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10/03/2015 | FRANCE | N°12/12033

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 10 mars 2015, 12/12033


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 10 Mars 2015



(n° , 08 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/12033



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Novembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 11/00052







APPELANT

Monsieur [O] [J]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne

assisté de Me Val

érie POITOU, avocat au barreau de PARIS, toque : D 0843







INTIMEE

SAS SOLVABILITE ENTREPRISE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Antoine BIGHINATTI, avocat au barreau de VALENCIENNES

su...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 10 Mars 2015

(n° , 08 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/12033

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Novembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 11/00052

APPELANT

Monsieur [O] [J]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne

assisté de Me Valérie POITOU, avocat au barreau de PARIS, toque : D 0843

INTIMEE

SAS SOLVABILITE ENTREPRISE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Antoine BIGHINATTI, avocat au barreau de VALENCIENNES

substitué par Me Mallorie BECOURT, avocat au barreau de VALENCIENNES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Janvier 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Claudine PORCHER, Président

Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller

Madame Christine LETHIEC, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claudine PORCHER, président et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [O] [J] a été engagé par la société Solvabilité Entreprise, dans le

cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2008, pour y exercer les fonctions de commercial terrains comptes stratégiques, statut ETAM, coefficient 250, niveau VI, en application de la convention collective des prestataires de service et en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute fixe de 2 583,33 euros et d'une part variable déterminée sur la base d'objectifs quantitatifs.

Suite à des reproches émis sur la qualité du travail de Monsieur [O] [J] par rapport aux objectifs à atteindre, la société Solvabilité Entreprise a notifié au salarié, par lettre recommandée du 29 octobre 2010, une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 15 novembre 2010.

Un licenciement pour non atteinte des objectifs a été notifié à l'intéressé par courrier recommandé du 18 novembre 2010 avec une dispense d'effectuer le préavis qui a été réglé.

Par jugement rendu le 29 novembre 2012, le conseil de prud'hommes d'Evry a jugé que le licenciement de Monsieur [O] [J] reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes.

Le 19 décembre 2012, Monsieur [O] [J] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 6 janvier 2015 et soutenues oralement, Monsieur [O] [J] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Solvabilité Entreprise à lui verser les sommes suivantes :

- 46.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 71.400 euros à titre de rappel de commissions,

- 5.620, 47 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

- 562,04 à titre de congés payés y afférents,

- 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 6 janvier 2015 et soutenues oralement, la société Solvabilité Entreprise réfute les moyens et l'argumentation de l'appelant.

L'intimée sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement de Monsieur [O] [J] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et elle forme une demande reconventionnelle de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur le licenciement

L'article L1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si un doute persiste, il profite au salarié.

En application de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits précis et contrôlables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.

Les griefs reprochés à Monsieur [O] [J] sont ainsi exposés dans la lettre de licenciement notifiée le 18 novembre 2010 qui fixe les limites du litige et lie les parties et le juge :

« Après de nombreux entretiens mensuels sur vos performances individuelles commerciales avec vos managers en 2009 (compte rendu que vous possédez en copie) et depuis l'arrivée de votre nouveau hiérarchique Mr [R] en supplément de Mr [C], vous avez été alerté sur vos résultats; nous vous recevons donc le 15 novembre pour faire un bilan plus approfondi car de plus en plus alarmant et afin de recueillir vos explications...

' Soit un objectif en cumulé à atteindre de 142 000 euros sur 10 mois et vous réalisez en cumul sur 10 mois 75 714 euros soif 53% de vos objectifs fixés. Vous avez les mêmes objectifs que votre collègue [B] [T] (même fonction) et lui sur le même temps, a réalisé 128 069 euros soit 90% de son objectif. Vous êtes bien en dessous des objectifs fixés et bien en dessous des performances de votre collègue. L'un de vos collègues a pour objectif 98 450 euros et il réalise à lui seul sur 10 mois 105 394 euros.

Nous ne pouvons que constatez votre sous performance pendant la même période. Rappelons tout de même que depuis votre arrivée en juillet 2008, vous avez été vu de façon officielle en entretien par plusieurs hiérarchique et que nos différentes alertes ne vous ont pas permis de vous remettre en cause sur vos méthodes de travail car vous n'avez pas pris en compte nos remarques pour collaborer mais systématiquement vous nous avez envoyé un courrier en lettre recommandée pour nous contredire (courrier du 30 septembre 2009 cf courrier du 12 octobre 2010). De plus maintes fois notre DG vous a écrit par courriel pour se justifier suite à vos interrogations, Tendant de vous remotiver, de vous aider.

N'oubliez surtout pas que la signature du compte Kiloutou fut réussi grâce à ses nombreuses interventions auprès du client, sur ce compte vous n'avez même pas identifier seul un potentiel mais après le passage d'un apporteur d'affaires, et l'ensemble de la négociation et la plupart des RDVS furent réalises par notre DG, Mr [L]. Cependant sur le CA réalise de 80 000 euros, nous n'avons pas déduit les différents frais de développement, de frais de gestion, ni de base de données, s'élevant à 70 000 euros. Le DG aurait pu faire le choix strict de vous commissionner sur la plus value se réduisant à 10 000 euros mais nous vous avons été favorable bien que votre investissement réel fût moindre.

Lors de votre entretien du 15 novembre 2010, vous prétendez ne pas connaître vos objectifs 2010, ne pas connaître votre plan de commissionnement, et vous remettez en cause le paiement de vos commissions. De ce fait prétendant ignorer vos objectifs, vous ne savez pas justifier votre sous performance, sauf me parler de conflits sociaux en France ne permettant pas la signature de contrats.

Mais lors de l'entretien, je vous montre les preuves de la communication par écrit de vos objectifs fixés par courriel et transmis le 22 janvier 2010 et votre plan de commissionnement écrit et envoyé à toute l'équipe des commerciaux parisiens dont vous faites partie. Nous faisons même intervenir la gestionnaire de paye pour vous montrer le tableau de suivi des paiements de vos commissions pour enfin vous entendre accepter que les règles et procédures existent et que vous en êtes destinataire.

Ce tableau de paiement est consultable sur demande du commercial mais pas en distribution car vous reconnaissez qu'il est juste mais néanmoins compliqué à comprendre, c'est pourquoi la direction accepte depuis toujours de vous communiquer ce type d'information en individuel ou sur demande, ou via votre hiérarchique actuel ou précédent et ce depuis votre arrivée, vous ne pouvez l'ignorer.

Dans vos entretiens mensuels de ces derniers mois réalises avec Mr [R], en date du 28 septembre 2010, du 19 octobre, du 28 octobre, vous êtes alerte sur vos résultats cités précédemment. De plus votre hiérarchique vous sollicite fortement pour que vous réagissiez face à votre prévisionnel de chiffre d'affaires de fin d'année communique par vos soins a la fois dans les entretiens et dans votre tableau de prévisionnel.

En effet en octobre votre prévisionnel annonçait 2 500 euros de CA pour un objectif de 17 000 euros , en novembre un prévisionnel de 0 euro pour un objectif de 17 000 euros et enfin en décembre un prévisionnel de 41 000 euros pour un objectif de 17 000 euros soit un total en prévisionnel sur le dernier trimestre à 43 500 euros pour 51 000 euros d'objectifs fixes.

Votre prévisionnel est insuffisant et vous en êtes vivement alerté dans le compte rendu de Mr [R] le 02 novembre suite à votre dernier entretien du 28 octobre. Des lors vous modifiez votre prévisionnel dans la foulée et celui-ci passe de 0 euro en novembre à 64 000 euros et de 41 000 euros en décembre à 102 000 euros !!!!

Tout ceci serait cohérent si votre travail en était le fruit, or vous y incluez une proposition du client Parfip pour lequel vous n'avez pas identifié les besoins complets en vous rendant en clientèle. Car suite à votre RDV chez Parfip, votre proposition commerciale se limite à 21 000 euros alors que Me [A] qui gère les comptes clients Belges identifie dans une filiale Parfip des besoins beaucoup plus importants et réalise que |'interlocuteur est le même que celui de votre RDV et refait un travail très important pour lui formuler toute seule une nouvelle proposition s'élevant à 173 700 euros.

Cette personne dès lors a pris en charge tout le travail à votre place et vous ne pouvez pas vous attribuer son travail tracé dans [F]. Vous auriez du identifier l'ensemble des besoins lors du 1er RDV confié par les équipes de la télévente de [Localité 2]. Et dans ce cas, vous seriez en droit de mettre 50% du Chiffre d'affaires de ce montant, s'agissant d'un RDV portage dans votre prévisionnel. Ici ce n'est tout simplement pas acceptable au vu du manquement de professionnalisme sur ce compte.

Votre manque de résultats est manifeste car vous ne pouvez récolter du chiffre d'affaires que si vous prospectez suffisamment et sérieusement or dans le relevé de vos statistiques transmises, comme celle du 12 octobre 2010, vous indiquez 14 appels réussis or, grâce à notre outil de traçabilité interne, nous découvrons que vos codifications en appel ne sont en fait que des messages laissés et non des appels aboutis avec le ou les décisionnaires. Idem pour la journée du 15 octobre où vous déclarez sur 3 minutes avoir réalisé 18 appels. Et enfin sur la journée du 28 septembre 19 appels en 7 minutes ''' Ce peut être une volonté de votre part de nous tromper mais la traçabilité de vos activités nous en dit long sur vos méthodes de travail. Ainsi dans [F] (outil de suivi client), on peut voir que vous avez des attentes sur des fiches clients qui sont dépassées et que vous ne gérez pas.

La cellule prise de RDV à [Localité 2] vous trouve des RDVS mais vous ne traitez pas leur suivi (exemple : SIRET 32651971700010, exemple supplémentaire de votre manque de suivi SIRET 44026717700028.

Pour résumer vous n'êtes pas au RDV sur les résultats attendus par la société et dans les fonctions que vous occupez actuellement. Vous ne pouvez pas ignorer les performances que nous sommes en droit d'attendre de votre part dans la fonction qui est la vôtre, de part la définition de votre mission reprise notamment dans votre contrat de travail.

Cependant vous souhaitez lors de l'entretien ne plus vous expliquer sur chacun des thèmes abordes ensemble. Car vous réfutez tous les éléments présentés en me disant que tout est faux...

... De plus, soyez bien conscient que si vous êtes en difficulté de résultats chez Creditsafe, comment raisonnablement, pouvons-nous penser que votre double activité, vous rende plus efficace chez Creditsafe ' Comment pouvez-vous nous prouver que vous êtes totalement investi pour Creditsafe ' Nos alertes ne sont pas entendues...

... Votre attitude est déplorable, je vous ai signale que ce n'était pas dans votre intérêt d'agir ainsi.

Compte tenu de la nature des faits, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Le peu d'éléments que vous nous avez livrés ne nous permettent pas de poursuivre et de croire en une collaboration future et fructueuse pour les 2 parties.

Ce sont donc les raisons pour lesquelles nous sommes amenés à vous notifier votre licenciement ».

Monsieur [O] [J] a été licencié pour insuffisance professionnelle, notamment non respect de ses objectifs.

Pour constituer une cause légitime de rupture, l'insuffisance professionnelle ou de résultats doit être établie par des éléments objectifs, constatés sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l'employeur.

A cet égard, il y a lieu d'analyser les griefs reprochés au salarié, au vu des observations précitées.

En sa qualité de commercial terrain comptes stratégiques, Monsieur [O] [J] avait pour mission de prospecter et développer de nouveaux comptes clients sur tout le territoire français(mission «'new business'») et de fidéliser les clients existants et renouveler les contrats en cours (mission «' renewal business'»).

La lettre de licenciement notifié le 18 novembre 2010 reproche au salarié de ne pas avoir atteint ses objectifs pour 2010, suite aux précédents courriels de la direction émis les 28 septembre et 21 octobre 2010.

Cette lettre qui contient un tableau des objectifs mensuels à réaliser et des objectifs atteints au cours de l'année 2010, indique que pour un objectif en cumulé à atteindre de 142.000 euros sur 10 mois, Monsieur [O] [J] n'a réalisé qu'un chiffre d'affaires de 75.714 euros, soit 53% des objectifs fixés.

Il résulte de l'examen des courriels échangés entre les parties ainsi que des entretiens d'évaluation que les objectifs mensuels fixés par l'employeur n'avaient qu'un caractère indicatif et que le salarié s'était vu fixer un objectif de chiffre d'affaires pour l'année civile.

A cet égard, il convient de relever que dès le 4 septembre 2009, la société Solvabilité Entreprise avait remis à son salarié, en mains propres contre décharge, une lettre lui reprochant ses méthodes de travail, notamment l'irrégularité des résultats et l'absence de chiffre d'affaires au cours des mois de juillet et août 2009.

Par courrier en réponse du 22 septembre 2009, Monsieur [O] [J] avait souligné les spécificités du marché grands comptes pour lequel il avait été embauché, marché concurrentiel où la société Solvabilité Entreprise ne bénéficiait d'aucune notoriété, nécessitant une stratégie commerciale adaptée à la complexité des projets proposés et à la longueur des prises de décisions face aux enjeux importants, tout en relevant que l'entreprise était spécialiste de la vente par téléphone sur le marché des très petites entreprises, la confrontant habituellement, à des problématiques différentes.

En dépit des résultats mitigés de Monsieur [O] [J] au début du mois de septembre 2009, il n'est pas contestable que le salarié a été classé premier des vingt deux commerciaux du groupe Creditsafe, en réalisant un objectif de 157 % ainsi qu'il résulte des courriels des 2 et 5 octobre 2009.

L'échange des courriels des 21 décembre 2009 et 7 janvier 2010 traduit l'implication du salarié dans la signature du contrat Kiloutou pour un montant de 80 M€ et c'est d'ailleurs pour ce travail que Monsieur [O] [J] a été félicité par le directeur commercial stratégique du groupe, Monsieur [D], aux termes d'un courriel adressé le 6 janvier 2010 ;

Le fait que ce contrat, revêtant un enjeu stratégique pour la société Solvabilité Entreprise, ait été signé par le directeur général , Monsieur [L] ne démontre pas que Monsieur [O] [J] ne soit pas à l'origine des négociations contractuelles comme l'attestent les divers courriels échangés entre les parties.

Le salarié justifie, par ailleurs, avoir perçu des commissions mensuelles de 1 400 euros sur ce contrat du mois de février 2010 à août 2010 et la lettre de licenciement précise bien que le commissionnement portait sur la somme de 80 000 euros au titre du contrat Kiloutou.

L'employeur a réitéré les mêmes griefs envers son salarié en lui adressant les 28 septembre et 21 octobre 2010 des courriels insistant sur le non respect des objectifs mensuels et l'invitant à s'expliquer lors des entretiens des 19 et 28 octobre 2010, peu avant la convocation à un entretien préalable adressée le 29 octobre 2010.

S'il est manifeste que le salarié n'avait pas atteint ses objectifs mensuels à cette période, il n'en demeure pas moins que, de même que pour l'année 2009, Monsieur [O] [J] s'était vu fixer un objectif annuel de chiffre d'affaires pour 2010 et que la période d'octobre à décembre 2010 restait à courir.

En l'occurrence, le salarié démontrait, par un échange de courriels, se trouver en négociations sérieuses en vue de la signature d'un contrat Parfip de nature à lui permettre de réaliser ses objectifs et traiter des pourparlers sur les appels d'offres Air Liquide et CBS Outdoor.

Il contestait, également, le montant total des contrats signés, en demandant à son employeur de communiquer un tableau récapitulatif des contrats signés au cours des années 2008, 2009 et 2010 ce dont l'entreprise s'est abstenue alors même que ce document aurait pu permettre à la cour d'avoir une vision d'ensemble du travail de prospection réalisés par les commerciaux grands compte.

Par ailleurs, Monsieur [O] [J] justifiait , également, rencontrer des difficultés conjoncturels du fait des conflits sociaux et de la pénurie de carburant ayant affecté la rentrée 2010.

Le salarié se prévaut, en outre, de pratiques concurrentielles, au sein même de l'entreprise du fait des commerciaux de la plate-forme de télévente, bénéficiant de commissions moins élevées sur les objectifs réalisés, et qui n'hésitaient pas à utiliser l'outil informatique «'[F]'» de la société pour récupérer les données des clients indiquées par le service commercial grands comptes et les démarcher à des conditions plus avantageuses que celles consenties par le commercial grand compte en charge du dossier.

Monsieur [O] [J] justifie avoir adressé à la direction de l'entreprise un certain nombre de courriels pour se plaindre de ces agissements et l'examen des données informatiques font apparaître, alternativement, les noms des commerciaux grands comptes et ceux d'autres commerciaux de la plate-forme de télévente pour la négociation de contrats grands comptes.

Cette pratique discriminante est, également, dénoncée par d'autres commerciaux grands comptes dans les attestations de messieurs [B] [T] et [U] [M] versées aux débats.

De plus, il est établi que le 5 novembre 2010, soit dix jours avant l'entretien préalable, Monsieur [O] [J] s'est vu privé de l'accès à son bureau virtuel et à sa messagerie professionnelle et ce peu avant qu'un inventaire des coordonnées de ses différents contacts et des renseignements relatifs aux projets de contrats ait été arrêté par son employeur lors de l'entretien du 28 octobre 2010;

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Solvabilité Entreprise ne pouvait reprocher à son salarié, début octobre 2010, l'insuffisance de ses résultats annuels par une projection de ceux-ci à la fin de l'année alors même que la période d'octobre à décembre restait à courir, que le salarié justifiait de l'existence de pourparlers sérieux à cette époque et que, privé de moyens informatiques depuis le 5 novembre 2010, Monsieur [O] [J] ne pouvait exercer ses fonctions de commercial grand comptes dans des conditions normales, l'employeur ayant fait preuve à son égard d'un comportement déloyal.

Le licenciement de Monsieur [O] [J] pour insuffisance de résultats est dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement est infirmé ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

L'indemnité pour licenciement abusif

Monsieur [O] [J] sollicite la somme de 46 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de sa situation familiale, de son ancienneté, de ses difficultés récurrentes à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, une somme de 46 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif, correspondant à 9 mois de salaires.

Le préavis et les congés payés afférents

L'article L. 1234-5 du code du travail stipule :

« ... L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise ».

En l'espèce, le salarié percevait une rémunération fixe et une rémunération proportionnelle aux résultats obtenus, correspondant aux commissions.

Monsieur [O] [J] justifie avoir perçu, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, les sommes suivantes :

- Décembre 2010 : 3.020,65 euros dont 437,32 euros de commissions

- Janvier 2011 : 3 155,98 euros dont 572,65 euros de commissions

- Février 2011 : 2 522,29 euros dont 853,32 euros de commissions

Toutefois, il aurait dû percevoir une somme brute mensuelle de 2 189,80 euros au titre des commissions, incluant, notamment la commission du contrat Kiloutou.

Dans ces conditions, la société Solvabilité Entreprise reste donc devoir à Monsieur [O] [J] au titre du préavis la somme de 5.620,47 euros.

Il y a lieu de condamner l'intimé au paiement de cette somme, outre celle de 562,04 euros correspondant aux congés payés afférents.

Le rappel de commissions

Il résulte des courriels échangés entre les parties les 21 décembre 2009, 7 janvier et 29 octobre 2010 que la signature du contrat Kiloutou imputable à Monsieur [O] [J] devait générer au salarié le paiement d'une commission mensuelle brute de 1 400 euros sur cinq ans, correspondant à la durée de la convention signée, ainsi que l'admet l'employeur dans la lettre de licenciement notifiée le 15 novembre 2010.

Cependant, le salarié n'a perçu cette commission que pendant les mois de février 2010 à septembre 2010, l'employeur cessant tout versement à compter du mois d'octobre 2010.

De ce fait, Monsieur [O] [J] est fondé à réclamer le paiement des commissions exigibles jusqu'à la fin du contrat, soit 51 mois correspondant à la somme de 71 400 euros bruts sur laquelle il convient de prélever la somme de 4 200 euros au titre des commissions allouées dans le calcul de l'indemnité de préavis.

La société Solvabilité Entreprise reste donc devoir à Monsieur [O] [J] la somme de 66 800 euros au titre du rappel des commissions dues.

Il y a lieu de condamner l'intimée au paiement de cette somme.

Il convient de relever que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les sommes précitées produiront intérêts au taux légal à compter de cette date, à l'exception de l'indemnité pour licenciement abusif.

Sur la demande au titre des frais irrépétibles

Il appartient à la société Solvabilité Entreprise qui succombe de supporter la charge des dépens de la présente instance, en versant à Monsieur [O] [J] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en étant déboutée de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris.

Statuant à nouveau :

Condamne la société Solvabilité Entreprise à payer à Monsieur [O] [J] les sommes suivantes :

- 5 620.47 euros à titre de rappel de préavis.

- 562,04 euros à titre de congés payés afférents.

- 66 800 euros au titre de rappel de commissions.

Ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal qui seront calculés à compter du jour de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse.

Condamne la société Solvabilité Entreprise à payer à Monsieur [O] [J] la somme de 46 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif, somme augmentée des intérêts au taux légal qui seront calculés à compter du jour du prononcé du jugement.

Condamne la société Solvabilité Entreprise à verser à Monsieur [O] [J] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Condamne la société Solvabilité Entreprise aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 12/12033
Date de la décision : 10/03/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°12/12033 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-10;12.12033 ?
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