Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 24 MARS 2015
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/25054
(CONTREDIT)
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 novembre 2014 -Tribunal de Commerce de BORDEAUX - RG n° 2013F01610
DEMANDERESSE AU CONTREDIT :
SOCIÉTÉ ETABLISSEMENTS CHAMBON & FILS
prise en la personne de ses représentants légaux
Lieudit '[Adresse 1]'
[Adresse 1]
représentée par Me Katia YVER substituant Me Christian BOURGEON de la SCP THREARD BOURGEON MERESSE & ASSOCIES, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: P0166 et par Me Gilles SAMMARCELLI, avocat au barreau de BORDEAUX
DÉFENDERESSE AU CONTREDIT :
SOCIÉTÉ DIEMME ENOLOGIA société de droit italien
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Adresse 2] (RA)
ITALIE
représentée par Me Vladimir BLANCHY de la SELARL DE SEZE & BLANCHY, avocat plaidant du barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 février 2015, en audience publique, le rapport entendu, les avocats des parties ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur ACQUAVIVA, président et Madame DALLERY, conseillère, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Monsieur ACQUAVIVA, président
Madame GUIHAL, conseillère
Madame DALLERY, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame PATE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.
Vu le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 21 novembre 2014 qui, dans une instance opposant la société française Les Etablissements Chambon et Fils à la société italienne DIEMME ENOLOGIA SPA aux fins d'obtenir de cette dernière l'indemnisation du préjudice causé par la rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l'article L 442-6-1 5° du code de commerce et de l'article 5-3 du Règlement du Conseil CE 44/2001 à la suite de la résiliation à effet du 18 janvier 2013 du contrat de 'concession de vente oenologique' conclu le 18 janvier 2006, a dit recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société italienne et y faisant droit s'est déclaré incompétent, renvoyant les parties à mieux se pourvoir devant les tribunaux italiens et a condamné la société Les Etablissements Chambon et Fils à verser 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu le contredit du 2 décembre 2014 et les conclusions récapitulatives déposées et reprises oralement à l'audience de la société Les Etablissements Chambon et Fils qui prie la cour de la recevoir en son contredit, de :
- dire nul comme contraire à la finalité de l'article 23 du règlement CE 44/2001 l'article 19 du contrat de 'concession de vente oenologique' en ce qu'il réserve à la seule société DIEMME ENOLOGIA SPA (DIEMME) la faculté unilatérale et discrétionnaire de saisir tout autre tribunal éventuellement compétent que l'Institution Judiciaire de Ravenne,
- surabondamment, dire inopposable cet article à une action fondée sur les dispositions de l'ordre public de l'article L 442-6-1 5° du code de commerce en ce qu'elle impose l'application du droit italien,
de dire en conséquence le tribunal de commerce de Bordeaux compétent pour connaître du litige et vu les articles 89 et 90 du code de procédure civile, d'évoquer et inviter les parties à conclure au fond ainsi que de condamner DIEMME à lui verser 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions de DIEMME reprises oralement à l'audience qui demande au visa des articles 48 du code de procédure civile et 23 du Règlement CE du Conseil n°44/2201, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de l'article 19 du contrat du 18 janvier 2006 et décliné sa compétence au profit des tribunaux italiens, subsidiairement de dire la contredisante irrecevable en ses demandes relatives à la loi applicable dans le cadre de son contredit, de dire qu'il appartiendra à la juridiction compétente saisie au fond de se prononcer sur la loi applicable, de rejeter la demande d'évocation et, en tout état de cause, de lui allouer 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR QUOI,
Considérant que selon l'article 23-1 du Règlement (CE) du Conseil n° 44/2001du 22 décembre 2000 relatif à la compétence judiciaire : ' Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. [...]' ;
Considérant que l'article 19 intitulé 'Tribunal Compétent' du contrat de 'concession de vente oenologique' conclu le 18 janvier 2006 entre la société italienne DIEMME et la société française TERRAVI aux droits de laquelle se trouve la société française Les Etablissements Chambon et Fils dispose selon sa traduction par traducteur assermenté :
' Le présent contrat est régi par la loi italienne et y est soumis. Toute réclamation ou litige relative à l'exécution ou à l'interprétation du présent contrat, à son application, interprétation, annulation ou résiliation, sera soumise exclusivement à la seule et unique juridiction de la cour d'appel de Ravenne (Italie).
La société DIEMME aura toutefois le droit de se référer à d'autres cours compétentes, conformément aux règles de procédure légale.
Pour toute éventuelle altération ou incertitude relative à l'interprétation, si l'on compare les textes contractuels, seul le texte en langue italienne fera foi.'
Considérant que la contredisante invoque la postestativité de la clause attributive de compétence tandis que DIEMME soutient qu'une partie qui peut conventionnellement obliger l'autre à saisir une juridiction non compétente selon les règles de compétence ordinaires, peut aussi elle seule y renoncer et saisir la juridiction compétente en application du droit commun, la dite juridiction étant déterminable ;
Considérant que la clause litigieuse aux termes de laquelle DIEMME aura le droit le droit d'agir 'devant d'autres cours compétentes, conformément aux règles de procédure légale' ne lie que la société française, seule tenue de saisir les tribunaux italiens ; qu'il s'ensuit que cette clause revêt un caractère potestatif à l'égard de la société italienne, peu important le caractère déterminable de l'option de compétence que celle-ci s'était réservée, de sorte qu'elle est contraire à l'objet et à la finalité de la prorogation de compétence ouverte par l'article 23 du règlement précité ;
Que cette clause est donc nulle et de nul effet ;
Qu'il convient, accueillant le contredit, d'infirmer le jugement du tribunal de commerce qui sur le fondement d'une telle clause, s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à se mieux pourvoir devant les juridictions italiennes ;
Considérant que les parties n'articulant aucune autre contestation de compétence que celle tirée de la clause d'élection de for, il convient de dire le tribunal de commerce de Bordeaux compétent, étant précisé qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur la loi applicable ;
Considérant que la demande d'évocation de l'affaire qui prive les parties d'un degré de juridiction, est rejetée ;
Considérant que DIEMME qui succombe est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et est condamnée à verser la somme de 2.500€ à la contredisante sur ce fondement ;
PAR CES MOTIFS,
Déclare fondé le contredit ;
Infirme le jugement ;
Dit nulle et de nul effet la clause attributive de compétence contenue dans l'article 19 du contrat de 'concession de vente oenologique' conclu le 18 janvier 2006 liant les parties ;
Dit le tribunal de commerce de Bordeaux compétent ;
Renvoie l'affaire devant ce tribunal ;
Rejette la demande d'évocation et toute autre demande ;
Condamne la société DIEMME ENOLOGIA SPA aux dépens du contredit et à verser à la société Les Etablissements Chambon et Fils la somme de
2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT