RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 19 Février 2015
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08155
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Juin 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de MEAUX RG n° 09/00621
APPELANTE
SA APTE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me René HOIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0009
INTIMÉE
URSSAF 77 - SEINE ET MARNE
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Mme [D] en vertu d'un pouvoir général
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 1]
[Localité 1]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Décembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Marion MÉLISSON, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MÉLISSON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société APTE d'un jugement rendu le 9 juin 2011par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux dans un litige l'opposant à l'URSSAF de Seine et Marne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile de France ;
Les faits, la procédure, les prétentions des parties :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler qu'à la suite d'un contrôle de l'application de la législation de la sécurité sociale effectuée par l'URSSAF de Seine et Marne, cet organisme a réintégré dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale dues par la société APTE les sommes versées à son ancien mandataire social au titre d'une indemnité de rupture (chef n° 2) et celles allouées à cette personne dans le cadre de l'intéressement (chef n° 4) ainsi que la CSG/CRDS afférente à cet intéressement en 2005 et 2006 (chef n° 5) ; qu'il en est résulté un supplément de cotisations d'un montant total de 11 924 €, majorations comprises, pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ; qu'une mise en demeure a été adressée à la société, le 23 janvier 2009, pour avoir paiement de la somme de 14.791€ incluant deux autres motifs de redressement ; que la société a contesté les trois chefs de redressement précités devant la commission de recours amiable qui a rejeté sa réclamation ; qu'elle a alors saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale ;
Par jugement du 9 juin 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux a rejeté le recours de la société APTE, confirmé la décision de la commission de recours amiable et condamné cette société à verser à l'URSSAF de Seine et Marne la somme de 14 791 €.
La société APTE fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à infirmer le jugement et prononcer la nullité des opérations de contrôle effectuées par un organisme incompétent ainsi que la mise en demeure subséquente. A titre subsidiaire, elle demande à la cour d'annuler le redressement opéré au titre de l'indemnité de rupture forcée du mandat social de M. [V] et celui relatif à l'intéressement dû au titre des exercices 2005 et 2006. En tout état de cause, elle conclut à la condamnation de l'URSSAF à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
Au soutien de son appel, la société se prévaut d'abord des dispositions de l'article R 243-60, alinéa 2, du code de la sécurité sociale qui prévoient que lorsque l'employeur est membre du conseil d'administration de l'ACOSS, le contrôle est délégué à l'URSSAF de Paris et de la région parisienne. Elle fait en effet observer qu'à l'époque du contrôle, M. [V], président de son conseil de surveillance, était membre du conseil d'administration de l'ACOSS. Elle précise qu'il avait été désigné à ce poste en qualité de représentant employeur peu important le fait qu'il ne soit plus, à cette date, président du directoire de la société APTE mais titulaire d'un autre mandat de représentation. Elle considère que la violation de cette règle de compétence territoriale entraîne la nullité du contrôle.
A titre subsidiaire, elle conteste le redressement opéré au titre de l'indemnité de rupture forcée du mandat social de M. [V] dès lors que la révocation de ce mandat présentait le caractère d'une cessation forcée de ses fonctions au sens de l'article L 243-6-2 du code de la sécurité sociale et qu'au surplus le versement de cette indemnité a finalement été annulé. Elle indique également que, contrairement aux allégations de l'URSSAF, il n'était pas nécessaire que M. [V] soit titulaire d'un contrat de travail pour pouvoir bénéficier d'une telle indemnité de rupture. De même, elle s'oppose aux chefs de redressements relatifs à l'intéressement en faisant valoir que la perception de la CSG/CRDS suppose le versement effectif des sommes destinées aux salariés à l'organisme collecteur alors qu'en réalité les sommes en cause n'ont finalement pas été distribuées en raison des difficultés rencontrées par la société. Elle ajoute que les sommes litigieuses n'ont pas été comptabilisées dans un compte de charge mais dans un compte de tiers.
L'URSSAF d'Ile de France fait déposer et soutenir oralement par son représentant des conclusions de confirmation du jugement attaqué sauf à réduire le montant de la condamnation de la société APTE à la somme actualisée de 14 245 € représentant 10 891 € de cotisations et 3 354 € de majorations de retard. Après avoir relevé que la société avait attendu d'être devant le tribunal pour invoquer la qualité de membre suppléant du conseil d'administration de l'ACOSS dont était investi M. [V] à l'époque du contrôle, elle conteste l'application des dispositions de l'article R 243-60 du code de la sécurité sociale dans la mesure où cette personne n'était plus président du directoire de la société et n'avait donc pas la qualité d'employeur. Elle indique en effet que le président du conseil de surveillance a une fonction de contrôle et non de gestion ou d'administration de la société.
Sur le fond du litige, elle soutient que l'indemnité de rupture attribuée à l'ancien mandataire social devait bien être soumise à cotisations dès lors que son bénéficiaire n'a pas été contraint de quitter ses fonctions mais a choisi de réduire ses activités professionnelles et de faire valoir ses droits à la retraite.
Elle ajoute que le mandataire social ne peut percevoir une telle indemnité que s'il est lié à la société par un contrat de travail et que la somme litigieuse a bien été portée au compte courant d'associé de M. [V], ce qui s'analyse comme un versement, peu important l'annulation opérée postérieurement au contrôle. Enfin, elle indique qu'en application de l'article L 136-2 du code de la sécurité sociale, les sommes correspondant à l'intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise sont assujetties à la CSG/CRDS à partir du moment où l'employeur a réparti le produit de l'intéressement entre les salariés et qu'en l'espèce cette répartition est intervenue lors de l'inscription des sommes litigieuses dans la comptabilité de la société au titre de l'exercice concerné, même si elles n'ont pas été versées immédiatement. Elle relève aussi qu'en tout état de cause, l'accord d'intéressement n'avait pas été étendu aux mandataires sociaux, de sorte que M. [V] ne pouvait bénéficier de l'exonération sur l'intéressement inscrit en compte courant.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
Motifs :
Sur l'application des dispositions prévues à l'article R 243-60 du code de la sécurité sociale:
Considérant qu'eux termes de l'article R 243-60, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur est membre du conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), le contrôle est délégué à l'URSSAF de Paris et de la région parisienne ;
Considérant qu'en l'espèce, à la date du contrôle, M. [V] présidait le conseil de surveillance de la société APTE et était membre suppléant du conseil d'administration de l'ACOSS ;
Considérant que la société contrôlée était donc représentée au sein du conseil d'administration de l'ACOSS, parmi les membres employeurs désignés en qualité d'administrateurs, et il importe peu qu'à cette époque, M. [V] n'exerçait plus les fonctions de président du directoire de la société APTE mais seulement celles de président du conseil de surveillance ;
Considérant que le contrôle de la société APTE aurait donc dû être effectuée, selon la procédure prévue par l'article R 243-60, par l'URSSAF de Paris et non par l'URSSAF dans le ressort de laquelle se situait l'établissement ;
Considérant cependant que cette procédure dérogatoire est édictée uniquement pour la protection de l'organisme de contrôle et non pour celle de l'employeur contrôlé ; qu'il ne s'agit pas d'une formalité substantielle d'ordre public dont l'inobservation justifierait à elle seule la nullité des opérations de contrôle ;
Considérant qu'il en résulte que l'employeur n'est pas fondé à se prévaloir de la règle énoncée à l'article R 243-60 pour obtenir l'annulation du redressement alors que l'ACOSS s'est abstenue de toute réclamation et que l'URSSAF de Seine et Marne se rattache aujourd'hui à l'URSSAF de Paris, désignée par l'article précité pour procéder au contrôle, dans le cadre d'une structure unique dénommée URSSAF d'Ile de France ;
Considérant que la décision des premiers juges qui ont rejeté la demande d'annulation du contrôle se trouve justifiée par ce motif substitué ;
Sur l'assujettissement aux cotisations de sécurité sociale de l'indemnité de rupture allouée au mandataire social de la société APTE :
Considérant qu'en application de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, sont prises en compte pour le calcul des cotisations de sécurité sociale les indemnités versées aux mandataires sociaux à l'occasion de la cessation forcée de leurs fonctions à hauteur de la fraction de ces indemnités qui est assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodécies du code général des impôts ;
Considérant cependant que cette exonération partielle de cotisations suppose la cessation effective et non volontaire des fonctions de mandataire social ;
Considérant qu'en l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que M. [V], président du directoire de la société APTE, avait demandé lui-même son départ à la retraite et que sa décision a été acceptée le 31 mars 2006,date à laquelle il a accédé aux fonctions de président du conseil de surveillance ; qu'à cette occasion, une indemnité de mise à la retraite de 22 600 € lui a été attribuée sans être soumis à cotisations ;
Considérant qu'il ressort ainsi des constations de l'URSSAF que l'intéressé a décidé de sa propre initiative de réduire ses activités et de faire valoir ses droits à la retraite tout en continuant à exercer des fonctions au sein de l'organe de contrôle de l'entreprise ; que, selon l'organisme de recouvrement, M. [V] a précisé qu'il ne s'opposerait pas à son remplacement par son fils dans les fonctions de président du directoire et a relevé que la mise à la retraite de l'intéressé s'était faite d'un commun accord ;
Considérant que pour contester cette interprétation, la société APTE se borne à invoquer la révocation du mandat social détenu par M. [V] mais ne justifie d'aucun élément de nature à établir qu'il s'agissait, contrairement aux observations faites par l'URSSAF, d'une cessation forcée de ses fonctions ;
Considérant de même que la circonstance que l'indemnité litigieuse ait été inscrite sur le compte courant d'associé de l'intéressé et non versé directement à M. [V] n'exonère pas la société de son obligation de cotiser ;
Considérant qu'en effet l'inscription sur un compte courant constitue une mise à disposition des sommes inscrites au profit du titulaire du compte et doit donner lieu au versement des cotisations sociales ;
Considérant qu'enfin l'annulation ultérieure de l'allocation litigieuse ne fait pas non plus disparaître l'obligation de la société de cotiser dès lors que la somme était effectivement mis à disposition de M. [V] à l'époque du contrôle ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il valide ce chef de redressement ;
Sur l'assujettissement à la CSG/CRDS des sommes destinées aux salariés au titre de l'intéressement :
Considérant qu'en application de l'article L 136-2-II du code de la sécurité sociale, les sommes allouées aux salariés au titre de l'intéressement sont incluses dans l'assiette des contributions précitées ; que cet assujettissement intervient à partir du moment où l'employeur a réparti le produit de l'intéressement entre les salariés ;
Considérant qu'en l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont relevé que la société APTE avait mis en oeuvre l'accord d'intéressement pour les années 2004, 2005 et 2006 sans verser la CSG/CRDS correspondante ;
Considérant que pour contester l'assujettissement litigieux, la société APTE fait observer que le versement des sommes en cause n'était pas intervenu au moment du contrôle ;
Considérant toutefois que les agents du recouvrement ont constaté que l'intéressement avait été calculé et réparti le 28 février 2006 pour l'intéressement 2005 et le 1er mars 2007 pour l'intéressement 2006 et que les sommes correspondantes figuraient déjà dans la comptabilité de l'entreprise au titre des primes d'intéressement, peu important leur inscription sur un compte de tiers dans l'attente de leur transfert à l'organisme collecteur chargé de la gestion de l'intéressement des salariés ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il valide ce chef de redressement ;
Sur l'intéressement versé aux mandataires sociaux :
Considérant que sur ce point, l'URSSAF a constaté qu'un intéressement était attribué à M. [V] alors qu'aucun avenant à l'accord d'intéressement n'avait été établi dans les conditions prévues par la loi du 26 juillet 2005 ;
Considérant que cette loi n'autorise les mandataires sociaux à percevoir un intéressement qu'à la condition que l'accord de l'intéressement le prévoit expressément et que l'avenant intervenu en ce sens ait été conclu au plus tard le 30 septembre 2005 et déposé à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle dans les 15 jours suivants ;
Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'avenant invoqué par la société APTE n'est pas intervenu dans les conditions de forme et de délai prévues par la loi ;
Considérant qu'enfin, le fait que les sommes inscrites dans la comptabilité de l'entreprise n'aient pas été directement versées à l'intéressé ne fait pas disparaître l'obligation de cotiser résultant de la répartition ;
Considérant qu'il y a donc leu de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, sauf à modifier le montant des sommes dues à l'URSSAF qui s'élève aujourd'hui à 14 245 € soit 10 891€ au titre des cotisations afférentes à la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 et 3 354€ au titre des majorations de retard ;
Considérant que la société APTE qui succombe en son appel, sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; qu'elle ne donne pas lieu à dépens ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare la société APTE recevable mais mal fondée en son appel ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à modifier le montant des sommes dues à l'URSSAF ;
Statuant à nouveau sur ce point :
Condamne la société APTE à verser à l'URSSAF d'Ile de France la somme de 14 245 €, représentant 10 891 € de cotisations et 3 534 € de majorations de retard, pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ;
Déboute la société APTE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ;
Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L 241-3 et la condamne au paiement de ce droit s'élevant à la somme de 317 €.
Le Greffier, Le Président,