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26/02/2015 | FRANCE | N°13/24243

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 26 février 2015, 13/24243


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 26 FEVRIER 2015



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/24243



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Décembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/14410





APPELANT



Monsieur [B] [K] [U] [G]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Représenté et

assisté de Me Catherine ILLOUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1518







INTIMES



Monsieur [P] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avoc...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 26 FEVRIER 2015

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/24243

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Décembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/14410

APPELANT

Monsieur [B] [K] [U] [G]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté et assisté de Me Catherine ILLOUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1518

INTIMES

Monsieur [P] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assisté de Me Philippe GLASER, avocat au barreau de PARIS, toque : J010

Subtitué par Me Laure HUE DE LA COLOMBE, avocat au barreau de PARIS, toque : J010

CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORM ANDIE, immatriculée sous le n°478 834 930 RCS CAEN, ayant son siège social [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jean-françois JOSSERAND, avocat au barreau de PARIS, toque : A0944

Assistée de Me Messaline LESOBRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0944

SA CNP ASSURANCES agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Thierry LACAMP, avocat au barreau de PARIS, toque : D0845

SA CNP INVALIDITE, ACCIDENT, MALADIE - CNP I.A.M. agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité au siège,

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Thierry LACAMP, avocat au barreau de PARIS, toque : D0845

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente de chambre

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRET :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

****************

Le 27 février 2006, Monsieur [P] [L], exerçant l'activité de conseil en gestion de patrimoine, a fait des propositions d'investissements à Monsieur [B] [G], exerçant la profession de plombier, et sur ses conseils, ce dernier a décidé de réaliser un premier investissement immobilier à usage locatif sous le régime de la loi Girardin du 21 juillet 2003.

Par acte sous seing privé du 16 mars 2006, Monsieur [B] [G] a conclu avec la société civile Promodium un contrat préliminaire de réservation portant sur le lot n° 12 de la résidence '[Adresse 5]) au prix de 115.982 euros.

Selon une offre acceptée le 18 mai 2006, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie a consenti à Monsieur [B] [G] un prêt d'un montant de 116.600 euros, remboursable en 240 mois avec intérêts au taux initial de 3,45 % la première année et révisable sur l'Euribor à 3 mois plafonné à 4,45 % les années suivantes, pour financer l'acquisition en l'état futur d'achèvement du bien immobilier en Outre-Mer, après avoir adhéré à l'assurance de groupe souscrite auprès de la CNP Assurances et de la CNPIAM le 12 mai 2006.

Par acte authentique du 3 juillet 2006, la société Promodium a vendu à Monsieur [B] [G] les lots n° 94 et 265 dépendant de l'immeuble en l'état futur d'achèvement, situé au Tampon, au prix de 115.982 euros, financé par le prêt de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie.

Le 22 octobre 2007, Monsieur [P] [L] a fait une nouvelle proposition d'investissement immobilier locatif relevant de la loi Girardin.

Par acte sous seing privé du 26 octobre 2007, Monsieur [B] [G] a conclu avec la société civile SCCV Alexandre un contrat préliminaire de réservation portant sur le lot n° 14 de la résidence [Adresse 1] au prix de 136.731 euros.

Selon une offre acceptée le 18 décembre 2007, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie a consenti à Monsieur [B] [G] un prêt d'un montant de 136.731 euros, remboursable en 240 mois avec intérêts au taux annuel fixe de 4,65 % l'an, pour financer l'acquisition en l'état futur d'achèvement du bien immobilier en Outre-Mer, après avoir adhéré à l'assurance de groupe souscrite auprès de la CNP Assurances et de la CNPIAM le 24 novembre 2007.

Par acte authentique du 31 décembre 2007, la société SCCV Alexandre a vendu à Monsieur [B] [G] les lots n° 14 et 218 dépendant de l'immeuble en l'état futur d'achèvement, situé à [Adresse 1] à [Localité 1], au prix de 136.731 euros, financé par le prêt de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie.

Le 14 août 2009, Monsieur [B] [G] a été victime d'une pathologie invalidante et n'a plus été en mesure d'exercer son activité professionnelle. Il a été mis à la retraite le 1er décembre 2011 au titre de l'inaptitude. Les assurances ont refusé de prendre en charge le remboursement des prêts.

Par actes d'huissier en date des 14, 22 et 29 septembre 2011, Monsieur [B] [G] a fait assigner Monsieur [P] [L], la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie, la société CNP Assurances et la société CNPIAM en indemnisation des préjudices subis.

Par jugement en date du 11 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a débouté Monsieur [B] [G] de ses demandes dirigées contre Monsieur [P] [L], la société CNP Assurances et la société CNPIAM, condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie à payer à Monsieur [B] [G] la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts, rejeté le surplus des demandes, ordonné l'exécution provisoire, condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie à payer à Monsieur [B] [G] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La déclaration d'appel de Monsieur [B] [G] a été remise au greffe de la cour le 18 décembre 2013.

Dans ses dernières conclusions, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 7 janvier 2015, Monsieur [B] [G] demande l'infirmation partielle du jugement déféré, sa confirmation uniquement sur la responsabilité de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie et de :

- rejeter les appels incidents,

- constater les manquements de Monsieur [L] et de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie à leurs obligations de conseil, de loyauté et d'information,

- condamner solidairement Monsieur [L] et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie à lui payer la somme de 205.731 euros en réparation de son préjudice,

- condamner la CNP Assurances à prendre en charge les échéances des deux prêts immobiliers pour la période du 14 août 2009 au 31 juillet 2010 au titre de la garantie incapacité temporaire totale et pour la période à compter du 1er août 2010 au titre de la garantie invalidité permanente,

- subsidiairement dans l'hypothèse où la cour ne retiendrait pas l'obligation de garantie de la CNP Assurances, constater que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel a manqué à son obligation d'information et de conseil s'agissant de son adhésion au contrat d'assurance groupe souscrit par la banque et la condamner à prendre en charge l'intégralité des échéances de deux prêts immobiliers à compter du 14 août 2009,

- condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires au titre de son inscription au FICP,

- condamner Monsieur [L], la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie et la CNP Assurance au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 9 janvier 2015, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie demande de :

Sur l'appel principal,

- débouter Monsieur [G] de l'intégralité de ses demandes à son encontre,

Sur l'appel incident,

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il l'a condamnée à payer à Monsieur [G] la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- infirmer le jugement déféré du chef de la condamnation prononcée à son encontre,

- débouter Monsieur [G] de l'intégralité de ses demandes à son encontre,

- condamner Monsieur [G] à lui payer la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 9 décembre 2014, Monsieur [P] [L] demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [G] de toutes ses demandes à son encontre et sa condamnation à lui payer la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Dans leurs dernières conclusions, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 11 juillet 2014, la SA CNP Assurances et la SA CNPIAM Invalidité, Accident, Maladie - CNPIAM (ci-après ensemble CNP) demandent la confirmation du jugement déféré et le rejet des demandes de Monsieur [G], subsidiairement si Monsieur [G] peut prétendre à une prise en charge au titre de la garantie ITT et/ou de la garantie PTIA, dire que la prise en charge de l'assureur ne pourra s'effectuer que dans les termes et limites du contrat et au profit exclusif de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie, condamner Monsieur [G] à leur verser la somme globale de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 janvier 2015.

CELA ETANT

LA COUR

Considérant que Monsieur [B] [G] reproche aux premiers juges d'avoir écarté la responsabilité de Monsieur [L] qui lui a conseillé des investissements immobiliers désastreux et inadaptés à ses besoins sans l'informer des risques de l'opération, d'avoir retenu la responsabilité de la banque qui a prêté les fonds pour le second prêt seulement, alors qu'elle a manqué à ses obligations d'information et de conseil dès le premier prêt, d'avoir validé les refus de garantie de l'assureur qui n'a pas satisfait à son obligation de conseil et de lui avoir accordé des dommages-intérêts d'un montant insuffisant au regard du dommage subi ;

Qu'il fait valoir qu'il n'avait aucun expérience des achats immobiliers et de la défiscalisation ; qu'il lui a été conseillé de réaliser l'acquisition de deux studios à [Localité 1], à plus de 12.000 kms de son domicile, alors qu'il était âgé de 55 ans, en vue d'améliorer son revenu au moment de la retraite ; que Monsieur [L] lui a fait croire qu'au bout de cinq ans, il pourrait revendre les biens à leur prix d'achat et même avec une plus value, alors qu'ils lui ont été vendus à un prix supérieur de 30 % à celui du marché et qu'ils sont depuis dévalués, lui faisant subir une perte cumulée sur les deux appartements de 127.731 euros selon l'estimation immobilière qu'il a obtenue ; qu'il lui a aussi fait croire qu'il n'aurait à supporter aucune charge alors qu'il a dû débourser chaque année en moyenne une somme de 13.000 euros depuis 2008 et qu'il doit régler les échéances de ses deux prêts de 1.602 euros par mois avec une retraite mensuelle inférieure à1.400 euros, outre un revenu locatif quand les appartements sont loués de 700 euros par mois, ce qui est insuffisant ; qu'il ne peut pas vendre les biens pour rembourser ses emprunts puisqu'ils ont perdu 50 % de leur valeur ; que l'opération au lieu de l'enrichir l'a surendettée ; qu'un rapport de l'AGORAH, rendu publique, met en évidence la pauvreté de l'[Localité 1] à l'origine d'une grande demande de logements sociaux qui ont été construits massivement avec l'aide de la défiscalisation par des investisseurs privés et qui se retrouvent sur le marché en même temps faisant baisser les prix ; qu'il souligne que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie assume depuis de nombreuses années la promotion d'investissements locatifs défiscalisés à [Localité 1] et que Monsieur [L] était mandaté pour trouver des investisseurs, que les deux sociétés qui ont assuré la vente et la construction des biens vendus ont le même gérant et sont représentées par le même courtier en France ; que ni son conseiller en patrimoine, ni la banque ne pouvaient ignorer les risques qu'il lui faisait prendre ; que le manquement à leurs obligations contractuelles sont à l'origine de son préjudice constitué par les charges qu'il a dû supporter depuis 2008 pour un montant de 78.000 non compensées par les loyers et la moins-values des biens de 127.731 euros, soit un total de 205.731 euros ;

Sur la responsabilité du conseiller en patrimoine

Considérant que Monsieur [G] soutient que Monsieur [L] l'a démarché et lui a présenté les opérations litigieuses comme un moyen sans risque de se constituer un patrimoine immobilier sans lui laisser le temps de réfléchir, en lui faisant signer les documents les uns à la suite des autres l'assurant que le financement se ferait sans difficultés; qu'il n'a eu aucun contact ni avec la banque, ni avec l'assurance et que Monsieur [L] a été son interlocuteur unique servant d'intermédiaire avec tous les partenaires des deux opérations immobilières financées à crédit en totalité ; qu'il a signé les offres de prêt et adhéré à l'assurance de groupe imposée par la banque ; que grâce à son investissement en 2006, il a obtenu une réduction fiscale de 4.981 euros et que Monsieur [L] a aussitôt réitéré la même démarche dès 2007 pour lui proposer une seconde opération identique ; que les simulations de Monsieur [L] sont volontairement erronées, lui présentent l'investissement comme étant sans risque et sans augmentation de ses charges mensuelles sur la base d'un tableau qui indique qu'il ne doit rien payer chaque mois compte tenu des loyers qui doivent couvrir les échéances des prêt ; que ces éléments ont été déterminants de son engagement ; qu'il ne pouvait pas vendre chacun de biens acquis avant six ans et que la seconde opération était d'emblée risquée puisqu'il ne pourrait réaliser la seconde vente qu'après sa retraire générant une baisse de revenus ; qu'il estime que la rentabilité de chacune des opérations présentée est fictive au regard du marché locatif et des charges réelles ; qu'il ne devait rien payer et qu'il supporte une charge annuelle de l'ordre de 13.000 euros pour les deux opérations ; que Monsieur [L] devait l'informer des inconvénients de chacune des opérations et apprécier l'opportunité de réaliser les investissements Girardin au regard de son âge, de sa profession d'artisan indépendant rendant ses revenus aléatoires et savoir qu'en cas de problème de santé, son activité et ses revenus seraient affectés, et de ses objectifs ; qu'il ne l'a pas alerté sur les risques liés aux investissements locatifs en Outre-Mer et notamment à [Localité 1] ; qu'il n'a mis en évidence que les avantages sans tenir compte du caractère aléatoire des loyers, de ses revenus et du gain fiscal, du coût des charges et frais de copropriété, du coût de l'endettement pendant 20 ans jusqu'à ses 75 ans avec des revenus diminués qui ne lui permettent pas de supporter l'amortissement du capital qui n'est pas défiscalisé ; qu'il a manqué à son devoir de conseil et lui a suggéré des investissements inadaptés à ses besoins au lieu de lui conseiller un placement sans risque ; que sa responsabilité est engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

Considérant qu'en réponse, Monsieur [L] soutient qu'il a fait plusieurs propositions à Monsieur [G] qui a pris le temps de la réflexion avant de s'engager et que l'endettement généré par les deux opérations n'excède pas 35 % de ses revenus ; que la seconde acquisition était réalisable afin de permettre à Monsieur [G] de bénéficier d'une réduction d'impôt plus importante jusqu'à la fin de son activité professionnelle et qu'il ne lui a pas caché qu'il y aurait une année difficile en 2012 lors de son passage à la retraite ; que ce dernier a fait un choix libre et éclairé ; qu'il a bénéficié d'un déficit foncier en déduisant tous les intérêts et les charges des loyers l'exonérant de tout impôt sur les revenus fonciers perçus et qu'il a bénéficié de réductions d'impôts jusqu'en 2010 ; que lui-même s'est rendu à plusieurs reprises à [Localité 1] pour vérifier les opérations réalisées par son client et la pertinence des investissements compte tenu de l'emplacement des biens, de la demande de location et du dynamisme économique de l'île ; que les deux studios ont été loués sans difficultés ; qu'il a aidé Monsieur [G], chaque année, à établir sa déclaration d'impôts jusqu'en 2010 pour bénéficier de tous les avantages des investissements Girardin; qu'il rappelle qu'il n'est tenu qu'à une obligation de moyens et que les investissements correspondaient à ce qui était recherché par Monsieur [G] exerçant la profession de plombier à [Localité 2], ne laissant pas présager qu'il subirait une baisse de revenus avant son départ à la retraite en 2012 au point de ne plus être en mesure de rembourser les échéances de ses crédits ; qu'il s'est fondé sur un revenu annuel moyen de 30.000 euros sur la base des trois dernières années compatibles avec les facultés contributives de Monsieur [G] et qu'il lui a indiqué qu'il pouvait souscrire une assurance couvrant le risque ITT ; que Monsieur [G], qu'il l'a rencontré, à plusieurs reprises, pour lui donner toutes les informations utiles juridiques, fiscales et économiques, et qu'il savait qu'il ne pouvait pas vendre avant 2012 et 2013 ; qu'il a fait le choix de réaliser les deux investissements en cause qu'il a sélectionnés parmi d'autres dans un souci d'optimisation fiscale ;

Que s'agissant du préjudice, il soutient que Monsieur [G] ne justifie pas supporter une charge annuelle de l'ordre de 13.000 euros et qu'il ne tient pas compte des recettes perçues face à ses charges, ni du déficit foncier réalisé lui évitant l'imposition des revenus fonciers, ni des réductions d'impôt dont il a bénéficié pendant plusieurs années comme prévu ; que selon ses calculs, c'est une somme de 160 euros par mois pour les deux prêts qui est supportée par Monsieur [G] ; qu'il ajoute que les déclarations d'impôt de Monsieur [G] prouvent qu'il a travaillé en 2010 et qu'il a continué à bénéficier du dispositif Girardin ; qu'il n'est pas responsable des problèmes de santé de Monsieur [G], ni du refus de prise en charge par l'assurance de son ITT et de son invalidité, ni de la baisse du marché immobilier local qui n'est pas acquise tant que les biens ne sont pas vendus ; que Monsieur [G] ne peut pas prétendre être, à la fois, indemnisé pour les charges qu'il paye au titre des deux biens achetés sans en justifier et obtenir le paiement de la moins-value subies sur les biens, laquelle n'est qu'éventuelle à ce jour, ce qui revient à réparer deux fois le même dommage ;

Considérant que Monsieur [L] est un conseiller en gestion de patrimoine et en investissements financiers ; qu'il est acquis que c'est lui qui a proposé Monsieur [G] des produits de défiscalisation dans le cadre de la loi Girardin en 2006 et en 2007 et a fait le montage financier, contacté les banques pour obtenir le financement, les notaires pour établir les actes, les promoteurs immobiliers ou leur courtier en France ; qu'il est un professionnel tenu à une obligation d'information et de conseil envers l'investisseur non averti qu'est Monsieur [G] ; qu'il doit lui fournir une information complète sur les avantages et les inconvénients de l'opération proposée qui doit être adaptée à sa situation personnelle et à ses objectifs ; qu'il doit notamment l'avertir des risques qu'elle comporte afin que l'investisseur puisse appréhender le montage, sa pertinence et les enjeux positifs mais aussi négatifs ;

Considérant que l'intérêt principal des opérations incriminées est à la fois de se constituer un patrimoine immobilier acheté à crédit et valorisé pour rembourser les prêts à l'issue du délai de cinq ans, pendant lequel le bien loué ne peut pas être vendu, pour bénéficier de la réduction fiscale qui permet d'amortir le capital emprunté pendant cette période et de percevoir des loyers pour régler les intérêts des prêts et les charges sans fiscalité par le biais du déficit foncier ;

Considérant qu'il ressort notamment des demandes de financement préparées par Monsieur [L] et des tableaux qu'il a été établis en 2006 que Monsieur [G], né le [Date naissance 1] 1951, est divorcé ; qu'il exerce la profession de plombier indépendant à [Localité 2] ; que ses revenus sont de 3.313 euros par mois sur la base des revenus déclarés des trois dernières années ; qu'il possède une résidence secondaire d'une valeur de 150.000 euros, supporte un loyer de 750 euros par mois pour sa résidence principale et un emprunt de 17.000 euros avec des mensualités de 450 euros ; qu'il dispose d'une épargne de 34.000 euros ; qu'il recherche une opération patrimoniale relevant de loi Girardin lui permettant d'obtenir une réduction d'impôt de 4.800 euros pendant cinq ans ; que les banques contactées pour financer cette opération, dont celle de Monsieur [G] qui est le Crédit Mutuel, n'ont pas donné suite à l'exception de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie ;

Considérant que, lors de la seconde opération, le but poursuivi était le même ; que la situation personnelle de Monsieur [G] n'avait pas changé, si ce n'est que ses revenus avaient progressé passant à 3.836 euros par mois sur la base des trois dernières années ; qu'il disposait d'une épargne de 47.000 euros et qu'il ne supportait plus qu'un crédit de 2.784 euros générant des mensualités de 120 euros ; que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel a accepté de financer cette nouvelle opération ;

Considérant qu'aucun des documents remis par Monsieur [L] à Monsieur [G] ne fait cependant mention d'un risque financier ; qu'au contraire tous les chiffres et les commentaires présentés font apparaître que les deux opérations sont sans risque, à l'exception de l'année 2012 'qui voit un passage en négatif'mais qu'une 'gestion dynamique de la trésorerie disponible peut suffire à combler' ;

Considérant ainsi que toutes les informations données au client laissent penser que ce dernier n'a rien à verser et que l'opération s'équilibre toute seule par les gains fiscaux et les loyers ; que Monsieur [L] a souligné, de sa main, lors de l'étude du 27 février 2006 remise à Monsieur [G] que le gain fiscal et le loyer permettent de rembourser l'emprunt avec une participation minime de 66 euros par mois et qu'au terme de l'opération envisagée pour cinq ans, il n'y a rien à débourser pour rembourser le prêt et 'vous récupérez 31.000 euros à la revente' ; que dans son étude du 9 mars 2007, il a conclu à la faisabilité de la seconde opération sans prise de risque financier puisque 'le cumul des deux opérations permet de lisser la trésorerie et de rester en positif' sauf en 2012, ce qui pourrait être comblé par une gestion dynamique de la trésorerie et qu'il y a de 'la marge puisque les calculs sont faits avec un gain fiscal qui peut être meilleur' ; qu'ainsi seuls sont mis en exergue les avantages sans envisager aucun inconvénient, ni risque, ni aléa sur les loyers, ni sur le prix de revente des biens après cinq ans, ce qui est pourtant de nature à affecter la rentabilité de chacune des opérations dont le débouclage devait se faire au moment du passage en retraite de Monsieur [G] avec une baisse de ses revenus prévisible ;

Considérant que Monsieur [L] a ainsi manqué à son obligation d'information envers Monsieur [G] et lui a conseillé une seconde opération inadéquate à sa situation personnelle et à ses besoins sur la base d'une hypothèse estimée au mieux de ce qui est possible ; que la première opération était adaptée dans un souci d'optimisation fiscale au regard de l'activité professionnelle prospère de Monsieur [G] et d'un départ à la retraite en 2011-2012 compatible avec le délai de cinq ans pour vendre le bien acquis dans le cadre de la loi Girardin et qu'elle a produit ses effets en permettant à Monsieur [G] de bénéficier d'une réduction d'impôt de l'ordre de 4.800 à 4.900 euros chaque année jusqu'en 2011, outre un déficit foncier qu'il a pu reporter d'année en année ;

Considérant que la faute de Monsieur [L] engage sa responsabilité et l'oblige à réparer le préjudice subi par Monsieur [G], lequel est constitué par une perte de chance de ne pas réaliser le second investissement Girardin très risqué; que la cour dispose des éléments suffisants pour chiffrer ce préjudice à la somme de 80.000 euros ;

Sur la responsabilité du prêteur

Considérant que Monsieur [G] soutient que la banque a une obligation d'information, de conseil et de loyauté ; qu'il était un emprunteur non averti, qui ne disposait d'aucune économie, et devait financer ses achats à 100 % ; que la banque ne s'est pas renseignée sur son patrimoine et ses capacités financières ; qu'il ne l'a jamais rencontrée et qu'elle n'a pas pu l'informer des risques existant sur les constructions restant à achever, les malfaçons possibles, l'aléa locatif ; qu'elle lui accordé un prêt en 2006, puis un second en 2007 dans le cadre d'opérations relevant de la loi Girardin lui interdisant de vendre les biens avant cinq ans, alors qu'il allait être à la retraite en 2011 avec une diminution de revenus de nature à lui faire perdre le bénéfice de la défiscalisation ; que le déficit foncier n'affecte pas l'amortissement du capital qui n'est pas déductible et qu'il doit le payer sur ses revenus ; que l'opération ne peut pas être viable si les loyers ne permettent pas de payer les échéances des prêts ; que le second prêt aggrave son endettement puisqu'il est de 39,35% et excède ses capacités financières ; qu'il doit payer des échéances cumulées de 1.602 euros par mois avec un revenu locatif pour les deux studios de (365 + 370) de 726 euros, outre les charges et impôts ; qu'il n'a plus de réduction d'impôts compte tenu de ses revenus ; qu'il estime que, même si la banque n'a pas conseillé l'investissement, elle en connaît la teneur et doit vérifier sa faisabilité au regard des facultés contributives de l'emprunteur et le mettre en garde du risque d'endettement ainsi que des aléas de l'opération, voire lui déconseiller l'opération compte tenu de son âge ; qu'il souligne que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie est spécialisée dans les investissements immobiliers à [Localité 1] puisqu'elle finance de nombreux programmes immobiliers sur l'île et qu'elle est en lien avec la caisse de [Localité 1] ; que tous les rapports et études faits sur ce type d'opérations immobilières en Outre-Mer démontrent que ce sont des investissements à risque, que les prix d'achat des biens sont majorés de 30 % et qu'ils seront difficiles à vendre ;

Considérant que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie fait valoir qu'elle n'est pas à l'origine du montage financier en cause qui a été élaboré par Monsieur [L] seul dans le but de faire acheter à Monsieur [G] deux biens immobiliers à usage locatif à [Localité 1] et de les financer par des économies d'impôts et les loyers à percevoir défiscalisés ; qu'elle n'est intervenue qu'en tant que prêteur de deniers et que tous les éléments utiles pour apprécier la situation de Monsieur [G] lui ont été fournis par les demandes de prêt ; qu'elle a étudié les dossiers de financement en fonction des revenus de l'emprunteur et des perspectives de remboursement par des économies d'impôt et les loyers ; qu'elle n'a aucun devoir de conseil sur l'opération immobilière à laquelle elle est étrangère et qu'elle n'est tenue qu'à un devoir de mise en garde en cas de crédit excessif; qu'aucun risque d'endettement excessif n'est démontré, ni pour le premier prêt, ni pour le second au regard des revenus de Monsieur [G] de 56.997 euros en 2006 générant un endettement de 33% dans la limite admise ; qu'elle estime avoir rempli ses obligations contractuelles ; qu'elle ne pouvait pas prévoir le problème de santé dont Monsieur [G] a été affecté, ni qu'il partirait à la retraite plus tôt que prévu alors qu'il était permis de penser qu'il partirait après 60 ans compte tenu de sa profession qui ne lui impose pas un départ à la retraite à l'âge légal ; qu'elle souligne que les biens achetés ont une valeur sans quoi elle n'aurait pas pris une garantie hypothécaire sur chacun d'eux et que les difficultés financières de Monsieur [G] se trouvent dans l'arthrose invalidante qui l'affecte bien qu'elle ne l'ait pas empêché de travailler puisqu'il a déclaré des bénéfices industriels et commerciaux de 24.246 euros en 2010 ; qu'elle ajoute que chaque caisse de crédit agricole est indépendante et qu'elle n'est pas concernée, ni engagée par ce qui est fait par une autre caisse ; que Monsieur [G] ne peut pas se prévaloir d'articles de presse et de l'étude de l'AGORAH qui sont postérieurs aux prêts qu'elle lui a consentis ;

Qu'elle prétend que le préjudice subi n'est pas justifié puisque Monsieur [G] est propriétaire de deux biens immobiliers à [Localité 1] qui lui procurent des revenus ; que la perte de valeur des biens est purement éventuelle et qu'une unique estimation immobilière ne peut pas suffire à démontrer le contraire ; qu'il a bénéficié de réductions d'impôt tenant aux investissements Outre-Mer réalisés pendant plusieurs années dont il ne tient pas compte et qu'il continue à bénéficier du déficit foncier sur les loyers perçus ;

Considérant que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie n'a pas été partie aux opérations immobilières réalisées sur l'[Localité 1] par des promoteurs auxquels elle n'est pas liée ; que les opérations réalisées par d'autres caisses ne la concernent pas et ne l'engagent pas ; que son rôle s'est limité à prêter une première fois la somme de 116.600 euros et une seconde fois la somme de 136.731 euros nécessaires au financement de chacun des investissements immobiliers réalisés par Monsieur [G] en Outre-Mer par l'intermédiaire de Monsieur [L] ; que le prêteur n'est pas un professionnel de l'immobilier et qu'il ne peut pas lui être reproché un défaut d'information sur le marché immobilier local sur la base des documents produits par l'appelant qui sont tous postérieurs à l'octroi des crédits en cause ; que le banquier prêteur n'a pas d'avis à donner sur l'opportunité de réaliser un investissement locatif défiscalisant dès lors que le crédit est compatible avec la situation de l'emprunteur ;

Considérant que les demandes de prêt adressées par Monsieur [L] à la banque comportent tous les éléments nécessaires pour apprécier sa capacité d'endettement ; que, même si la banque n'a pas eu de contact direct avec Monsieur [G], elle a pu déterminer ses facultés de remboursement ; qu'il résulte de ces documents que le revenu de Monsieur [G] a été de 30.227 euros en 2005 et qu'il était compatible avec le remboursement du premier emprunt par échéances mensuelles de 335,23 euros au titre des intérêts pendant 48 mois et de 697,91 euros pour les échéances suivantes comprenant l'amortissement du capital, indépendamment même de la perspective des loyers à percevoir ; que s'agissant du second prêt, le revenu de Monsieur [G] était alors de 3.836 euros sur la base d'un revenu moyen calculé sur les trois dernières années et que les échéances du nouvel emprunt sont de 529,83 euros pendant 48 mois suivies d'échéances de 904,21 euros jusqu'au terme du prêt ; que les échéances cumulées des deux crédits de 1.602,12 euros portent son endettement à plus de 33 % ; que c'est pertinemment que les premiers juges ont relevé que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie aurait dû s'inquiéter de l'endettement de Monsieur [G] à l'aube de sa retraite générant une baisse de revenus prévisible qui n'a pas été envisagée dans le calcul malgré les profits attendus des loyers et des gains d'impôts ; qu'au 1er décembre 2011, il est justifié que la retraite de Monsieur [G] est 1.028 euros ; que le second prêt était manifestement excessif au regard de ses capacités financières et de ses ressources présentes et à venir prévisibles au moment de l'octroi du prêt ;

Considérant que le manquement de la banque à son obligation de mise en garde engage sa responsabilité et l'oblige à réparer le préjudice subi par Monsieur [G] qui est une perte de chance de ne pas contracter le crédit ; qu'eu égard aux éléments dont la cour dispose, il convient de fixer le préjudice subi par Monsieur [G] à la somme de 50.000 euros ;

Sur le contrat d'assurance

Considérant que Monsieur [G] soutient qu'il a adhéré à l'assurance de groupe imposée par le prêteur souscrit auprès de la CNP assurant le risque décès, perte totale et irréversible d'autonomie et ITT ; que son bulletin pour le premier prêt ne comporte aucune signature excluant l'assurance ITT à la différence du bulletin produit par l'assurance et que, pour le second prêt, c'est par erreur qu'il a signé dans la case excluant cette garantie ;que d'ailleurs la banque a prélevé le coût de l'assurance comprenant toutes les garanties pour le second prêt et qu'elle lui a restitué le trop perçu lorsqu'il a demandé à faire jouer la garantie ITT à la suite du refus de la CNP de prendre en charge le sinistre ; qu'il justifie avoir été en arrêt de travail du 14 août 2009 jusqu'au 31 juillet 2010 et placé en invalidité à compter du 1er août 2010 ; qu'après plusieurs demandes restées sans réponse, il a demandé la prise en charge des prêts par l'assurance, par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 juillet 2010, et qu'il s'est vu opposer un refus au motif qu'il n'avait pas souscrit la garantie ITT ; qu'il pensait être couvert et aurait dû l'être compte tenu de son âge et de son statut d'artisan ; que les conditions générales de l'assurance n'ont pas été portées à sa connaissance et qu'il ne savait pas qu'il n'était pas garanti ; qu'il estime que la CNP doit prendre en charge le remboursement des échéances des prêts tant au titre du risque ITT que du risque invalidité permanente ;qu'à titre subsidiaire, il prétend que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie est responsable du défaut de souscription d'une assurance adaptée à ses besoins et à sa situation ; qu'elle avait l'obligation de l'éclairer sur l'adéquation de l'assurance à sa situation et que la remise de la notice ne suffit pas ; qu'elle doit être condamnée à prendre en charge les échéances des prêts au lieu et place de l'assureur ;

Considérant que la CNP fait valoir que Monsieur [G] n'a pas souscrit l'assurance ITT et qu'il est seulement assuré à 100 % pour les risques décès et perte totale et irréversible d'autonomie telles qu'elle sont définies par le contrat ; que les conditions générales, qu'il a reconnues avoir reçues, lui sont opposables ; qu'il a apposé sa signature dans l'encadré de chacun des bulletins d'adhésion qui lui ont été remis qui exclut la garantie ITT ; qu'il ne peut pas y avoir d'erreur compte tenu de la présentation du document et du caractère apparent de la renonciation à cette assurance par l'apposition d'une signature dans un emplacement spécifique clairement identifié avec la mention 'Attention' en caractère gras ; qu'il l'a fait à deux reprises, ce qui exclut toute erreur laquelle ne serait pas génératrice de droit ; qu'elle ajoute que les éléments médicaux fournis par Monsieur [G] démontrent qu'il n'a pas été en ITT, ni en invalidité au sens du contrat d'assurance; qu'il n'est pas inapte à toute activité et que son chiffre d'affaires ayant augmenté de 48 % en 2010, il ne peut pas prétendre n'avoir eu aucune activité professionnelle ; qu'elle souligne qu'elle n'avait aucun devoir de conseil à l'égard de Monsieur [G] puisque c'est le prêteur qui a été son interlocuteur et lui a fait souscrire le contrat d'assurance ;

Considérant que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie soutient que Monsieur [G] a expressément renoncé à l'assurance ITT pour chacun des prêts et a été informé des conséquences de son choix ; qu'elle lui a remis la notice d'assurance et qu'il a reconnu en avoir eu connaissance ; qu'elle n'a commis aucune faute lors de la souscription de l'assurance ; qu'il a continué à exercer son activité professionnelle après le 14 août 2009 puisqu'il a déclaré des bénéfices industriels et commerciaux et n'a pas subi de préjudice ;

Considérant qu'il ressort des offres de prêt et des actes notariés que la banque a imposé à l'emprunteur une assurance pour les risques décès et invalidité, dite assurance ADI ; qu'elle n'a pas exigé l'assurance garantissant l'ITT qui est facultative ;

Considérant qu'il est justifié que les deux bulletins d'adhésion signés par Monsieur [G] les 12 mai 2006 et 24 novembre 2007, transmis à la CNP, excluent l'assurance ITT par l'apposition de sa signature dans un encadré prévu à cet effet sur la demande d'adhésion;

Considérant que l'exemplaire du bulletin d'adhésion conservé par Monsieur [G] concernant le premier prêt qu'il verse aux débats n'est revêtu d'aucune signature et n'est pas daté ; qu'il ne peut pas prouver qu'il a adhéré à l'assurance ITT contre le bulletin remis à l'assureur qui est daté et signé de sa main ;

Considérant que les demandes d'adhésion sont claires ; que l'emprunteur demande son admission au contrat d'assurance groupe et accepte d'être assuré pour le financement et pour les garanties désignées ci-dessus (comprenant les garanties décès- perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité temporaire totale) suivant les modalités détaillées dans les conditions générales et particulières jointes et que :

'Par dérogation à l'alinéa précédent et après avoir été informé des conséquences de mon choix, je demande mon admission dans l'assurance pour les seules garanties décès et PTIA et renonce définitivement à la garantie de l'incapacité temporaire totale'

qu'il a signé, en outre, dans la case spécifique dédiée à la renonciation à la garantie de l'ITT placée à côté du texte de la renonciation et précédée de la mention, 'ATTENTION : Ne signez qu'en cas de renonciation à l'ITT' ; qu'ainsi il ne peut pas y avoir eu d'erreur, ni dans la renonciation qui suppose une signature expresse et spécifique distincte de la signature du bulletin d'adhésion, ni dans la compréhension de la clause ; que Monsieur [G] a signé par deux fois cette renonciation ;

Considérant que Monsieur [G] a reconnu que le prêteur lui a remis un exemplaire des conditions générales et particulières de l'assurance valant notice et a attesté en avoir pris connaissance ; qu'elles lui sont opposables et qu'il ne peut prétendre avoir ignoré les risques pour lesquels il était couvert et les conditions de prise en charge des risques assurés ;

Considérant que la CNP ne couvre pas l'ITT et qu'il n'est pas démontré par les pièces médicales produites par Monsieur [G] que son invalidité n'est pas couverte par la garantie perte totale et irréversible d'autonomie telle qu'elle est définie par le contrat d'assurance ; que Monsieur [G] est mal fondé à lui demander de prendre en charge les échéances des prêts que ce soit au titre de l'ITT ou au titre de son invalidité ;

Considérant que le banquier qui propose à un client auquel il consent un prêt d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur ; que la remise de la notice ne suffit pas à satisfaire à cette obligation ;

Considérant que Monsieur [G] étant âgé de 54 ans au jour de l'octroi du premier prêt et de 56 ans au jour du second et exerçant la profession de plombier artisan indépendant, la banque ne pouvait ignorer que son activité professionnelle était indispensable pour le remboursement de ses emprunts et que tout arrêt de travail aurait des répercussions sur ses revenus de nature à entraîner un endettement auquel il ne pourrait plus faire face ; que l'assurance choisie sans couverture de l'ITT n'était pas adaptée à la situation personnelle et professionnelle de Monsieur [G] ; que la banque se doit apprécier les risques de non remboursement au regard de la situation professionnelle de l'emprunteur, veiller à ce que l'assurance souscrite garantisse l'assuré en cas de survenance de ces risques et, dans le cas d'un choix inadapté, que l'emprunteur a eu conscience des conséquences de son choix sur la couverture des risques et sur le remboursement du ou des prêts ;

Considérant que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel ne justifie pas avoir alerté Monsieur [G] sur l'inadéquation de son contrat à sa situation et, ce, d'autant moins que, pour le second prêt, elle a prélevé la prime d'assurance avec la garantie ITT qu'elle a remboursée lorsque Monsieur [G] a demandé à faire jouer cette garantie, ni l'avoir conseillé pour qu'il soit garanti de manière adaptée à ses besoins ; qu'elle a engagé sa responsabilité et doit réparer le dommage subi par la victime, lequel est une perte de chance d'avoir pu contracter une assurance adéquate ;

Considérant que Monsieur [G] ne peut rien demander au titre de son invalidité laquelle ne constitue pas une perte totale et irréversible d'autonomie au sens de l'article 4-1 des conditions générales du contrat d'assurance qu'il a souscrit ;

Considérant que la banque ne peut pas reprocher à Monsieur [G] d'avoir embauché un salarié pendant sa période d'arrêt de travail, ce qui lui a permis de conserver un revenu commercial et de survivre, ni prétendre qu'il n'a ainsi subi aucun préjudice puisqu'il a dû se faire remplacer par un salarié qu'il a dû payer ;

Considérant que la cour dispose des éléments suffisants pour fixer le préjudice subi par Monsieur [G] à la somme de 17.000 euros, ce qui porte le montant total de sa condamnation à la somme de (50.000 + 17.000) 67.000,00 euros ;

Sur l'inscription au FICP

Considérant que Monsieur [G] demande des dommages-intérêts au titre de son inscription abusive au FICP ;

Considérant que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel fait valoir qu'elle est obligée de déclarer tout incident de paiement relatif à un prêt qui n'est pas remboursé par l'emprunteur ; qu'il s'agit d'une obligation légale dont elle ne peut pas se dispenser ; que Monsieur [G] a cessé de rembourser ses deux prêts depuis le mois de novembre 2012 et qu'elle n'a pas commis de faute ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que Monsieur [G] a cessé de régler les échéances de ses emprunts depuis le mois de novembre 2012 ; qu'en application de l'article L.333-4 paragraphe II alinéa 1er du code la consommation, la banque est tenue de déclarer l'incident de paiement à la Banque de France ; que tant que l'incident n'est pas régularisé, le fichage demeure ; que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie n'a pas commis de faute ouvrant droit à des dommages-intérêts complémentaires de ce chef ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [G] le montant de ses frais irrépétibles d'appel ; qu'il convient de condamner Monsieur [L] et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la CNP ;

Considérant que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions contraires au présent arrêt et confirmé pour le surplus ;

Considérant que Monsieur [L] et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie, qui succombent tous les deux, supporteront les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Infirme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [B] [G] de toutes ses demandes dirigées contre Monsieur [P] [L] et en ce qu'il a condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie à payer à Monsieur [B] [G] la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en rejetant ses autres demandes contre la banque et le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne Monsieur [P] [L] à payer à Monsieur [B] [G] la somme de 80.000 euros à titre de dommages-intérêts,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie à payer à Monsieur [B] [G] la somme de 67.000 euros à titre de dommages-intérêts,

Y ajoutant,

Condamne solidairement Monsieur [P] [L] et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie à payer à Monsieur [B] [G] la somme de 3.000,00 en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne solidairement Monsieur [P] [L] et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie aux dépens d'appel, avec distraction au profit de l'avocat concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/24243
Date de la décision : 26/02/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°13/24243 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-26;13.24243 ?
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