RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 04 Mars 2015
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07098 CB
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Mai 2011 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 08/01111
APPELANTE
Madame [F] [O] épouse [W]
[Adresse 3]
[Localité 2]
comparante en personne, assistée de Me Sandrine PRISO, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC39
INTIMEES
Me [H] [C] - Mandataire liquidateur de la SARL ALFA - B CP
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205 substitué par Me Claude BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1205
AGS CGEA IDF EST
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205 substitué par Me Claude BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1205
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BRUNET, Conseillère et Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine BRUNET, Conseillère, faisant fonction de Présidente
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère
Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère
Qui en ont délibéré.
Greffier : Lynda BENBELKACEM, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Madame Catherine BRUNET, Conseillère, faisant fonction de présidente et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Madame [F] [O] a été engagée par la société ALPHA B CP par un contrat de travail en date du 1er juillet 2008 en qualité de directrice administrative et commerciale.
Par courriers en date du 2 septembre et du 15 novembre 2008, madame [O] a réclamé le paiement de ses salaires pour l'ensemble de la période.
Le 1er décembre 2008, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau notamment d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.
Par jugement du tribunal de commerce d'Evry en date du 4 mai 2009, la société a été placée en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 30 mars 2009. Maître [H] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur de la société.
Par lettre en date du 18 mai 2009, maître [H], es qualités de mandataire liquidateur de la société ALFA B CP, a notifié à madame [O] son licenciement pour motif économique sous réserve qu'elle soit liée juridiquement à la société à la date du 4 mai 2009.
Par jugement en date du 13 mai 2011 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes d'EVRY a :
- dit qu'il n'y a pas résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,
- débouté madame [O] de sa demande de dommages et intérêts,
- dit qu'il y a contrat de travail entre madame [O] et la société ALFA B CP,
- fixé la créance de madame [O] au passif de la liquidation judiciaire de la société ALFA B CP, représentée par maître [H], es qualités de mandataire liquidateur:
* à la somme de 3 899,58 euros au titre de l'irrégularité de procédure,
* à la somme de 1 501,22 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement et de 4 978,13 euros au titre du rappel de salaire,
- fixé la créance de madame [O] au passif de la liquidation judiciaire de la société ALPHA B CP , représentée par maître [H], es qualités de mandataire liquidateur, à la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens,
- dit que la décision sera opposable à l'AGS CGEA IDF EST,
- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- condamné maître [H], es qualités de mandataire liquidateur, aux dépens.
Madame [O] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 24 juin 2011.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 10 juin 2014.
Par arrêt avant dire droit en date du 17 septembre 2014, la cour a ordonné la réouverture des débats afin d'entendre les explications des parties sur le paiement des salaires pour la période du mois de juillet 2008 au licenciement et renvoyé l'affaire à l'audience du 13 janvier 2015.
Madame [O] fait valoir qu'elle a été engagée à compter du 1er juillet 2008 par la société ALPHA B CP, société avec laquelle elle avait déjà collaboré dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée en date du 17 septembre 2007; que l'employeur ne lui a pas payé ses salaires dès le mois de juillet 2008 ce qui l'a conduite à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur. Elle ajoute qu'elle a depuis perçu les salaires sur avance de l'AGS, mais postérieurement à sa demande de résiliation, et qu'elle demande à la cour le paiement de la partie non garantie par l'AGS. Elle soutient qu'elle a continué à travailler à domicile après l'expulsion de la société et qu'elle s'est maintenue à la disposition de l'employeur. A l'audience, elle fait valoir qu'elle a perçu le chômage au cours de la période du 1er juillet au mois de décembre 2008 car elle ne percevait pas de salaire et que le relevé de carrière versé aux débats par les intimés est erroné.
En conséquence, elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la fixation de la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur au 18 mai 2009. Elle demande en outre à la cour de:
- fixer au passif les condamnations suivantes à l'encontre de la société représentée par maître [H], es qualités de mandataire liquidateur:
* 2 520,86 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés non garanties par l'AGS,
* 2 457,27 eruos au titre d'un demi 13ème mois du 1er janvier 2009 au 18 août 2009,
* 24 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 3 899,58 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,
* 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens en première instance et 1500 euros en cause d'appel,
* 1501,22 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement non garantie par l'AGS,
- dire ce que de droit quant au plafond de garantie de l'AGS,
- débouter l'AGS de sa demande de remboursement de la somme de 42 468,17 euros.
En réponse, maître [H], es qualités de mandataire liquidateur de la société ALPHA B CP , et l'AGS CGEA IDF EST contestent la validité du contrat de travail en faisant valoir que madame [O] a été engagée par un contrat de travail qui n'a pas date certaine à un moment où la société ne pouvait pas payer la contrepartie financière, qu'elle ne justifie pas de l'existence d'un lien de subordination alors que la société a été expulsée de ses locaux à compter du 1er octobre 2008. Ils soulignent que son relevé de carrière montre qu'elle a perçu des prestations chômage alors qu'elle aurait été salariée de la société.
En conséquence, ils sollicitent le débouté de madame [O] et demande à la cour de:
-condamner madame [O] à rembourser à maître [H], es qualités de mandataire liquidateur de la société ALPHA B CP, la somme de 57 180 euros avancée dans le cadre de la liquidation outre la somme de 12 000 euros au titre des salaires pour la période de juillet à octobre 2008,
-condamner madame [O] à payer à maître [H], es qualités de mandataire liquidateur de la société ALPHA B CP, et à l'AGS CGEA IDF EST la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-donner acte à l'AGS de ce qu'elle a avancé la somme de 57 180 euros et rejeté au regard du plafond AGS applicable la somme de 7 143,70 euros,
-dire et juger que l'AGS n'est pas tenue de garantir la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur la qualité de salariée
La cour constate que la salariée produit un contrat de travail qui a date certaine et qui stipule son engagement en qualité de directrice administrative et commerciale pour une rémunération de 3 000 euros nets sur 13 mois outre une commission de 2% du chiffre d'affaires TTC. Ce contrat de travail corroboré par les lettres de réclamation par madame [O] de ses salaires, permet de présumer sa qualité de salariée.
Cependant, l'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En l'espèce, la qualité de salarié de madame [O] est contestée par les intimés, ceux-ci présentant des éléments sérieux constitués par le relevé de carrière de l'intéressé qui démontre qu'elle a perçu des prestations de l'ASSEDIC du 1er juillet au 31 décembre 2008 puis du 1er janvier 2009 à la date de son licenciement alors que pendant cette période elle prétend avoir été salariée de la société pour un salaire net de 3000 euros.
La cour constate en premier lieu que la société ALPHA B CP avait pour activité le soutien scolaire et que jusqu'au 30 juin 2008, madame [O] a effectué des vacations en tant qu'enseignante dont la rémunération maximum était de 24 euros par heure, aucun élément du dossier (courriers, mails, attestations) ne justifiant de son emploi dès le 1er juillet 2008 en qualité de directrice administrative et commerciale pour un salaire de 3 000 euros nets alors que la société était d'ores et déjà en difficultés même si la date de cessation des paiements a été fixée au 30 mars 2009. En second lieu, la cour relève qu'en réponse aux moyens des intimés, madame [O] ne produit aucun élément de nature à démontrer l'existence d'un lien de subordination ni même d'une prestation de travail au moins jusqu'à la date d'expulsion de la société alors qu'il lui appartient de démontrer l'existence de ce lien. Ses seuls courriers de réclamation de salaires en date des 2 septembre et 15 novembre 2008 sont inopérants pour l'établir. En outre, elle ne produit aucun élément concernant le relevé de carrière produit par les intimés alors qu'il lui aurait été aisé de se rapprocher de POLE EMPLOI afin de démontrer qu'elle n'avait pas perçu de prestations chômage pendant cette période ou justifier du fait qu'une éventuelle perception n'était pas incompatible avec sa qualité de salariée.
Enfin, aucune disposition régissant l'allocation de prestations chômage ne permet leur perception au cours de l'exécution du contrat de travail en cas de non-paiement des salaires. Au surplus, les prestations chômage ne peuvent être versées par POLE EMPLOI qu'en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur ou dans le cadre d'une rupture conventionnelle ou dans l'hypothèse d'une démission du salarié justifiée par le non-paiement du salaire dû en contrepartie d'un travail accompli, l'acceptation de la prise en charge par POLE EMPLOI étant subordonnée à la production par le salarié d'une ordonnance de référé ou du bureau de conciliation condamnant l'employeur au paiement de salaires. En l'espèce, madame [O] n'a pas démissionné de son emploi et, même si elle a obtenu une ordonnance de référé condamnant la société à lui payer des salaires, elle ne justifie pas dans le présent litige au fond de la réalité d'une relation salariale.
Dès lors, la cour retient qu'il n'est pas démontré que madame [O] a été salariée de la société ALFA B CP du 1er juillet 2008 au 18 août 2009, fin de son préavis.
Elle sera donc déboutée de ses demandes qui ont trait à une qualité de salariée.
Elle n'a pas sollicité le paiement du rappel de salaire et des indemnités de rupture qui lui ont été payés par le mandataire liquidateur sur avance de l'AGS et sous réserve de la reconnaissance de sa qualité de salarié, le considérant comme acquis.
Cependant, il résulte nécessairement du fait que sa qualité de salariée n'est pas reconnue qu'elle doit rembourser au mandataire liquidateur les sommes qu'elle a perçues.
Sur les frais irrépétibles
Aucune circonstance de l'espèce ne conduit à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens
Partie succombante, madame [O] sera condamnée au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions :
Statuant à nouveau et ajoutant,
DIT que madame [F] [O] n'avait pas la qualité de salariée de la société ALFA B CP du 1er juillet 2008 au 18 août 2009,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
CONDAMNE madame [F] [O] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE