Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRET DU 04 MARS 2015
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05881
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Février 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011065049
APPELANTS
Monsieur [K] [R] en qualité de gérant de la société K AND G
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté et assistée de Me Laurence LEMOINE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1231, avocat plaidant
SARL K AND G agissant aux poursuites et diligences de ses représnetants légaux domicliés es-qualités audit siège social
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurence LEMOINE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1231, avocat plaidant
INTIMEES
SARL T2I prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée et assistée de Me Nicole TEBOUL GELBLAT de la SELAS GELBLAT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0402, avocat plaidant
SAS MAITRE DU TERROIR
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée et assistée de Me Nathalie METAIS de la SCP SCP A & A, avocat au barreau de PARIS, toque : P0067, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Brigitte CHOKRON, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente
Mme Brigitte CHOKRON, Conseillère
Mme Caroline PARANT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Laureline DANTZER
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme BARTHOLIN, président et par Laureline DANTZER, greffier présent lors du prononcé.
********
Le 12 février 2010, [K] [R] a donné mandat sans exclusivité à la société T21 pour la vente du fonds de commerce de restauration rapide exploité sous l'enseigne Central Perk par la société K and G, dont il est le gérant, situé [Adresse 4], au prix de 205.000 euros, moyennant une commission de 10% du prix de vente hors taxes à la charge de l'acquéreur.
Suivant acte sous seing privé du 22 juin 2010, [K] [R] agissant en qualité de gérant de la société K and G d'une part, [Y] [M] et [X] [S] d'autre part, ces derniers agissant en qualité de futurs associés de la société en cours de constitution Maître du terroir, ont conclu une promesse synallagmatique de vente du fonds de commerce sous conditions suspensives pour le prix principal de 230.000 euros .
Les conditions suspensives ayant été levées, la cession a été régularisée entre les sociétés K and G et Maître du terroir suivant acte sous seing privé du 20 octobre 2010 pour le prix de 230.000 euros .
Par courrier recommandé du 15 juin 2011, la société T21 adressait à la société Maître du terroir une demande en paiement de la somme de 20.000 euros HT en vertu du mandat signé par [K] [R] le 16 février 2010 prévoyant une rémunération du mandataire de 10% du prix de vente, à la charge de l'acquéreur.
Le 4 juillet 2011, la société Maître du terroir répondait par son conseil qu'elle refusait de payer une telle somme, au motif que le mandat invoqué ne lui était pas opposable et que, ni la promesse de cession du fonds de commerce, ni l'acte définitif de cession ne faisaient mention de l'intervention de la société T21 et d'un règlement d'honoraires à ce titre .
C'est dans ces circonstances que par acte du 7 septembre 2011, la société T21 a assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société Maître du terroir ainsi que la société K and G et [K] [R] en paiement de la somme de 23.920 euros TTC en invoquant à titre principal, à l'encontre de la société Maître du terroir, les dispositions de la loi Hoguet du 2 janvier 1970, à titre susbsidiaire, à l'encontre de la société K and G et [K] [R], la faute sur le terrain des dispositions de l'article 1382 du Code civil .
Par jugement contradictoire du 21 février 2013, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a condamné solidairement [K] [R] et la société K and G à payer à la société T21 la somme de 23. 920 euros outre la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens .
[K] [R] et la société K and G (Sarl) ont relevé appel et conclu en dernier lieu le 2 décembre 2014 aux fins d'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions ; ils poursuivent la mise hors de cause de [K] [R] à titre personnel sur le fondement de l'article 1165 du Code civil, le débouté de la société T21 au titre de sa demande en paiement de la commission sur le fondement du mandat, à titre subsidiaire, s'il devait être retenu qu'une commission est due à la société T21, condamner la société Maître du terroir à verser la commission fixée par la cour conformément au mandat et en toute hypothèse, la débouter de sa demande en garantie dirigée contre [K] [R] et la société K and G, en tout état de cause, condamner la société T21 à restituer à la société K and G sur simple présentation de l'arrêt, la somme saisie sur son compte le 10 avril 2013, condamner la société T21 à verser à la société K and G la somme de 7.500 euros en dédommagement de la privation de trésorerie dont elle a été l'objet à raison de la saisie attribution opérée sur son compte le 10 avril 2013 et alors que le créancier agissant en exécution forcée d'une décision assortie de l'exécution provisoire dont appel agit à ses risques et périls et doit restituer les fonds saisis en cas d'infirmation du jugement entrepris mais également dédommager le débiteur saisi si ladite exécution a généré un dommage, condamner la partie qui succombera au paiement de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens .
La société T21 (Sarl), intimée, par dernières conclusions du 2 décembre 2014, demande la confirmation en toutes ses dispositions du jugement dont appel sauf à ajouter une condamnation complémentaire solidaire de [K] [R] et la société K and G à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, à titre subsidiaire, la condamnation de la société Maître du terroir à lui payer la somme de 23.920 euros TTC outre celle de 8.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dans tous les cas, condamner conjointement la société Maître du terroir, [K] [R] et la société K and G aux entiers dépens dont distraction .
La société Maître du terroir (SAS), par d'uniques écritures du 12 juillet 2013, demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société T21 de l'ensemble de ses demandes à son encontre ; elle entend toutefois obtenir, y ajoutant, la condamnation de la société T21 à lui payer la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive, à titre subsidiaire, la condamnation solidaire de [K] [R] et la société K and G à la relever et garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, en tout état de cause, condamner la société T21, [K] [R] et la société K and G à lui verser 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
SUR CE :
Sur la demande de la société T21,
La société T21 soutient que les sociétés K and G et Maître du terroir auraient signé l'acte de cession du fonds de commerce en fraude de ses droits, sans l'informer de la date du rendez-vous de signature, dans l'espoir de ne pas régler les honoraires qui lui étaient dûs en vertu du mandat qui lui avait été confié par [K] [R] le 12 février 2010 ;
Elle indique avoir présenté à la société K and G la société Maître du terroir, intéressée par la reprise de son fonds de commerce, et prétend en justifier par les courriers électroniques échangés dans le courant du mois de juin 2010 entre les parties et sa négociatrice, [O] [D], à laquelle les parties se seraient gardées de communiquer les éléments relatifs à la signature de la cession ;
Il n'est pas contesté que [O] [D] a été engagée par la société T21, une agence immobilière spécialisée dans les transactions et cessions de fonds de commerce, en qualité de négociatrice en vertu d'un contrat à durée déterminée de six mois à effet du 1er décembre 2009 ;
Il n'est pas davantage contesté que ce contrat a pris fin le 31 mai 2010, mais la société T21 soutient avoir donné son accord pour que [O] [D], qui se trouvait au coeur des négociations entre la société K and G et la société Maître du terroir les poursuive et les mène à bien jusqu'à la signature de l'acte définitif de cession ;
Dans le sens des allégations de la société T21, [O] [D] a rédigé en date du 17 novembre 2012 une attestation dans les termes suivants : 'J'ai poursuivi de plein gré, et avec l'accord de mon employeur M. [F] [I], de traiter les quelques dossiers qui étaient en cours, ceci même après la fin de mon CDD le 30 mai 2012" , sans faire toutefois explicitement référence au dossier de la vente du fonds de commerce de la société K and G ;
Les courriers électroniques versés aux débats révèlent que :
-le 10 juin 2010, [Y] [M] et [X] [S], les deux associés de la société Maître du terroir, ont écrit à [O] [D] : 'pour confirmer notre volonté de reprendre le droit au bail de sandwicherie Central Perk, [Adresse 4] pour le montant de 230.000 euros' ;
-le 11 juin 2010 ils envoyaient en pièce jointe à [O] [D] le projet de statuts de la société et lui communiquaient les coordonnées de leur avocate, Me [C],
-le 14 juin 2010, [O] [D] précisait à [Y] [M] que l'opération consistait en la vente d'un fonds de commerce et non d'un droit au bail , elle ajoutait 'M. [R] a la date du 22 juin à 16 heures chez son avocat pour la signature, est-ce que cela peut convenir ''
-le 15 juin 2010, [Y] [M] remerciait [O] [D] pour ses informations, lui indiquait que son avocate consultait son agenda et qu'il reviendrait vers elle ; le même jour, il demandait à [O] [D] de lui communiquer les coordonnées de l'avocat de M. [R] car son avocate souhaiterait se présenter à lui,
-le 12 juillet 2010, [O] [D] demandait à [Y] [M] et [X] [S] s'ils avaient pu faire le point avec leur banquier et s'ils étaient en mesure de signer pour le 30 juillet,
-le 14 juillet 2010, par un mail ayant pour objet 'finalisation', [X] [S] faisait connaître à [O] [D] : 'nous sommes toujours dans l'optique du 30 juillet, l'étude semble poser des problèmes sur les conditions du bail, notre avocate est en négociation actuellement',
-le 20 juillet 2010, toujours sous l'objet 'finalisation', [X] [S] indiquait à [O] [D], 'je pense que maître [Z] ( avocat de la société K and G) a dû te contacter' et ajoutait 'la signature pour le 29 /07 semble vraiment très juste en fonction des réponses administratives et congés de chacun, notre avocate a demandé à Me [Z] et M. [R] une prolongation' ;
Il s'infère de l'ensemble de ces éléments que [O] [D] était informée du cours des négociations, qu'elle avait les coordonnées des avocats respectifs des parties et qu'elle connaissait la date à laquelle devait intervenir entre les parties la signature de la promesse de vente du fonds de commerce sous conditions suspensives qui a eu lieu effectivement le 22 juin 2010 ainsi qu'elle le proposait dans son mail du 14 juin 2010, elle n'ignorait pas non plus, ainsi que le montrent les échanges qui ont suivi en juillet 2010, que la signature de l'acte définitif de cession était prévue, selon les termes de la promesse, pour le 29 juillet 2010 et que cette date serait probablement prorogée ainsi que l'envisageait [X] [S] dans son mail du 20 juillet 2010 ;
Un avenant à la promesse a été effectivement signé entre les parties le 29 juillet 2010 fixant au 15 septembre 2010 la régularisation de l'acte de cession et celle-ci a eu lieu le 20 octobre 2010 entre les parties assistées respectivement de Me [C] et Me [Z] qui ont été les conseils respectifs dans tout le cours de l'opération;
Il n'est justifié d'aucun échange avec [O] [D] postérieurement au mois de juillet 2010 et aucun élément du dossier ne permet d'expliquer pourquoi les relations ont été, semble-t-il, interrompues à compter de cette date ; les sociétés K and G et Maître du terroir indiquent dans leurs écritures ne plus avoir eu de nouvelles de [O] [D] qui ne répondait plus à leurs appels téléphoniques ;
Il demeure, que [O] [D] disposait, à la fin du mois de juillet 2010, de toutes les informations utiles sur le suivi des opérations dont elle connaissait tous les intervenants et qu'elle était parfaitement en mesure de connaître la date de la régularisation de l'acte de cession, ce dont elle a nécessairement tenu informée la société T21 si, ainsi que le soutient cette dernière, elle intervenait dans cette négociation pour son compte ;
En toute hypothèse, il n'est pas établi, au vu des éléments de la procédure précédemment examinés, que [O] [D] ait été victime d'une volonté de dissimulation de la part des parties et, en particulier, des deux associés de la société Maître du terroir avec lesquels elle a été en contact régulier jusqu'à la fin du mois de juillet 2010 ;
En l'état des développements qui précèdent, se pose la question de savoir si, aux yeux des parties à la transaction, [O] [D] intervenait effectivement pour le compte de la société T21;
Force est de constater qu'il n'est produit ni bon de visite ni aucun autre élément de nature à établir que [O] [D] aurait présenté à la société K and G les futurs associés de la société en cours de formation Maître du terroir avant le 31 mai 2010, alors qu'elle était sous contrat de travail avec la société T21 ;
Il importe en outre de relever que rien ne montre, dans les courriers électroniques de [O] [D], que celle-ci agissait pour le compte de la société T21, elle se présentait en effet sous son nom personnel, et adressait tous ses messages à partir de l'adresse '[Courriel 2]' sans faire la moindre allusion à la société T21 dont il n'a jamais été fait état dans l'ensemble de ces courriers ;
Enfin, il n'est pas sans intérêt d'observer que l' adresse électronique utilisée par [O] [D] n'est pas celle figurant sur la carte de visite professionnelle qui était la sienne en qualité de négociatrice de la société T21, laquelle indique l'adresse '[Courriel 1]';
Il suit de l'ensemble de ces éléments que la société T21 ne justifie pas de son intervention dans la transaction réalisée entre les parties et qu'elle ne prouve pas que [O] [D] aurait agi pour poursuivre et conduire à son terme une affaire dont elle aurait eu à traiter pendant l'exécution du contrat de son contrat de travail avec la société T21 ;
La demande de la société T21 est dès lors mal fondée à l'égard de la société Maître du terroir sur le fondement de la loi Hoguet ;
Elle ne saurait davantage prospérer sur le terrain de l'article 1382 du Code civil à l'égard de [K] [R] et la société K and G qui n'avaient offert à la société T21 aucune exclusivité et à la charge desquels le grief de dissimulation n'est pas prouvé ;
Le jugement dont appel du tribunal de commerce de Paris doit être en conséquence infirmé.
Sur les autres demandes,
La demande de la société Maître du terroir est mal fondée en sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 5.000 euros pour procédure abusive dès lors qu'elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, de la mauvaise foi, de l'intention malveillante ou de la légèreté blâmable de la société T21 dans l'exercice de son droit d'ester en justice;
La demande de la société K and G au titre du préjudice subi des suites de la saisie-attribution opérée au titre de l'exécution provisoire du jugement dont appel, à laquelle n'est opposée aucune fin de non recevoir, n'est pas davantage fondée, aucun élément de preuve n'étant rapporté pour justifier d'un préjudice de trésorerie ouvrant droit à réparation à hauteur de 7.500 euros ;
L'équité commande de condamner la société T21 à payer à [K] [R] à titre personnel , à la société K and G, à la société Maître du terroir, une indemnité de 1.500 euros à chacun, au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute la société T21 de toutes ses prétentions,
Déboute du surplus des demandes des parties,
Condamne la société T21 à payer à [K] [R] à titre personnel , à la société K and G, à la société Maître du terroir, une indemnité de 1.500 euros à chacun, au titre des frais irrépétibles et aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE