RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 24 Février 2015
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/06939
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Janvier 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/00063
APPELANT
Monsieur [S] [M]
[Adresse 1]
non comparant, représenté par Me Pascal BELLANGER, avocat au barreau de Tours
INTIMEE
ASSOCIATION DES FÉDÉRATIONS EN FRUITS ET LÉGUMES, ÉPICERIE, CRÈMERIE 'AFFLEC'
[Adresse 2]
représentée par Me Philippe MOUGEOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0157
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Qui en ont délibéré
Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour est saisie de l'appel interjeté par Monsieur [S] [M] du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS, section Encadrement - chambre 6, rendu le 31 Janvier 2012 qui a fixé la moyenne de ses trois derniers salaires à 4720 € et a condamné l' AFFLEC à lui payer avec intérêts légaux à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation les sommes de :
14160 € à titre d'indemnité de préavis plus congés payés afférents
4720 € à titre d' indemnité de licenciement
2552.22 € à titre de rappel de salaire plus congés payés afférents
700 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
Monsieur [S] [M] né en [Date naissance 1] 1975 a été engagé le 1er juin 2004 en qualité de juriste en droit social par la Fédération nationale des détaillants en produits laitiers (FNDPL) ; le janvier 2006 son contrat a été transféré avec reprise d'ancienneté à l' AFFLEC qui emploie moins de 10 salariés ;
Suivant avenant du 31 Mars 2008 il a été convenu entre les parties qu ' à compter du 1er avril 2008 le salarié occupera les fonctions de coordinateur juridique et social pour une durée déterminée liée à la mise en place de la complémentaire santé dans la branche ; date était prise au printemps 2009 pour régler les évolutions à envisager et/ou une éventuelle pérennisation du poste ;
Cet avenant précisait qu'en sa qualité de coordinateur juridique et social il sera amené à manager du 1er juin 2008 au 30 Mars 2009 l'activité d'un collaborateur juriste au sein du pôle social et juridique de l' AFFLEC et que pour ceS nouvelles missions temporaires, il percevra à compter du 1er avril 2008 et pendant le temps de leur réalisation une prime de 770 € par mois, le salarié s'engageait à ne pas revendiquer cette prime après le terme de ces missions ;
Le 14 Mai 2009 Monsieur [S] [M] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 28 Mai suivant avec mise à pied conservatoire en vue d' un licenciement ;
Monsieur [S] [M] a été licencié le 3 juin 2009 pour « fautes graves » ; la lettre de licenciement de 7 pages énonce les griefs suivants « mettant en cause la bonne marche de l'entreprise et sa crédibilité » :
1- non exécution du contrat de travail et des missions afférentes et refus d'exécution du contrat de travail et des missions ; ce grief est en rapport avec l'avenant au contrat de travail signé le 31 Mars 2008 et au poste de coordinateur juridique et social exercé jusqu' au 31 Mars 2009 terme de la mission et à ce que l'employeur qualifie de dysfonctionnements quant au service rendu aux adhérents de l'association suite à des refus de Monsieur [S] [M] de répondre à certaines questions, refus qu'il a reconnus au cours de l' entretien du 28 Mai 2009
2 - non respect de la charte NTIC d'utilisation des ressources informatiques qu'il a signée le 16 juillet 2008 interdisant d'exercer pendant son temps de travail et à partir des outils informatique appartenant à l'entreprise une activité commerciale personnelle ou un travail clandestin , or vous avez reconnu au cours de l'entretien du 28 Mai 2009 avoir une activité personnelle pendant votre temps de travail
3- non respect du devoir de loyauté : vous avez remis le 11 Mai 2009 pour transmission au Président [Q] un document de quatre pages critiquant notamment la politique de management mise en 'uvre par le président de l' AFFLEC et certains propos ne peuvent être admis ;lors de l'entretien préalable vous avez déclaré ne pas comprendre en quoi ce courrier pouvait être provocateur ce qui démontre votre manque total de discernement et votre incapacité à évaluer les situations et à respecter votre hiérarchie. Pendant votre mise à pied vous avez transmis à l'ensemble des secrétaires généraux et délégués généraux de l'AFFLEC et des trois fédérations (UNFD, FNDE et FNDPL) ledit courrier alors qu'il s'agissait d'un échange confidentiel entre vous et le président de la structure qui vous emploie contenant des éléments qui n'avaient pas à être portés à la connaissance de personnes non concernées par un problème de management et de gestion des RH qui intéressent exclusivement l' AFFLEC;
Lors de l'entretien préalable vous avez reconnu avoir transmis de courrier à la demande des secrétaires et délégués généraux à leur demande, ce que ces derniers nient.
