RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 05 Mars 2015
(n° 351 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12726
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Août 2011 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 10-00757
APPELANTE
CAISSE DE COORDINATION AUX ASSURANCES SOCIALES DE LA RATP
Lac CG 21
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Catherine LANFRAY MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque: P0278
INTIMÉE
Madame [S] [E]
[Adresse 3]
[Localité 3]
comparante en personne
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 1]
[Localité 1]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Marion MÉLISSON, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Fatima BA, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP ( CCAS-RATP) d'un jugement rendu le 17 août 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à Mme [E];
LES FAITS, LA PROCÉDURE, LES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler que Mme [E], employée par la RATP en qualité de responsable clientèle communication-certification sur la ligne n° 2 du métro, a déclaré avoir été victime d'un accident sur son lieu de travail le 2 mars 2009 ; que la CCAS-RATP a refusé de prendre en charge l'accident invoqué au titre de la législation sur les risques professionnels; que l'intéressée a contesté cette décision devant la commission de recours amiable qui a rejeté sa réclamation par décision du 18 décembre 2009 ; qu'elle a alors saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale.
Par jugement du 17 août 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a infirmé la décision de la commission de recours amiable du 18 décembre 2009 et dit que l'accident dont Mme [E] a été victime le 2 mars 2009 doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle.
La Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP (CCAS-RATP) fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à infirmer ce jugement, confirmer la décision de la commission de recours amiable et le refus de prise en charge à titre professionnel des faits déclarés le 2 mars 2009. Selon elle, l'instruction du dossier n'a pas révélé l'existence d'un fait accidentel survenu le 2 mars 2009 pouvant être à l'origine du trouble psychologique constaté par le certificat médical du même jour. Elle précise que, selon les renseignements recueillis, Mme [E] s'est entretenu le 2 mars 2009, à 8h 30, avec sa supérieure hiérarchique, dans le bureau de cette dernière, pour un motif purement professionnel et que cet entretien de travail s'est déroulé sans tension particulière, ni stress ou angoisse qui aurait pu être le signe d'un choc émotionnel. Elle conteste donc les allégations de la salariée selon lesquelles elle aurait été victime d'un choc émotionnel au cours de cet entretien en raison des remarques faites sur la qualité de son travail et du comportement de sa supérieure hiérarchique à son égard qui lui aurait tenu des propos désobligeants et menaçants. De même elle estime que les témoignages fournis par les collègues de Mme [E] ne permettent pas de caractériser un fait accidentel car aucune de ces personnes n'a assisté à l'entretien litigieux et leurs dépositions présentent de nombreuses contradictions ou incohérences. Elle considère qu'en réalité, les observations faites à Mme [E] par son supérieur hiérarchique relèvent de l'exercice du pouvoir de direction et ne peuvent constituer à elles seules un fait accidentel caractérisé par un événement précis et soudain, extérieur au salarié entraînant une lésion corporelle. Enfin, elle estime que la preuve d'un lien de causalité entre la lésion constatée et la journée du 2 mars 2009 n'est pas rapportée et soutient qu'en réalité les troubles psychologiques dont souffre l'intéressée se rattachent à d'autres problèmes que ceux abordés au cours de cette journée.
Mme [E] demande la confirmation du jugement attaqué. Elle fait observer que l'ensemble des médecins consultés a confirmé l'existence d'un trouble psychologique en réaction à un événement survenu sur le lieu de son travail. Elle explique que le 2 mars 2009, elle a pris "un grand coup dans la figure" et fait observer que la réalité du choc psychologique dont elle a été victime est confirmée par les témoins entendus par les premiers juges, Mme [X] ayant entendu des cris en provenance du bureau de sa supérieure hiérarchique et M. [N] l'ayant vu en pleurs. Elle indique que, sur les conseils du délégué syndical, elle s'est rendu aussitôt auprès du médecin de l'entreprise qui a constaté son état de choc et lui a prescrit un arrêt de travail.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
MOTIFS :
Considérant qu'il résulte de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale que, pour bénéficier de la présomption d'imputabilité, il appartient à celui qui prétend avoir été victime d'un accident du travail de rapporter la preuve d'un fait accidentel survenu au temps et sur le lieu du travail ; que cette preuve ne peut résulter des seules allégations de la victime non corroborées par des éléments objectifs matériellement vérifiables ;
Considérant qu'un tel accident se caractérise par tout événement précis survenu soudainement à une date certaine au cours ou à l'occasion du travail et dont il est résulté une lésion corporelle ou psychique ;
Considérant qu'en l'espèce, les parties reconnaissent que le 2 mars 2009 au matin, Mme [E] a été convoquée dans le bureau de sa supérieure hiérarchique et qu'à cette occasion il lui a été demandé de corriger un travail jugé non satisfaisant ;
Considérant qu'en revanche, elles s'opposent sur les conditions exactes dans lesquelles l'entretien s'est déroulé, la CCAS-RATP estimant que la responsable hiérarchique n'a pas dépassé les limites de son pouvoir de direction, sans aucune tension ni propos désobligeants ou menaçants alors que Mme [E] soutient avoir été heurtée par les remarques faites sur la qualité de son travail et avoir été menacé de sanction si elle refusait de modifier son texte;
Considérant que de même, l'organisme de sécurité sociale soutient qu'aucun stress n'a été ressenti par Mme [E] alors que celle-ci invoque des bourdonnements et des tremblements en réaction au comportement rigide de la responsable et reproche à cette dernière de ne pas lui avoir permis d'améliorer son travail en l'autorisant à prendre une photocopie des corrections souhaitées et en mettant rapidement un terme à l'entretien ;
Considérant que si aucun témoin n'a assisté à cet entretien, plusieurs collègues de travail de Mme [E] ont cependant confirmé le caractère tendu des propos échangés à cette occasion et le trouble ressenti par l'intéressée ; que Mme [X] a notamment indiqué devant les premiers juges qu'elle avait entendu des "cris", des "haussements de voix" et avait vu la salariée sortir du bureau "hagarde et dans un état second" ; que M. [N] a précisé que Mme [E] avait "les yeux rouges" ;
Considérant que, contrairement aux allégations de la CCAS, ces témoignages ne sont pas contradictoires ou incohérents et sont confortés par celui du délégué syndical immédiatement prévenu des faits qui a précisé que Mme [E] "était paniquée et lui avait dit que cela s'était mal passé avec la directrice" ;
Considérant qu'il est également justifié que l'intéressée a quitté son poste de travail juste après l'entretien et s'est rendu le jour même au cabinet du médecin du travail ; qu'entendu en première instance, ce médecin a indiqué avoir vu "une femme logorrhéique et larmoyante et avoir discuté avec elle de ce qui s'était passé le matin avec sa hiérarchie" ; que le médecin a constaté un état de confusion totale, des bourdonnements et des tremblements et l'intéressée s'est vue prescrire un arrêt de travail en raison d'un syndrome de stress post-traumatique à un choc émotionnel ;
Considérant qu'il ressort de tous ces éléments que Mme [E] a ressenti un véritable choc psychologique lors de l'entretien du 2 mars 2009 même si la responsable hiérarchique ne s'en est pas aperçu ;
Considérant que c'est donc à tort que la CCAS a estimé que la lésion psychologique constatée immédiatement après l'entretien litigieux n'avait aucun lien avec un événement précis survenu à cette occasion et serait due à une cause étrangère à cette journée de travail;
Considérant que, de même, il importe peu que les reproches formulées lors de l'entretien du 2 mars 2009 n'aient pas dépassé les limites du pouvoir de direction ; que cela ne fait pas disparaître le traumatisme émotionnel ressenti par la salariée ;
Considérant qu'il est donc justifié d'un fait accidentel survenu aux lieu et temps du travail et la salariée bénéficie de la présomption d'imputabilité qui n'est pas remise en cause par la preuve d'une cause totalement étrangère au travail ;
Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il décide la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP recevable mais mal fondée en son appel ;
Confirme le jugement entrepris ;
Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L 241-3 et la condamne au paiement de ce droit s'élevant à la somme de 317 € ;
Le Greffier, Le Président,