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25/03/2015 | FRANCE | N°12/09278

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 25 mars 2015, 12/09278


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 25 Mars 2015



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09278



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 mars 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement- RG n° 11/09652





APPELANT

Monsieur [Q] [T]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Sonia SANZALONE, avocate au

barreau de PARIS, E0535





INTIMEE

SOCIETE CVT

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Thierry ROMAND, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, NAN701 substitué par Me Romain RAP...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 25 Mars 2015

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09278

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 mars 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement- RG n° 11/09652

APPELANT

Monsieur [Q] [T]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Sonia SANZALONE, avocate au barreau de PARIS, E0535

INTIMEE

SOCIETE CVT

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Thierry ROMAND, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, NAN701 substitué par Me Romain RAPHAEL, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 février 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Benoît HOLLEAUX, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Aline BATOZ, vice présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 02 septembre 2014

Greffier : Madame Fatima BA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 26 mars 2012 ayant':

' débouté M. [Q] [T] de toutes ses demandes

' condamné reconventionnellement M. [Q] [T] à payer à la SA CVT la somme de 11'507,45 € au titre du préavis avec intérêts au taux légal partant de son prononcé

' débouté la SA CVT de ses autres prétentions reconventionnelles

' condamné M. [Q] [T] aux dépens';

Vu la déclaration d'appel de M. [Q] [T] reçue au greffe de la cour le 1er octobre 2012';

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 2 février 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [Q] [T] qui demande à la cour':

' d'infirmer le jugement entrepris

' statuant à nouveau, de':

- dire bien fondée sa prise d'acte devant ainsi produire les conséquences indemnitaires d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner la SA CVT à lui payer les sommes de':

' 20'000 € à titre de dommages-intérêts pour non paiement d'heures supplémentaires

' 40'000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 11'507,45 € d'indemnité compensatrice de préavis, incidence congés payés incluse

' 60'000 € d'indemnité pour harcèlement moral

' 6'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile';

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 2 février 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SA CVT qui demande à la cour de':

' confirmer la décision déférée sauf en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande indemnitaire reconventionnelle pour violation par M. [Q] [T] de son obligation de loyauté

' statuant à nouveau de ce chef, condamner M. [Q] [T] à lui payer la somme de 5'597,50 € à titre de dommages-intérêts

' le condamner, en tout état de cause sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile, au versement d'une amende civile de 3'000 €, ainsi qu'à lui régler la somme indemnitaire de 1'000 € pour appel dilatoire, outre celle de 4'000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

M. [Q] [T] a été recruté aux termes d'une lettre d'embauche du 22 avril 2003 en tant que responsable du département grande remise, classification ingénieur et cadre-position II A de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, moyennant une rémunération forfaitaire annuelle de 40'000 € bruts.

Par un courrier du 25 janvier 2008 adressé à l'intimée, M. [Q] [T] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de celle-ci aux motifs que la plupart des tâches inhérentes à ses fonctions lui ont été retirées n'étant plus désormais qu'un simple agent de réservation, qu'il subit des actes qualifiables de harcèlement moral, et que ses astreintes comme ses heures supplémentaires depuis son «passage au forfait/jour» ne lui sont pas payées.

Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, il percevait une rémunération «forfait jour» de 3'404,05 € bruts mensuelle s'ajoutait une somme de 260 € au titre d'un «avantage en nature voiture».

Sur la demande nouvelle au titre des heures supplémentaires

Au soutien de celle-ci, M. [Q] [T] indique qu'il travaillait régulièrement au-delà de 35 heures hebdomadaires avant même de se voir appliquer une rémunération en forfait-jour à compter d'avril 2005, et que dans la mesure où le salarié qui l'a remplacé est rémunéré sur une base de 44 heures hebdomadaires, «il est légitime de penser que telle fut (sa) charge de travail ' et qu'en conséquence, au moins 9 h par semaine auraient du lui être rémunérées en heures supplémentaires, a minima, sans compter les énormes journées générées par le Salon du Bourget '», de sorte qu'il est bien fondé, selon lui, à solliciter la somme indemnitaire de 20'000 € en réparation de son préjudice.

Force est de constater que l'appelant n'étaye d'aucune manière précise et circonstanciée sa demande à ce titre, se contentant de se référer à un salarié de l'entreprise embauché après sa prise d'acte pour en déduire, de manière purement empirique et approximative, qu'il aurait lui-même travaillé sur une base de 44 heures hebdomadaires, de sorte que la cour rejettera sa réclamation de ce chef.

Sur le harcèlement moral

M. [Q] [T] fonde sa demande indemnitaire pour harcèlement moral en produisant aux débats les attestations de :

' Mme [D], assistante de direction, faisant part du comportement tyrannique de l'employeur (M. [J]) dont elle a été victime comme lui-même («[Q] [T] m'a souvent exprimé son désarroi et je le comprenais puisque je vivais la même chose que lui») - pièce 12';

' M. [Z], chauffeur, précisant notamment qu'il était exclu des «réunions management chauffeurs» («Des réunions ' étaient organisées et MR [T] n'était jamais convié, ce qui surprenait tout le monde alors qu'il était le Responsable du Département») - pièce 30';

' M. [G], chauffeur, confirmant une nette dégradation de ses conditions de travail dès l'arrivée dans la société du gendre de M. [J] - pièce 31';

' M. [M], chauffeur, faisant état du comportement agressif et volontairement blessant de l'employeur à son égard («En effet, alors que Monsieur [Q] [T] revenait de son déjeuner, Monsieur [J] ' n'a pas hésité, alors que j'étais présent, à réprimander Monsieur [Q] [T], limite comme un enfant qu'on puni de manière ferme et agressive !») - pièce 36.

Ces éléments appréciés dans leur globalité sont de nature, en vertu du premier alinéa de l'article L.1154-1 du code du travail, à établir «des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement» au sens de l'article L.1152-1.

Pour prouver que ces agissements «ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement», en application du deuxième alinéa de l'article L.1154-1, l'intimée se contente de contester la véracité des témoignages recueillis par M. [Q] [T], sans elle-même satisfaire à la règle probatoire tirée des textes susvisés.

Le jugement déféré, qui a rejeté la demande de M. [Q] [T] au seul motif qu'il «ne prouve pas avoir informé son employeur d'avoir subi un harcèlement moral depuis 2005», sera infirmé et l'appelante sera en conséquence condamnée à lui payer la somme indemnitaire à ce titre de 20'000 € majorée des intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

Sur la prise d'acte

La prise d'acte par M. [Q] [T] de la rupture de son contrat de travail repose sur le seul grief caractérisé de harcèlement moral pour les raisons venant d'être exposées, les autres manquements invoqués dans sa lettre du 25 janvier 2008 n'apparaissant pas établis dès lors que sa réclamation au titre des heures supplémentaires est insuffisamment étayée selon la cour qui en outre n'est pas expressément saisie d'une demande en paiement d'astreintes par l'appelant dont les tâches ou missions lui ayant été confiées jusqu'à la fin de la relation de travail, contrairement à ce qu'il prétend, n'emportaient pas une modification de son contrat de travail au regard de sa qualification professionnelle de responsable du département interne grande remise.

Le harcèlement moral subi par M. [Q] [T] légitime sa prise d'acte et produit les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse appelant, outre les indemnités de rupture, la sanction indemnitaire prévue à l'article L.1235-3 du code du travail.

Après infirmation de la décision déférée, la cour condamnera en conséquence la SA CTV à régler à M. [Q] [T] les sommes de':

' 11'507,45 € à titre d'indemnité compensatrice légale de préavis avec intérêts au taux légal partant du 26 juin 2008, date de réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation;

' 33'500 € de dommages-intérêts sur le fondement du texte précité, majorée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, représentant l'équivalent de 9 mois de salaires eu égard à son âge (37 ans) et à son ancienneté dans l'entreprise (5 années).

Sur les demandes reconventionnelles de la SA CTV

La SA CTV produit aux débats des éléments - ses pièces 16, 16 bis, 33,34, 36 - laissant apparaître que M. [Q] [T], dans le cadre d'un projet interne d'externalisation de son service de mise à disposition de véhicules avec chauffeurs, a entretenu durant l'exécution de son contrat de travail courant 2007, avant sa prise d'acte, certains contacts pour son propre compte avec deux clients de l'entreprise - les groupes EADS et Lagardère -, contacts pris en tant que «Directeur Operating Manager» représentant pour la France la société HELP (High Events & Limousines Partners) LLC ayant son siège aux Etats-Unis. L'appelant ne donne aucune précision pertinente et utile à la cour sur cette activité, ce qui constitue de la part de ce dernier un manquement à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail rappelée à l'article L.1222-1 du code du travail, de sorte qu'après infirmation du jugement critiqué, la cour le condamnera reconventionnellement à payer à l'intimée la somme indemnitaire à ce titre de 5'000 € majorée des intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

Compte tenu de la solution donnée par la cour au présent litige concernant l'appréciation de la prise d'acte, l'intimée verra rejetée sa réclamation visant à ce que M. [Q] [T] soit condamné à une amende civile de 3'000 €, de même qu'elle sera déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité de 1'000 € pour appel dilatoire, sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens'

La SA CTV sera condamnée en équité à payer à l'appelant la somme de 2'500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement entrepris'en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SA CTV à payer à M. [Q] [T] la somme de 20'000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt;

DIT et juge justifiée la prise d'acte par M. [Q] [T] de la rupture de son contrat de travail devant ainsi produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

en conséquence,

CONDAMNE la SA CTV à lui régler les sommes de':

' 11'507,45 € d'indemnité compensatrice légale de préavis, incidence congés payés comprise, avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2008

' 33'500 € d'indemnité sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt';

CONDAMNE reconventionnellement M. [Q] [T] à payer à la SA CTV la somme indemnitaire de 5'000 € pour manquement à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt';

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [Q] [T] de sa demande indemnitaire pour heures supplémentaires;

DÉBOUTE la SA CTV de ses demandes fondées sur l'article 559 du code de procédure civile;

CONDAMNE la SA CTV à payer à M. [Q] [T] la somme de 2'500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;

ORDONNE a due concurrence la compensation entre les créances respectives des parties';

CONDAMNE la SA CTV aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 12/09278
Date de la décision : 25/03/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°12/09278 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-25;12.09278 ?
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