'espèce, l'attente du consommateur réside dans le confort de la chaussure, que l'impact de la publicité réalisée sur le site internet et sur l'étiquette attachée à la chaussure est de le pousser à essayer la chaussure puis à l'acheter,
Considérant que la société Fluchos fait valoir qu'il est nécessaire pour qu'il y ait concurrence déloyale que deux conditions cumulatives soient réunies, soit 1) que la publicité trompeuse provoque ou risque de provoquer une «altération substantielle du comportement économique du consommateur» et 2) qu'elle l'ait déterminé à l'achat qu'il n'aurait pas réalisé en l'absence de la pratique incriminée ; que la preuve n'est pas faite selon elle que cette publicité ait déterminé l'achat du consommateur alors que l'essai du modèle de chaussure est impératif, que la diffusion de la publicité est limitée dans l'espace et dans le temps,
Considérant que la société Bata Distribution France et la selarl FHB et la selarl [C][D] ès-qualités rappellent l'exigence des deux conditions cumulatives, qu'elles expliquent que la société Bata n'est pas responsable de la publicité litigieuse et n'en a fait aucune, que les indications critiquées n'ont pas altéré le comportement du consommateur, étant présentées en termes mesurés,
Considérant que l'article L120-1 du code de la consommation dispose : «I. Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.II.-Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 122-11 et L. 122-11-1 » ;
Considérant que l'article L 120-1 du code de la consommation édicte que les pratiques commerciales déloyales sont interdites et que constituent en particulier de telles pratiques, les pratiques commerciales trompeuses définies à l'article L 121-1 du même code, ces deux articles étant issus de la transposition de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ;
Considérant que l'article L.121-1 I 2° du code de la consommation dispose : « I.-Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (') 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; (') » ;
Considérant que la violation de ces articles peut constituer une faute de concurrence déloyale invocable entre concurrents, dans la mesure où le non respect d'une règle peut constituer un avantage dans la concurrence par rapport à ceux qui la respectent ;
Considérant que la pratique trompeuse en premier lieu «repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur », en second lieu, « altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service » ;
Considérant que les parties ne discutent plus l'existence d' informations fausses contenues sur l'étiquette et dans le site internet de la société Fluchos,
Considérant que le débat porte sur la preuve que doit apporter la société qui se prétend victime que la pratique est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard de ce bien ou de ce service ; qu'en effet, la loi incrimine les pratiques de nature à induire en erreur et susceptibles d'altérer le comportement économique du consommateur ; qu'il n' y a pas lieu pour la victime de démontrer leurs effets effectifs, mais de démontrer la potentialité de leurs effets ;
Considérant qu'il résulte de la directive 2005/29 que l'analyse du critère lié à l'impact d'une pratique sur la décision commerciale du consommateur ne peut se limiter au moment de l'achat du produit et qu'elle doit au contraire être effectuée au moment du visionnage de la publicité qui influera sur la décision commerciale du consommateur et, en particulier, sur l'opportunité d'aller acheter un produit ; qu'en effet la décision commerciale est définie par l'article 2 (k) comme « toute décision prise par un consommateur concernantl'opportunité, les modalités et conditions relatives au fait d'acheter, de faire un paiement intégral ou partiel pour un produit, de conserver ou de se défaire d'un produit ou d'exercer un droit contractuel en rapport avec le produit ; une telle décision peut amener le consommateur, soit à agir, soit à s'abstenir d'agir » et l'article 3 précise que « la présente directive s'applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l'article 5, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit » ;
considérant que les appelantes versent aux débats des procès-verbaux d'huissier établis en 2006, 2009 et 2010, selon lesquels des animations sur le site internet de Fluchos faisaient référence explicite au système «multiple expansion», un procès verbal établi le 21 Novembre 2006 lors d'un achat dans un magasin Bata de deux paires de chaussures Fluchos dont l'un des chaussures de chaque paire porte l'étiquette incriminée ; qu'il s'agit ici de pièces relatives à la matérialité des faits reprochés mais qui n'établissent aucunement les effets qu'ils peuvent avoir sur le comportement du consommateur,
considérant que les appelantes se bornent à soutenir que la publicité a pour objectif d'inciter le consommateur à essayer et à acheter, que l'animation en trois dimensions mettant en scène des flèches transversales sur le site de Fluchos est de nature à aiguiller «sans nul doute» le consommateur vers son choix de chaussure, que l'étiquette attachée à la chaussure qu'il essaie va «nécessairement» le guider dans son choix ; qu'elles se bornent à présumer que ces informations fausses sont susceptibles d'altérer le consentement du consommateur, à le rendre inapte à prendre une décision en toute connaissance de cause et à l'inciter à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ; qu'elles ne versent toutefois aux débats aucune étude permettant de constater que la marque Fluchos est associée aux messages portés par la publicité du site ou encore de l'étiquette, de constater que les consommateurs sont portés à croire ainsi aux mérites supposés des semelles ; qu'elles ne justifient pas que l'altération du comportement économique du consommateur est possible et qu'elle est substantielle,
considérant que dès lors que les conditions cumulatives ne sont pas réunies, la concurrence déloyale reprochée aux deux intimées n'est pas établie,
PAR CES MOTIFS
La cour,
infirmant le jugement,
déclare les actions des sociétés Eram et Exten.S recevables,
les déboute de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale pour publicité trompeuse,
condamne in solidum les sociétés Eram et Exten.S à payer à la société Fluchos la somme de 15000 Euros et à la société Bata Distribution France assistée de la selarl FHB en la personne de Maître [Q] et la Selarl [C][D] en la personne de Maître [D] ès-qualités, celle de 15000 Euros au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles d'appel,
condamne in solidum les sociétés Eram et Exten.S aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
V.PERRET F.COCCHIELLO