RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 11 Mars 2015
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07650
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 mai 2012 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU - section commerce - RG n° 10/00146
APPELANTE
SAS CARREFOUR HYPERMARCHES prise en son établissement DES ULIS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Laurent THIERY, avocat au barreau de PARIS, C0236 substitué par Me Narimann ESSEDIRI, avocat au barreau de PARIS,
INTIME
Monsieur [L] [Q]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Karine BUFE, avocate au barreau d'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine ROSTAND, Présidente de la chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Christine ROSTAND, présidente
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Aline BATOZ, vice présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 02 septembre 2014
Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [L] [Q] a été embauché le ler octobre 2002 par la SAS Carrefour Hypermarchés selon contrat à durée déterminée qui s'est poursuivi à compter 1er janvier 2003 par contrat à durée indéterminée pour occuper à compter de cette date le poste d'assistant de vente, puis à compter du 1er mars 2008, celui de conseiller de vente, niveau IIIB selon la classification de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Sa rémunération mensuelle s'élevait en dernier état à 1 532,02 € pour 35 hebdomadaires de travail.
Après avoir été mis à pied à titre conservatoire par courrier du 30 octobre 2009 et convoqué par courrier de même date à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 10 novembre suivant, il a été licencié pour faute grave par lettre datée du 18 novembre 2009.
Contestant son licenciement, M. [Q] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau qui par jugement du 16 mai 2012, a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Carrefour Hypermarchés à lui verser les sommes suivantes':
- 3 093,48 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 309,34 € de congés payés afférents
- 2 165,38 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- 942,76 € à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire et 94,27 € de congés payés afférents
ces sommes avec intérêt au taux légal à compter du 15 février 2010, date de réception de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation
- 9 295,48 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
ordonné la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil,
condamné la société Carrefour Hypermarchés à lui verser la somme de 875 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La société Carrefour Hypermarchés a régulièrement relevé appel de ce jugement et à l'audience du 12 janvier 2015, développant oralement ses conclusions visées par le greffier, demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, en conséquence, de débouter M. [Q] de ses demandes et de le condamner à restituer la somme de 5 606,85 € versée dans le cadre de l'exécution provisoire ainsi qu'aux dépens.
M. [Q], développant oralement ses conclusions visées par le greffier, demande à la cour, de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et sur les condamnations prononcées au titre des indemnités de rupture et du rappel de salaire pendant la période de mise à pied, l'infirmer sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et séreuse et statuant à nouveau, porter celle-ci à la somme de 36 000 € et ajoutant condamner la société Carrefour Hypermarchés à lui verser la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché au salarié d'avoir le 27 octobre 2009 menacé M. [U], son manager métier, qui venait de procéder à l'affichage des horaires de travail pour les trois semaines à venir et dont il exigeait des explications sur le rétablissement des permanences de 20h , en lui déclarant':' «'écoutes moi bien...si je me fais virer à cause de toi tu es un homme mort'» tout le menaçant avec un couteau à beurre.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend nécessaire le départ immédiat du salarié.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
En l'occurrence, la société Carrefour Hypermarchés produit pour démontrer la réalité des griefs énoncés la plainte déposée par M. [U] dans laquelle celui-ci expose que M. [Q] s'est énervé en s'apercevant que les permanences de 20 h étaient rétablies et l' a accusé de chercher à le «'faire virer'». Il confirme les propos cités dans la lettre de licenciement ainsi que le geste de menace avec le couteau à beurre.
L'employeur verse encore aux débats le procès-verbal d'audition de M. [Z] qui, témoin de la scène ayant opposé M. [U] et M. [Q], indique que le ton est monté car ce dernier était mécontent de ne pas avoir été prévenu des changements d'horaires mais précise qu'il n'a pas prêté attention aux paroles échangées, l'attestation et le procès-verbal d'audition de M. [S], témoin également de l'altercation, qui déclare avoir entendu M. [Q] menacer M. [U] en employant les termes suivants': «'Tu cherches la merde'», ainsi que le procès-verbal d'audition de M. [N] qui se souvient avoir entendu M. [Q] dire à M. [U] que c'était un fainéant et qu'il fallait toujours changer d'horaires et de repos.
M. [Q] conteste les faits qui lui sont reprochés. Il fait remarquer qu'aucun des témoins n'évoque la présence d'un couteau et souligne que la plainte de M. [U] a été classée sans suite. Il verse aux débats des plannings antérieurs au mois d'octobre 2009 dont il ressort que les salariés étaient chaque semaine amenés à faire des horaires différents selon les jours de la semaine et selon les semaines, certaines semaines comportant une permanence jusqu'à 20h.
Il résulte de l'enquête menée à la suite de la plainte déposée par M. [U] contre son collègue de travail pour menace de mort que les témoins n'ont confirmé ni les menaces de mort ni la présence d'un couteau à beurre'; que M. [Q] a reconnu s'être énervé et avoir reproché à M. [U] «'de chercher la merde et de changer les horaires'» alors que celui-ci ne voulait pas discuter avec lui des plannings. M. [B], entendu dans le cadre de l'enquête, déclare avoir assisté à toute la dispute et être resté à côté d'eux jusqu'à ce qu'ils se séparent. Il indique que «'le ton est monté entre eux'»'; que M. [U] a commencé à provoquer M. [Q] en se rapprochant de lui. Il affirme ne pas avoir entendu ce dernier menacer son collègue, les deux protagonistes n'ayant fait que parler de planning.
De l'ensemble de ces éléments, et étant souligné que le salarié en sept ans d'ancienneté ne s 'est jamais fait remarquer par un comportement violent, il résulte que la preuve de l'existence d'une faute grave n'est pas rapportée. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Carrefour Hypermarchés à verser les indemnités de rupture et le rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire injustifiée.
Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [Q], de son ancienneté de sept années, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, la somme de 14 000'euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé sur le montant alloué de ce chef.
L'application de l'article L 1235.3 du code du travail appelle celle de l'article L 1235-4 .
La société sera en conséquence condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités.
La société Carrefour Hypermarchés sera condamnée aux dépens et versera à M. [L] [Q] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf sur le montant de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau et ajoutant,
CONDAMNE la société Carrefour Hypermarchés à verser à M. [L] [Q] la somme de 14 000'€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
ORDONNE à la société Carrefour Hypermarchés de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [Q] dans la limite de six mois d'indemnités ;
CONDAMNE la société Carrefour Hypermarchés à verser à M. [L] [Q] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la société Carrefour Hypermarchés aux dépens
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE