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19/02/2015 | FRANCE | N°11/09444

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 19 février 2015, 11/09444


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 19 Février 2015

(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09444 (11/09456 et 11/09823)



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Juillet 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS Section Encadrement RG n° F 09/08353





APPELANTE et INTIMEE

SAS ALTEDIA

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée p

ar Me Jean-Baptiste VIENNE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0030







INTIMEE et et APPELANTE

Madame [X] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

assistée de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 19 Février 2015

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09444 (11/09456 et 11/09823)

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Juillet 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS Section Encadrement RG n° F 09/08353

APPELANTE et INTIMEE

SAS ALTEDIA

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jean-Baptiste VIENNE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0030

INTIMEE et et APPELANTE

Madame [X] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

assistée de Me Françoise DE SAINT SERNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0525 substitué par Me Marylaure MEOLANS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur, Patrice LABEY, Président, et Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice LABEY, Président

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller

Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [X] [K] a été embauchée par la société DML Conseil en octobre 2000, en qualité de consultante senior. Le contrat de travail de Mme [K] a été transféré à la société ALTEDIA le 1er janvier 2008 lors de la fusion des deux sociétés.

La Convention collective SYNTEC est applicable.

Le 28 avril 2008, Mme [K] a été élue membre titulaire du comité d'entreprise et déléguée du personnel suppléante.

Le 9 juillet 2009, Mme [K] a été convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire et, après entretien le 22 juillet, un avertissement lui était notifié le 24 juillet 2009.

La salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée datée du 13 novembre 2009.

Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 23 juin 2009 d'une action en résiliation judiciaire de son contrat et, dans le dernier état de ses écritures a présenté les chefs de demande suivants :

Demande principale

Requalifier sa prise d'acte de rupture en licenciement nul.

Condamner la société Altedia à lui payer les sommes de :

- Indemnité compensatrice de préavis 25 000 €

- Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis 2 500 €

- Heures supplémentaires 2005 12 980 €

- Indemnité compensatrice de congés payés 1 298 €

- Heures supplémentaires 2006 4 173 €

- Indemnité compensatrice de congés payés 417 €

- Heures supplémentaires 2007 17 982,36 €

- Indemnité compensatrice de congés payés 1 798,23 €

- Heures supplémentaires 2008 42 458 €

- Indemnité compensatrice de congés payés 4 245,80 €

- Heures supplémentaires 2009 10 040,72 €

- Indemnité compensatrice de congés payés 1 004 €

- Indemnité de licenciement conventionnelle 25 000 €

- Dommages et intérêts pour nullité de la rupture 150 000 €

- Dommages et intérêts pour préjudice moral article 1382 du Code Civil 50 000 €

- Dommages et intérêts pour violation du statut protecteur 300 000 €

- Article 700 du Code de Procédure Civile 5 000 €.

La société Altedia a présenté les demandes suivantes :

Condamner Mme [K] à lui payer :

- Indemnité compensatrice de préavis non effectué 20 543 €

- Article 700 du Code de Procédure Civile 3 000 €.

La Cour est saisie d'un appel régulier de la société Altedia du jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 22 juillet 2011 qui a :

Condamné la SAS Altedia à payer à Mme [K] les sommes suivantes :

- 42 458,80 € au titre des heures supplémentaires 2008

- 4 245,88 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés

- 10 040,72 € au titre des heures supplémentaires 2009

- 1 004,07 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, jusqu 'au jour du paiement.

Rappelé qu'en vertu de l'article R.454-28 du Code du Travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,

Fixé cette moyenne à la somme de 6 841 €.

Condamné la société Altedia à verser à Mme [K] la somme de 500 € au titre de l'article, 700 du Code de Procédure Civile.

Débouté les parties de leurs autres demandes et condamné la dite société aux dépens.

Mme [K] a fait appel incident du jugement le 23 septembre 2011.

Vu les écritures visées par le greffe le 8 janvier 2015, développées à l'audience par la SAS Altedia au soutien de ses observations, par lesquelles elle demande à la cour de :

' A titre principal

INFIRMER le jugement déféré en ce que celui-ci a refusé de faire droit à la demande de règlement d'une indemnité compensatrice de préavis au bénéfice de la société Altedia, et qu'il l'a condamnée à régler différentes sommes à titre d'heures supplémentaires, ainsi que les indemnités compensatrices de congés payés y afférentes.

