Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 24 MARS 2015
(n°214 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/06532
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Mars 2014 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 14/02594
APPELANTES
SA WENDEL prise en la personne de son président Monsieur [B] [K]
[Adresse 3]
[Localité 1]
SARL WINVEST CONSEIL prise en la personne de son représentant légal Monsieur [R] [C]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentées et assistées par Me Dominique DE LA GARANDERIE de la SCP LA GARANDERIE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487
INTIME
Monsieur [V] [U]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Delphine-lise MARECHAL de l'Association HALARD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R153
assisté de Me Emilie SOLLOGOUB, plaidant pour l'Association HALARD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R153
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nicole GIRERD, Présidente de chambre
Mme Mireille DE GROMARD, Conseillère
Madame Odette-Luce BOUVIER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nicole GIRERD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
[V] [U] a été engagé par la SA WENDEL à compter du 15 novembre 2001 en qualité de directeur juridique.
A compter du mois de janvier 2007, une partie de la rémunération de M. [U] lui a été versée par la société WINWEST CONSEIL, filiale luxembourgeoise de la société WENDEL.
Ayant la possibilité en sa qualité de salarié de co-investir dans différentes sociétés non cotées du groupe WENDEL, M. [U] a acquis 170 actions de la société anonyme de droit luxembourgeois WINVEST INTERNATIONAL.
A la suite de son licenciement pour faute grave, [V] [U] a saisi le conseil des prud'hommes le 9 octobre 2009 en réparation de ce licenciement non causé.
Le 1er avril 2010, M. [U] a conclu avec les sociétés WENDEL et WINVEST CONSEIL un « protocole transactionnel».
Contestant le caractère de transaction du protocole du 1' avril 2010, en raison de l'absence alléguée de concessions réciproques dès lors qu'en perdant la qualité de salarié, il avait dû céder ses actions concomitamment à la signature de la transaction litigieuse, par assignation du 23 juin 2010, M. [U] a assigné les sociétés WENDEL et WINVEST CONSEIL devant le conseil des prud'hommes de Paris aux fins d'annulation de ce protocole et également d'indemnisation en réparation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel de salaires.
Le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré territorialement compétent par décision du 23 novembre 2011.
Le 8 décembre 20111, la société WINVEST CONSEIL, invoquant la compétence des juridictions luxembourgeoises, a formé contredit de cette décision avant de solliciter le dépaysement de l'affaire au visa de l'article 47 du code de procédure civile.
Par arrêt du 3 septembre 2013, la cour d'appel de Versailles a déclaré la juridiction française compétente, dit le contredit mal fondé et renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Versailles.
Par requête du 18 décembre 2013, M. [V] [U], invoquant des sommations de communiquer des documents demeurées infructueuses, a saisi le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir, sous astreinte, 'la communication de toutes les pièces permettant de déterminer les quote-part des produits de cession [lui] revenant et à lui revenir sur les opérations déjà réalisées ou à intervenir, au titre des actions et droits qu'il détenait dans la société de droit luxembourgeois WINVEST CONSEIL'.
Par ordonnance du même jour, le juge des requêtes du tribunal de grande instance de Paris, retenant que M. [V] [U] entendait obtenir « l'indemnisation de ce qu'il considérait comme l'ensemble du préjudice résultant de son licenciement, notamment perte d'une chance de réaliser des profits sur des co-investissements réalisés par l'intermédiaire de la société WINVEST', a fait droit à cette demande et enjoint les sociétés WELDEL et WINVEST CONSEIL de communiquer les pièces sus mentionnées, sous astreinte de 2.000 € par jour de retard à compter du 31ème jour suivant la signification de l'ordonnance exécutoire.
Les sociétés WENDEL et WINVEST CONSEIL ont assigné M. [V] [U] le 23 janvier 2014 en rétractation de l'ordonnance.
Par ordonnance du 12 mars 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris les a déboutées de leur demande de rétractation et les a condamnés au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte du 21 mars 2014, la SA WELDEL et la SARL WINVEST CONSEIL ont interjeté appel de cette décision.
Il convient de mentionner que par jugement au fond du 31 mars 2014, le conseil de prud'hommes de Versailles a débouté [V] [U] de l'ensemble de ses demandes et que M. [U] a interjeté appel dudit jugement.
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Au soutien de l' appel formé à l'encontre de l'ordonnance rendue le 12 mars 2014 par le juge de la rétractation, la société WENDEL et la société WINVEST CONSEIL, appelantes, par conclusions transmises le 23 décembre 2014, demandent à la cour de :
- infirmer la décision,
- annuler l'ordonnance du 18 décembre 2013 sur le fondement de l'article 812 du code de procédure civile,
- constater que les sociétés WENDEL et WINVEST CONSEIL ne sont pas signataires de l'acte de cession d'actions en cause et les mettre hors de cause.
A défaut d'annulation, de :
- rétracter l'ordonnance du 18 décembre 2013.
Dans tous les cas, de :
- dire qu'il n'y a pas lieu à réserver une décision sur l'astreinte.
- condamner M. [V] [U] à payer à la société WENDEL et à la société WINDEST CONSEIL la somme de 5.000 € chacune au titre de l'article 700 du CPC.
