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11/03/2015 | FRANCE | N°13/07449

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 11 mars 2015, 13/07449


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRÊT DU 11 MARS 2015



(n° 137 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/07449



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Février 2012 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 10/04178



APPELANT



Monsieur [H] [P]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par Me Helen KANOUI, avocat au

barreau de PARIS, toque : C0902



INTIMES



Maître [E] [D] Notaire

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090 ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRÊT DU 11 MARS 2015

(n° 137 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/07449

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Février 2012 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 10/04178

APPELANT

Monsieur [H] [P]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Helen KANOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0902

INTIMES

Maître [E] [D] Notaire

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090

Ayant pour avocat plaidant Me Catherine ROCK KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090

Maître [O] [M] Notaire

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090

Ayant pour avocat plaidant Me Catherine ROCK KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090

SCP [D] [B] [Z] [P] [D] Notaires Associés

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090

Ayant pour avocat plaidant Me Catherine ROCK KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère (rapporteur)

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Elodie PEREIRA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Elodie PEREIRA, greffier.

Le divorce des époux [P] mariés en 1960 sous l'ancien régime légal de la communauté des meubles et acquêts, a été prononcé par un jugement du 20 janvier 1995 confirmé partiellement par un arrêt du 13 février 1997.

Le président de la chambre départementale de la Seine et Marne a désigné maître [D] de la SCP [D] [B] [Z] [R] [D] pour procéder aux opérations de compte, liquidation, partage de la communauté

Le tribunal a rendu un jugement de licitation le 14 mars 2001 qui a été confirmé partiellement par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 décembre 2003. Cet arrêt a notamment décidé que l'épouse devrait une indemnité mensuelle d'occupation de 686 € pour l'immeuble et de 100 € pour le mobilier du 8 août 1998 jusqu'au jour du partage.

L'acte de partage a été signé le 7 juillet 2006 hors la présence de maître [M] qui était le notaire de monsieur [P].

Cet acte de partage n'a été publié que le 7 juillet 2008 alors qu'il aurait dû l'être au plus tard le 7 décembre 2006.

Monsieur [P] a intenté une action en responsabilité et indemnisation contre maître [D], la SCP [D] [B] [Z] [R] [D] et maître [M]. Il leur réclame la réparation du préjudice résultant du retard dans la publication de l'acte de partage ainsi que celui résultant d'une erreur commise puisque l'indemnité d'occupation due par madame [P] n'a pas été calculée jusqu'au jour du partage mais jusqu'au jour de la dissolution de la communauté.

Par un jugement du 23 février 2012, le tribunal de grande instance de Meaux a :

- condamné maître [D] et la SCP [D] [B] [Z] [R] [D] à lui payer la somme de 5 000 € au titre de la perte de chance et 1 000 € au titre de son préjudice moral, nés de la tardiveté de la publication de l'acte de partage ,

- débouté monsieur [P] du surplus de ses demandes et de celle relative à l'indemnité d'occupation,

- condamné maître [D] et la SCP [D] [B] [Z] [R] [D] à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté maître [M] de sa demande fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

Monsieur [P] a formé appel par déclaration reçue le 12 avril 2013.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 juin 2014, monsieur [P] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu la faute liée au retard dans la publication de l'acte et sa réformation pour le surplus. Il demande que la faute relative à la date de l'indemnité d'occupation soit reconnue et il réclame la condamnation des intimés à lui payer en indemnisation de l'intégralité de son préjudice matériel ou à tout le moins de sa perte de chance, les sommes de :

- 2 933 € au titre des intérêts du prêt du Crédit agricole entre le 1er janvier 2007 à fin juillet 2008,

- 3 548 € au titre des intérêts des crédits revolving pour la même période,

- 8 517 € au titre des frais qui auraient dû être pris en charge par l'indivision et qu'il a réglés de juillet 2006 au 1er trimestre 2008,

- 4 808 € au titre de l'indemnité d'occupation du 30 juin 2005 au 7 juillet 2006,

- 15 000 € au titre de la perte de valeur du bien vendu.

Il sollicite en outre les sommes de 5 000 € en réparation de son préjudice moral et de

15 000 € au titre du préjudice résultant de la négligence et de la mauvaise foi dont il a été victime.

Enfin il réclame l'exécution provisoire de l'arrêt et l'allocation d'une indemnité de 5 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 25 juillet 2013, les intimés sollicitent la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1/ le retard dans la publication de l'acte de partage :

L'acte de partage établi le 7 juillet 2006 a été publié le 7 juillet 2008 alors que selon les dispositions des article 28 et suivants du décret du 4 janvier 1955 et compte tenu de la nécessité de s'adresser à plusieurs conservations des hypothèques du fait de la pluralité d'immeubles, le notaire rédacteur de l'acte devait effectuer les formalités de publication au plus tard le 7 décembre 2006.

Maître [D] qui a rédigé l'acte, a reconnu la faute de son étude dans une lettre du 19 avril 2008 adressée à maître [W] dans laquelle il déclarait qu' 'à la suite d'un dysfonctionnement interne (et humain) de son service formalités', l'acte authentique de partage a disparu de façon inexplicable , n'a pu être formalisé et donc publié. Il ajoutait que le problème était identifié et que la minute de l'acte était retrouvée.

Maître [D] pas plus que la SCP [D] [B] [Z] Arezes [D] ne contestent cette faute dans le cadre de la présente instance .

Monsieur [P] recherche également la responsabilité de maître [M], notaire qu'il avait choisi pour l'assister dans le cadre des opérations de partage. Il fait valoir que celui-ci n'a pas vérifié que son confrère avait effectué la publication de l'acte et qu'il ne s'est inquiété de la situation que 18 mois après la signature ainsi qu'il ressort d'une lettre qu'il a écrite le 8 décembre 2007.

Le jugement du 23 février 2012 dont maître [M] demande la confirmation, a exclu la faute de ce dernier en retenant qu'il n'était pas chargé de la publication et que monsieur [P] ne démontrait pas qu'il avait commis une faute.

Néanmoins, maître [M] chargé d'assister monsieur [P], devait s'assurer auprès de son confrère que la publication de l'acte était effectuée et en s'abstenant de toute vérification et de toute demande d'explication avant le 8 décembre 2007 soit plus d'un an après l'expiration du délai de la publication, il a commis une négligence qui a concouru au retard dans la mesure où une réaction plus rapide de sa part aurait alerté maître [D] sur l'existence d'un dysfonctionnement de son étude et lui aurait permis d'y apporter une solution dans un meilleur délai.

Celui-ci a donc engagé sa responsabilité au côté de maître [D] et de la SCP [D] [B] [Z] Arezes [D] dans la mesure où il en est résulté un préjudice.

Le jugement du 23 février 2012 a alloué à monsieur [P] la somme de 5 000 € au titre de la perte de chance de vendre ses biens immobiliers et de rembourser le Crédit agricole ainsi que les prêts relais ou revolving pendant la période visée.

Les intimés ont sollicité la confirmation du jugement de sorte qu'ils reconnaissent l'existence de cette perte de chance.

La discussion sur ce chef de préjudice ne peut donc porter que sur son étendue dans la mesure où monsieur [P] réclame la somme de 2 933 € au titre des intérêts du prêt du Crédit agricole entre le 1er janvier 2007 à fin juillet 2008 et celle de 3 548 € au titre des intérêts des crédits revolving pour la même période, soit la somme totale de 6 481€.

Néanmoins ainsi que l'a relevé le tribunal, le préjudice subi par monsieur [P] ne peut être constitué que d'une perte de chance de rembourser plus rapidement les prêts contractés et en conséquence de ne pas supporter le poids des intérêts. Or la réparation d'une perte de chance ne peut jamais être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si celle-ci s'était réalisée. Aussi, en retenant la somme globale de 5 000 €, les 1ers juges ont effectué une juste évaluation du préjudice subi. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Monsieur [P] réclame la moitié des frais engendrés par la propriété des immeubles en faisant valoir que tant que l'acte de partage n'était pas publié, il était considéré comme étant en indivision et il n'aurait dû en acquitter que la moitié.

Cette demande n'a pas été présentée en 1ère instance; néanmoins, elle vise à obtenir la réparation du préjudice matériel résultant de la faute reprochée aux notaires et n'est donc pas nouvelle au sens de l'article 524 du code de procédure civile.

Cependant une action en réparation d'un dommage ne peut avoir pour effet que de replacer sa victime dans la situation où elle se serait trouvée si celui-ci ne s'était pas réalisé. Or si l'acte de partage avait été publié dans le délai prévu par le décret, monsieur [P] aurait dû s'acquitter de l'ensemble des frais liés à la propriété des immeubles et il ne peut donc justifier d'un préjudice réparable à ce titre.

Enfin, monsieur [P] réclame la perte de gain lié à la chute du marché immobilier pendant la période susvisée, estimée à 5% en 2008 et 10 % en 2009, selon une étude du Crédit agricole. Il explique qu'en étant empêché de vendre le bien situé au [Localité 4] rapidement, il a perdu la possibilité de le céder au prix de 100 000 € et ayant obtenu 85 000 €, il réclame 15 000 €.

Il verse aux débats des mandats de vente datant de novembre 2008 portant sur un biens situé résidence [Localité 5] (66) pour le prix de 91 000 € net vendeur, ainsi que l'acte de vente du 24 mars 2009 au prix de 85 000 €.

Il fait valoir que le prix de 40 256, 54 € retenu dans l'acte de partage résulte d'une expertise réalisée 8 ans plus tôt.

Néanmoins, il y a lieu de constater que le 7 juillet 2006, monsieur [P] a accepté ce prix et qu'il ne verse aux débats aucune pièce relative au marché immobilier local entre 2006 et 2009 alors que s'agissant d'une zone touristique, elle peut présenter des particularismes et résister aux effets de la crise immobilière par rapport à d'autres territoires.

Aussi, monsieur [P] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une perte de chance de vendre son bien à un prix plus élevé que celui obtenu. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande à ce titre.

Monsieur [P] invoque enfin le préjudice moral résultant pour lui de l'ensemble des démarches qu'il a dû accomplir face au silence du notaire sur la publication de l'acte de partage et de l'attitude de maître [M] imputant le retard à son client.

Ce préjudice sera justement évalué à la somme de 1 000 € et le jugement sera également confirmé sur ce point.

2/ la date de la jouissance divise :

L'arrêt du 10 décembre 2003 énonce que madame [U] doit à l'indivision une indemnité de 686 € et de 100 € jusqu'au jour du partage.

L'acte de partage du 7 juillet 2006 a évalué le montant de l'indemnité d'occupation due par madame [U] à la somme de 65 238 € pour la période du 8 août 1998 au 31 juin 2005. Il précise que dans leurs rapports mutuels, les époux conviennent que l'effet de la dissolution de la communauté soit fixé à la date du 1er juillet 2005 et la jouissance divise à la même date.

Monsieur [P] ne rapporte pas la preuve que le raccourcissement de la période résulte nécessairement d'une erreur alors que les mentions portées dans cet acte authentique sur la volonté exprimée par les parties devant le notaire valent jusqu'à inscription de faux.

Le jugement qui a rejeté la demande de monsieur [P] sur ce point sera confirmé.

Enfin monsieur [P] fait valoir que l'acte notarié présente des inexactitudes ou des mentions manuscrites ajoutées après qu'il eut été signé et qu'il ne comporte pas certaines annexes . Il reproche en outre à maître [M] d'avoir tenu des propos mettant en cause son comportement. Enfin il met en doute l'impartialité de maître [D].

Il évalue son préjudice à 15 000 € en se plaignant d'un partage intervenu en sa défaveur, d'une absence de revalorisation des biens immobiliers, d'une absence de réponse sur les dépenses de son ex-épouse, d'un acte baclé, de charges supportées indûment et d'accusations portées à son encontre.

Néanmoins monsieur [P] ne peut remettre en cause le partage des biens de la communauté ayant existé entre son épouse et lui à travers une action en responsabilité contre les notaires et il n'établit pas de lien entre les fautes qu'il reproche aux intimés et un préjudice indemnisable résultant de ses différents griefs. Sa demande en paiement de la somme de 15 000 € sera donc rejetée.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement en ce qu'il a retenu la faute de maître [D] et de la SCP [D] [B] [Z] Arezes [D] dans le retard apporté à la publication de l'acte de partage, en ce qu'il a fixé à 5 000 € l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance de rembourser les prêts et à 1 000 € le préjudice moral, et en ce qu'il a rejeté les demandes de monsieur [P] en réparation de la perte de gain liée à la baisse du marché immobilier et celle relative à l'indemnité d'occupation,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Dit que maître [M] a commis une faute ayant concouru au retard dans la publication de l'acte de partage,

Le condamne in solidum avec maître [D] et la SCP [D] [B] [Z] Arezes [D] à payer à monsieur [P] les sommes de 5 000 € et de 1 000 € alloués à titre de dommages-intérêts,

Y ajoutant ,

Déclare recevable et rejette la demande en dommages-intérêts au titre des frais supportés jusqu'à la publication de l'acte de partage,

Rejette la demande en dommages-intérêts de la somme de 15 000 €,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum maître [D], la SCP [D] [B] [Z] [R] [D] et maître [M] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 13/07449
Date de la décision : 11/03/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°13/07449 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-11;13.07449 ?
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