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25/02/2015 | FRANCE | N°12/23757

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 25 février 2015, 12/23757


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 25 FEVRIER 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/23757



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - 13ème chambre - RG n° 2011037124





APPELANT :



Monsieur [E] [L]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1] (Iran)

de national

ité iranienne

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3] (IRAN)



représenté par : Me Philippe GALLAND de la SCP GALLAND - VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

ayant ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 25 FEVRIER 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/23757

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - 13ème chambre - RG n° 2011037124

APPELANT :

Monsieur [E] [L]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1] (Iran)

de nationalité iranienne

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3] (IRAN)

représenté par : Me Philippe GALLAND de la SCP GALLAND - VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

ayant pour avocat plaidant : Me Antoine DEROT de la SELARL REINHART MARVILLE TORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0030

APPELANTE ET INTIMEE :

SOCIETE GITI TAJHIZ TEB CO (LTD)

société de droit iranien

immatriculée au registre des Sociétés iranien sous le n° 356822

ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 1] (IRAN)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Philippe GALLAND de la SCP GALLAND - VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

ayant pour avocat plaidant : Me Antoine DEROT de la SELARL REINHART MARVILLE TORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0030

INTIMEE ET APPELANTE :

SNC BIO-RAD

ayant son siège [Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Jérôme HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0425

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Irène LUC, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport et Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente

Madame Irène LUC, Conseillère

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, rédacteur

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, présidente et par Madame Violaine PERRET, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La société de droit iranien GITI TAJHIZ TEB CO Ltd, créée et dirigée, depuis le mois d'août 2009, par M. [E] [L], a pour activité, l'importation et la distribution de matériel médical.

La SNC BIO-RAD est la filiale française de la société BIO-RAD LABORATORIES Inc, qui est un des leaders mondiaux de la recherche dans le domaine des sciences de la vie, ainsi que de la fabrication et la commercialisation de produits de diagnostics cliniques.

Dans le courant de l'année 2009, la société BIO-RAD a délivré à la société de droit iranien FARD-AVAR CO Ltd, dirigée par Messieurs [E] et [U] [L], une autorisation de commercialiser en Iran les produits BIO-RAD jusqu'au 31 décembre 2009.

Le 4 février 2010, la société BIO-RAD a délivré deux 'Authorization letter' destinées à l'Organisation Iranienne de la Transfusion Sanguine, 'Iranien Blood Transfusion Organisation'(IBTO) et au ministère iranien de la santé, désignant la société GITI TAJHIZ TEB CO comme le distributeur exclusif des produits BIO-RAD sur le territoire iranien, jusqu'au 31 décembre 2010.

La société GITI TAJHIZ TEB CO a soumissionné à des appels d'offres de l'IBTO relatifs à la fourniture d'appareils, de kits de test et de produits utilisés pour le dépistage du VIH.

Les appels d'offres ont abouti à la signature de six contrats, conclus entre l'IBTO et la société GITI TAJHIZ TEB CO, en qualité d'agent de BIO-RAD :

- contrat n°KH/30732 du 3 mars 2010 pour un montant de 826.011 €

- contrat n°KH/30733 du 3 mars 2010 pour un montant de 494.255 €

- contrat n°KH/4106 du 8 mai 2010 pour un montant de 552.776 €

- contrat n°KH/6585 du 1 er juin 2010 pour un montant de 51.808 €

- contrat n°KH/6587 du 1 er juin 2010 pour un montant de 4.819.149 €

- contrat n°KH/15399 du 31 août 2010 pour un montant de 100.426 € .

En garantie de l'exécution de ses obligations, la société GITI TAJHIZ TEB CO a dû, pour chaque contrat, émettre au profit de l'IBTO une garantie bancaire autonome à concurrence de 35% du montant du contrat. Toutefois, 25% du montant du contrat étant payable d'avance par l'IBTO, chaque garantie exposait GITI TAJHIZ TEB CO à devoir supporter une pénalité finale égale à 10% du montant du contrat en cas d'inexécution.

Au mois de septembre 2010, la société BIO-RAD a adressé à la société GITI TAJHIZ TEB CO un courriel l'informant que la direction de BIO-RAD avait donné instruction de ne plus donner suite aux commandes en provenance de l'Iran.

Par courriel du 22 octobre 2010, la société BIO-RAD a répondu à la société GITI TAJHIZ TEB CO qu'il ne serait pas possible de lui livrer les matériels objets des contrats passés avec l'IBTO.

Par courriel du 6 décembre 2010, M. [M], marketing manager de la société BIO-RAD, a répondu à la société GITI TAJHIZ TEB CO qu'il comprenait ses difficultés et confirmait que le problème avait été transmis au plus haut niveau du management de la société, qu'il ne savait pas combien de temps serait nécessaire pour que les problèmes soient réglés, mais qu'il fallait rester confiant car BIO -RAD endossera ses responsabilités à terme.

Par courrier du 12 janvier 2011, M. [M] a écrit à la société GITI TAJHIZ TEB CO pour l'informer que la société américaine BIO-RAD LABORATORIES Inc. avait décidé que la société BIO -RAD France ne devait plus fournir de produits à la société GITI TAJHIZ TEB CO.

Par courrier du 1er février 2011 la société GITI TAJHIZ TEB CO a demandé à la société BIO -RAD l'indemnisation amiable de son préjudice à hauteur de la somme de 21 387 295 €. Cette demande a été renouvelée par courrier du conseil de la société GITI TAJHIZ TEB CO du 8 mars 2011.

Par acte du 19 avril 2011, la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [E] [L] ont assigné la société BIO-RAD devant le tribunal de commerce de Paris en indemnisation de leurs préjudices résultant de la violation de ses obligations contractuelles et de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement prononcé le 19 novembre 2012, le tribunal de commerce a :

- condamné la société BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 2.302.729 € à titre de dommages et intérêts ;

- condamné la société BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 10.114 € en remboursement de pénalités payées ;

- débouté la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] de toutes leurs autres demandes à l'encontre de BIO-RAD ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- condamné la société BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 250.000 € au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société BIO-RAD aux dépens.

Le 30 novembre 2012, la société GITI TAJHIZ TEB CO a pratiqué une saisie-attribution sur le compte bancaire de la société BIO-RAD à hauteur de 2.571.811,40 €.

Le 28 décembre 2012, la société BIO-RAD a interjeté appel du jugement.

Le 31 janvier 2013, la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] ont interjeté appel du jugement.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 15 octobre 2013, les deux procédures ont été jointes.

Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 5 janvier 2015, par lesquelles la société BIO-RAD demande à la Cour de :

Au visas de la partie 560 du titre 31 du Code des Règlements Fédéraux des Etats-Unis d'Amérique, et notamment les articles 560-204, 560-206, 560-314 et 560-701, du règlement (CE) n°864/2007 du Parlement Européen et du Conseil, notamment son article 4.1, des articles 59 et 855 du code de procédure civile français , 1147 et 1382 du code civil français et L.442-6 du code de commerce français,

In limine litis,

- dire et juger la société GITI TAJHIZ TEB CO irrecevable en sa déclaration d'appel, en sa constitution et en ses conclusions, faute d'avoir fourni à la Cour la justification d'une adresse réelle et de son statut juridique,

Au fond, à titre principal,

- infirmer le jugement rendu le 19 novembre 2012 en ce qu'il a écarté l'application des lois de police américaines au présent litige, et condamné la société BIO-RAD à verser à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 2.302.729 € à titre de dommages et intérêts, et statuant à nouveau sur ces deux points :

- dire et juger que c'est à bon droit que la SNC BIO-RAD excipe des dispositions du Code des Règlements Fédéraux des Etats-Unis, et plus particulièrement les dispositions de la partie 560 dudit code, lui faisant défense d'entretenir des relations d'affaires envers l'Iran sous peine de sanctions civiles et pénales, lesdites dispositions ayant la qualité de loi de police, qui s'imposent à elle et qu'il appartient au juge français de prendre en considération,

- dire et juger en conséquence que la SNC BIO-RAD n'a commis aucune faute contractuelle à l'égard de la société GITI TAJHIZ TEB CO, et débouter cette dernière de ses demandes indemnitaires fondées sur les dispositions de l'article 1147 du code civil,

Au fond, à titre subsidiaire

- dire et juger que la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] ne justifient d'aucun préjudice, à aucun titre que ce soit,

- infirmer en conséquence le jugement rendu le 19 novembre 2012 par le tribunal de commerce de Paris en ce que ce dernier a condamné la société BIO-RAD à verser à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 2.302.729 € à titre de dommages et intérêts, le confirmant en ce qu'il a débouté la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] de toutes leurs autres demandes,

En tout état de cause,

- Infirmer le jugement rendu le 19 novembre 2012 par le tribunal de commerce de Paris en ce que ce dernier a condamné la société BIO-RAD à verser à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 250.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau sur ce point,

- condamner la société GITI TAJHIZ TEB CO à payer à la SNC BIO-RAD la somme de 200.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 31 décembre 2014, par lesquelles la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] demandent à la Cour de :

Aux visas des articles 1147 et 1382 du code civil, de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce et du Règlement CE n°593/2008 du 17 juin 2008 ;

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a rejeté les exceptions d'incompétence et de nullité de l'assignation ;

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a jugé que la société BIO-RAD a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société GITI TAJHIZ TEB CO';

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a condamné la société BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 250.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce pour le surplus,

- condamner la société BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 11.669 € au titre du préjudice résultant du paiement des pénalités contractuelles dans le cadre des contrats conclus avec l'organisation IBTO';

- condamner la société BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 3.051.570 € au titre du préjudice résultant de la perte de marge sur les contrats conclus avec l'organisation IBTO,

- condamner la société BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 27.636 € au titre du préjudice résultant du paiement des matériels non livrés ;

- condamner la société BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 213.568 € au titre du préjudice résultant du paiement de pénalités contractuelles dans le cadre des contrats conclus avec des clients du secteur privé,

- condamner la société BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 1.289.906 € au titre du préjudice résultant de la perte de marge sur les contrats conclus avec des clients du secteur privé';

- condamner la société BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 4.430.570 € au titre du préjudice résultant de la perte de chance de réaliser un bénéfice en 2011,

- condamner la société BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 47.393 € au titre du préjudice résultant des frais de licenciement,

- condamner la société BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 93.754 € ou tout autre montant que la Cour jugera approprié, au titre du préjudice résultant du temps consacré à la gestion du différend et de ses conséquences,

- condamner la société BIO-RAD à payer la somme de 500.000 € à la société GITI TAJHIZ TEB CO et la somme de 100.000 € à M. [E] [L], ou tout autre montant que la Cour jugera approprié, au titre du préjudice porté à leur image et leur réputation ;

- dire et juger que la société BIO-RAD a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société GITI TAJHIZ TEB CO en rompant brutalement la relation commerciale établie qu'elle entretenait avec cette dernière';

- condamner la société BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 2.170.734 € en réparation du préjudice résultant de cette rupture brutale de relation commerciale établie';

- condamner la société BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO la somme de 100.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société BIO-RAD aux entiers dépens de la procédure d'appel.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Sur la recevabilité de l'appel, de la constitution et des conclusions de la société GITI TAJHIZ TEB CO :

Considérant que, sur le fondement de l'article 59 du code de procédure civile, la société BIO-RAD soulève in limine litis l'irrecevabilité de l'appel, de la constitution et des conclusions de la société GITI TAJHIZ TEB CO faute de fournir aux débats une adresse réelle, avec toutes preuves de la réalité de cette dernière, ainsi que la preuve de sa situation juridique actuelle ; que la société BIO-RAD fait observer que la société GITI TAJHIZ TEB CO ne communique aucun document en langue française à l'appui de ses affirmations ;

Considérant que la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] reconnaîssent que l'adresse mentionnée dans la déclaration d'appel et sur les premières conclusions d'appel est son ancienne adresse et qu'elle a omis de prendre en compte le changement d'adresse de son siège social, intervenu le 14 mai 2010 ; que ses dernières écritures mentionnent sa nouvelle adresse ; que l'erreur d'adresse dans sa déclaration d'appel n'est pas de nature à entraîner la nullité, car si la mention de l'adresse du siège est obligatoire en application des articles 901 et 58 du code de procédure civile, il s'agit d'un vice de forme au sens des articles 114 et suivants du même code et la nullité n'est encourue que si l'irrégularité a causé un grief et n'a pas été couverte ; qu'en l'espèce, la société BIO-RAD, qui a été en mesure de signifier de nombreux actes à la société GITI TAJHIZ TEB CO à domicile élu chez son huissier de justice, n'a subi aucun grief ; que de plus l'irrecevabilité est temporaire et prend fin dès lors que la partie communique son adresse ;

Considérant que, sur sa situation juridique, la société GITI TAJHIZ TEB CO expose que, si la décision de dissoudre la société et de désigner M. [E] [L] comme liquidateur pour une durée de deux années a été actée dans le procès-verbal d'assemblée générale du 29 juin 2011, toutefois, il a été mis fin à la procédure de liquidation amiable et la société a repris son activité en 2012 ; que lors de l'assemblée générale du 17 août 2013, les membres du Directoire et le Directeur Général de la société GITI TAJHIZ TEB CO ont été désignés, pour une durée illimitée ;

Considérant que la société BIO-RAD ne peut reprocher à la société GITI TAJHIZ TEB CO de ne pas avoir indiqué l'adresse de son siège social alors qu'il n'est pas contesté que l'intimée a fait connaître les deux adresses successives de son siège social ; que si la société  BIO RAD soutient que l'adresse indiquée par l'intimée est erronée, il lui appartenait d'en rapporter la preuve  ; que la demande d'irrecevabilité des conclusions de la société GITI TAJHIZ TEB CO, sur le fondement de l'article 59 du code de procédure civile, doit être rejetée ;

Considérant que la société GITI TAJHIZ TEB CO justifie que le procès verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société du 17 août 2013, désignant M. [E] [L] en qualité de 'as chairman of board of directors', a été enregistré par les autorités iraniennes ; que des pièces en langue persane traduites en anglais, versées aux débats, il apparaît que M. [E] [L] a été, de la création de la société GITI TAJHIZ TEB CO à aujourd'hui, le représentant légal de cette société et que celle-ci est toujours en activité ; que la société BIO-RAD doit être déboutée de sa demande de nullité ;

Sur l'application de la loi des Etats-Unis d'Amérique :

Considérant que la société BIO-RAD expose qu'elle a été dans l'incapacité de livrer quoi que ce soit à la société GITI TAJHIZ TEB CO, en application des dispositions du paragraphe 560-204 du Code des Réglementations Fédérales, Code of Federal Regulations (CFR) qui prohibe l'exportation ou la vente de marchandises en Iran ou au gouvernement iranien

(§ 560.204 Prohibited exportation, reexportation, sale or supply of goods, technology, or services to Iran

Except as otherwise authorized pursuant to this part, including §560.511, and notwithstanding any contract entered into or any license or permit granted prior to May 7, 1995, the exportation, reexportation, sale, or supply, directly or indirectly, from the United States, or by a United States person, wherever located, of any goods, technology, or services to Iran or the Government of Iran is prohibited, including the exportation, reexportation, sale, or supply of any goods, technology, or services to a person in a third country undertaken with knowledge or reason to know that : ...) ;

que l'article 560-314 définit les 'personnes des Etats-Unis' comme 'tout citoyen des Etats-Unis, ou étranger résident permanent, ou entité organisée selon les lois des Etats-Unis (y compris ses établissements étrangers) ou toute personne à l'intérieur des Etats-Unis'

(§ 560.314 United States person.

The term United States person means any United States citizen, permanent resident alien, entity organized under the laws of the United States (including foreign branches), or any person in the United States) ;

que de la même façon, le paragraphe 560-206 du CFR interdit à toute 'personne des Etats-Unis, où qu'elle soit, de conclure une transaction ou un accord portant sur ou relatif à ' (2) des marchandises, technologies ou services en vue de leur exportation, réexportation, vente ou fourniture, directement ou indirectement, à l'Iran ou au Gouvernement de l'Iran' ;

que la société américaine BIO-RAD LABORATORIES INC et sa filiale la SNC BIO-RAD sont des 'personnes des Etats-Unis' au regard de cette loi, qui est une loi de police, et sont concernées par l'interdiction de toute fourniture de produits de quelque nature que ce soit à destination de l'Iran ou du Gouvernement de l'Iran ; que le terme "foreign branches" employé par l'article 560 § 314 du CFR n'exclut pas les filiales, c'est simplement le terme le plus générique pour désigner tout établissement à l'étranger, sous quelque forme juridique que ce soit, l'intention des autorités américaines étant d'inclure dans le champ de l'interdiction toutes les sociétés à l'étranger ayant un lien capitalistique avec une société établie sur le territoire américain ;

Considérant que la société BIO-RAD expose également que les sanctions prévues à la sous-partie G de la partie 560, § 560-701 (' Penalties') , sont dissuasives, soit : - une amende civile de 250.000 US$ maximum par infraction, ou du double de celui de la transaction interdite, - une amende pénale d'un montant maximal de 1.000.000 US$ et une peine de prison de vingt années maximum ; que si l'amende civile aurait concerné uniquement la société américaine BIO-RAD LABORATORIES INC et sa filiale française, la SNC BIO-RAD, en revanche l'amende pénale et la peine d'emprisonnement, qui peuvent être cumulées, concernent toutes les personnes physiques ayant commis cette infraction, fut-ce en qualité de mandataire social, administrateur ou dirigeant de ces deux sociétés ; qu'en raison de l'importance de ces sanctions la SNC BIO-RAD, une fois alertée par la société BIO-RAD LABORATORIES INC, ne pouvait pas livrer de produits BIO-RAD à la société GITI TAJHIZ TEB CO sans s'exposer, et exposer ses cadres, au risque de poursuites des autorités américaines pour violation de la loi fédérale, qui a les caractéristiques d'une loi de police, s'agissant de l'embargo contre l'Iran, applicable devant les tribunaux français ;

Considérant que la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] soutiennent que la loi des Etats-Unis relative à l'embargo sur l'Iran n'est pas applicable au litige, qui est régi par les dispositions du Règlement Rome I, Règlement (CE) n°593/2008 du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ; que l'article 560-204 du CFR n'est pas une loi de police au sens de l'article 9-1 du Règlement Rome I ; que l'article 560-204 du CFR n'est pas une loi de police du pays dans lequel les obligations découlant du contrat au sens de l'article 9-3 du Règlement Rome I ; que même sous l'empire de la Convention de Rome, l'article 560-204 du CFR n'était pas une loi de police applicable par le juge français et ne présentait pas un lien suffisamment étroit avec le litige pour recevoir application ; qu'enfin, l'interdiction de livrer des produits en Iran ne s'impose pas à la société BIO-RAD, qui est une personne morale distincte de sa société mère ; que le terme 'branch' contenu à l' article 560-314 du CFR est communément traduit par le terme 'succursale', ce qui exclut les filiales étrangères des sociétés américaines du champ d'application de cette disposition ;

Considérant que, conformément à ses articles 28 et 29, le Règlement (CE) n°593/2008 du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), applicable à partir du 17 décembre 2009, s'applique aux contrats conclus après le 17 décembre 2009  ; que les relations contractuelles entre les parties ayant débuté en 2010, comme le prouve les 'Authorization letter' versées aux débats en date du mois de février 2010 par lesquelles la société BIO-RAD a confirmé à l'IBTO et au ministère de la santé iranien que la société GITI TAJHIZ TEB CO était son distributeur exclusif jusqu'au 31 décembre 2010, en conséquence les dispositions du Règlement 'Rome I' sont applicables au litige ; qu'il est constant que, conformément aux dispositions de l'article 3 du Règlement 'Rome I', les relations entre les parties sont soumises à la loi française, qui est la loi choisie par les parties ;

Considérant que le Règlement 'Rome I' donne en son article 9 § 1 'Lois de police' la définition suivante :'1. Une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d'après le présent règlement' ; que dans le §2, ce même article prévoit 'l'application des lois de police du juge saisi' ; que dans le §3 l'article 9 dispose 'Il pourra également être donné effet aux lois de police du pays dans lequel les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées, dans la mesure où lesdites lois de police rendent l'exécution du contrat illégale. Pour décider si effet doit être donné à ces lois de police, il est tenu compte de leur nature et de leur objet ainsi que des conséquences de leur application ou de leur non-application.' ;

Considérant qu'en application de l'article 9 du Règlement 'Rome I' il ne peut être donné effet à une loi de police étrangère que s'il s'agit d'une loi de police du lieu d'exécution du contrat et si cette loi de police rend illégale l'exécution du contrat ; qu'en l'espèce, sans avoir à se prononcer sur la qualification de loi de police des dispositions du Code des Réglementations Fédérales, 'CFR', instituant un embargo sur les exportations à destination de l'Iran, la Cour ne peut donner d'effet à la loi américaine, qui n'est ni une loi de police française, ni une loi de police iranienne ;

Sur la responsabilité contractuelle de la société BIO-RAD

Considérant que la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] exposent qu'il était convenu avec la société BIO-RAD que la société GITI TAJHIZ TEB CO serait son distributeur exclusif sur le territoire iranien et que sur la base de cet accord, elle a participé aux appels d'offres de l'IBTO et a également conclu de nombreux contrats avec des professionnels et des établissements de santé du secteur privé ; qu'après un début d'exécution très partiel des commandes passées par la société GITI TAJHIZ TEB CO dans le cadre des contrats conclus avec l'IBTO, la société BIO-RAD a décidé soudainement et brutalement de cesser de livrer les matériels commandés et de ne plus accepter les commandes de la société GITI TAJHIZ TEB CO ; que ce comportement caractérise un manquement de la société BIO-RAD à ses obligations contractuelles ;

Considérant qu'il résulte des deux 'Authorization letter' versées aux débats que la société BIO-RAD s'était engagée à faire de la société GITI TAJHIZ TEB CO son distributeur exclusif durant l'année 2010, que cet accord était renouvelable par tacite reconduction chaque année, en cas de succès de la relation, mais qu'il pouvait y être mis fin à tout moment par chacune des parties avec un préavis d'un mois ;

Considérant que la société BIO-RAD ne conteste pas avoir cessé de livrer la société GITI TAJHIZ TEB CO à compter du mois de septembre 2010, à la demande de la société américaine BIO-RAD LABORATORIES Inc., comme cela résulte des échanges de correspondances versés aux débats ; qu'en prenant la décision unilatérale de rompre par anticipation le contrat sans respecter le préavis, la société BIO-RAD a engagé sa responsabilité contractuelle ;

Sur l'indemnisation de la société GITI TAJHIZ TEB CO et de M. [L] :

Considérant que la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] exposent que, s'agissant des 6 contrats conclus avec l'IBTO, outre le contrat initialement conclu par FARD AVAR et repris par la société GITI TAJHIZ TEB CO, ils ont réussi à trouver des sources d'approvisionnement alternatives pour pallier à l'inexécution par la société BIO-RAD de ses obligations, si bien qu'un seul des sept contrats a été résilié aux torts de la société GITI TAJHIZ TEB CO, le contrat n°KH/15399, avec l'application de la pénalité de 10% ; que l'IBTO a appliqué des pénalités contractuelles d'un montant de 141 600 000 rials iraniens, soit 10.114 € (sur la base du taux de change moyen 1 € = 14.000 rials iraniens, applicable à l'époque des faits) ; que la société GITI TAJHIZ TEB CO n'ayant pas été en mesure de payer ces pénalités dans le délai prévu, elle a également réglé à l'IBTO des intérêts de retard sur cette somme, soit un montant total de pénalités de 163.361.328 rials iraniens ; que le montant total des pénalités et intérêts payés par à l'IBTO s'élève à 28.502.954.463 rials iraniens équivalant à 11 669 € ;

Considérant que la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] soutiennent que, afin d'honorer les contrats n°KH/7272 (conclu par FARD AVAR et repris par la société GITI TAJHIZ TEB CO), n°KH/30732, n°KH/30733 et n°KH/4106 malgré la défaillance de BIO-RAD, ils ont dû se tourner vers d'autres fournisseurs, mais en étant contraints d'accepter des prix supérieurs à ceux convenus avec BIO-RAD, sur la base desquels les contrats avec l'IBTO avaient été conclus ; que la société GITI TAJHIZ TEB CO est fondée à obtenir l'indemnisation du manque à gagner, ou du surcoût, résultant du différentiel entre le montant total qu'elle aurait payé à la société BIO-RAD et le montant total payé aux deux autres fournisseurs ; que par ailleurs, pour le contrat n°KH/6587, la société GITI TAJHIZ TEB CO n'a pas trouvé de source d'approvisionnement alternative, de sorte que le contrat a été annulé  ; que la perte de marge brute sur les contrats conclus avec l'IBTO en résultant pour la société GITI TAJHIZ TEB CO a été calculée à la somme de 3 051 570 € par le cabinet BDO, dans son rapport actualisé du 30 juillet 2012, produit pour la première fois devant la Cour ;

Considérant que la société GITI TAJHIZ TEB CO demande le remboursement de la somme de 27.636 €, correspondant à des matériels qu'elle a commandé et payé à BIO- RAD, pour l'exécution du contrat n° KH/15399, et qui ne lui ont pas été livrés ;

Considérant qu'il est soutenu que la société GITI TAJHIZ TEB CO a dû supporter les pénalités de retard de 10 % prévues par les contrats conclus avec des clients du secteur privé qui ont été annulés du fait du refus de BIO-RAD de lui livrer des produits ; que le cabinet BDO avait calculé le montant des pénalités dues par la société GITI TAJHIZ TEB CO à 2 982 270 480 rials iraniens, soit 213 019 € ; que, toutefois, la société GITI TAJHIZ TEB CO s'étant acquittée avec retard des pénalités le montant total des pénalités et intérêts payés par la société GITI TAJHIZ TEB CO à ses clients du secteur privé s'est élevé à 2 989 958 459 rials iraniens, soit 213 568 € ;

Considérant qu'il est demandé la somme de 1 289 906 € au titre de la perte de marge résultant de l'annulation des contrats conclus avec des clients du secteur privé, somme calculée par le cabinet BDO en appliquant un taux de marge de 40%, qui correspond au taux de marge effectivement réalisé par la société GITI TAJHIZ TEB CO au cours de l'exercice 2010 (39,9%), ainsi que des taux de marge réalisés par la société FARD AVAR au cours des exercices 2008 et 2009 (38,4% et 40,3%) ;

Considérant que la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] exposent que le fait que la société BIO-RAD n'ait pas honoré les commandes en cours a eu pour effet d'empêcher la société GITI TAJHIZ TEB CO de poursuivre son activité, non seulement en proposant des produits BIO-RAD, mais également en proposant des produits concurrents équivalents ; que du fait des manquements de la société BIO-RAD à ses obligations contractuelles, la société GITI TAJHIZ TEB CO a été placée par l'IBTO sur une liste noire lui interdisant de participer aux futurs appels d'offres et les clients du secteur privé auxquels la société GITI TAJHIZ TEB CO n'a pas été en mesure de livrer les produits BIO-RAD commandés ont refusé de continuer à faire appel à ses services ; que la société GITI TAJHIZ TEB CO a perdu une chance de conclure des contrats avec l'IBTO et avec les clients du secteur privé et de réaliser un bénéfice en 2011 sur des produits BIO-RAD ou concurrents ; qu'il est demandé le versement d'une somme de 4 430 570 € au titre de la perte de chance de réaliser un bénéfice en 2011, correspondant à une marge de 50% sur le chiffre d'affaires espéré en 2011 avec l'IBTO et les clients du secteur privé ;

Considérant que la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] exposent, d'une part, que la société GITI TAJHIZ TEB CO a été contrainte de licencier 21 de ses salariés puis de mettre un terme à son activité ; qu'il est demandé le coût des licenciements évalué par le cabinet BDO à 663 506 219 rials iraniens, soit 47 393 € ; d'autre part, que les manquements de la société BIO-RAD ont directement contraint M. [L] et ses collaborateurs à consacrer un temps considérable notamment à la gestion du différend avec la société BIO-RAD, à la négociation avec les clients mécontents, à l'évaluation du préjudice subi, à la cessation de l'activité ; que le préjudice en résultant a été chiffré par le cabinet BDO à 93 754 € ;

Considérant que la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] exposent que la société GITI TAJHIZ TEB CO, qui s'est retrouvée en défaut vis-à-vis d'un organisme public iranien et de l'ensemble de ses clients du secteur privé, a subi un préjudice d'image et de réputation de nature à nuire gravement à la poursuite de son activité ; que la réputation de la société GITI TAJHIZ TEB CO a été tellement affectée qu'elle n'a pas pu poursuivre son activité et a été contrainte d'y mettre un terme ; que M. [L] a également subi un préjudice d'image et de réputation considérable, dans la mesure où il était identifié par les institutions iraniennes et par ses clients comme le fondateur et dirigeant de la société GITI TAJHIZ TEB CO ; qu'il est demandé en réparation le versement d'une somme de 100 000 € à M. [L] et de 500 000 € à la société GITI TAJHIZ TEB CO ;

Considérant que la société BIO-RAD expose que les demandes indemnitaires de la société GITI TAJHIZ TEB CO et de M. [L] sont extravagantes, que le rapport du cabinet d'expertise comptable BDO établi à charge à la demande de la société GITI TAJHIZ TEB CO et de M. [L] n'a aucune valeur probante ; qu'elle fait observer notamment que sur les 21 000 000 € demandés 15 000 000 € ont été évalués par M. [L], sans aucune vérification par le cabinet BDO, dont 10 000 000 € correspondent à une estimation de la marge bénéficiaire brute que la société GITI TAJHIZ TEB CO comptait réaliser en 2011 et 2012, et 5 500 000 € correspondent à la 'perte de réputation' ; que la société GITI TAJHIZ TEB CO ne peut cumuler à la fois l'indemnisation de la perte de la marge qu'elle aurait réalisée sur les produits BIO-RAD, et l'indemnisation du surcoût représenté par la différence entre le prix allégué pour les produits BIO-RAD et le prix payé pour se procurer des produits de remplacement sur le marché ; que la société BIO-RAD a demandé au cabinet d'expertise comptable PRICE WATERHOUSE COOPERS de réaliser une étude à propos des demandes présentées par la société GITI TAJHIZ TEB CO sur le fondement des pertes de marge 2010, chiffrées à 5 846 000 € environ par le cabinet BDO ; que le cabinet PRICE WATERHOUSE COOPERS a relevé l' incohérence et le flou entretenu par la société GITI TAJHIZ TEB CO ; que les demandes de la société GITI TAJHIZ TEB CO au titre des années 2011 et 2012 sont fantaisistes en l'absence de toute garantie de collaboration entre les sociétés BIO-RAD et GITI TAJHIZ TEB CO ;

Considérant que dans son dernier rapport, le cabinet BDO indique 'M. [E] [L] nous a informé qu'IBTO a fait appel, à ce jour, uniquement à l'une des garantie pour un montant de 141 600 000 IRR (soit 10114 €) concernant le contrat 15399...' ; qu'il est produit à l'appui de cette affirmation un courrier de l'IBTO du 10 juillet 2011 reprochant à la société GITI TAJHIZ TEB CO de ne pas avoir livré les produits BIO-RAD et faisant état de la confiscation de la garantie de paiement ; que la pénalité demandée n'est pas contestée dans son montant ; qu'en revanche il n'existe aucune preuve du paiement d'intérêts supplémentaires par la société GITI TAJHIZ TEB CO ; que le jugement qui a condamné la société BIO-RAD à verser la somme de 10 114 € à la société GITI TAJHIZ TEB CO doit être confirmé ;

Considérant que pour retenir la somme de 3 051 570 € au titre de la perte de marge brute sur les contrats IBTO, le cabinet BDO a fondé ses calculs sur le 'montant moyen que GITI TAJHIZ TEB CO prévoit de payer en vertu du nouveau contrat de fourniture des tests HIV par PISHRO TASHKHIS FARDAVAR CO est de 0,676 € par test' ; que ce coût résulte de traduction de ce qui serait des factures émises par la société PISHRO TASHKHIS FARDAVAR CO à la société GITI TAJHIZ TEB CO ; que la société BIO-RAD conteste la méthodologie employée et les montants retenus ; que la Cour constate que les calculs du cabinet BDO sont fondés sur des documents émanant de la société PISHRO TASHKHIS FARDAVAR CO, dont M. [E] [L] affirme, sans le démontrer, qu'il s'agit d'une société différente de la société FARD AVAR CO, dont seul M. [U] [L] est le dirigeant, étant rappelé que Messieurs [E] et [U] [L] sont les dirigeants de la société FARDAVAR CO ; qu'aucun justificatif de paiement par la société GITI TAJHIZ TEB CO n'est produit ; qu'en présence de documents n'émanant que de la société PISHRO TASHKHIS FARDAVAR CO pour chiffrer le coût des tests de remplacement des tests HIV, ce qui revient pour les demandeurs quasiment à se constituer des preuves à eux-mêmes, la Cour n'est pas convaincue que les tests de remplacement achetés par la société GITI TAJHIZ TEB CO ont coûté trois fois plus chers que les tests de la société BIO-RAD ;

Considérant qu'il n'est pas non plus prouvé que le contrat 6587 ait été annulé ; que le calcul effectué pour les autres produits est fondé sur des chiffres fournis par la société GITI TAJHIZ TEB CO ; qu'il n'est donné aucune explication sur les matériels livrés à la société GITI TAJHIZ TEB CO par la société BIO-RAD, alors qu'il est constant que cette dernière a honoré ses engagements jusqu'au mois de septembre 2010 ; que, au vu des pièces produites et des rapports des cabinets BDO et PRICE WATERHOUSE COOPERS, la demande de la société GITI TAJHIZ TEB CO doit être ramenée à la somme de 300 000 € ;

Considérant que pour justifier sa demande de remboursement de la somme de 27 636 € la société GITI TAJHIZ TEB CO produit un courriel de la société BIO-RAD du 29 août 2010 lui indiquant le prix de 1200 'Virotrol I', soit 27 636 €, et un formulaire de la Commercial Bank of Dubaï rempli par une société WORLD WIDE MEDICAL LABORATORY ; que ces documents ne rapportent pas la preuve qu'un paiement a été effectivement fait à la société BIO-RAD ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Considérant que la société GITI TAJHIZ TEB CO produit la lettre de la société BIO-RAD autorisant la société GITI TAJHIZ TEB CO à vendre ses produits au ministère de la santé iranien, un courriel de la société BIO-RAD du mois de mars 2010 approuvant la société GITI TAJHIZ TEB CO dans sa démarche d'obtenir une autorisation de vendre ses produits dans le secteur privé, une liste de clients établie par la société GITI TAJHIZ TEB CO, la traduction d'un exemple de contrat ; qu'aucune de ces pièces ne rapportent la preuve de l'existence de la clientèle privée dont se prévalent la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] ; que le jugement, qui les a déboutés de leurs demandes relatives à la perte de marge, aux pénalités et à la perte de chance sur les contrats conclus avec des clients privés, doit être confirmé ;