CONSTATER que Mme [K] relevait d'une convention de forfait jour, exclusive de toute heures supplémentaires,

CONSTATER que Mme [K] ne verse pas aux débats les éléments de preuve susceptibles d'étayer sa demande de règlement d'heures supplémentaires.

Puis statuant à nouveau :

CONDAMNER Mme [K] à lui régler la somme de 20.523 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

DEBOUTER Mme [K] de sa demande de règlement d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé,

CONDAMNER Mme [K] à lui régler la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

' A titre subsidiaire :

LIMITER l'indemnisation due à Mme [K] aux sommes de :

- 161.903,66 € au titre de la violation de son statut protecteur,

- 41.046 €, au titre du caractère illicite du licenciement,

- 20.523 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 21.093 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

LIMITER la demande de règlement d'heures supplémentaires de Mme [K] aux sommes suivantes :

- 9.226 €, outre 922 € au titre des congés payés y afférents pour l'année 2005,

- 1.296,92 €, outre 129 € au titre des congés payés y afférents pour l'année 2006,

- 13.714,68 €, outre 1.371 € au titre des congés payés y afférents pour l'année 2007,

- 33.685 €, outre 3.368 € au titre des congés payés y afférents pour l'année 2008,

- 1.372 €, outre 137 € au titre des congés payés y afférents pour l'année 2009.

DIRE ET JUGER que des condamnations éventuellement prononcées devront être déduites les sommes de :

16.024 € pour l'année 2005,

14.830 € pour l'année 2006,

17.392 € pour l'année 2007,

17.485 € pour l'année 2008,

18.868 € pour l'année 2009,

A titre de majoration de salaire conventionnel indûment perçu,

Outre celle de 8,253, 71 € bruts à titre de remboursement de jours de réduction du temps de travail.

Vu les écritures visées par le greffe le 8 janvier 2015, développées à l'audience par Mme [K] au soutien de ses observations, par lesquelles elle demande à la cour de :

REQUALIFIER la prise d'acte de rupture en licenciement nul.

- CONDAMNER la société ALTEDIA à lui verser :

o 25.000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

o 2.500 euros au titre des congés payés sur préavis,

o 25.000 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

o 150.000 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité de la rupture aux torts de l'employeur,

o 300.000 euros au titre de la violation du statut protecteur,

o 50.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

- CONDAMNER la société ALTEDIA à lui verser au titre des heures supplémentaires :

o Pour 2005 : 11.071,64 € + 1.107,10 € de congés payés afférents,

o Pour 2006 : 3.890,75 € + 389 € de congés payés afférents,

o Pour 2007 :14.961,37 € + 1.496,13 €de congés payés afférents,

o Pour 2008 : 36.747,77 € + 3.674,77 € de congés payés afférents,

o Pour 2009 : 16.457,65 € + 1.645,76 € de congés payés afférents.

o Ordonner la compensation avec les 16 jours de RTT payés à Mme [K] entre 2006 et 2009 (soit 6.000 € bruts) ainsi que la somme de 2.253,71 € bruts payés dans le cadre du solde de tout compte au titre du solde d'indemnité RTT ;

- CONDAMNER la société ALTEDIA à lui verser la somme de 47.170 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et celle de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs écritures visées par le greffe le 8 janvier 2015, auxquelles elles se sont référées et qu'elles ont soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant qu'il convient de joindre les procédures enrôlées sous les numéros 11/09444, 11/09456 et 11/09823 qui concernent les mêmes parties et la même affaire qui seront jugées sous le numéro 11/09444 ;

Sur les heures supplémentaires

Considérant que la société Altedia s'oppose à la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, aux motifs que :

- la société DML conseil appliquait la convention collective nationale Syntec et que l'accord national du 22 juin 1999 a prévu l'application d'un forfait annuel de 219 jours de travail, exclusif de toutes heures supplémentaires, au cadre qui remplissait les conditions fixés par l'accord, tel Mme [K].

- après son transfert le 1er janvier 2008 à la société Altedia, Mme [K] a continué à bénéficier de ce dispositif, sur le fondement de l'accord d'entreprise Altédia relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail du 27 novembre 2011 prévoyant un forfait de 215 jours.

- l'article L 212-15-3 du Code du Travail ne subordonnait pas, à l'époque des faits l'application d'une convention de forfait en jours, à la conclusion d'une convention individuelle de forfait, cette exigence résultant de la loi du 20 août 2008.

- l'accord d'entreprise Altédia est régulier en ce qu'il est réservé au cadre autonome, qu'il permet un suivi régulier du temps de travail au moyen d'un système déclaratif mis à sa disposition, que la charge de travail est évoquée au cours des entretiens annuels, ce qui n'est pas contesté et que la charge de travail est suivi, pour le cadre au forfait, par l'association des délégués du personnel et par les délégués du personnel tenus informés des conséquences pratiques de la mise en oeuvre de ce décompte de la durée du travail en forfait jours, en terme d'organisation et de charge de travail, d'amplitude des journées de travail et de respect des règles concernant le repos journalier et hebdomadaire.

- à supposer le forfait en jours inapplicable, Mme [K] ne verse pas aux débats les éléments de nature à étayer sa demande d' heures supplémentaires, les feuilles de temps intitulées "time sheet" n'étant pas sincères et élaborées pour les seuls besoins de la cause ;

Que Mme [K] soutient pour l'essentiel que :

- que pour la période d'emploi avec la société DMLconseil, elle n'a jamais signé de convention individuelle de forfait en jours, qu'elle n'a jamais accepté la modification de son contrat en septembre 2005 consistant à imposer un forfait en jours au lieu de 39 h puis de 35 heures hebdomadaires et que la convention Syntec ne lui est pas opposable à ce titre.

- qu'à partir du 1er janvier 2008, l'accord d'entreprise Altédia ne prévoyait aucun entretien annuel relatif à la charge de travail et son consentement écrit à une convention de forfait fait encore défaut.

- sa demande de rappel pour heures supplémentaires résulte des feuilles de temps qui ont évoluées avec l'utilisation de différents tableurs et qui étaient communiquées à la hiérarchie et utilisées pour la facturation aux clients ;

*pour la période antérieure au 1er janvier 2008

Considérant qu'à supposer même opposable à Mme [K], cadre, les dispositions de l'article 4 de l'accord national du 22 juin 1999, pris en application de la convention collective dite Syntec du 15 décembre 1987, prévoyant un forfait annuel de 219 jours de travail, l'article L 212-15-3 du Code du Travail , dans sa rédaction alors applicable, dispose que la durée du travail des cadres ne relevant pas des dispositions des articles L 212-15-1 et L 212-15-2 du Code du Travail, ce qui est le cas de Mme [K], peut être fixée par des conventions individuelles de forfait établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle ; qu'il en résulte que ces conventions doivent nécessairement être établies par écrit ;

Que force est à la Cour de constater que le contrat de travail liant Mme [K] à la société DMLconseil ne prévoit pas de forfait en jours, mais seulement un salaire de base annuel de 400.000 F soit 33.333,33 F par mois ; que bien plus, alors qu'il résulte des bulletins de paie que cette salariée a été rémunérée depuis son embauche en octobre 2000 sur la base de 39 heures hebdomadaires, puis de 35 heures par l'effet de la réduction du temps de travail, ses bulletins mentionnent à compter du mois de septembre 2005 une rémunération sur la base d'un forfait de 219 jours, sans qu'il soit justifié d'une convention individuelle de forfait ou d'un accord de la salariée pour une telle modification de son contrat de travail ;

Que pour la période de rappel de salaire de 2005 au 1er janvier 2008 la durée de travail de Mme [K] doit donc être décomptée sur la base de 35 heures hebdomadaires ;

*pour la période postérieure au 1er janvier 2008

Considérant que la société Altedia ne justifie pas plus d'une convention individuelle de forfait en jours pour Mme [K] conformément à l'article L 3121-42 du Code du Travail, ni d'un entretien annuel individuel portant sur la charge de travail de Mme [K], l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération de la salariée, conformément à l'article L 3121-46 du Code du Travail ;

Que donc la durée de travail de Mme [K] doit donc être décomptée sur la base de 35 heures hebdomadaires ;

Considérant que selon l'article L. 3121-10 du Code du Travail, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaines civile ; que l'article L. 3121-22 énonce que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 % ;

Qu'une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent qui ne peut être inférieur à 10%;

Qu'aux termes de l'article L.3171-4 du Code du Travail , en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires, d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire ;

Que la règle selon laquelle nul ne peut se forger de preuve à soi même n'est pas applicable à l'étaiement ( et non à la preuve) d'une demande au titre des heures supplémentaires et que le décompte précis d'un salarié, qui permet à l'employeur de répondre en fournissant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, est de nature à étayer la demande de ce dernier ;

