Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 2
ARRÊT DU 25 MARS 2015
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05121
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Février 2013 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 10/11995
APPELANTE
Madame [A] [K]
[Adresse 3]
[Adresse 4]
représentée par Me Nicolas PILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0683
INTIMÉE
Madame [P] [R]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Nathalie SOUFFIR, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 318
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Claudine ROYER, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Président
Madame Denise JAFFUEL, Conseiller
Madame Claudine ROYER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique DOS REIS, Président, et par Madame Emilie POMPON, Greffier présent lors du prononcé et auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [A] [K], propriétaire d'un appartement au rez-de-chaussée d'un immeuble en copropriété sis [Adresse 2], s'est plainte des nuisances liées à l'exploitation du lot n°25 situé au dessous de son appartement.
Ce lot n°25, qui est un local de 75m² appartenant à Madame [P] [R], a été loué à une société « PRISE DE SON » qui y exerce depuis février 2009 une activité de studio d'enregistrement musical.
Soutenant qu'il s'agit d'un lot à usage de réserve et qu'il porte atteinte aux droits des autres copropriétaires ainsi qu'à la destination de l'immeuble, Madame [K] a fait assigner le 20 septembre 2010 Madame [R] devant le Tribunal de grande instance de Créteil afin de faire cesser cette affectation et obtenir l'indemnisation de son préjudice.
Par jugement du 12 février 2013, le tribunal de grande instance de Créteil a:
- dit irrecevables les demandes relatives au changement d'affectation du lot de copropriété n°25 tendant à voir condamner Madame [P] [R] à rétablir l'affectation du local à usage de réserve, sous astreinte,
- débouté Madame [A] [K] de toutes ses demandes,
- débouté Madame [P] [R] de sa demande de dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné Madame [A] [K] à payer à Madame [P] [R] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Madame [A] [K] aux dépens.
Madame [A] [K] a relevé appel de ce jugement par déclaration d'appel du 13 mars 2013.
Madame [A] [K] par dernières conclusions signifiées le 9 décembre 2014 demande à la Cour, au visa:
* des articles 8 et 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965,
* des articles 1134 et suivants du Code civil,
* du règlement de copropriété et de la théorie des troubles du voisinage,
* et de ses pièces,
- d'ordonner à Madame [P] [R], propriétaire du lot 25,
1°) de notifier à son locataire, la société « PRISE DE SON », un congé dans le mois de la signification du jugement à intervenir et d'engager toutes voies de droit nécessaires pour faire cesser toute affectation du lot 25 à un usage de studio d'enregistrement musical (y compris, par une procédure judiciaire d'expulsion), et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard après expiration de ce délai,
2°) de s'abstenir de toute affectation du lot 25 à un usage de bureau de société commerciale, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour,
3°) de s'abstenir de toute affectation du lot 25 à un usage de « profession libérale », et ce, sous astreinte de 150 euros par jour d'usage non conforme à la destination de « réserve » prescrite pour ce lot par l'article 7 du règlement de copropriété,
4°) de s'abstenir de toute affectation du lot 25 à un usage non conforme à la destination de « réserve » prescrite pour ce lot par l'article 7 du règlement de copropriété, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour,
- de condamner Mme [P] [R] à lui payer les sommes de :
* 15.000 euros en réparation des préjudices moraux causés par les nuisances occasionnées par l'affectation du lot 25 à l'usage de studio d'enregistrement musical, depuis février 2009,
* 6.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner Mme [P] [R] aux dépens.
Madame [P] [R] par dernières conclusions signifiées le 24 novembre 2014 demande à la Cour, au visa des articles 42 de la loi du 10 juillet 1965, 1315 et 1382 du Code civil et 32-1 du code de procédure civile, de:
- confirmer le jugement rendu par la 5ème chambre du Tribunal de Grande Instance de CRETEIL le 12 février 2013,
- déclarer irrecevable comme prescrite Madame [K] en son action visant à restaurer l'affectation du lot n°25 à l'usage de réserve,
- juger qu'elle n'a commis aucun trouble anormal du voisinage de quelque nature qu'il soit,
- débouter Madame [A] [K] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner Madame [A] [K] à lui payer les sommes de
* 5.000 euros sur le fondement de l'article 32-1du Code de Procédure civile,
* 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame [A] [K] aux entiers dépens,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions, moyens et arguments dont elle est saisie, la Cour fait référence expresse à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 janvier 2015
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Les demandes de Madame [K] ont un double objet portant d'une part sur l'affectation du lot n°25, d'autre part sur le trouble anormal de voisinage qu'engendrerait l'activité de studio musical exercée dans le lot n°25.
Sur la demande de rétablissement du lot n°25 à usage de réserve
Madame [A] [K] soutient en substance que le lot n°25 était un lot à usage de réserve et que l'affectation de ce lot à un autre usage porterait atteinte à la destination de l'immeuble et aux droits des copropriétaires ; qu'il en est ainsi de l'affectation de ce lot à usage de studio musical comme c'est le cas depuis février 2009 ; ou à un usage de bureau de société commerciale comme cela a été le cas en 2007 et jusqu'en septembre 2008 ; ou encore à un usage de « profession libérale » comme cela a été le cas entre 1975 et le 1er septembre 1984.
Madame [R] s'oppose à la demande de restauration de l'affectation du lot à usage de réserve en soutenant que cette demande est prescrite en application des dispositions de l'article 42 de loi du 10 juillet 1965, Madame [K] n'ayant jamais demandé la restauration de l'affectation du bien à usage de réserve dans les dix ans ayant suivi le changement d'affectation réalisé en 1975.
Elle soutient que le local en cause n'est plus affecté depuis 1975 à usage de réserve, celui-ci ayant été un bureau d'architectes ; que le règlement de copropriété stipulait d'ailleurs que les locaux privatifs pouvaient être utilisés pour l'exercice d'une profession libérale ; que la copropriété a refusé d'engager une action contre Madame [R] lors de l'assemblée générale du 8 avril 2010 ; que le juge des référés du Tribunal de grande instance de Créteil a déjà rendu une ordonnance le 2 juillet 2007 déboutant le syndicat des copropriétaires d'une action aux fins de restauration du lot à usage de réserve.
Madame [K] prétend d'une part qu'il n'est pas établi que le lot 25 a été affecté à l'usage de la profession d'architecte pendant 10 ans, d'autre part à supposer que le lot ait été affecté à l'usage d'une profession libérale, que cela n'emporte pas prescription pour un usage autre que cet usage de profession libérale, comme par exemple un usage de studio d'enregistrement musical.
Madame [K] n'apporte cependant en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause la décision des premiers juges, lesquels ont fait une juste appréciation des circonstances de la cause tant en droit qu'en fait par des motifs pertinents que la cour fait siens, étant observé :
- qu'il résulte en effet des dispositions de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 que les actions personnelles nées de l'application de ladite loi entre les copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de 10 ans ; que tel est bien le cas de l'action de Madame [K] tendant à obtenir la cessation d'infractions au règlement de copropriété ou la cessation d'un abus de jouissance concernant les parties privatives, pour contester notamment l'usage ou l'affectation d'un lot ;
- que s'il résulte de l'état descriptif de division figurant à l'article 7 du règlement de copropriété que lot n°25 était effectivement décrit comme « un local à usage de réserve, situé au sous-sol du bâtiment A », l'acte de propriété de Madame [K] (du 11 juin 2009) mentionnait déjà que les locaux avaient «été aménagés depuis l'origine de l'immeuble par un précédent propriétaire, en un local à usage de bureaux, dans lequel ont été installés des sanitaires et point d'eau »;
- qu'au vu des pièces produites aux débats, le lot n°25 n'a donc pas été utilisé à l'usage de réserve depuis 1975, de telle sorte qu'il s'est écoulé un délai de plus de 10 ans depuis ce changement d'affectation ;
- que l'action de Madame [K] tendant à faire rétablir cet usage de réserve est donc clairement irrecevable, car prescrite.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur le trouble anormal de voisinage
Aux termes de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements.
Ce droit pour un propriétaire de jouir de son bien de la manière la plus absolue est cependant limité par l'obligation de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage.
Lorsque le bien est soumis au statut de la copropriété, cette obligation est relayée par l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 qui prévoit que chaque copropriétaire jouit et use librement de ses parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l'immeuble.
Enfin le règlement de copropriété de l'immeuble précisait (page 16, SERVITUDES PARTICULIERES A CERTAINS LOTS) que « les co-propriétaires des lots 25 et 34 formant des locaux privatifs à usage de réserve, ne pourront y exercer aucune activité bruyante, malodorante, dangereuse ou polluante, ni susceptible de provoquer des nuisances. »
En l'espèce, Madame [K] s'est plainte de façon récurrente du bruit qu'elle subissait dans son appartement du fait de l'activité de studio musical exercée dans le lot n°25. Ses multiples lettres de plaintes adressées au syndic, à la Mairie, à la police, à Madame [R] ou aux locataires de cette dernière en attestent, le bruit incriminé étant celui des bruits de voix, de la musique, des chants, des basses des instruments de sonorisation, du téléphone liées à l'activité de studio musical, bruits de travaux et de perceuses le samedi en dehors des horaires tolérés, mais aussi des bruits liés à des comportements d'incivilité tels que claquements d'une porte extérieures métallique, conversations téléphoniques des portables sous ses fenêtres, bruits de sonnettes répétés, allées et venues nocturnes nombreuses, chahuts, rires de clients ou usagers du studio musical, occupation de parkings privés, bruits des WC à pompe et d'écoulement de l'eau du sani-broyeur, ces nuisances ayant lieu selon elle de jour comme de nuit.
Elle s'est plainte également de nuisances provoquées par la fumée de cigarettes par les aérations de salle de bains et WC.
Madame [R] conteste ces allégations en faisant état des intentions malignes de l'appelante en soutenant que Madame [K] a refusé de participer au constat acoustique qui devait avoir lieu dan son appartement, ce qui l'a privée de la possibilité d'administrer la preuve des troubles invoqués. Elle rappelle que les juges de première instance ont considéré que les attestations établies par des particuliers n'étaient pas assez circonstanciées pour en constituer la preuve. Elle affirme que selon les derniers tests réalisés le 30 octobre 2013, l'émergence globale de bruits constatée dans l'appartement de Madame [K] était inférieure à 25dBA, de sorte qu'il n'y avait pas infraction aux articles R .1334-30 à R.1334-34 du code de la Santé publique. Elle demande que l'appelante soit condamnée à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.
Il ressort des pièces produites que plusieurs enquêtes ont été effectuées par le service communal d'hygiène et de santé de la Ville de [Localité 2].
Un premier rapport d'enquête du 10 septembre 2009 avait constaté dans l'appartement [K] un bruit de conversation perceptible à l'oreille, le bruit nettement perceptible de la sonnerie du téléphone, et avait conclu pour les locaux [R] à une structure insuffisamment isolée, une simple conversation étant audible de l'appartement voisin. Le rapport indiquait qu'il était aisément déductible que cette nuisance identifiée de jour, était plus gênante la nuit, par son intensité, sa durée ou sa répétitivité. Le même service avait rencontré Monsieur [J] exploitant du studio musical et avait constaté les travaux d'insonorisation déjà réalisés et indiqué que d'autres travaux devaient être effectués au dessous du logement de Mme [K]. Madame [R] avait été invitée à se rapprocher d'un bureau d'études acoustique agréé (dont la liste était fournie) afin qu'une étude de faisabilité de travaux soit réalisée pour remédier aux nuisances sonores constatées.
Un second rapport d'enquête du même service du 11 février 2010 constatait toujours dans l'appartement [K] le bruit nettement perceptible de la sonnerie du téléphone, et chez les voisins ([Y]), un bruit nettement perceptible émanant du studio d'enregistrement et concluait comme précédemment que cette nuisance identifiée de jour, était plus gênante la nuit, par son intensité, sa durée ou sa répétitivité. Le rapport précisait que que des travaux d'insonorisation avaient été réalisés sans que la société exploitant le studio musical n'ait consulté un bureau d'étude acoustique agréé, mais que cette dernière avait précisé que les travaux d'insonorisation seraient prochainement terminés dans la partie bureau. Le service d'hygiène annonçait saisir les services de la Direction Départementale des affaires sanitaires et sociale du Val de Marne pour que des mesures sonométriques soient réalisées par un technicien acousticien pour vérifier si l'émergence de ces bruits d'activité étaient supérieurs ou non seuils admis.
Le 16 juin 2011 à 13h45 un nouveau rapport du service communal d'hygiène constatait chez Mme [K] une très forte odeur de fumée de cigarette se dégageant de la bouche d'aération et se diffusant dans l'appartement tout en concluant que cette installation ne semblait pas conforme au règlement sanitaire départemental mais qu'il semblait souhaitable de faire intervenir un homme de l'art afin de vérifier l'ensemble de l'installation d'aération dans tous les logement ainsi que dan le local du studio d'enregistrement.
Le 24 octobre 2013, un nouveau rapport du service d'hygiène de la ville de [Localité 2] constatait à nouveau que la musique provenant du studio d'enregistrement, mais aussi le chant, et les basses étaient perceptibles chez Mme [K] dans le couloir menant aux deux chambres à coucher, ainsi que dans une chambre. Ce rapport concluait comme auparavant que ces nuisances identifiées de jour, étaient plus gênantes la nuit, par leur intensité, leur durée ou leur répétitivité.
Les mesures sonométriques effectuées le 30 octobre 2013 par les techniciens sanitaires de l'ARS, Délégation territoriale du Val de Marne, concluaient que le bruit ambiant constaté chez Mme [K] était inférieur à 25 dbA et qu'il n'y avait pas d'infractions aux articles R.1334-30 à R.1334-34 du code de la santé publique (fixant le seuil à 25 dbA ).
Il résulte de cet ensemble d'enquêtes que l'activité du studio musical, s'exerçant dans le lot n°25, s'exerce dans un lieu toujours mal insonorisé, mais les émergences sonores relevées de jour se trouvent à la limite des seuils réglementaires.
Quoi qu'il en soit, ces éléments qui restent des indicateurs doivent être aussi examinés dans le cadre général de la vie d'une copropriété pour déterminer s'ils constituent ou non des troubles anormaux de voisinage.
Pour les troubles liés aux odeurs de cigarette, il n'est pas établi que ces odeurs provenaient des locaux [R].
En revanche, en ce qui concerne les nuisances sonores, les témoignages produits par Madame [K] viennent corroborer ses multiples plaintes.
Le témoignage de Madame [Y] (pièce appelante 17) fait état de travaux répéttitifs et assourdissants et de musique le soir et en journée gênant le sommeil d'un bébé.
Quatre résidents ont signé une note déplorant des nuisances sonores au delà des heures autorisées et le week end (pièce appelante 31).
Madame [X] (pièces appelante 32 et 42) a été témoin dans l'appartement [K] le 3 octobre 2012 d'importantes nuisances émanant de la réserve en dessous, avec cris, musique, claquements de portes, chants, baffles audibles dans toutes les pièces bien au delà de 19 h. Ces bruits ont redoublé d'intensité lorsque Mme [K] s'est permis de cogner plusieurs fois sur le sol pour les faire cesser et manifestement ces personnes semblaient le faire exprès. Le même témoin indique avoir entendu, du 5 au 13 septembre 2013 en venant nourrir le chat de Mme [K], vers 21h30 des conversations et des éclats de rire comme s'il y avait du monde dans son appartement.
Monsieur et Madame [C] (pièce appelante 32) ont constaté le même bruit le 12 novembre 2009 entre 23 h et 23 h 30.
Madame [S] (pièce appelante 32) a constaté la présence de nombreuses personnes ' dans la réserve du 66 la journée et le soir très tard (voire jusqu'au petit matin) et au-delà ainsi qu'un va-et-vient de bruits de scooter le soir et la nuit'.
Madame [B] [T] (pièce 33) le 10 novembre 2009 certifie avoir été témoin de bruits de téléphone, rires, conversations, chasses d'eau aux alentours de 23 h 30 au domicile de Mme [K].
Madame [B] [N] (pièces appelante 50 et 54) locataire dans l'immeuble au dessous du lot 25, certifie dans une lettre du 16 mai 2013 adressée au service d'hygiène de la Ville de [Localité 3], avoir été victime des nuisances sonores engendrées par le studio d'enregistrement « PRISE DE SON » en journée et en soirée, la chambre de ses deux enfants (22 mois et 3 ans) se situant au-dessus de la salle de prise de son ; qu'elle a fait intervenir la police après plusieurs appels et une main-courante. Elle a remis à Madame [K] une attestation que l'activité du studio se poursuit au-delà des horaires légaux, les responsables y passant des nuits à travailler mais aussi à y faire la fête avec leurs clients, dans un irrespect total du voisinage ; que les clients se garent sur les parkings de l'immeuble et font du bruit jusqu'à 3 heures du matin ; que des déchets se retrouvent sur les espaces verts.
Monsieur [E] [Z] (résident) confirme (pièces appelante 51 et 55) entendre régulièrement de la musique avec des basses assez fortes dans sa salle de bains et dans une chambre.
Monsieur [I] bailleur dans l'immeuble, dans une lettre à M. [R] (mandataire de Mme [R]) du 26 mai 2014 (pièce appelante 53) rapporte que ses locataires en 2010 ont mis un terme par anticipation à cause des nuisances sonores générées par les occupants du local du sous-sol; que sa locataire actuelle a contacté la police, déposé une main courante et sollicité plusieurs interventions nocturnes, tout cela sans succès les nuisances nocturnes persistant de même que les occupations indues de places de parkings et autres incivilités.
Ces divers témoignages, ajoutés aux plaintes circonstanciées de Madame [K], établissent indiscutablement les nuisances sonores répétitives, parfois intenses et anormales subies par elle de jour comme de nuit, ces nuisances s'accompagnant régulièrement de comportements d'incivilité des personnes (exploitant ou clients) fréquentant le studio musical installé au sous-sol de l'immeuble. Il ressort de ces éléments que Madame [K] n'est pas la seule à être importunée, et que plusieurs copropriétaires ou occupants de l'immeuble (essentiellement destiné à l'habitation) subissent les mêmes troubles. La preuve du trouble anormal de voisinage est clairement caractérisée.
Madame [R] doit être déclarée responsable de ce trouble anormal de voisinage en sa qualité de propriétaire du lot n°25, celle-ci ayant l'obligation d'imposer à son locataire le respect des dispositions du règlement de copropriété.
Le préjudice qui résulte de ces nuisances est constitué par l'impossibilité pour Mme [K] de jouir paisiblement normalement de son appartement et de s'y reposer ainsi que par les tracasseries démarches, plaintes qu'elle a dû déployer pour faire établir la réalité des troubles subis.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que les attestations produites n'étaient pas suffisamment caractérisées pour établir la preuve des dommages subis par l'appelante.
Au vu des éléments produits, de la durée du préjudice subi par Madame [K] depuis le début de l'exploitation du studio musical (février 2009), il y a lieu de condamner Madame [R] à lui payer une somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
Sur les demandes accessoires et les dépens
Le trouble anormal de voisinage étant établi, Madame [R] ne peut soutenir que l'action de Madame [K] était abusive. L'intimée sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile, de même que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [K] les frais irrépétibles exposés par elle au cours de la procédure. Madame [R] sera condamnée à lui verser une somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [R] qui succombe supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement et contradictoirement,
Infirmant partiellement le jugement déféré,
Condamne Madame [P] [R] à payer à Madame [A] [K] la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des nuisances sonores subies,
Condamne en outre Madame [P] [R] à payer à Madame [A] [K] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Confirme pour le surplus le jugement déféré en ses dispositions non contraires,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Condamne Madame [P] [R] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,