RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 24 Mars 2015
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/06555
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Mai 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section encadrement RG n° 11/09752
APPELANTS
Madame [X] [Y] veuve [D]
ayant droit de M.[A] [D]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Monsieur [UD] [D]
ayant droit de M.[A] [D]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Monsieur [H] [D] représenté par Madame [X] [Y] veuve [D]
ayant droit de M.[A] [D]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparants en personne, assistés de Me Daniel-Yves LACROIX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1749
INTIMEE
Association PARALYSES DE FRANCE (APF)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Jean-françois PATOU, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 176
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente de chambre
Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président de chambre
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour est saisie de l'appel interjeté par Mme veuve [A] [D], en son nom et es-qualité pour son fils [H], et [UD] [D], fils majeur, du jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris section encadrement chambre 3 du 5 mai 2014 qui a annulé l'avertissement du 1er juillet 2011 et a condamné l'Association des Paralysés de France à payer aux consort [D] les sommes de:
4 924.77 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied et 429.47 € de congés payés afférents
26 072.34 € à titre de préavis et 2 607.23 € pour congés payés afférents
78 217 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
avec intérêt légal à dater de la réception de la convocation par la partie défenderesse devant le bureau de conciliation
et 1 000 € pour frais irrépétibles
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
Le docteur [D] a été engagé le 22 mai 1990 en qualité de médecin généraliste au sein de la résidence [Établissement 2] à [Localité 2] qui reçoit des handicapés moteurs en état grave. En dernier lieu il était médecin-chef coordonnateur et effectuait 19H50 par semaine au dernier salaire de 4 345.39 €, effectuait des vacations dans deux autres établissements et en pratique libérale.
Il a fait l'objet d'avertissements les 19 mai 2011 et 1er juillet 2011 ;
Le docteur [D] a saisi le 11 juillet 2011 le conseil des prud'hommes en annulation de ces sanctions et en paiement de dommages-intérêts ;
Il a été hospitalisé à [Établissement 1] et en arrêt-maladie du 4 au 24 octobre 2011 et en décembre 2011 ;
Il y a eu un mouvement de grève le 10 janvier 2012 dans l'établissement avec signature d'une pétition par de nombreux salariés faisant état de souffrance au travail ;
Le docteur [D] a été convoqué le 8 février 2012 à un entretien préalable fixé au 17 février 2012 avec mise à pied à titre conservatoire et licencié le 12 mars 2012 pour faute grave.
Le 3 juillet 2012 le docteur [D] a mis fin à ses jours dans l'établissement où il était en visite dans le cadre de pratique de médecine libérale conservée;
Les consorts [D] demandent de confirmer les sommes allouées et par voie d'infirmation de condamner l'Apf à payer les sommes de 260 723.40 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 5 000 frais irrépétibles avec intérêt légal à compter du 11 juillet 2011.
L'Apf demande de débouter les consorts [D] de toutes leurs demandes et les condamner à payer la somme de 5 000 € pour frais irrépétibles.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience ;
Sur les avertissements
Le docteur [D] a été convoqué le 19 avril 2011 par lettre recommandée à un entretien préalable fixé au 29 avril 2011 et a fait l'objet d'un avertissement le 19 mai 2011 pour perte de maîtrise et attitude préjudiciable au travail en équipe et au bien-être des résidents lors d'une réunion du 5 avril 2011 pour énervement et colère relativement au traitement de l'enfant [DQ] [B], en faisant état des exigences indues et des critiques insupportables de sa mère envers le personnel soignant auxquelles Mme [K], (directrice d'établissement) cède par ce qu'elle en a peur et qu'il a préféré quitter la réunion ; il était fait état d'un incident comparable lors d'une réunion du 20 septembre 2010 l'ayant opposé à Mme [VR], responsable de secteur ;
Le docteur [D] a été convoqué le 3 mai 2011 à un entretien préalable fixé au 12 mai 2011 revenu non réclamé et 24 mai 2011 à un entretien préalable fixé au 3 juin 2011 qui a été tenu et re-convoqué le 16 juin 2011 selon lettre présentée le 17 juin 2011 et réceptionnée le 29 juin 2011 à un entretien fixé au 24 juin 2011 et a fait l'objet le 1er juillet 2011 d'un avertissement pour dissimulation d'information sur la demande de prise en charge dans un autre établissement d'un résident faite par lettre du 12 avril 2011 sans concertation avec la famille et la direction ;
La procédure est régulière dans la mesure où les convocations par lettres recommandées ont été envoyées et que le défaut de réception des convocations par le docteur [D] qui n'est pas allé réceptionner ses courriers et l'absence à certains des entretiens ainsi fixés n'impose pas à l'employeur de renouveler la convocation initiale ;
Le préalable de conciliation prévu à l'article 12 du contrat de travail est relatif à l'initiation d'une action contentieuse et non un préalable à l'application de sanctions en vertu du pouvoir de direction de l'employeur ;
Sur l'attitude du docteur [D] lors de la réunion du 5 avril 2011, Mme [C], adjointe de direction, relate les faits tels que repris par l'avertissement sauf qu'il a été invité à quitter la réunion par Mme [K], s'il ne pouvait participer de manière constructive et sereine, ce qu'il a fait ;
Le docteur [D] a initié auprès du Pôle Evaluation à compter du 12 avril 2011 des démarches visant à faire admettre [DQ] [B] dans un établissement Mas plutôt que Fam ; Le Pôle Evaluation lui a répondu le 27 avril 2011 qu'il fallait faire parvenir une demande signée par le malade ou son représentant légal ;Cette démarche était critiquée par Mme [B] selon courriel du 12 mai 2011 qui demandait de la concertation ;
Les avertissements sont fondés pour emportement violent à la réunion du 5 avril 2011 et initiation de démarches en vue de changement d'établissement sans concertation avec la famille et la direction, indépendamment des prérogatives du docteur [D] pour la délivrance de certificats médicaux ;
Sur le harcèlement moral
Les consorts [D] invoquent des faits de harcèlement moral de la part de Mme [K], directrice de l'établissement nommée en 2009, sur l'année 2011:
10 janvier 2011, modification unilatérale des ses horaires de consultation,
3 mai 2011 menace de sanction disciplinaire
19 mai 2011 notification d'un avertissement
24 mai 2011 menace de sanction disciplinaire
16 juin 2011 convocation à entretien préalable
21 juin 2011 notification d'un avertissement
1 er juillet 2011 nouvel avertissement
11 juillet 2011 notification par le docteur [D] de la saisine du conseil des prud'hommes sur l'annulation des avertissements et doléances sur volonté de le faire licencier et transfert des malades du docteur [CM] qui consultait 3H sans modification de son temps de travail depuis un an,
7 septembre 2011 courrier en réponse de Mme [K], refusant la demande de rappel de salaire pour un travail rémunéré à l'heure, de retards dans ses vacations avec récapitulation de ses horaires,
4 octobre 2011 courrier d'observation de Mme [K] mettant en cause ses relations avec le docteur [W] et lui demandant de réfléchir à changer ses horaires pour ne plus la croiser ;
Ils produisent :
un certificat médical du 19 décembre 2011 diagnostiquant un contexte anxio-dépressif sévère du docteur [D] lié selon lui à des conflits professionnels subis dans une structure d'handicapés et qu'il reçoit un traitement anti-dépresseur et anxiolytique ;
une attestation de satisfaction de son activité et du relationnel du docteur [D] émanant de consultants à [Établissement 1], le professeur [R] et le docteur [F], des salariées Mme [PA], [CH],
une attestation de Mme [Q], ancienne directrice de l'établissement Apf, attestant de son bon relationnel et de sa disponibilité, avec faculté de discussion,
des attestations de Mmes [S], [R], [T], [O], [M], [G], [JX], [I], [JD], [UX], [N], [E], salariées de l'établissement Apf certifiant sa disponibilité et de son bon relationnel
de parent, tuteur, de patients attestant de son écoute
une attestation d'activité compétente émanant de M. [VH], directeur du centre médical de [Localité 1] ;
La lettre du 21 juin 2011 constitue la réponse à la contestation du 27 mai 2011 du docteur [D] du premier avertissement qui est maintenu ;
Les faits dénoncés sont en relation avec les procédures ayant entouré les avertissements déclarés fondés et le différend avec le docteur [W] est ci-après reconnu comme faisant grief ;
Les changements d'heures ont été ensuite ratifiés par le docteur [D] ;
Il n'est pas établi de faits susceptibles de faire suspecter des faits de harcèlement moral ;
Sur le licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige fait état :
de griefs sur son comportement et mode relationnel
d'altercation le 9 décembre 2011 avec Mme [U], cadre infirmier, qu'il a accablée de reproches et accusée d'être responsable du décès d'un patient,
de comportement humiliant à l'égard de Mme [W] qui a émis des doléances le 11 janvier sur la forme violente et publique de ses critiques et faisant état de harcèlement moral,
de dérapage verbal le 15 décembre 2011 à l'égard de M. [J], chef-comptable qui s'était trompé dans la date d'entrée dans un certificat de travail et n'avait pas mentionné le titre de docteur, avec des hurlements,
de manque de réserve et de respect et critique de la hiérarchie et de l'institution pour avoir laissé le 9 décembre 2011 un compte-rendu de réunion d'encadrement sur son cahier ouvert à l'infirmerie,
de trouble manifeste lors d'une réunion du 3 janvier 2012 pour insinuation de favoritisme auprès de l'encadrement qui soutient la directrice, ce qui est propre à la discréditer ;
Le contrat de travail précise que le docteur [D] s'engage à exercer son art en toute indépendance et dans un esprit de collaboration et de coordination avec les autres membres de l'équipe pluridisciplinaire de l'établissement, notamment lors des réunions de synthèse organisées et présidées par le directeur d'établissement ;
Le docteur [W], collègue, a émis des doléances par lettre du 3 août 2011 sur un différent avec le docteur [D] à propos de Mme [PU], patiente, dont il a dit qu'elle partageait son avis sur une opération alors qu'elle y était opposée ;
Le docteur [W] a émis le 18 septembre 2011 des doléances sur les propos insultants, menaçants, irrationnels tenus par le docteur [D] lors d'une entrevue le 14 septembre 2011, lui disant qu'elle avait encore pété les plombs à deux reprises à propos du ventilateur et de M. [P] et demandant à modifier ses horaires pour ne plus croiser le docteur [D], le 4 octobre 2011 en invoquant un harcèlement moral de sa part ;
Elle a demandé un rendez-vous le 11 janvier 2012 à Mme [K] avec en copie une lettre du 11 janvier 2012 envoyée au docteur [D] lui reprochant d'avoir noté qu'elle avait fait des erreurs médicales sur le cahier collectif de transmission, une lettre de doléance du 29 janvier 2012 sur le fait que le docteur [D] est venu la voir le 25 janvier 2012 dans son bureau alors qu'il ne devait pas venir de jour-là ;
Selon le compte-rendu de la réunion du 28 septembre 2011, les 3 responsables de secteurs faisaient état du ton dédaigneux du docteur [D], Mme [VR] de l'incident l'ayant opposée au docteur [D] avec lettre en réponse de 6 pages divulguées dans le service, dénigrement de la direction, difficultés de collaboration et emportement ;
Le docteur [D] a envoyé un courriel le 15 décembre 2011 à 23 H.30 à M. [J], comptable, disant après 14H de travail, présenter ses excuses pour son ton vif lié à son traitement chimique pour supporter les humiliations subies à l'Apf ;
Selon courriel du 13 décembre 2011 de M. [IJ], (référent qualité), à Mme [K], il lui fait part d'un incident de vendredi dernier du docteur [D] avec Mme [U] qui était en pleurs pour avoir subi ses reproches pour ne pas avoir pris son parti et la rendant responsable du décès de M. [Z] et que sa situation est insupportable à vivre ;
M. [PK] et Mme [C] ont attesté que le docteur [D] lors de la réunion du 3 janvier 2012 avait fait part de favoritisme de Mme [K] auprès des encadrants qui la soutenaient ;
Mme [C] a attesté du mal-être de Mme [U] face au docteur [D];
Mmes [IT], [L], [C] ont attesté que Mme [Q], directrice de 2003 à 2008 s'exprimait sur des difficultés rencontrées avec le docteur [D] ; des courriels de Mme [Q] des 5 janvier et 1er février 2005 font état de difficultés pour lui faire assurer l'encadrement pour fonctionner à l'affectif, d'enjeux de pouvoirs ;
M. [V], directeur régional, a attesté qu'il avait été saisi par les directrices de l'établissement et par le docteur [D] de différents les opposant;
Les faits reprochés sont ainsi établis, pour emportement et comportement violent à l'égard de plusieurs salariés de l'établissement et comportement publiquement péjoratif à l'égard du docteur [W] énoncé dans un cahier de correspondance accessible aux salariés de l'établissement ;
Les attestations de satisfaction de nombreux salariés et collègues ne sont pas de nature à apporter la preuve contraire aux faits ainsi établis ;
Ils constituent une faute simple au regard de l'ancienneté du salarié dans l'établissement ;
Le jugement sera donc confirmé sur les sommes allouées sauf sur le cours des intérêts;
Il n'y a pas lieu à frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement sur l'annulation de l'avertissement du 1er juillet 2011 et le cours des intérêts et statuant à nouveau de ces chef :
Dit cet avertissement justifié ;
Dit que les intérêts légaux courrent à compter des premières conclusions comportant les demandes faites après le licenciement ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Rejette les autres demandes ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT