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06/03/2015 | FRANCE | N°12/21373

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 06 mars 2015, 12/21373


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 6



ARRÊT DU 06 MARS 2015



(n° , 12 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 12/21373



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Octobre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/07210





APPELANTE



SA D'HLM IMMOBILIERE 3F agissant en la personne de ses représentants légaux<

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[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par : Me Caroline HATET-SAUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistée par : Me Pulchérie QUINTON, avocat au barreau de PARIS, toque : A609





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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 06 MARS 2015

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/21373

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Octobre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/07210

APPELANTE

SA D'HLM IMMOBILIERE 3F agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par : Me Caroline HATET-SAUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistée par : Me Pulchérie QUINTON, avocat au barreau de PARIS, toque : A609

INTIMES

Maître [G] [X] en sa qualité de représentant des créanciers de la Société HYDRO TECHNIQUE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Défaillant

Maître [B] [U] en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la Société HYDRO TECHNIQUE

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Défaillant

SMABTP en qualité d'assureur des sociétés HYDROTECHNIQUE et BUREAU VERITAS prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par : Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée par : Me Chantal VILLEMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C517 substituant Me Patrice D'HERBOMEZ, avocat au barreau de PARIS

SA AXA FRANCE IARD venant aux droits de la SA AXA ASSURANCES IARD, elle-même aux droits de la SA AXA COURTAGE IARD, qui vient aux droits de la SA UAP INCIDIE ACCIDENTS, es qualité d'assureur de la société EGIS CONSEIL BATIMENTS prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par : Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée par : Me Nathalie CORMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P264

SA BUREAU VERITAS prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représentée par : Me Lionel MELUN, avocat au barreau de PARIS, toque : J139

Assistée par : Me Marie Elisabeth DUTTLINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P03

ALLIANZ IARD prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 10]

[Adresse 10]

Représentée par : Me Stéphane JEAMBON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0314

Assistée par : Me Stéphane PERFETTINI, avocat au barreau de PARIS, toque : A314

SARL EGIS CONSEIL NOUVELLE DÉNOMINATION DE IOSIS CONSEIL venant aux droits de la société OTH CONSULT elle même aux droits de la société OTH EXPLOITATION MAINTENANCE (OTHEM) se trouvant aux droits de la société OTH Aménagement et Habitat prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par : Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée par : Me Marina KHOKHLOFF-PREVOT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1191

SOCIÉTÉ HYDRO TECHNIQUE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 11]

[Adresse 11]

Défaillante

SOCIÉTÉ NOUVELLE HYDRO TECHNIQUE prise en la personne de représentants légaux

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Décembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente de chambre

Madame Valérie GERARD, Conseillère

Madame Madeleine HUBERTY, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI

ARRÊT :

- DEFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine BERTRAND, président et par Madame Sabrina RAHMOUNI, greffier auquel a été remis la minute par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

La SA Immobilière 3F est propriétaire d'un immeuble de grande hauteur (25 étages) situé [Adresse 3] qu'elle a fait édifier.

La réception des travaux a été prononcée le 15 février 1975.

À suite de désordres intervenus postérieurement à la réception, consistant notamment en un décollement des carreaux de façade, une mesure d'expertise judiciaire a été diligentée à l'issue de laquelle un accord est intervenu pour la reprise de ces désordres.

Sont intervenus au titre de ces travaux de reprise':

- La société Oth aux droits de laquelle vient désormais la SARL Egis Conseil, maître d''uvre, assurée par la SA AXA France IARD,

- La société CEP, aux droits de laquelle vient désormais la SA Bureau Veritas, en qualité de contrôleur technique, assurée auprès de la SMABTP,

- La société Hydrotechnique, entreprise générale, assurée auprès de la SMABTP.

Pour ces travaux de reprise la SA Immobilière 3F a souscrit une assurance dommage ouvrage auprès de la SA AGF, devenue la SA Allianz IARD.

Les travaux ont consisté à reprendre les carreaux non adhérents de chaque façade de la tour et les traiter par injection de résine.

Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 9 février 1993.

De nouveaux décollements sont intervenus fin 1999 et se sont généralisés à l'ensemble des façades de la tour.

La SA Immobilière 3F a déclaré le sinistre à l'assureur dommages-ouvrage qui a indemnisé des dommages localisés à certaines files et dénié sa garantie en ce qui concerne le sinistre décollement généralisé.

Contestant cette prise de position, la SA Immobilière 3F a obtenu, par ordonnance de référé du 29 janvier 2003, la désignation de [Y] [C] en qualité d'expert, ce dernier étant remplacé par le 11 février 2003 par [P] [J].

Parallèlement, la SA Immobilière 3F a fait assigner au fond les sociétés Egis Conseil, Bureau Veritas, Hydrotechnique et Nouvelle Hydrotechnique, la SMABTP et la SA AGF devenue Allianz IARD. Par jugement du 19 décembre 2003, le tribunal de grande instance de Paris a sursis à statuer sur les demandes jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

La société Hydro-Technique a été placée en redressement judiciaire, puis a fait l'objet plan de cession puis d'une vente de son fonds de commerce à la Société Nouvelle Hydro-T2echnique.

Maître [G] [X], représentant des créanciers, et Maître [B] [U] commissaire à l'exécution du plan, ont été appelés en cause.

[P] [J] a déposé son rapport le 9 juin 2008.

Par jugement du 5 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a statué en ces termes':

I-Sur les fins de non-recevoir':

A/ Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action directe intentée par la SA IMMOBILIERE 3F en qualité de tiers lésé à l'encontre de la SA AXA France IARD assureur du responsable':

Rejette la fin de non-recevoir.

B/ Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription partielle de l'action en responsabilité décennale intentée par la SA IMMOBILIERE 3F':

Rejette comme prescrites les demandes relatives à la fraction de 50,77% des désordres qui constitue l'évolution du sinistre initial.

Il-Sur le fond':

Condamne in solidum la SA ALLIANZ IARD, la société HYDRO- TECHNIQUE garantie par la SMABTP, la SARL EGIS CONSEIL ET BATIMENTS garantie par SA AXA FRANCE IARD et la SA Bureau VERITAS, garantie par la SMABTP, à verser à la SA IMMOBILIERE SF les sommes suivantes :

1/ au titre des coûts de reprises, la somme de 890.836,14 € TTC,

2/ au titre des dommages et intérêts la somme de 81.229,50 €,

Dit que la somme de 890.836,14 € TTC produira intérêt au taux légal à la date du jugement,

Dit que les dispositions de l'article 1154 du code civil seront applicables sous réserve de la stricte condition d'annualité,

Dit que dans les rapports entre coobligés, le partage s'effectuera de la manière suivante :

- la société HYDRO-TECHNIQUE à hauteur de 75%,

- la société OTH nouvellement dénommée SARL Egis Conseil et Bâtiments à hauteur de 15%,

- le bureau de contrôle CEP nouvellement dénommée la SA Bureau Veritas à hauteur de 10%.

- Dit que dans leurs recours entre eux, les constructeurs déclarés responsables et leurs assureurs respectifs, dans les limites contractuelles des polices souscrites, seront garantis des condamnations prononcées à leur encontre à proportion de leurs parts de responsabilité ci-dessus indiquées,

- Condamne in solidum la SA Allianz IARD, la société HYDRO-TECHNIQUE garantie par la SMABTP, la SARL EGIS CONSEILET BATIMENTS garantie par SA AXA FRANCE IARD et la SA Bureau VERITAS garantie par la SMABTP aux entiers dépens de l'instance comprenant les frais d'expertise,

- Condamne in solidum la SA ALLIANZ IARD, la société HYDRO-TECHNIQUE garantie par la SMABTP, la SARL EGIS CONSEILET BATIMENTS garantie par SA AXA FRANCE IARD et la SA Bureau VERITAS garantie par la SMABTP à verser à la SA IMMOBILIERE 3F la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité de procédure sera répartie entre les parties succombantes au prorata des responsabilités retenues, dans les limites contractuelles des polices respectivement souscrites (plafonds et franchises),

- Ordonne l''exécution provisoire.

La SA IMMOBILIÈRE 3F a interjeté appel le 26 novembre 2012.

Vu les dernières conclusions de la SA IMMOBILIÈRE 3F du 5 février 2014,

Vu les dernières conclusions de la SARL Egis Conseil Bâtiments du 20 janvier 2014,

Vu les dernières conclusions de la SA BUREAU VERITAS du 26 avril 2013,

Vu les dernières conclusions de la SMABTP du 23 avril 2013,

Vu les dernières conclusions de la SA AXA France IARD du 27 janvier 2014,

Vu les dernières conclusions de la SA ALLIANZ du 27 janvier 2013.

Maître [G] [X] et Maître [B] [U] ont été appelés en cause mais n'ont pas comparu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur l'existence d'un ouvrage relevant de la garantie décennale des constructeurs':

La Tour T5, siège des dommages dont la SA IMMOBILIÈRE 3F demande réparation, est à la base un triangle équilatéral constitué d'une vingtaine de façades (ou files) constituées de plusieurs plaques ou panneaux. L'ensemble des files est revêtu de carreaux de faïence rectangulaires (11x25 cm environ) de marque BUCHTAL et des joints entre les plaques ont pour fonction d'absorber la dilatation et d'assurer l'étanchéité du revêtement.

À la suite des premiers décollements de carreaux survenus à compter de 1991, des travaux de reprise ont consisté en':

- une injection par la société Hydro-Technique de résine époxy entre les carreaux déficients et le support pour assurer l'adhérence des carreaux,

- la réfection des joints horizontaux entre panneaux,

- le remplacement des carreaux manquants,

- le traitement des bétons dégradés par l'oxydation des armatures comprenant': démolition du béton désagrégé, passivation des armatures, résine d'accrochage, remplacement du béton désagrégé par un mortier de résine.

Contrairement à ce que soutient la SA AXA France IARD, il ne s'agissait pas d'une simple opération de collage, mais de travaux d'ampleur destinés d'une part à restaurer l'étanchéité du revêtement (des infiltrations avaient été constatées) et d'autre part à remédier à la chute des carreaux et à prévenir ainsi tout risque pour la sécurité des occupants et des passants.

L'ampleur de la rénovation, qui concernait plus de 55'000 carreaux sur les 129'472 que comprennent l'ensemble des façades de la tour et les techniques de constructions mises en 'uvre pour l'ensemble de ces travaux visant à assurer l'étanchéité de l'immeuble et la sécurité des personnes en empêchant la chute du revêtement, caractérisent l'existence d'un ouvrage engageant la responsabilité décennale des locateurs d'ouvrage.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- Sur la recevabilité de l'action directe de la SA IMMOBILIÈRE 3F à l'encontre de la SA AXA France IARD':

L'action directe d'un tiers victime à l'encontre de l'assureur d'un constructeur, qui se prescrit, en principe, dans le même délai que l'action de la victime contre le responsable, peut néanmoins être exercée contre l'assureur, au-delà de ce délai, tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré.

Il n'est pas discuté par la SA AXA France IARD qu'elle a pris la direction du procès jusqu'au 27 septembre 2006, date à laquelle elle a notifié une position de non-garantie.

Si l'article L113-17 dispose que l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès, cette renonciation ne peut valoir pour une prescription non acquise au moment où il a pris la direction du procès.

À compter du 27 septembre 2006, le délai de prescription biennal de l'action de l'assuré contre son assureur, suspendu pendant le temps où l'assureur avait pris la direction du procès, a recommencé à courir. Ce délai a été valablement interrompu par la SA EGIS qui a assigné la SA AXA France IARD par acte du 23 juin 2008.

Les premiers juges ont, à tort, énoncé que la SA AXA France IARD était «'exposée au recours de son assuré jusqu'au 23 juin 2010'», soit deux ans après l'assignation du 23 juin 2008. En effet, l'action directe exercée par la victime à l'encontre de l'assureur est autonome de celle engagée par l'assuré à l'encontre de son assureur et l'interruption de cette action est sans effet sur la prescription de l'action directe de la victime.

L'assignation délivrée par la SA IMMOBILIÈRE 3F le 4 mai 2009, intervenue plus de dix années après la réception et plus de deux ans après que la SA AXA France IARD a été exposée au recours de son assuré, est par conséquent prescrite.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

- Sur la prescription de l'action relative aux dommages subis par les carreaux non repris par la société Hydrotechnique':

Il doit être rappelé que des décollements de carreaux s'étant produits en 1984/1985, une expertise judiciaire a été confiée à [K] [Z] et [D] [S] lesquels ont conclu que les défauts d'adhérence des carreaux étaient dus à un encollage défectueux lors de la mise en 'uvre et à une tenue irrégulière des mortiers de ragréage et de préparation due à un mauvais nettoyage des bétons. Ils précisaient que des décollements nouveaux pouvaient se produire et qu'il était «vraisemblable que la tenue générale des parements soit affectée du même taux de déficience que les zones testées, bien que la tenue générale des parements, mis en 'uvre depuis bientôt 10 ans, ne l'ai pas vérifié à ce jour.'»

C'est sur la base de ce rapport que les parties se sont rapprochées pour conclure le protocole d'accord du 10 janvier 1991 et confier à la société APLOMB les sondages nécessaires pour déterminer l'étendue des désordres.

Les travaux confiés à la société Hydro-Technique ont été réalisés sur la base du calepinage établi par la société APLOMB.

Il n'est pas discuté par les parties que les opérations d'expertise et plus précisément celles relatives au repérage des carreaux défectueux ont été menées par l'expert de manière minutieuse, exhaustive et contradictoire pour aboutir à un comptage précis des carreaux atteints de désordres.

L'expert a constaté la défaillance de 96'697 carreaux sur les 129'472 carreaux fixés sur les façades de la tour et a considéré que deux séries de carreaux devaient être distinguées':

- 47'602 carreaux, pour lesquels la défaillance est consécutive à une non-conformité, une quasi absence d'exécution ou un défaut d'exécution de traitement des carreaux objet des travaux réceptionnés en 1993,

- 49'095 autres carreaux nouvellement défaillants, qui n'avaient pas été repérés comme non-adhérents par la société APLOMB et non compris dans le marché confié à la société Hydrotechnique.

La SA IMMOBILIÈRE 3 F soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que sa demande était prescrite pour ces carreaux en retenant qu'ils étaient la continuation du sinistre d'origine alors que leur défaillance est consécutive aux travaux de la société Hydro-Technique.

Elle produit à l'appui de son affirmation une note établie à sa demande par [L] [T], régulièrement produite aux débats.

La mission donnée à ce dernier est la recherche des «'conséquences de l'exécution défectueuse des travaux de la société Hydrotechnique sur l'étendue de l'aggravation des désordres'» ce qui traduit la préexistence d'une hypothèse de travail donné à cet expert': la démonstration d'un lien de causalité entre les travaux de la société Hydrotechnique et l'étendue des désordres.

[L] [T] a ainsi délibérément pris comme base de travail le fait que «'l'aggravation des désordres se produit majoritairement par infiltrations à partir de carreaux insuffisamment traités vers les carreaux au contact'» (page 5 de sa note) et s'est attaché, par des calculs à démontrer que 71% des carreaux non retenus par l'expert judiciaire ont été contaminés par suffusion (contact direct puis contact de proche en proche) avec les défauts d'exécution imputables à l'entreprise Hydrotechnique.

Outre que les travaux de [L] [T] traduisent ainsi un parti pris de départ incompatible avec un examen impartial et objectif des causes de non-adhérence des carreaux non retenus par l'expert judiciaire, cette approche ne rend pas compte des 30% de carreaux non atteints par suffusion selon ses propres conclusions.

En effet, il n'explique pas pourquoi sur certaines files des carreaux sonnent creux alors qu'il n'y a eu aucun contact avec des carreaux traités par la société Hydrotechnique (ex. file 45B) ou pourquoi sur d'autres files les carreaux traités par Hydrotechnique et les carreaux nouvellement atteints sont séparés par plusieurs rangées de carreaux sains (ex. file 42B)

Ainsi contrairement à ce que soutient la SA IMMOBILIÈRE 3F, la contamination par suffusion n'est pas une explication qui peut être retenue alors que la cause des premiers désordres constatés en 1990/1991 était la mauvaise tenue des mortiers de ragréage et de préparation.

Les experts [Z] et [S] avaient estimé en effet que des nouveaux décollements pouvaient se produire et ils préconisaient d'ailleurs une révision totale des revêtements, seule à même selon eux de garantir la sécurité du public circulant au pied de la tour, ne pouvant «'garantir de façon formelle la bonne tenue dans le temps des revêtements, mais au contraire d'attirer l'attention sur l'incertitude qui la caractérise'». L'expertise a d'ailleurs montré (PJ2-9) que des carreaux pouvaient présenter une bonne adhérence sur un enduit présentant des fissures non adhérent à la structure béton.

Dès lors c'est à juste titre que l'expert a qualifié l'incidence du défaut d'exécution par la société Hydrotechnique sur la continuation des désordres (incidence éventuelle d'une infiltration d'eau par exemple) de «'supposition ne pouvant être démontrée ni a fortiori quantifiée'» et que les premiers juges ont à bon droit considéré que l'action de la SA IMMOBILIÈRE 3F était prescrite relativement à ces désordres qui ne sont que la continuation des désordres initiaux. Le jugement sera confirmé sur ce point.

- Sur les préjudices subis par la SA IMMOBILIÈRE 3F':

Les premiers juges ont exactement apprécié le coût des réparations et des frais annexes relatifs aux seuls désordres résultant des travaux réceptionnés en 1993 et la SA IMMOBILIÈRE 3F doit être déboutée du surplus de sa demande au titre du préjudice matériel.

La SA IMMOBILIÈRE 3F justifie ne pas être assujettie à la TVA pour les travaux relatifs à cet immeuble, le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a prononcé une condamnation TTC.

C'est juste titre que les premiers juges ont fixé le point de départ des intérêts au taux légal au jour du jugement fixant l'indemnité due à la SA IMMOBILIRE 3F.

Le préjudice financier subi par la SA IMMOBILIÈRE 3F, du fait des avances de trésorerie qu'elle a dû effectuer tant pour les réparations des désordres imputables aux travaux réceptionnés en 1993 que pour les frais d'expertise et frais annexes, n'est pas sérieusement contestable. Il résulte de l'indisponibilité des sommes consacrées au règlement de ces frais et au regard de ces éléments, la cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer le préjudice subi à la somme de 81 209,50 euros. Le jugement sera confirmé sur ce point.

La capitalisation des intérêts dus pour une année entière sera également confirmée.

- Sur les responsabilités':

- La responsabilité de la SA Egis Conseil':

La SA Egis Conseil conteste le pourcentage de sa responsabilité fixé à 15% par le jugement déféré estimant qu'elle n'avait qu'une mission limitée au contrôle a posteriori, par sondages, des travaux exécutés, mission au surplus rendue difficile par les conditions dans lesquelles elle a dû être exercée (vérifications sur nacelle).

Aux termes du marché conclu le 30 août 1991 entre la SA IMMOBILIÈRE 3F et la SARL Oth devenue SARL Egis Conseil, la mission de maîtrise d''uvre d'exécution comprenait les éléments suivants':

- contrôle des travaux (par sondages après traitement)

- réception des travaux par file suivant plans de calepinage,

- établissement des procès-verbaux correspondants avec plans de calepinage établis par l'entreprise,

- vérification des situations et du décompte définitif.

Il n'est pas douteux que la tâche principale dévolue à la SARL Oth était le contrôle des travaux.

L'expert a pu constater que la majeure partie des carreaux qui auraient dû être traités par la SA Hydro-Technique ne l'avait pas été ou de manière très insuffisante. Compte tenu de l'ampleur des défauts d'exécutions imputés à la société Hydro-Technique, le contrôle par sondages que devait réaliser la SARL OTH aurait dû nécessairement la conduire à constater ces défauts d'exécution et elle a donc clairement failli à sa mission de direction et de contrôle des travaux comme l'ont exactement décidé les premiers juges.

Les conditions d'exercice de sa mission (immeuble de grande hauteur, travaux exécutés sur nacelle') étaient connues de la SARL Oth lorsqu'elle a accepté la maîtrise d''uvre d'exécution et ne constituent nullement une cause d'atténuation de sa responsabilité.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé la part de responsabilité incombant à la SARL Egis Conseil à 15%.

La responsabilité de la SA Bureau Veritas':

La mission de contrôle technique confiée à la société CEP aux droits de laquelle vient la SA Bureau Veritas comprenait une mission de type L relative au contrôle de la solidité des travaux neufs et une mission relative au contrôle de la compatibilité entre ces travaux et les ouvrages existants concernés. Les clauses particulières de la convention rappelaient que le CEP était chargé de «'contrôler le programme des travaux de restauration des façades'».

Le CEP a rédigé un rapport final dans lequel il atteste que les travaux ont été menés de façon satisfaisante et émet un avis favorable. Il a également signé le procès-verbal de réception des travaux sans réserves.

La mission de contrôle de la solidité des travaux neufs impliquait non seulement le contrôle des documents techniques fournis tant par le maître d'ouvrage que par la société Hydro-Technique, ce qui semble avoir été fait au regard des courriers du 13 septembre et 7 octobre 1991, mais également un contrôle de l'adhérence des carreaux traités par des tests d'arrachements. La société CEP a d'ailleurs indiqué dans son rapport final qu'auraient été effectués des «'essais de traction à la plaque'» le 10 octobre 1991. Contrairement à ce que soutient la SA Bureau Veritas, ces essais n'ont de sens qu'une fois appliqué le traitement prévu pour en éprouver la solidité. La SA Bureau Veritas a été dans l'incapacité de justifier du moindre test effectué.

L'expertise a montré que les carreaux soumis au contrôle technique de la société CEP, avaient été traités de manière très largement défaillante dans leur immense majorité par la société Hydro-Technique. L'ampleur des défauts de réalisation n'aurait pas dû échapper au contrôle de la société CEP, fut-ce par des contrôles visuels inopinés, et elle a également failli à justifier des tests dont elle a affirmé la réalisation.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont fixé à 10% la part de responsabilité de la SA Bureau Veritas et le jugement sera confirmé sur ce point.

- Sur les garanties des assureurs':

La SA AXA France IARD, régulièrement appelée en cause par la SARL Egis Conseil, ne conteste plus devant la cour lui devoir sa garantie.

- La SA ALLIANZ':

S'agissant de dommages relevant de la garantie décennale des constructeurs, la garantie de la SA LLLIANZ assureur dommage-ouvrage est due. L'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire à l'initiative de l'assuré qui a refusé la proposition d'indemnisation n'est pas de nature à modifier l'obligation de garantie de la SA ALLIANZ. De même, la responsabilité des locateurs d'ouvrages n'exonère pas l'assureur dommage-ouvrage de son obligation de préfinancement mais l'autorise à exercer son recours subrogatoire s'il indemnise son assuré. Il n'y a donc pas lieu de mettre la SA ALLIANZ hors de cause comme elle le soutient.

Le plafond de garantie n'est pas discuté par la SA IMMOBILIÈRE 3F de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la SA ALLIANZ in solidum avec les locateurs d'ouvrage à indemniser la SA IMMOBILIÈRE 3F.

- La SMABTP, assureur de la société Hydrotechnique':

La SMABTP invoque la clause d'exclusion de garantie des dommages résultant du fait intentionnel ou du dol de son assuré en faisant valoir qu'il résulte de l'expertise que la société Hydro-Technique n'a traité correctement que 9% des carreaux objets de son marché et qu'il s'agit non pas d'une exécution défectueuse mais d'une absence quasi généralisée de travaux.

La faute intentionnelle qui exclut la garantie de l'assureur est celle qui implique la volonté de son auteur de créer le dommage tel qu'il est survenu.

Il résulte des constatations objectives réalisées lors de l'expertise que sur les 52'309 carreaux qui devaient être traités dans le cadre du marché confié à la société Hydro-Technique 9% seulement ont été traités par celle-ci, l'expert ayant constaté soit une absence totale d'injection de résine soit une injection très insuffisante.

Ces inexécutions ne pouvaient avoir pour effet que de rendre pérennes les défauts d'adhérence auxquels les travaux confiés à la société Hydro-Technique étaient censés remédier.

Il ne s'agit donc pas d'une négligence mais d'une inexécution délibérée et consciente, compte tenu de son ampleur, dont la société Hydro-technique, professionnelle des travaux de bâtiment ne pouvait ignorer les conséquences.

La société Hydro-Technique, qui n'a procédé à aucun contrôle, ni aucun encadrement de ses préposés, a par conséquent commis une faute intentionnelle exclue de la garantie de la SMABTP.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a retenu la garantie de la SMABTP en sa qualité d'assureur de la SA Hydro-Technique.

- La SMABTP assureur de CEP devenu SA Bureau Veritas':

La SMABTP soutient également que le CEP a délibérément violé ses obligations contractuelles en donnant un avis favorable en dépit soit de l'absence de tests d'arrachement, soit de mauvais résultats de ceux-ci puisqu'aucune justification de ces tests n'a pu être produite.

Cependant il appartient à la SMABTP de prouver que le CEP a voulu créer le dommage tel qu'il est survenu. L'absence des pièces justificatives, qui empêche effectivement au CEP de prouver qu'il a bien rempli ses obligations contractuelles, n'est pas la preuve de la violation délibérée de celles-ci, ni la preuve que le CEP a voulu créer le dommage tel qu'il est survenu.

La SMABTP invoque la clause de déchéance figurant à l'article 8 des conditions générales de sa police aux termes de laquelle «'le sociétaire est déchu de tout droit à garantie en cas d'inobservation volontaire ou inexcusable par lui des règles de l'art'».

Cette clause impose à la SMABTP de prouver l'inobservation volontaire ou inexcusable des règles de l'art qui ne saurait être déduite de la simple impossibilité pour le CEP devenue Bureau Veritas de produire les pièces justificatives, étant au surplus rappelé qu'elle a justifié avoir réalisé des contrôles comme en attestent les courriers pré-cités de septembre et octobre 1991.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a retenu la garantie de la SMABTP, assureur de CEP, dans la limite contractuelle de la police souscrite.

- Sur les recours':

C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte que les premiers juges ont accueilli les recours entre les locateurs d'ouvrages responsables et leurs assureurs à proportion de leur part de responsabilité respective dans la survenance des dommages.

- Sur les demandes annexes de la SARL Egis Conseil':

La SARL Egis Conseil demande la condamnation de la SA AXA France IARD à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le revirement de position et le refus injustifiés de lui accorder sa garantie.

Toutefois, la SA AXA France Iard n'a fait qu'user de son droit de se défendre dans la procédure et a régulièrement notifié sa position à son assuré qui a pu prendre les mesures nécessaires pour assurer sa propre défense. Il n'est pas démontré l'existence d'une faute dans l'exercice de ce droit et la SARL Egis sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

La SARL Egis Conseil demande que les frais d'expertise soient finalement répartis entre la SA IMMOBILIÈRE 3F d'une part, et les locateurs d'ouvrage et leurs assureurs, d'autre part, au prorata des désordres dont ils sont responsables.

Or les opérations d'expertise ont porté exclusivement sur l'examen des désordres liés aux travaux réceptionnés en 1993 et le dénombrement des carreaux non concernés n'a été qu'une opération corrélative, annexe, sans aucun examen de leur cause.

Dès lors c'est à juste titre que les premiers juges ont réparti les frais d'expertise dans leur intégralité entre les locateurs d'ouvrage et leurs assureurs.

La SA IMMOBILIÈRE 3F qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 5 octobre 2012 en ce qu'il a':

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action directe intentée par la SA IMMOBILIERE 3F en qualité de tiers lésé à l'encontre de la SA AXA France IARD assureur du responsable';

- dit que la SMABTP devait garantie à la SA Hydro-Technique

Statuant à nouveau,

Déclare prescrite l'action de la SA IMMOBILIÈRE 3F à l'encontre de la SA AXA FRANCE IARD, assureur de la SARL Egis Conseil Bâtiments,

Dit que la SA AXA FRANCE IARD est tenue de garantir son assuré la SARL Egis Conseil Bâtiments pour l'intégralité des sommes mises à sa charge,

Dit que la SA Hydro-Technique a commis une faute intentionnelle excluant la garantie de la SMABTP,

Déboute la SA IMMOBILIÈRE 3F, la SA ALLIANZ, la SA AXA France IARD, la SARL Egis Conseil et la SA Bureau Veritas de leurs demandes dirigées contre la SMABTP en sa qualité d'assureur de la SA Hydro-Technique,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Déboute la SARL Egis Conseil de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la SA AXA FRANCE IARD,

Déboute la SARL Egis Conseil Bâtiments de sa demande de répartition des frais d'expertise et des dépens au prorata du pourcentage des chaque catégorie de désordre,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à la SARL Egis Conseil Bâtiments la somme de 3 000 euros,

Déboute la SARL Egis Conseil Bâtiments du surplus de ses demandes,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SA IMMOBILIÈRE 3F à payer à la SMABTP en sa qualité d'assureur de la SA Hydro-Technique la somme de 3 000 euros,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des autres parties,

Condamne la SA IMMOBILIÈRE 3F aux dépens de la présente instance qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 12/21373
Date de la décision : 06/03/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G6, arrêt n°12/21373 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-06;12.21373 ?
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