Malgré l'absence d'autorisation de la part du Président vous avez contacté personnellement des adhérents et des partenaires de l' AFFLEC pendant votre mise à pied pour les informer que vous ne faisiez plus partie de la structure. Vous avez reconnu lors de l'entretien préalable avoir été en contact avec des adhérents depuis votre boîte mail personnelle et votre téléphone personnel et vous avez affirmé que ces adhérents avaient fait ces démarches de contact alors que nous disposons d'éléments démontrant le contraire
4- mauvaise exécution des consignes de travail : les rapports d'activités que vous émettez dans le cadre du service SVP en droit social aux adhérents qui constitue une source d'information importante pour les fédérations et pour l' AFFLEC, sont inexploitables par les fédérations malgré les remarques et les demandes exprès d'amélioration qui vous ont été formulées à plusieurs reprises
Monsieur [S] [M] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 6 janvier 2010 ;
Monsieur [S] [M] demande l'infirmation du jugement et de condamner l' AFFLEC à lui payer les sommes de :
50000 € pour licenciement abusif
14160 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus congés payés afférents
4720 € à titre d' indemnité de licenciement
2552.22 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied plus les congés payés afférents
5010.35 € de rappel de salaire sur « journées d'absence travaillées » (sic) plus congés payés afférents
2055.98 € de frais exceptionnels de transport
2333.92 € de rappel de salaire afférent aux déplacements sur congrès les dimanches plus congés payés afférents
759.78 € de rappel de salaire au titre du précompte prévoyance ISICA indû plus congés payés afférents
510 € de rappel de salaire sur le mois d'avril 2009 plus congés payés afférents
500 € de rappel de prime de fin d'année 2008 plus congés payés afférents
28320 € pour travail dissimulé
3000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile en sus de la somme allouée de ce chef en première instance
Il sollicite enfin la remise sous astreinte des documents conformes aux condamnations avec réserve de liquidation
L'Association des fédérations en fruits et légumes, épicerie, crémerie (AFFLEC) demande la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [S] [M] de ses demandes liées à l'exécution de son contrat de travail ainsi que de ses demandes de dommages intérêts pour licenciement abusif et de l'infirmer pour le surplus en retenant que le licenciement est fondé sur une faute grave ; subsidiairement, elle demande de réduire le montant de l'indemnité de préavis à 11850 € et l'indemnité de licenciement à 4147.10 €, encore plus subsidiairement elle demande de limiter le préjudice pour rupture abusive à la somme de 6207.5 € et de condamner l'appelant à lui payer la somme de 1500 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre .
S'agissant du premier grief, il est constant que selon l'avenant du 31 Mars 2008, la mission de coordinateur juridique et social qui se terminait le 30 Mars 2009 était liée à la mise en place de la complémentaire santé et que contractuellement il avait été prévu que les parties se rencontreraient au printemps 2009 pour « régler les évolutions à envisager et /ou une éventuelle pérennisation du poste » ;
Il ressort des pièces versées aux débats et de la lettre de licenciement elle-même, que cette réunion dont le contenu exact et clair n'est pas rapporté objectivement ne s'est tenue que le 28 avril 2009, notamment en raison de l'arrivée de la nouvelle déléguée générale de l' AFFLEC et que ce n'est que le 5 Mai 2009 que l'employeur a notifié clairement au salarié suivant lettre que la complémentaire santé constitue à part entière un des éléments conventionnels de la convention collective et qu'il lui appartenait de traiter les questions techniques et juridiques émanant des entreprises concernant la complémentaire santé ;
Il est justifié que Monsieur [S] [M] a effectivement à plusieurs reprises entre le 29 avril et le 7 Mai adressé des mails afin de savoir si les questions qui lui étaient posées par des adhérents ressortaient de sa fonction initiale de juriste en droit social et que le 7 Mai 2009, il a répondu à [X] [Y] et [W] [J] que les questions sur le statut des TNS ne ressortent pas à la définition de ses fonctions et qu'il est ainsi démontré que Monsieur [S] [M] a bien marqué à plusieurs reprises des hésitations traduisant davantage et maladroitement un certain désenchantement au terme de sa mission de coordinateur juridique et social , antérieurement à la lettre du 5 Mai 2009 précitée et que le 7 Mai 2009 il a opposé un refus de répondre à une question, ce refus isolé dans un contexte de transition et au regard du nombre de réponses données aux adhérents, à l'absence de production de plaintes des adhérents et fédérations et à l'absence de reproches de ce chef antérieurs au 28 avril et 5 Mai depuis l'origine du contrat de travail de Monsieur [S] [M] avec l'AFFLEC pour constituer une faute n'est pas de nature à justifier un licenciement pour faute grave ;
S'agissant du deuxième grief relatif au non respect de la Charte NTIC, Monsieur [S] [M] reconnaît qu'il est exact qu'il exerçait une activité de collaboration auprès des Editions [H] pour la rédaction d'articles juridiques et il verse aux débats des attestations notamment celle de Monsieur [G] [I] qui avait été embauché par l' AFFLEC dont il ressort que l' AFFLEC le savait, en tout état de cause la preuve objective que Monsieur [S] [M] n'aurait pas accompli normalement son nombre d'heures contractuelles au profit de son employeur et en aurait distrait des heures pour son activité parallèle en se servant des outils informatiques de son employeur, n'est pas objectivement rapportée, le grief ne sera pas retenu ;
Il est ensuite reproché à Monsieur [S] [M] un non respect du devoir de loyauté s'étant traduit par la remise le 11 Mai 2009 d'un courrier au Président de l' AFFLEC Claude Bellot critiquant la politique mise en 'uvre et constituant selon l'employeur une véritable invective ;
La lecture de cette lettre de quatre pages ne sort pas des limites du droit d'expression du salarié qui y évoque son regret de ne pas avoir eu un entretien qu'il sollicitait depuis fin janvier 2009, une certaine déception de voir que son investissement depuis cinq ans n'est pas récompensé et pose certaines questions quant à son rôle et sa fonction...etc et ne comporte aucune invective à l'égard de son destinataire ou de sa fonction ;
La diffusion de ce courrier personnel qui était la traduction de difficultés professionnelles de Monsieur [S] [M] destiné à Monsieur [Q] nominativement, président de l' AFFLEC, à des tiers, secrétaires généraux et délégués généraux de l' AFFLEC et à plusieurs fédérations adhérentes de l'APEC sans autorisation du destinataire et sans autorisation ni information de celui-ci est en revanche de nature à ternir ou à semer le doute sur le traitement d'un salarié et d'un cadre par son employeur et traduit un manque de loyauté certain et fautif sans être pour autant une faute grave eu égard à la date à laquelle a été faite cette transmission, à savoir le 15 Mai 2009, alors que le salarié était en période de mise à pied conservatoire ;
S'agissant du quatrième et dernier grief relatif à la mauvaise exécution des consignes de travail, il n'est pas justifié tout au long de l 'exécution du contrat de travail de remarques et d'observations de l'employeur quant à la qualité du travail de Monsieur [S] [M] et notamment quant à ses comptes rendus hebdomadaires, le grief ne sera pas retenu ;
De ce qui précède, la cour considère que le licenciement pour faute grave n'est pas fondé et qu'il doit être requalifié en faute simple et il y a lieu de débouter Monsieur [S] [M] de sa demande de dommages intérêts pour « licenciement abusif » ;
Sur les demandes financières
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qui concerne le rappel de salaire de 2552.22 € au titre de la période de mise à pied plus les congés payés afférents pour 255.22 €, l' indemnité de préavis sera fixée à la somme de 13967.49 € plus 1396.74 € pour congés payés afférents le salaire mensuel de Monsieur [S] [M] à retenir étant fixé à la somme de 4655.83 € ;
La somme de 4720 € allouée par les premiers juges à titre d' indemnité de licenciement sera confirmée comme justement calculée et dans les limites de la demande eu égard au salaire retenu selon la moyenne la plus favorable de 4655 € ;
La demande de dommages intérêts pour travail dissimulé sera rejetée dans la mesure où elle repose sur le fait invoqué que le salarié aurait répondu aux adhérents qui le contactaient hors son temps de travail, le dimanche, ses jours de RTT y compris pendant son congé paternité ; il n'est en effet pas justifié d'une quelconque demande de l'employeur ou exigence de disponibilité du salarié en dehors de ses heures contractuelles de travail ;
Il sera fait droit comme justifié aux demandes de remboursement pour frais de transport et rappel de salaire afférents aux jours de congrès des dimanches dans les termes du dispositif ;
Au visa des bulletins de salaire et de l'article 8.4.2 de la convention collective du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie, produits laitiers et des bulletins de salaire relatif au précompte prévoyance ISICA, il sera fait droit à la demande de remboursement du trop prélevé sur la période d'exécution du contrat de travail soit 759.78 € plus congés payés afférents pour 75.98 €
L'avenant du 31 Mars 2008 concernant les fonctions de coordinateur juridique et social prévoyait le versement d'une prime mensuel de 770 € par mois jusqu'au 30 Mars 2009 et le salarié s'engageait à ne pas revendiquer le versement de cette prime après le terme de la mission ; l'avenant fait la loi des partie, Monsieur [S] [M] est non fondé en sa demande de rappel de salaire pour le mois d'avril 2009 et complément d'une gratification de 240 € qui lui a été versée en avril 2009 sous l'intitulé « doss compl sant ».
La prime de fin d'année n'était pas contractuelle ; Monsieur [S] [M] sera débouté de sa demande concernant l'année 2008, en effet, il n'en avait pas davantage bénéficié en décembre 2007 et concernant les années précédentes il avait eu une prime exceptionnelle de 400 € et de 500 € en 2005 et 2006 il s'ensuit que la cour confirmera le jugement en ce qu'il a justement retenu que Monsieur [S] [M] n'établit pas que cette prime était générale, fixe et constante.
Il y a lieu de faire droit à la demande de délivrance de bulletins de salaire, d'un certificat de travail et d'un attestation Pôle emploi conformes aux condamnations sans qu'il y ait lieu à astreinte ;
Il y a lieu de condamner l' AFFLEC à payer à Monsieur [S] [M] la somme de 2500 € au titre des entiers frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en ce qu' il a dit que le licenciement de Monsieur [S] [M] ne repose pas sur une faute grave mais sur une faute simple et a condamné l' AFFLEC à lui payer avec intérêts légaux à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation les sommes de :
2552.22 € à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied plus 255.22 € pour congés payés afférents
4720 € à titre d'indemnité de licenciement
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :
Condamne l' AFFLEC à payer à Monsieur [S] [M] les sommes de :
13967.49 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 1396.74 € pour congés payés afférents
2055.98 € pour frais de transport
2333.92 € à titre de rappel de salaire pour les jours de congrès les dimanches plus 233.39 € pour congés payés afférents
759.78 € à titre de remboursement de salaire pour prélèvement indus au titre de la prévoyance plus 75.98 €
Ordonne la délivrance des bulletins de salaire, d'un certificat de travail et d'un attestation Pôle emploi conformes aux condamnations prononcées sans qu'il y ait lieu à astreinte
Rejette les autres demandes .
Condamne l'AFFLEC aux entiers dépens et à payer à Monsieur [S] [M] la somme de 2500 € au titre des entiers frais irrépétibles .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT