Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 2
ARRÊT DU 11 MARS 2015
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/15065
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juin 2013 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/07205
APPELANTES ET INTIMÉES INCIDENTS
SARL BOUCHERIE HAMDANE TEJ agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège sis
[Adresse 4]
[Adresse 4]
SCI TILT agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège sis
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentées par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
assistées de Me Michel AZOULAY, avocat au barreau de PARIS, toque : R277
INTIMES ET APPELANTS INCIDENTS
Monsieur [X] [G]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Madame [A] [F]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Madame [U] [R]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Madame [B] [Y]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] représenté par son syndic le Cabinet [S] [V], ayant son siège social
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentés et assistés par Me Sophie CHEKROUN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0079
Mademoiselle [P] [L]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
régulièrement assignée à étude de l'huissier, n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Dominique DOS REIS, Président de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Président
Madame Denise JAFFUEL, Conseiller
Madame Claudine ROYER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON
ARRÊT :
- de défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique DOS REIS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier présent lors du prononcé.
***
La SCI Tilt est propriétaire, dans l'immeuble sis [Adresse 4], des lots n° 201 (boutique), 202 (local dans la cour) et 281 (cave), qu'elle donne en location à la SARL Boucherie Hamdane TEJ depuis 2006.
Faisant état de diverses nuisances causées par l'activité de la SARL Boucherie Hamdane TEJ, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble, Mmes [L] et [Y] ont obtenu la désignation de M. [M] en qualité d'expert selon ordonnance de référé du 31 mai 2007, lequel a déposé son rapport le 16 février 2008, concluant à l'existence de troubles anormaux de voisinage et préconisant des travaux pour y mettre fin ou, du moins, en atténuer la perception par les voisins immédiats.
C'est dans ces conditions que, suivant acte extra-judiciaire du 8 octobre 2008, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], Mmes [Y] et [L], auxquels se sont joints en cours d'instance les intervenants volontaires M. [G], Mme [R] et Mme [F], ont assigné les sociétés Tilt et Boucherie Hamdane à l'effet de les voir condamner à cesser l'activité de boucherie, de supprimer le local installé dans le lot n° 281, subsidiairement, de réaliser les travaux préconisés par l'expert, de leur payer des indemnités réparatrices de leurs troubles de jouissance à chacun.
Suivant jugement du 20 juin 2013, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit le syndicat des copropriétaires recevable en son action,
- dit Mmes [Y] et [L], M. [G], Mme [R], Mme [F], Mme [Z] (non partie à l'instance) recevables en leurs demandes et interventions volontaires,
- dit que la SARL Boucherie Hamdane TEJ était l'auteur de troubles de voisinage,
- condamné in solidum la SARL Boucherie Hamdane TEJ et la SCI Tilt à  :
* cesser toute activité dans la cave portant le n° 281 du règlement de copropriété, avec remise en état de la cave en son état initial, y compris la porte qui devrait être remplacée par une porte à claire-voie et ce, sous astreinte journalière définitive de 500 € par infraction constatée, passé un délai de deux mois du jugement,
* remettre en état la façade modifiée, sous les mêmes conditions,
- condamné in solidum la SARL Boucherie Hamdane TEJ et la SCI Tilt, sous la même astreinte que ce-dessus pour chaque poste de travaux, à réaliser les travaux suivants, sous le contrôle de l'architecte ou du maître d''uvre de la copropriété : désolidarisation du billot en bois massif du sol et du mur mitoyen du séjour de l'appartement [Y] par des plots souples efficaces ; réalisation d'un doublage isolant acoustique côté boucherie contre le mur mitoyen du séjour et également en retour mitoyen de la cuisine de l'appartement contigu au rez-de-chaussée occupé par Mme [Y] ; remplacement de toutes les roulettes en nylon des chariots et palettes par des roulettes en caoutchouc ; suppression de tous les réseaux et canalisations privatives installés dans le couloir des parties communes de l'immeuble sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ni respect des normes de sécurité applicables à ces installations,
- condamné in solidum la SARL Boucherie Hamdane TEJ et la SCI Tilt sous la même astreinte que ce-dessus, passé le délai d'un mois du jugement, à supprimer la rôtisserie installée sur le trottoir,
- condamné in solidum la SCI Tilt à payer, à titre de dommages-intérêts :
* à Mme [R], la somme de 6.800 €,
* à M. [G] et Mme [Z] : 2.800 €,
* à Mme [Y] : 6.500 €,
- condamné les mêmes in solidum à rembourser au syndicat des copropriétaires la somme de 1.146,67 €,
- condamné in solidum la SARL Boucherie Hamdane TEJ et la SCI Tilt à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5.000 € au syndicat des copropriétaires et celle de 1.000 € chacun à Mme [R], Mme [F], Mme [Y], Mme [Z] et M. [G],
- rejeté toute autre demande,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné in solidum la SARL Boucherie Hamdane TEJ et la SCI Tilt aux dépens incluant les frais d'expertise.
La SARL Boucherie Hamdane TEJ et la SCI Tilt ont relevé appel de ce jugement dont elles poursuivent l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 10 février 2014, de :
- les condamner à payer les indemnités suivantes :
* à Mme [R], la somme de 2.400 €,
* à Mme [Y] : 2.000 €,
- réduire les condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile à 2.000 € pour le syndicat des copropriétaires et 200 € pour chacun des autres intimés,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
- condamner les intimés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.
Appelants incidents, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], Mme [Y], Mme [R], M. [G] et Mme [F] prient la Cour, par dernières conclusions signifiées le 16 janvier 2015, de :
' vu la loi du 10 juillet 1965, l'article 1382 du code civil et la théorie des troubles anormaux de voisinage,
- condamner in solidum la SARL Boucherie Hamdane TEJ et la SCI Tilt au paiement des indemnités ci-dessous, à titre de dommages-intérêts :
* à Mme [R], 46.000 €,
* à Mme [F] : 40.000 €,
* à M. [G] et Mme [Z] : 12.000 €,
* à Mme [Y] : 34.400 €,
* au syndicat des copropriétaires : 1.776,67 €,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- condamner in solidum la SARL Boucherie Hamdane TEJ et la SCI Tilt à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, la somme de 4.000 € au syndicat des copropriétaires et celle de 3.000 € chacun à Mme [R], Mme [Y], M. [G], Mme [Z], Mme [F], en sus des entiers dépens.
Mme [P] [L], assignée à l'étude de l'huissier, n'a pas constitué avocat.
CECI ETANT EXPOSE, LA COUR
La SARL Boucherie Hamdane TEJ et la SCI Tilt estiment que le tribunal a fixé à des montants excessifs les indemnités réparatrices des nuisances subies par les copropriétaires (Mme [R], M. [G]), la gardienne de l'immeuble (Mme [Y]) et la locataire de Mme [R] (Mme [F]), eu égard à l'exécution des travaux préconisés par l'expert dès après le prononcé du jugement, au mauvais état des parties communes, à la rénovation complète de leurs parties privatives, à l'absence de changement d'affectation de la cave qui est l'accessoire du local commercial, à l'absence de stockage de déchets de viande dans les poubelles entreposées dans la cour ;
Les intimés, quant à eux, font valoir que les indemnités accordées par le tribunal sont trop modiques du fait de la durée et de la gravité des troubles de jouissance endurés, détaillés à leurs écritures ;
La boucherie Hamdane est exploitée depuis le mois de février 2006 et les travaux préconisés par l'expert et ordonnés par le tribunal ont été achevés en 2014 : de ce fait, les troubles sonores (coups de hachoir sur le billot, roulement des chariots et palettes, vibrations des appareils ventilateurs sur le carrelage) et olfactifs (odeurs de rôtisserie et de viande) constatés par M. [M] ont été endurés par certains des voisins de la boucherie pendant près de huit années ; le mauvais état des parties communes est sans relation avec ces troubles qui sont imputables à l'activité de la boucherie dans ses parties privatives et dont le caractère anormalement gênant, confirmé par le rapport d'enquête de Préfecture de police de [Localité 1] et les constats des huissiers missionnés par les occupants de l'immeuble, a donné lieu à un jugement de condamnation du tribunal de police de Paris en date du 2 octobre 2014 ; par ailleurs, des infiltrations se sont révélées sur le mur du logement de Mme [R] (appartenant antérieurement à Mme [L]) accolé contre la chambre froide de la boucherie et ont provoqué des moisissures dans le bien donné à bail à Mme [F] ;
Le préjudice de chacun des intimés doit être examiné en fonction de la situation de son logement par rapport à celui de l'emplacement de la boucherie Hamdane et à la durée et la gravité des nuisances avérées par le rapport de M. [M], mais il convient de constater que Mme [Z] n'était pas partie en première instance et qu'elle ne l'est pas davantage en cause d'appel, en sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Boucherie Hamdane TEJ et la SCI Tilt à payer à celle-ci une indemnité de 2.800 € ;
' Mme [R] : cette copropriétaire est subrogée dans les droits et actions de Mme [L] qui lui a vendu son appartement situé au rez-de-chaussée de l'immeuble, lequel a été atteint tant par les nuisances acoustiques que par les infiltrations dégradant les murs et dont l'insalubrité a été constante jusqu'aux travaux de doublage et d'étanchéité des parois de la chambre froide attenante effectués en 2011 ; M. [M] a évalué le montant des préjudices subis à 40 % de la valeur locative de l'appartement pour la période allant du mois de février 2007 au mois de février 2008 (dépôt de son rapport) mais ce préjudice a en réalité perduré jusqu'à l'assèchement des murs affectés d'infiltrations, en avril 2013 ; de ce fait, Mme [R] n'a pu louer son bien que pour un loyer modique de 360 € par mois alors que sa valeur locative serait, à ses dires, de 1.000 € par mois pour une superficie de 40 m² ; toutefois, compte tenu de la localisation de ce bien dans un immeuble vétuste situé dans un quartier excentré de [Localité 1], de la minoration du prix d'acquisition de ce bien en fonction de la présence des nuisances connues de la boucherie et alors qu'aucun justificatif du montant du loyer demandé antérieurement à l'installation dudit commerce n'est produit aux débats, l'indemnité réparatrice accordée à Mme [R] sera fixée à la somme de 22.000 €, le jugement étant infirmé sur le quantum de cette indemnité,
' Mme [F] : celle-ci a pris en location le logement de Mme [L] vendu à Mme [R] depuis le mois de novembre 2008 et a enduré des troubles graves et importants du fait des nuisances en provenance de la boucherie voisine, lesquels ont affecté sa santé physique et psychique et dégradé ses biens personnels (moisissures) ; toutefois, d'une part, rien ne la contraignait à rester dans un logement insalubre, d'autre part, la diminution conséquente de loyer qui lui a été consentie avait justement pour objet de compenser les nuisances affectant le bien donné à bail ; au vu de ces éléments, le préjudice étant certain mais limité le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande de réparation des troubles de jouissance subis, et la Cour, statuant à nouveau, accordera à celle-ci une somme de 8.000 € à titre de dommages-intérêts,
' Mme [Y] : gardienne de l'immeuble, elle a subi des nuisances quotidiennes dans le studio de fonction qu'elle occupe au rez-de-chaussée de l'immeuble ; si son préjudice ne peut être fixé en considération du montant d'un loyer qu'elle ne paye pas mais qui est une composante de son salaire en tant qu'avantage en nature, la gravité et la durée des troubles de jouissance qu'elle a endurés justifient la confirmation du jugement en ce qu'il a accordé à celle-ci une somme de 6.500 €,
' M. [G] (compagnon de Mme [Z]) : ce copropriétaire occupe depuis janvier 2012 l'appartement du 1er étage surplombant la rôtisserie installée sur le trottoir, à présent déplacée à l'intérieur de la boucherie ; il n'a pu ouvrir ses fenêtres sur rue pendant plusieurs mois, a constaté la salissure des vitres extérieures par la graisse, mais, comme l'a constaté le premier juge, il avait connaissance des nuisances lorsqu'il a acquis son appartement à un prix minoré en conséquence des nuisances consécutives à la présence d'une rôtisserie sous ses fenêtres ; le jugement sera confirmé en ce qu'il a évalué l'indemnité réparatrice qui lui a été accordée à la somme de 2.800 €,
' le syndicat des copropriétaires : il sollicite le remboursement des deux procès-verbaux de constat d'huissier d'octobre 2006 et de juillet 2011 (350 € et 280 €) ainsi que celui des honoraires complémentaires facturés par ses syndics successifs, totalisant la somme de 1.240,81 € : le jugement qui a accordé au syndicat des copropriétaires la somme de 1.146,67 € après avoir écarté les frais de constat au motif que les huissiers n'avaient pas été mandatés par l'autorité judiciaire sera confirmé de ce chef, les frais de constat amiables étant pris en compte dans la somme accordée au syndicat au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;
En équité, la SARL Boucherie Hamdane TEJ et la SCI Tilt seront condamnés in solidum à payer la somme de 1.500 € au syndicat des copropriétaires et celle de 1.000 € chacun à Mme [R], Mme [F], M. [G] et Mme [Y], au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par défaut,
Infirme le jugement :
- en ce qu'il a accordé une indemnité à Mme [Z] qui n'est pas partie à la procédure,
- sur le quantum de l'indemnité réparatrice allouée à Mme [R],
- en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande de dommages-intérêts,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Constate que Mme [Z] n'est pas partie à l'instance,
Condamne in solidum la SARL Boucherie Hamdane TEJ et la SCI Tilt à payer à Mme [R] une somme de 22.000 € et à Mme [F] une somme de 8.000 € à titre de dommages-intérêts,
Confirme le jugement pour le surplus,
Condamne in solidum la SARL Boucherie Hamdane TEJ et la SCI Tilt à payer la somme de 1.500 € au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et celle de 1.000 € chacun à Mme [R], Mme [F], M. [G] et Mme [Y], au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Rejette toute autre demande,
Condamne la SARL Boucherie Hamdane TEJ et la SCI Tilt in solidum aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,