Qu'en l'espèce Mme [K] produit, pour toute la période de rappel excepté les temps d'absence notamment pour congé de maternité pour lesquels à juste titre elle ne formule pas de demande, ses feuilles de temps de travail nommées "time sheet" sur lesquelles figurent au jour le jour le temps passé pour le compte d'un client dont la référence est mentionné, permettant ainsi de déterminer le temps de production, le temps consacré au développement et celui consacré au travail administratif, avec un récapitulatif mensuel en temps faisant ressortir les heures accomplies au delà de la durée légale et le nombre de jours de travail ; que les différences légères de présentation des tableaux s'expliquent aisément par l'emploi de tableurs distincts dans les sociétés DMLconseil et Altedia et de logiciels distincts au sein des départements dans lesquels elle a été successivement affectée dans cette dernière entreprise ; que Mme [K] a pris le soin de synthétiser ses heures supplémentaires dans un tableau (pièce 70) mensuel et annuel, avec le détail de sa réclamation et des majorations à 25% et 50% ;

Que Mme [K] étaye sa demande par la production d'éléments précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire, ce que ne fait pas la société Altédia qui ne fournit par ailleurs aucun élément objectif de nature à établir les heures réellement effectuées selon elle par sa salariée ;

Qu'il doit en conséquence être fait droit à la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, telle que détaillée dans la pièce 70 de la salariée et reprise dans ses écriture d'appel, à la demande d'indemnité de congés payés afférents et d'ordonner la compensation avec les 16 jours de RTT payés à Mme [K] entre 2006 et 2009, soit 6.000 € brut et l'indemnité compensatrice de RTT de 2.253,71 € brut payée avec son solde de tout compte ;

Qu'il n'y a pas lieu de déduire de ce rappel 20% de la rémunération annuelle versée à ce cadre correspondant à la rémunération majorée appliquée au forfait en jours, dont l'application est contestée par la salariée et écartée par la Cour, alors qu'en l'absence de convention individuelle de forfait ou d'avenant au contrat à cet effet, l'employeur a librement consenti à verser une rémunération majorée pendant toute la durée de la relation de travail ;

Sur le travail dissimulé

Considérant que l'article L.8221-1du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié ;

Que l'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; que toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ;

Que dans la mesure où l'employeur a pu se croire autorisé à appliquer un accord de branche, puis un accord d'entreprise prévoyant un forfait en jours pendant toutes ses années à Mme [K] qui n'a formulé sa première réclamation qu'à l'occasion de la procédure d'appel, l'intention de dissimuler les heures supplémentaires n'est pas établie et la salariée doit être déboutée de sa demande d'indemnité forfaitaire ;

Sur la prise d'acte

Considérant que par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 novembre 2009, Mme [K] a notifié à la société Altedia, en la personne de son directeur général adjoint M [R], une prise d'acte de la rupture de son contrat dans les termes suivants :

"Votre dernier courrier est on ne peut plus clair : vous êtes décidé à poursuivre votre harcèlement démissionnaire à mon encontre avec minutie et préméditation jusqu'à l'audience des Prud'hommes.

Vous annonciez dans votre email d'avril votre volonté de harceler M. [E] et de m'appliquer le même traitement. C'est en effet exactement ce qui s'est passé ! Depuis votre arrivée, mes journées de travail sont synonymes de rétrogradation, isolement, inactivité, et avertissement. Je suis d'ailleurs curieuse de découvrir en quoi je ne tiens pas compte de mon avertissement depuis que je l'ai reçu.

Si je n'avais pas été salariée protégée, vous n'auriez pas été contraint de faire intervenir l'inspecteur du travail en cas de licenciement et il y a donc bien longtemps que mon cas aurait été réglé.

Après avoir pendant des mois réclamé du travail, me voilà depuis le début de la semaine affectée à deux missions qui sont révélatrices de ce que sera mon quotidien maintenant que je suis chargée :

- Une mission de rédaction de note de justification économique pour laquelle il aurait été préférable que je dispose de quelques éléments de contexte, comme la proposition par exemple, avant d'engager les discussions avec le client.

- Une mission de revitalisation qui m'a contraint à un déplacement de deux jours pour remplacer ponctuellement une directrice de projet qui a préféré rester à [Localité 3] pour «avancer sur ses autres dossiers» plutôt que d'être présente à des rendez-vous sur lesquels elle s'était engagée quelques jours auparavant. Cette expérience de « pot de fleurs » est dégradante et je regrette que vous ne sachiez pas mieux utiliser mes compétences.

A partir de maintenant, il me reste deux solutions :

- soit je continue à subir ces pressions faites pendant des mois d'absence de charge et depuis cette semaine de rétrogradations quotidiennes. Pour y parvenir, je serais contrainte d'enchaîner vacances et congés maladie comme c'est le cas depuis votre arrivée...

- soit je ne vois pas l'intérêt de poursuivre cette guerre stérile dans laquelle je prends tous les coups. C'est l'option que je retiens en prenant acte ce jour de la rupture de mon contrat de travail.

La façon dont vous me traitez est scandaleuse et je déconseille à qui que ce soit d'occuper des fonctions de représentation du personnel au sein d'Altedia. Vous m'avez marginalisée alors que je tentais de faire progresser les droits des salariés dans l'entreprise notamment par mon intervention en réunion de DP cet été qui a conduit au retrait des avenants que la Direction tentait d'imposer aux salariés.

Mais je n'ai pas non plus reçu le soutien des représentants du personnel eux-mêmes sauf de ceux qui ont quitté la société ou qui n'osent plus assister aux réunions. Face aux pressions que j'ai subies et qui sont connues de tous, un représentant syndical m'a conseillé de rendre mon mandat et de démissionner, un autre m'a conseillé de négocier mon départ...

J'abandonne donc votre règne par la terreur avec un grand soulagement et ne souhaite vous recroiser dans ma vie professionnelle que dans le cadre du Conseil de Prud'hommes qui nous réunira prochainement." ;

Que pour l'infirmation du jugement et un licenciement nul, Mme [K] soutient qu'elle a été victime de discrimination syndicale et de harcèlement moral constitués par :

- une rétrogradation de son périmètre d'action, des retraits de dossiers de prospection commerciale, d'une tentative d'échec d'un rendez vous avec le DRH d'Airbus, d'une ré-attribution de ses contacts clients à d'autres directeurs, à la suite du départ fin février 2009, de Mme [V], présidente de la société DML Conseil et sa supérieure au sein de la société Altedia à laquelle elle était rattachée depuis septembre 2008, en qualité de directeur du développement du secteur industrie (papier, carton, bois) énergies renouvelables.

- une mise à l'écart, n'étant plus conviée aux réunions de la direction commerciale et étant la seule oubliée pour un séminaire, alors que son nom ne figurait plus sur l'organigramme de l'entreprise.

- un bonus 2008, versé en mars 2009 de 12.000 €, inférieur à ses performances et à l'usage fixé par Mme [V], au lieu d'un bonus de 26.883 € à 45.400 €.

- une modification de ses fonctions sans son accord, étant démise de sa fonction de directrice de développement à compter du 13 juin 2009 pour être affectée dans le secteur conseil emploi dépendant du pôle emploi et réorganisation, dirigé par M [F], où il lui était confiée des tâches secondaires, sans nouvelle mission.

- un avertissement du 24 juillet 2009 totalement injustifié.

- une brimade gratuite, en mettant fin brutalement le 1er octobre 2009 à un usage, en l'informant qu'elle ne serait plus remboursée de ses notes de téléphone "sauf justificatifs des appels pour un client", alors qu'elle était avant remboursée de 80% de l'usage de son téléphone personnel également à usage professionnel ;

le tout, après qu'elle ait fait en sorte en tant que délégué du personnel que la société Altedia retire un avenant proposé aux salariés fixant à la fois leur bonus annuel et insérant au contrat une clause de non concurrence ;

Que pour la confirmation du jugement, l'absence de discrimination et de harcèlement moral et pour voir produire à la prise d'acte les effets d'une démission, avec le paiement par la salariée du préavis non effectué, la société Altedia fait valoir pour l'essentiel que :

- avant une double courrier à sa direction le 8 avril 2009, pour dénoncer le faible montant de sa prime 2008 et les propos " discriminant sexuellement" et méprisant eu égard à sa fonction de représentant du personnel, rien ne laissait présager l'attitude de Mme [K].

- pour la première fois, une semaine après l'annonce de son rattachement à l'équipe conseil " pôle emploi et réorganisation" dirigé par M [F], Mme [K] a accusé sa direction de discrimination syndicale et a manifesté son refus de travailler avec ce responsable.

- Le refus ou la tardiveté mise pour répondre aux courriers et demandes de précisions de M [F] a conduit à un avertissement justifié.

- Mme [K] a bénéficié d'une évolution de sa rémunération, de l'attribution de stocks option après son élection au comité d'entreprise et comme déléguée du personnel suppléante et a perçu en mars 2009 un bonus supérieur aux bonus des quatre dernières années.

- l'arrêt maladie de quelques jours en avril 2009 ne permet pas d'établir un lien avec les conditions de travail de Mme [K].

- la salariée a en réalité instrumentalisé la prise d'acte et a intégré début décembre 2009 la société Publicis Consultants comme directeur conseil au département RH et managements ;

Considérant que lorsque qu'un salarié titulaire d'un mandat électif ou de représentation prend acte de la rupture de son contrat en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, lorsque les faits invoqués par le salarié la justifiaient, soit, dans le cas contraire d'une démission ;

Que lorsqu'elle est justifiée, la prise d'acte du fait de l'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles, produit les effets d'un licenciement nul et ouvre droit, au titre de la violation du statut protecteur, à une indemnité forfaitaire égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours ;

Qu'aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ;

Que selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;

Que l'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Qu'aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, le juge doit apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que les faits en cause ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Que les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique ne peuvent caractériser un harcèlement moral que si elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'ayant relevé que tel n'était pas le cas en l'espèce, la cour d'appel a pu décider qu'aucun harcèlement moral n'était caractérisé ;

Qu'en retenant que la discrimination alléguée n'était pas constatée en termes de rémunération, que le bonus versé à Mme [K] pour l'exercice 2008 était supérieur à celui des quatre dernières années, que la détérioration des relations professionnelles de Mme [K] avec la société Altedia était concomitante au départ de sa chef de service Mme [V] en février 2009, bien après son élection comme représentante du personnel, que les difficultés relationnelles avec un collègue ayant fait référence à son statut de salarié protégé ne traduisaient pas une discrimination de nature syndicale du fait de l'employeur et que Mme [K] ne présentait donc pas des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, le conseil de prud'hommes s'est livré à une exacte appréciation des faits de la cause, et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;

Qu'il sera ajouté que Mme [K] qui procède par affirmation, n'établit pas l'usage de son ancien employeur, représenté par Mme [V], qui devrait conduire la société Altedia à lui verser pour l'année 2008 un bonus supérieur à celui de 12.000 € perçu, alors que celui-ci est bien supérieur aux bonus versés pour les quatre dernières années ; qu'il n'est pas avancé par la salariée qu'elle aurait stagné dans sa progression salariale au sein de la société Altedia en 2008 et 2009 par rapport à tel ou tel collègue ; qu'elle même, dans son courrier du 8 avril 2009, relie la "mise à l'écart" dont elle sa plaint au départ de la société, en février 2009, de Mme [V] recrutée par une autre société, donc bien après son élection comme représentante du personnel ; que ses mandats électifs n'ont pas empêché Mme [K] de percevoir fin mai 2008 des parts gratuites de la société Altedia représentant une valeur de 21.130 € ;

Que l'avertissement du 24 juillet 2009 est justifié en ce que Mme [K] n'a effectivement pas fait le point avec son supérieur de ses missions en cours et de la mise en place d'une banque de donnée, ainsi que demandé les 30/06 et 1/07/2009 laissant simplement le 3 juillet un message sur la boîte gmail de son supérieur pour obtenir un rendez-vous, pas plus qu'elle ne justifie avoir répondu au mail de M [F], son supérieur, du 16 juillet 2009 lui demandant de faire le point sur les missions "Zodiac" et autres ;

Qu'interrogée le 21 février 2008 par son nouvel employeur, ainsi que les anciens salariés de la société DML Conseil, sur son choix entre la fourniture d'un abonnement groupe ou le portage de sa ligne téléphonique personnelle sur l'une des flottes Altédia, précision étant faite que les directives, au sein du groupe auquel appartient la société Altedia, sont de ne plus rembourser les notes de frais en téléphonie mobile, Mme [K] a opté pour le portage de sa ligne le 22 février, de sorte qu'elle ne peut se plaindre que l'employeur lui ait demandé le 1er octobre 2009 de justifier, pour le remboursement de frais, avoir téléphoné à un client, ce qui n'est, en l'absence de stipulation contractuelle, que l'application du droit commun ;

Qu'en l'absence de précision sur l'avis d'arrêt maladie du 11 au 20 mai 2009 et de certificat du médecin traitant, rien ne permet de relier cet arrêt à l'activité professionnelle de Mme [K];

Que si, selon un mail du 6 avril 2009, l'employeur a certes envisagé de "virer" un autre responsable de développement M [E] qui s'inquiétait, voire dénonçait son évolution au sein de la société Altedia, en concluant " nous risquons d'avoir un cas identique à gérer avec LLE ( [X] [K]) les dégâts du management ou non management précédents vont avoir des impacts pendant quelque mois", la société Altedia a cependant proposé deux autres solutions et marqué sa volonté de conserver M [E] à son poste en lui fixant des objectifs et de le suivre de près, ce qui ne traduit pas une volonté de se débarrasser à tout prix de ce salarié, pas plus que de Mme [K], mais de lui fixer un cadre et des objectifs ce qui relève du pouvoir de direction de l'employeur ;

Que Mme [K] n'établit en rien qu'elle avait des fonctions transversales dans son ancien poste au sein de la société DML conseil, outre celles attachées à son poste de consultante senior puis de directrice de projet, qui auraient été redistribuées entre les salariés de la société Altedia , réduisant ainsi son périmètre d'activité ; qu'aucune fiche de poste n'attribue à Mme [K] de telles fonctions transverses qui auraient été transférées à la société Altedia ;

Que les retraits de dossiers de prospection commerciale s'expliquent objectivement par le fait d'intégrer une structure nouvelle plus importante, avec ses règles propres d'organisation et d'attribution des clients et des missions, ce qui a été précisé par le directeur général le 5 mai 2009, puis rappelé, tant à Mme [K] qu'à M [E] le 23 juillet 2009 par leur supérieur M [F] ;

Que quand bien même, Mme [K] a pu obtenir un rendez-vous avec le DRH d'Airbus et estimer qu'il n'était pas opportun de lui adjoindre tardivement une autre salariée de la société Altedia, il appartenait à l'employeur, sous la subordination duquel elle était placée, d'apprécier si la présence d'un autre salarié était conforme aux intérêts de l'entreprise, voire si ce rendez-vous était utile et, au besoin l'annuler ;

Que les tâches confiées par M [F] relevaient bien de la fonction de ce cadre conseil et n'avaient rien de dégradantes, étant relevé que la mission de benchmarking sur les cabinets d'organisation parisiens allait au-delà du travail de compilation précédemment effectué par un autre salarié ; qu'à l'issue de sa mission "Zodiac" d'autres missions ont été proposées le 12 octobre 2009 à Mme [K], de même qu'il lui a été proposé d'intégrer un bureau libéré au 5ème étage, ce qui était source de récrimination de sa part depuis son rattachement au pôle emploi et réorganisations à compter du 13 juin ;

Que donc les faits en cause ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le jugement ayant débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral est confirmé ;

Que par contre la demande formulée par le directeur général adjoint le 10 juin 2009 à Mme [K] de "rejoindre au plus tôt l'équipe de [D] [F] afin d'apporter vos compétences à l'activité conseil emploi du pôle emploi et réorganisations...", qui constituait un changement des conditions de travail en ce que l'intéressée passait du pôle commercial, où elle était directrice de projet, au pôle emploi et réorganisations comme consultant ( selon mail de M [F] du 23/07/09), requérait l'accord de cette salarié protégée ; que d'une part l'employeur ne s'est pas soucié d'obtenir l'accord de la salariée ; que d'autre part, l'employeur n'a pas tenu compte du désaccord de l'intéressée manifesté par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juin 2009, puis le 23 juin 2009 par la saisine du conseil de prud'hommes en résiliation judiciaire de son contrat, qui l'obligeait à soumettre sa décision à l'inspecteur du travail pour contrôler qu'elle était étrangère aux mandats détenus par cette salariée et n'avait pas d'impact sur l'exercice des dits mandats ;

Qu'il ne peut être reproché à la salariée confrontée à un tel manquement et à des désaccords persistants ou une incompréhension mutuelle avec sa hiérarchie, que traduisent les nombreux mails et courriers, d'avoir recherché et trouver un autre emploi avant de prendre acte de la rupture de son contrat ;

Que ce manquement grave de l'employeur empêchait à lui seul la poursuite de la relation contractuelle, en ce que l'employeur a maintenu le changement des conditions de travail imposé à cette salariée protégée jusqu'à ce que cette dernière qui avait engagé une action en résiliation judiciaire finisse par notifier sa prise d'acte de la rupture du contrat ; que la rupture doit être déclarée imputable à l'employeur et la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement nul;

Sur les conséquences de la rupture

Considérant que la prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, elle ouvre droit pour Mme [K] à une indemnité forfaitaire égale aux salaires qu'elle aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours, ainsi qu'à une indemnité de préavis de trois mois, à l'indemnité de congés payés afférents, à une indemnité conventionnelle de licenciement et à des dommages et intérêts, le jugement étant réformé de ces chefs ;

Que Mme [K] a été privée d'une ancienneté de neuf années dans cette entreprise employant 199 salariés et d'un salaire moyen de base de 6.841 €, outre le rappel d' heures supplémentaires d'un montant moyen brut de 1.645,76 € en 2009, soit 8.486,76 € brut mensuel ; qu'ayant retrouvé aussitôt un emploi lui procurant un salaire non précisé, il lui sera allouée la somme de 55.000 € réparant le préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement ;

Qu'en application de la convention Syntec, le préavis de ce cadre est de trois mois, soit la somme de 25.460,28 € ; qu'il sera donc fait droit à la demande de 25.000 €, outre l'indemnité de congés payés afférents de 2.500 € ;

Qu'en application de l'article 19 de la même convention collective, il est dû par l'employeur une indemnité de licenciement égale à 1/3 de mois par année d'ancienneté, soit une somme ( 8.486,76 € x 1/3 x 9 ) 25.460,28 € ; qu'il convient donc d'allouer la somme demandée à hauteur de 25.000€ ;

* l'indemnité forfaitaire

Considérant que Mme [K] a été élue représentante du personnel le 28 avril 2008 pour une durée de trois ans, de sorte que sa période de protection de six mois expirait le 27 octobre 2011;

Que la société Altedia doit donc lui verser une indemnité forfaitaire égale aux salaires qu'elle aurait dû percevoir jusqu'au 27 octobre 2011, soit pendant 23 mois et 20 jours sur la base d'un salaire brut de 8.486,76 € ; que la société Altedia est donc condamnée à verser à Mme [K] la somme de 201.984,88 €, au titre de la violation de son statut protecteur ;

Sur les frais et dépens

Considérant que la société Altedia qui succombe en son appel n'est pas fondéeà obtenir l'application de l'article 700 du code de procédure civile, mais versera sur ce même fondement à Mme [K] somme de 3.000 € en plus de celle allouée par le conseil de prud'hommes et supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 11/09444, 11/09456 et 11/09823 qui seront jugées sous le numéro 11/09444 ;

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 22 juillet 2011 sur la prise d'acte et ses conséquences et sur le rappel de salaires pour heures supplémentaires ;

Statuant à nouveau sur ces chefs de demande,

Dit que la prise d'acte par Madame [X] [K] de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ;

Condamne la SAS ALTEDIA à payer à Madame [X] [K] les sommes de :

- 25.000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.500 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 25.000 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 55 .000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture illicite,

- 201.984,88 € d'indemnité au titre de la violation de son statut protecteur ;

Condamne la SAS ALTEDIA à payer à Madame [X] [K] au titre du rappel pour heures supplémentaires les sommes brutes de :

- Pour 2005 : 11.071,64 € et1.107,10 € de congés payés afférents,

- Pour 2006 : 3.890,75 € et389 € de congés payés afférents,

- Pour 2007 :14.961,37 € et1.496,13 €de congés payés afférents,

- Pour 2008 : 36.747,77 € et3.674,77 € de congés payés afférents,

- Pour 2009 : 16.457,65 € et .645,76 € de congés payés afférents ;

Ordonner la compensation de ce rappel avec les 16 jours de RTT payés à Mme [K] entre 2006 et 2009, soit 6.000 € bruts, ainsi que la somme de 2.253,71 € bruts payés dans le cadre du solde de tout compte au titre du solde d'indemnité RTT ;

Confirme le jugement en ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS ALTEDIA à payer à Madame [X] [K] la somme de 3.000 e sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la SAS ALTEDIA aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

L. CAPARROS P. LABEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 11/09444
Date de la décision : 19/02/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°11/09444 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-19;11.09444 ?
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