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20/03/2015 | FRANCE | N°11/05696

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 20 mars 2015, 11/05696


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 20 Mars 2015 après prorogation

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05696

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Avril 2011 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 08/11874





APPELANT

Monsieur [P] [T]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Frédéric BENOIST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0001 su

bstitué par Me Stéphane ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : G001







INTIMEE

SAS TAGERIM

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-René AUZANNEAU, avocat au barre...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 20 Mars 2015 après prorogation

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05696

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Avril 2011 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 08/11874

APPELANT

Monsieur [P] [T]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Frédéric BENOIST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0001 substitué par Me Stéphane ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : G001

INTIMEE

SAS TAGERIM

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-René AUZANNEAU, avocat au barreau de POITIERS et Mme [Z] [Y] (Responsable RH) en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [P] [T] a été engagé selon contrat à durée indéterminée à compter du 6 janvier 2003 par la société TOULOUSE ADMINISTRATION GERANCE IMMOBILIERE devenue la SAS TAGERIM en qualité de directeur administratif et financier.

Dans son dernier état son salaire mensuel était de 11.666 €.

Il a fait l'objet d'une convocation à un entretien de licenciement avec mise à pied à titre conservatoire, par lettre du 29 août 2008.

L'entretien préalable s'est tenu le 10 septembre 2008 et il a été licencié le 17 septembre 2008 pour faute grave.

Par jugement du 28 avril 2011, le conseil de prud'hommes de Paris a retenu que la faute grave, a débouté M. [P] [T] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux dépens et à payer la somme de 800 € à la SAS TAGERIM en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. [T] a formé appel.

Lors de l'audience du 13 janvier 2015, les parties ont soutenu oralement les conclusions visées par le greffier.

M. [T] sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et demandE à la cour de :

dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamner la SAS TAGERIM à lui verser les sommes :

- 5.833 € à titre de salaire du 3 au 17 septembre 2008 (mise à pied)

- 583,30 € pour les congés afférents

- 35.000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 3.500 € au titre des congés payés afférents ;

- 16.769,88 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 10.258,85 € à titre de remboursement de frais

- 30.000 € à titre de rappel de salaire (prime annuelle 2007)

- 3.000 € au titre des congés payés afférents

- 21.250 € à titre de rappel de salaire (prime annuelle 2008)

- 2.125 € au titre des congés payés afférents

- 150.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société TAGERIM de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes

- 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux dépens.

Au soutien de ses demandes, M. [T] expose qu'on ne saurait lui imputer de faute grave ;

Il souligne que M. [G] dont les frais professionnels somptuaires lui sont reprochés était son supérieur hiérarchique ; il ajoute que ce grief est prescrit car la société a eu connaissance de ces dépenses bien avant le 28 juillet 2008 ;Que la cession, pour laquelle il lui est reproché de ne pas avoir demandé de garantie bancaire du cédant, s'est déroulée en présence de M. [G] et que c'est lui qui a décidé que l'on verrait plus tard pour la garantie ;

Qu'enfin s'agissant des griefs relatifs à la désorganisation comptable, il souligne avoir signalé à plusieurs reprises la nécessité d'obtenir un renforcement des équipes mais en vain.

Il indique que le recrutement de son remplaçant a été engagé dès juin 2008 et estime que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

La SAS TAGERIM conclut à la confirmation du jugement et au rejet de l'ensemble des demandes de M. [T] ;

Elle estime que son licenciement pour faute grave est justifié ;

Elle sollicite sa condamnation à la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

SUR CE LA COUR

Sur le licenciement pour faute grave 

La lettre de licenciement du 16 septembre 2008 vise trois griefs

- le fait d'avoir signé des chèques pour des notes de frais et des dépenses somptuaires de M. [G] contraires aux intérêts du groupe et de ne pas en avoir alerté sa hiérarchie ;

- l'acquisition du cabinet TAGERIM ALSACE sans caution bancaire

- la désorganisation du service comptable.

Sur le premier grief licenciement

Il est reproché à M. [T] de graves manquements à ses obligations contractuelles, la société indiquant avoir découvert lors d'un contrôle inopiné des notes de frais du vice-président du groupe M. [G] que de nombreuses factures réglées ou sommes prises en charge par la société n'avaient aucun lien avec l'exercice de son activité professionnelle et s'avéraient totalement injustifiées voire frauduleuses.

M. [T] soulève la prescription des faits visés par le premier grief, faisant valoir que la société qui lui reproche d'avoir couvert des frais dispendieux de M. [G] en avait nécessairement eu connaissance plus de deux mois avant le 16 septembre puisqu'elle a licencié M. [G] par courrier du 15 juillet 2008 ; qu'elle a nécessairement été amenée à effectuer des investigations avant cette date et que le contrôle inopiné est intervenu en juin 2008. Il ajoute au fond que M. [G] étant son supérieur hiérarchique il lui était impossible de dénoncer les faits et qu'au demeurant le montant des dépenses de M. [G] était analogue à celui des frais du président M. [L] ;

La société s'oppose à la prescription et fait valoir qu'elle a interrogé par courrier du 16 juillet 2008 la comptable en charge de ces paiements et que celle-ci lui a répondu le 28 juillet 2008 qu'elle avait alerté à plusieurs reprises M. [T] sur le montant et la nature de ces dépenses. TAGERIM indique qu'après vérification elle a constaté que M. [T] avait signé les chèques.

TAGERIM indique n'avoir eu connaissance de ces faits qu'à compter du 28 juillet 2008 et qu'en conséquence, ils n'étaient pas prescrits au moment de l'envoi de la lettre de licenciement du 16 septembre 2008.

Mais la cour observe que la société TAGERIM ne s'explique pas sur les circonstances de la découverte inopinée en juin 2008 des frais litigieux de son vice président ni sur les investigations menées dès juin 2008 lors de la négociation de la rupture conventionnelle.

Il résulte de ce contexte qu'il n'est pas concevable que la société ait découvert le paiement de ces frais litigieux par M. [T] seulement le 28 juillet 2008 suite au courrier de Mme [X] [E] alors que la lettre de licenciement de M. [G] est datée du 15 juillet 2008 et mentionne expressément une liste de dépenses litigieuses notamment les frais engagés sur divers véhicules dont il est aujourd'hui reproché le paiement par chèque à M. [T]. En effet en instruisant en juin 2008 le licenciement de M. [G] la société a nécessairement constaté dès ce moment que M. [T] avait signé des chèques pour les dépenses litigieuses, dès lors ces faits étaient prescrits au 29 août 2008, date de la convocation à un entretien préalable et de la mise à pied conservatoire.

Sur le deuxième grief 

La société TAGERIM reproche à M. [T] l'acquisition du cabinet TAGERIM ALSACE sans avoir exigé et obtenu une caution bancaire garantissant l'obligation de passif des vendeurs.

Elle produit au soutien de ce grief le courrier de Mme [J] [C] du 9 septembre 2008, salariée de TAGERIM  ainsi libellé :

« Avant la signature des actes que personne n'a souhaité relire et que les parties semblaient pressées de signer, j'ai pris l'initiative de demander aux vendeurs la remise de la caution bancaire qu'ils nous ont indiqué ne pas avoir.

J'ai alors interrogé [A] [G] et [P] [T] pour savoir comment ils souhaitaient procéder. Monsieur [G] a immédiatement tranché et décidé que la caution serait remise plus tard, laissant entendre que mon intervention était un peu déplacée étant donné la confiance accordée aux vendeurs avec qui il semblait entretenir des relations amicales.

Malgré la conversation que j'avais eue auparavant avec [P] [T], celui-ci n'a pas contredit les propos d'[A] [G] et a établi le chèque...

A plusieurs reprises par la suite j'ai questionné [P] [T] pour savoir s'il avait reçu cette caution et s'il avait relancé les vendeurs. Il me répondait qu'il allait s'en occuper mais je n'ai jamais eu de nouvelles depuis. »

A cet égard il convient d'abord de relever que ce courrier est une réponse datée du 8 septembre 2008, émanant d'un salarié TAGERIM à un courrier du président de cette société qui demande de lui fournir ses explications « quant au déroulement des faits et de me démontrer votre bonne foi dans cette malheureuse affaire ».

Ensuite, il ressort du courrier de Mme [C] que M. [G] était présent lors de la signature de l'acte, qu'il semblait entretenir des relations amicales avec les vendeurs et qu'il a tranché immédiatement pour indiquer que la caution serait remise plus tard.

Au vu de ces éléments, il ne peut être reproché à M. [T], qui était placé sous la hiérarchie de M. [G], vice président, de ne pas avoir été à l'encontre de celui-ci qui entretenait des relations amicales avec les vendeurs.

Ce grief n'est donc pas établi.

Sur le troisième grief 

La lettre de licenciement fait état d'une désorganisation de la direction financière et comptable dont avait la charge M. [T] et indique que cela est corroboré par les comptes rendus d'audit du cabinet KPMG ; qu'il a été relevé de graves lacunes dont « absence de procédures comptables et de référentiels de gestion, hétérogénéité des pratiques et méthodes, systèmes d'informations non sécurisés et non optimisés, processus budgétaire mal défini, non unifié, non intégré et dont le calendrier se télescope avec les contraintes comptables, suivi et gestion de la trésorerie perfectibles, absence de contrôle... »

Cependant la société TAGERIM ne produit nullement cet audit, seul M. [T] verse aux débats (pièce 24) un document établi par KPMG, daté du 10 juin 2008, correspondant à la réunion d'étape n°1, et étant un projet pour discussion, de sorte qu'il n'est pas possible au vu de ce seul document de vérifier le grief de désorganisation et de l'imputer à M. [T] ;

C'est vainement que dans ses écritures la société TAGERIM invoque au soutien du grief de l'insuffisance professionnelle de M. [T] le courrier de la SEFICO du 21 janvier 2009 qui est postérieur à la lettre de licenciement, ne concerne pas des éléments visés expressément par la lettre de licenciement et comporte une conclusion dubitative ne permettant pas d'imputer de faits précis à M. [T].

Dès lors ce grief n'est pas non plus établi.

En conséquence, la société TAGERIM ne rapportant pas la preuve de faits imputables à M. [T], son licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse et le jugement infirmé.

Sur les conséquences financières du licenciement 

Il résulte des motifs ci-dessus que la mise à pied n'était pas justifiée, dès lors il est fait droit aux demandes relatives à son paiement ainsi qu'aux jours de congés afférents.

De même, en l'absence de faute grave, il est fait droit à la demande de paiement du préavis et des congés payés afférents, ainsi qu'à l'indemnité conventionnelle de licenciement laquelle n'est d'ailleurs pas discutée dans son montant.

S'agissant des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de tenir compte du caractère brutal de son licenciement et du fait qu'il est resté au chômage pendant plus d'une année, en conséquence il lui est alloué la somme de 130.000 euros.

Sur la demande de remboursement de frais 

M. [T] verse des tableaux de sommes qu'il indique avoir exposées en 2003 et 2004.

TAGERIM s'oppose au paiement de ces sommes s'étonnant de la tardiveté de la demande, faisant valoir qu'elle est hors délai au regard de la procédure initiée par M. [T] et qu'au surplus une telle demande est prescrite.

En l'espèce, faute par le salarié de justifier de ce à quoi correspondent les sommes réclamées, sa demande doit être rejetée ;

La décision du conseil de prud'hommes est donc confirmée sur ce point.

Sur la demande de primes 

M. [T] fait valoir qu'en 2007 et 2008 il n'a perçu aucune prime alors que, les années précédentes, il avait toujours perçu une prime qualifiée depuis 2004 de prime d'intéressement et dont le montant en 2005 et en 2006 était de 30.000 €.

Il souligne que la société TAGERIM ne produit aucun élément justifiant de cet arrêt du paiement de sa prime annuelle alors que cette prime variable faisait partie de son salaire et que son évaluation pour l'année 2007 fait état de très bons résultats.

TAGERIM s'oppose à tout paiement de prime faisant valoir que la prime réclamée ne résulte pas d'un engagement contractuel et qu'elle ne résulte pas d'un usage en ce qu'elle n'a aucun caractère de fixité, de périodicité ni de généralité.

En l'espèce, il y a lieu d'observer que les primes perçues par M. [T] de 2004 à 2006 ne sont effectivement pas prévues par son contrat, elles sont variables dans leurs montants et leur dénomination et sont irrégulièrement versées ; en conséquence M. [T] n'établit pas que les sommes réclamées lui soient dues, sa demande est donc rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société succombant en appel, la condamnation prononcée à l'encontre de M. [T] en première instance doit être infirmée et la société TAGERIM doit être condamnée aux entiers dépens et à verser à M. [T] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de PARIS du 28 avril 2011, en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [T] de remboursement de frais et de paiement de primes ;

L'infirme pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit le licenciement de M. [P] [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS TAGERIM à payer à M. [P] [T] les sommes suivantes :

- 5.833 € à titre de salaire du 3 au 17 septembre 2008 (mise à pied)

- 583,30 € pour les congés afférents

- 35.000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 3.500 € au titre des congés payés afférents ;

- 16.769,88 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 130.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société TAGERIM de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes,

- 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne la SAS TAGERIM aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 11/05696
Date de la décision : 20/03/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°11/05696 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-20;11.05696 ?
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