Considérant que, en raison de l'embargo sur l'Iran décidé par le gouvernement américain depuis 1995, les chances de poursuite des relations commerciales entre la société BIO-RAD, filiale d'une société américaine qui vend des produits américains, et la société iranien GITI TAJHIZ TEB CO, qui vend des produits à l'Iran, n'étaient pas sérieuses ; qu'en conséquence, la société GITI TAJHIZ TEB CO et M. [L] ne peuvent prétendre à aucune indemnisation au titre d'une perte de chance inexistante ; que la demande au titre de la perte de chance de proposer des produits concurrents doit également être rejetée, dès lors que les demandeurs reconnaissent qu'ils ont repris leur activité ;

Considérant que les demandes de la société GITI TAJHIZ TEB CO et de M. [L] relatives au coût de 21 licenciements, de la gestion des négociations avec la société BIO-RAD et avec les clients mécontents ne résultent que de pièces que les demandeurs se sont établies à eux-mêmes pour les besoins de l'instance et n'ont aucune valeur probante ; que le jugement qui a rejeté ces demandes doit être confirmé ;

Considérant que les préjudices d'image et de réputation de la société GITI TAJHIZ TEB CO et de M. [L] ne sont pas démontrés ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Sur l'application de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce :

Considérant que la société GITI TAJHIZ TEB CO soutient que les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce sont applicables au litige par application de l'article 4-3 du Règlement CE n°864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, Règlement 'Rome II', dont il résulte que lorsqu'un fait dommageable présente des liens étroits avec un pays, pouvant résulter, notamment, d'une relation contractuelle, la loi de ce pays est applicable ; qu'en outre, l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce constitue une loi de police ; que la relation commerciale a débuté entre la société BIO-RAD et la société FARD AVAR au printemps 2009 et que pour poursuivre et développer cette relation M. [L] a démissionné de ses fonctions au sein de la société FARD AVAR, dont il était dirigeant et actionnaire, au mois d'août 2009, et a créé la société GITI TAJHIZ TEB CO ; que ces faits caractérisent l'existence d'une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6-1-5° du code de commerce, ayant débuté au printemps 2009 ;

Considérant que l'application de la loi française n'est pas contestée ; que les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ont vocation à s'appliquer lorsqu'il existe entre les parties un courant d'affaires sur une période significative et que les événements permettent de penser que la relation commerciale a vocation à perdurer ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté qu'un courant d'affaires a existé en 2009, durant quelques mois, entre la société BIO-RAD et la société FARD AVAR, bien qu' aucun élément ne soit produit sur cette relation, à l'exception des 'Letter of authorization', non datées, désignant la société FARD AVAR comme 'représentant' de la société BIO-RAD, ce qui implique une relation occasionnelle, mentionnant une validité au 30 décembre 2009 ; que la société GITI TAJHIZ TEB CO, créée au mois d'août 2009 par M. [L], également dirigeant de la société FARD AVAR, a obtenu au mois de février 2010 des 'Letter of authorization' valables jusqu'au 31 décembre 2010, la désignant en qualité de distributeur exclusif de la société BIO-RAD ;

Considérant que, au mois de septembre 2010, la société BIO-RAD a cessé de livrer ses produits à la société GITI TAJHIZ TEB CO ; qu'ainsi, même en prenant en compte les relations ayant existé avec la société FARD AVAR, la durée totale des relations commerciales avec la société BIO-RAD est au maximum de 16 mois ; que cette relation débutante et discontinue n'offrait aucune garantie de stabilité en raison, d'une part, de l'embargo sur l'Iran décidé par le gouvernement américain, dès lors que la société BIO-RAD est la filiale d'une société américaine et, d'autre part, de l'autorisation temporaire de vendre les produits BIO-RAD qui n'était accordée que pour une année, renouvelable par tacite reconduction, mais avec la possibilité pour chaque partie d'y mettre fin à tout moment sous réserve du respect d'un préavis d'un mois ; qu'une telle relation ne remplit pas les conditions de durée et de stabilité exigée pour l'application des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ; que la société GITI TAJHIZ TEB CO doit être déboutée de ses demandes d'indemnisation liées à la brutalité de la rupture ;

PAR CES MOTIFS

Déclare l'appel recevable, ainsi que la constitution et les conclusions de la société GITI TAJHIZ TEB CO Ltd et de M. [L] ;

Confirme le jugement sauf en ses dispositions ayant condamné la SNC BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO Ldt la somme de 2.302.729 € à titre de dommages et intérêts ;

Et statuant à nouveau,

Condamne la SNC BIO-RAD à payer à la société GITI TAJHIZ TEB CO Ldt la somme de 300 000 € au titre de la perte de marge brute sur les contrats conclus avec l'IBTO ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

V. PERRET F. COCCHIELLO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/23757
Date de la décision : 25/02/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°12/23757 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-25;12.23757 ?
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