Par conclusions signifiées le 19 janvier 2015, M. [U], intimé, demande à la cour de débouter les sociétés WENDEL et WINVEST CONSEIL de leurs demandes, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance prononcée le 12 mars 2014 et de les condamner au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Considérant que les appelantes contestent la compétence du juge des référés du tribunal de grande instance pour statuer par voie de requête dès lors qu'une instance au fond avait été engagée devant les juridictions sociales par M. [U] et que l'article 138 du code de procédure civile vise uniquement la compétence du juge 'saisi de l'affaire', en l'espèce le conseil des prud'hommes ;
Considérant que l'intimé fait valoir qu'il est impossible pour la partie au procès prud'homal, en cours d'instance, d'obtenir au visa de l'article 138 du code de procédure civile, la communication forcée de pièces nécessaires au succès de ses prétentions, le juge prud'homal n'étant pas saisi entre le bureau de conciliation et le bureau de jugement et la procédure sur requête n'existant pas devant le conseil des prud'hommes ; que toutefois, le président du tribunal de grande instance est compétent pour ordonner, conformément à l'article 812, alinéa 2, du code de procédure civile, la production de pièces destinées à une instance prud'homale, du fait notamment de la plénitude de juridiction donnant compétence générale au juge des référés du tribunal de grande instance ;
Considérant que la cour relève qu'en application des articles 11 et 138 du code de procédure civile, applicables devant les juridictions prud'homales conformément à l'article R. 1451-1 du code du travail, la délivrance de pièces par une partie à une instance prud'homale ou par des tiers peut être ordonnée par le juge saisi de l'affaire ;
Que le recours à ces dispositions suppose qu'une instance soit en cours pour obtenir du juge saisi une production de pièces ;
Que tel n'est pas le cas dans la période courant entre l'audience de conciliation et celle du bureau de jugement du conseil de prud'hommes ;
Considérant qu'en l'absence de dispositions spécifiques du code de procédure civile, le président du conseil de prud'hommes n'ayant pas compétence pour statuer par ordonnance sur requête et le conseiller rapporteur n'ayant pas le pouvoir de se faire remettre des pièces contre le gré de leur détenteur, le président du tribunal de grande instance est compétent pour ordonner la production de pièces destinées à une instance prud'homale conformément à l'article 812, alinéa 2, et 142 du même code ;
Considérant que l'article 812 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal du tribunal de grande instance est saisi par requête dans les cas spécifiés par la loi ; qu'il peut également ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ;
Qu'en application de l'article 142 du même code, les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 138 et 139 du code de procédure civile ;
Qu'en l'espèce, la cour relève que M. [V] [U] a saisi le conseil des prud'hommes le 9 octobre 2009 d'une action au fond tendant à la réparation d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à l'indemnisation de son entier préjudice de ce fait et d'une seconde action au fond formée par acte du 23 juin 2010 devant la même juridiction en annulation du protocole transactionnel litigieux ;
Qu'il est établi que M. [U] n'a pu obtenir des sociétés assignées WENDEL et WINVEST CONSEIL, avant la tenue de l'audience de jugement du conseil de prud'hommes fixée au 3 février 2014, en dépit de ses demandes faites par voie de conclusions et par sommation de communiquer du 7 octobre 2013, les pièces susceptibles, selon lui, de déterminer les quote-part des produits de cession qu'il revendique sur les opérations déjà réalisées ou à intervenir au titre des actions et droits qu'il détenait dans la société WINVEST INTERNATIONAL et de lui permettre d'étayer et chiffrer sa demande d'indemnisation formée devant le conseil de prud'hommes au titre de la perte de chance ;
Que M. [U], arguant de cette impossibilité d'obtenir communication de ces pièces, a saisi par voie de requête le 18 décembre 2013 le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris ;
Qu'il est constant que M. [U] ne pouvait plus saisir le juge des référés prud'homal aux fins de production des documents dont il réclamait la communication dès lors qu'il avait assigné au fond les parties adverses devant le conseil de prud'hommes par assignation du 23 juin 2010 ;
Que dès lors, le juge des requêtes du tribunal de grande instance était compétent en application des dispositions combinées des articles 142, 138, 139 et 812, alinéa 2, du code de procédure civile pour ordonner aux parties à l'instance prud'homale, les sociétés WENDEL et WINVEST CONSEIL, de produire des pièces en vue de permettre à M. [U] de faire valoir ses droits dans le litige prud'homal en cours, le recours à cette procédure non contradictoire étant justifié, comme l'indique la requête formée le 18 décembre 2013 par M. [U], expressément visée par l'ordonnance y faisant droit, d'une part, par l'impossibilité dans laquelle se trouvait le requérant de saisir le juge des référés prud'homal et d'autre part, par l'absence de communication volontaire par les parties adverses des pièces litigieuses ;
Qu'il convient dès lors de débouter les appelantes de leur demande d'annulation de l'ordonnance du 18 décembre 2013 ;
Qu'il convient enfin de relever que la décision de production de pièces prononcée par le juge saisi en application des articles sus mentionnés relève de son pouvoir discrétionnaire ; qu'au demeurant, en l'espèce, le refus réitéré des sociétés WENDEL et WINVEST CONSEIL de communiquer ces éléments d'information justifie le recours par M. [U] à une procédure de production forcée ;
Qu'il convient dès lors de confirmer l'ordonnance rendue le 12 mars 2014 rejetant la demande de rétractation de la requête présentée le 18 décembre 2013 et de débouter les appelantes de l'ensemble de leurs demandes en ce comprise leur demande de mise hors de cause qui ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation ;
Considérant qu'un 'constat' et un ' donner acte n'emportent pas de conséquence juridiques ; qu'il n' y a pas lieu de statuer sur ces demandes ;
Considérant que l'équité commande de ne pas faire droit à la demande des parties présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que les sociétés WENDEL et WINWEST CONSEIL, parties perdantes, doivent supporter les entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 12 mars 2014 par le président du tribunal de grande instance de Paris,
Déboute les appelantes de l'ensemble de leurs demandes,
Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
Condamne in solidum la SA WENDEL et la SARL WINWEST CONSEIL aux entiers dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT