RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 26 Février 2015
(n° 92 , 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/10689
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Octobre 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - Section commerce -
RG n° 09/00702
APPELANTE
SAS DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE
Le RENAN [Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Clara DENTES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0122
INTIME
Monsieur [W] [R]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Walter GASTE, avocat au barreau de PARIS, toque : B 81
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Madame Murielle VOLTE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [W] [R], employé en qualité de déclarant en douane en dernier lieu par la société DHL Global Forwarding France, a été informé ainsi que deux autres collègues le 20 juin 2008 par son employeur de l'arrêt des astreintes qu'il effectuait au sein de l'établissement de [Localité 2] à compter du 1er septembre 2008. Contestant la modification de sa rémunération qui en découlait, il a saisi la juridiction prud'homale le 4 mars 2009 d'une demande de rappel d'astreintes depuis septembre 2008.
Par jugement du 16 octobre 2012, le Conseil de prud'hommes de Bobigny, statuant en formation de départage, a condamné la SAS DHL Global Forwarding à lui payer :
- 21936 € à titre de rappel de salaire du 1er septembre 2008 au 31 août 2012,
- et 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
en ordonnant à la société de réintégrer la somme de 457 € au salaire mensuel brut du salarié.
La SAS DHL Global Forwarding a interjeté appel de cette décision le 31 octobre 2012.
A l'audience du 13 janvier 2015, elle demande à la Cour d'infirmer le jugement et de débouter le salarié de ses demandes.
Elle expose qu'il existait au sein de la société Exel Freight, dont elle a repris tous les contrats de travail, dont celui de l'intimé, au 1er janvier 2007 à la suite d'une fusion-absorption par application de l'article L.1224-1 du code du travail, un système d'astreintes de nuit et de week-end pour les trois services import, export et douane, basé sur le volontariat et donnant lieu à rémunération forfaitaire par astreinte ; que le nombre insuffisant de volontaires amenait à leur faire exécuter ces astreintes à un rythme non conforme à la législation sur la durée du travail et à un coût élevé, si bien qu'après l'échec de négociations collectives sur la question en avril 2008, elle a mis en place une autre organisation en les transférant sur son site du [Localité 1]. Elle fait valoir que l'exécution et le montant des astreintes n'avaient aucun caractère contractuel ni conventionnel et que n'étant pas obligatoires, elle était donc en droit de les supprimer en vertu de son pouvoir de direction, et que leur paiement ne peut être maintenu sans contrepartie. Elle souligne que cette décision a concerné tout le personnel des différents services et que cette suppression collective sur le site de [Localité 2] à compter du 1er septembre 2008 n'a laissé subsister aucune organisation d'astreinte.
M. [R] demande pour sa part à la Cour de confirmer le jugement et y ajoutant, de condamner la société DHL à lui payer la somme de 7769 € au titre du rappel de salaire sur la période du 1er septembre 2012 au 13 janvier 2015, outre celle de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que s'il n'est pas contestable qu'il appartient au pouvoir de direction de l'employeur de supprimer les astreintes dans l'entreprise, il n'en demeure pas moins que la modification du mode de rémunération d'un salarié constitue une modification de son contrat de travail qui nécessite l'accord de celui-ci. Il considère en effet que l''indemnité d'astreinte', prévue par aucun accord professionnel ni par le contrat de travail mais versée mensuellement depuis l'origine du contrat sur la base d'un même tarif, doit être considérée comme intégré à sa rémunération. Il souligne qu'il exécutait ces astreintes avec ses deux collègues de façon continue, constante et périodique, ce qui en faisait un avantage individuel acquis que l'employeur ne pouvait supprimer. Il précise que si chaque astreinte était rémunérée à hauteur de 304,90 €, il a été amené à établir une moyenne en fonction du nombre d'astreinte effectuée de 2005 à 2007, leur nombre variant selon les années.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Attendu que lorsqu'une astreinte est une sujétion liée à une fonction et que le titulaire de cette fonction n'y est pas systématiquement soumis, sa suppression par l'employeur ne constitue pas une modification du contrat de travail ; qu'il n'existe pas en effet de droit acquis à l'exécution d'astreintes sauf engagement de l'employeur vis-à-vis du salarié à lui en assurer l'exécution d'un certain nombre ;
Attendu qu'en l'espèce, il est constant que les astreintes qu'exécutait le salarié de nuit et les week-ends n'avaient aucun caractère contractuel ni conventionnel ; qu'elles n'avaient aucun caractère obligatoire, étant basées sur le volontariat, ni pour le salarié, ni pour l'employeur, lequel était donc en droit de les supprimer en vertu de son pouvoir de direction ; qu'il en résulte que la contrepartie financière qui était liée à cette sujétion n'avait elle-même aucun caractère obligatoire, et que sa suppression n'étant pas liée à la dénonciation d'un accord collectif en vigueur chez l'ancien employeur, on ne peut parler 'd'avantage individuel acquis' qui se serait intégré à la rémunération du salarié par application de l'article L.2261-13 du code du travail ; qu'en l'absence de généralité, leur caractère constant et fixe ne suffit pas non plus à créer un usage ; que la demande tendant à voir maintenir la rémunération d'une sujétion qui a disparu n'est donc pas fondée et sera rejetée ; que le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions et, statuant de nouveau :
Rejette les demandes de M. [R],
Le condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT