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12/02/2015 | FRANCE | N°13/11169

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 12 février 2015, 13/11169


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 12 FEVRIER 2015



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/11169



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2013 - Tribunal de Commerce de PARIS - 13ème chambre - RG n° 20110065238





APPELANTE



Société GIE VITALIA

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

Grou

pement d'intérêt économique pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualtié audit siège



Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avoc...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 12 FEVRIER 2015

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/11169

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2013 - Tribunal de Commerce de PARIS - 13ème chambre - RG n° 20110065238

APPELANTE

Société GIE VITALIA

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

Groupement d'intérêt économique pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualtié audit siège

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée de Me Delphine JAAFAR, avocat au barreau de PARIS, toque : R014

INTIMEE

Société civile TGH - TOGETHER

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assitée de Me Guillaume D'AVIAU DE TERNAY, avocat au barreau de PARIS, toque : P280

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Novembre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président, et Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président

Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président, aux lieu et place de Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, empêchée, et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Faits et Procédure

Le groupement d'intérêt économique GIE Vitalia réunit les 48 établissements de santé du groupe d'hospitalisation privée Vitalia.

Le 28 juin 2007, M. [V] et des membres de sa famille, propriétaires de la polyclinique [1] à [Localité 6] à travers la société S2FA, ont cédé tout le capital de cette dernière société à la société Vitalia Santé 11, filiale de la société Groupe Vitalia.

Cette cession était intervenue en exécution d'une « promesse synallagmatique de cession d'actions » signée le 12 avril 2007, qui prévoyait, notamment, la conclusion d'un contrat de prestation de services, d'une durée de trois ans, par lequel M. [V] s'engageait à « accompagner » l'acquéreur. Ce contrat a été signé le 28 juin 2007, le même jour que le contrat de cession des actions, entre le GIE Vitalia et la société Antares Consulting créée pour l'occasion par M. [V], et aux droits de laquelle vient la société TGH-Together (ci-après la société TGH) ; il a été renouvelé le 29 juin 2010 pour une durée de trois ans. Aux termes de ce contrat, la société TGH a été chargée de contrôler et d'animer les établissements de santé de la région de [Localité 6] et de participer à des missions transversales au niveau national.

En janvier 2011, le GIE Vitalia a fait connaître à la société TGH qu'il engageait une réforme de son organisation territoriale et que dans ce cadre les directions régionales, dont celle de [Localité 6], seraient supprimées pour être remplacées par deux pôles Est et Ouest et lui a proposé de modifier en conséquence les missions confiées à son consultant en envisageant qu'elles évoluent vers un poste de conseiller du président basé à [Localité 8].

La société TGH refusa cette proposition en faisant valoir que le contrat conclu lui avait confié une mission à caractère essentiellement régional ; par courrier du 3 février 2011, elle fit savoir au GIE Vitalia qu'elle prenait acte de sa décision de mettre fin au contrat qui les liait. Des échanges de courriers s'ensuivirent, par lesquels le GIE Vitalia contesta vouloir mettre fin au contrat et précisa le contenu des nouvelles fonctions qu'il proposait à la société, sans toutefois que les parties ne parviennent à un accord. Par courrier du 31 mars 2011, la société TGH rappela au GIE Vitalia qu'il avait, selon elle, rompu unilatéralement le contrat et lui réclama, notamment, le paiement de la totalité de la rémunération prévue jusqu'au terme convenu du contrat, soit la somme de 483 333,33 euros. Le GIE Vitalia ayant rejeté cette demande, la société TGH l'a assigné le 13 septembre 2011 devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement rendu le 8 avril 2013, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :

- pris acte du remboursement de la société Vitalia de la facture de 62.078,32 € TTC ;

- condamné le GIE Vitalia à payer à la société TGH la somme de 483 333,33 € correspondant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture anticipée du contrat ; - condamné le GIE Vitalia à payer à la société TGH la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté par la société Vitalia le 4 juin 2013 contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Vitalia le 29 octobre 2014, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

A titre principal,

- dire et juger que le refus de la société TGH de faire droit aux demandes de missions contractuelles proposées en application du contrat de consultant par la société Vitalia au cours des mois de janvier et de février 2011 revêt un caractère fautif ;

- dire et juger que le refus de la société TGH de discuter de toutes modalités d'évolution des missions initialement confiées en application du contrat de consultant revêt un caractère fautif ;

- dire et juger que la cause des prestations initialement confiées à la société TGH a disparu, et le contrat de consultant, aux dires mêmes de la société TGH, est devenu caduc ;

- dire et juger que la société TGH est à l'origine de la résiliation du contrat de consultant, et que cette résiliation doit être prononcée à ses torts exclusifs ;

- dire et juger que des demandes indemnitaires présentées dans le cadre de la première instance par la société TGH sont infondées en fait et en droit ;

En conséquence :

- infirmer le jugement entrepris du tribunal de commerce de Paris rendu le 8 avril 2013 en ce qu'il a :

' jugé que c'est le GIE Vitalia qui est à l'origine du litige et que l'interruption anticipée du contrat de TGH lui est imputable ;

' condamné le GIE Vitalia à payer à la société civile TGH la somme de 483 333,33 € correspondant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture anticipée du contrat ;

' condamné le GIE Vitalia à payer à la société civile TGH la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté pour le surplus ;

' ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le TGH de ses demandes plus amples ou contraires à savoir :

' débouté TGH de sa demande de rémunération au titre de l'augmentation du périmètre de sa mission ;

' débouté TGH de sa demande de 10 000 € au titre de l'indemnité compensatrice de l'absence de rémunération de sa présence aux comités stratégiques du GIE Vitalia ;

' débouté TGH de sa demande au titre du préjudice moral ;

Statuant à nouveau

- dire et juger que l'interruption anticipée du contrat de consultant est imputable à la société TGH et qu'elle doit en assumer toutes les conséquences ;

- débouter purement et simplement la société TGH de l'intégralité de ses demandes dirigées contre le GIE Vitalia ;

En tout état de cause

- condamner la société TGH au paiement de la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 de code de procédure civile.

En premier lieu, le GIE Vitalia soutient que si les missions confiées ont en fait consisté, dans un premier temps, dans le pilotage et le contrôle d'établissements de santé de la région de [Localité 6], le contrat de prestation de services ne prévoyait aucune limite territoriale à l'exercice de ces missions et elle s'appuie sur les termes de l'article 2 du contrat et sur le fait que M. [V] était membre du comité stratégique Vitalia et qu'il avait donc une mission plus globale et dépassant le cadre régional. Il fait valoir, en conséquence, qu'initialement cantonnée au cadre territorial de la [Localité 6], la mission confiée à M. [V], au-delà du pilotage d'établissements, touchait au domaine de la stratégie du Groupe Vitalia et avait vocation à évoluer en fonction des besoins de celui-ci.

Il relève qu'en toute hypothèse, la société TGH a accepté que l'objet de la mission soit étendu au-delà de ses limites territoriales d'origine, puisqu'elle a été amenée à prendre en charge les établissements de [Localité 7], de [Localité 3], de [Localité 9] et de [Localité 4].

Le GIE Vitalia soutient, par ailleurs, que la société TGH devait constater que la nouvelle organisation territoriale adoptée rendait sans objet les prestations qu'elle fournissait jusqu'alors et qu'elle avait donc l'obligation d'accepter les nouvelles missions proposées. Il ajoute que le lieu d'exécution de ces prestations n'était pas un élément essentiel du contrat de sorte que les nouvelles missions qui lui ont été proposées constituaient non pas une modification du contrat, mais un simple changement des conditions de son exécution.

En deuxième lieu, le GIE Vitalia considère comme fautif le refus de la société TGH de discuter du nouveau cadre des missions proposées. Il fait valoir que la société TGH avait une obligation de loyauté dans l'exécution contractuelle et qu'elle devait, à ce titre, engager une discussion sur la redéfinition des modalités d'exécution des prestations et il souligne que d'ailleurs le contrat lui-même prévoyait une obligation de renégociation, à l'instar des clauses de « hardship » ou de « dureté » en application desquelles les parties réaménagent le contrat si un changement vient en modifier l'équilibre au point de faire subir à l'une d'entre elles une rigueur injuste.

En troisième lieu, il soutient qu'il ne peut, dès lors, être considéré comme étant à l'origine de la rupture du contrat, laquelle n'est, selon lui, imputable qu'à la société TGH.

En ce qui concerne les demandes indemnitaires de la société TGH, le GIE Vitalia considère que le tribunal a, à tort, fixé au 1er février 2011 la fin du contrat, alors qu'il a tenté d'ouvrir une discussion avec la société TGH après cette date. Il soutient, par ailleurs, que l'indemnité réclamée par la société TG ne correspond pas à un préjudice certain et direct. Enfin, il conteste les demandes d'indemnisation complémentaires présentées par la société TGH, tant en ce qui concerne l'extension de ses missions que la participation de son consultant aux comités stratégiques.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société TGH le 27 octobre 2014, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- dire et juger recevable et bien fondée la société TGH en l'ensemble ses demandes ;

Y faisant droit :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris rendu le 8 avril 2013 en ce qu'il a :

' jugé que c'est le GIE Vitalia qui est à l'origine du litige et que l'interruption anticipée du contrat de la société TGH lui est imputable ;

' condamné le GIE Vitalia à payer à la société TGH la somme de 483 333,33 € correspondant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture anticipée du contrat ;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris rendu le 8 avril 2013 en ce qu'il a :

' débouté la société TGH de sa demande de rémunération au titre de l'augmentation du périmètre de sa mission ;

' débouté la société TGH de sa demande de 10 000 € au titre de l'indemnité compensatrice de l'absence de rémunération de sa présence aux comités stratégiques du GIE Vitalia ;

' débouté la société TGH de sa demande au titre du préjudice moral ;

- condamner le GIE Vitalia au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société TGH fait valoir que ce contrat lui confiait une mission à caractère régional, comme en attestent les termes de ses articles 2.1 et 5, qui visent explicitement « la région de [Localité 6] » ; elle précise que si ce contrat permettait de lui confier d'autres missions, celles-ci n'avaient qu'un caractère accessoire par rapport à la mission principale. Elle ajoute qu'au demeurant, pendant toute la durée du contrat, sa mission a effectivement consisté à piloter les établissements de la région de [Localité 6].

Elle soutient que le GIE Vitalia, en supprimant ses ressorts régionaux, et notamment celui de [Localité 6], a modifié unilatéralement le contrat et se trouve, par conséquent, à l'origine de sa rupture. La société TGH observe que le GIE Vitalia n'apporte aucun élément qui, telle la force majeure, pourrait l'exonérer de la responsabilité découlant de cette rupture.

La société TGH demande donc à être indemnisée du préjudice résultant pour elle de cette rupture et qui consiste dans la privation des revenus qu'aurait du lui procurer la poursuite du contrat jusqu'à son terme, soit pendant 29 mois. Elle sollicite, par ailleurs, une indemnisation complémentaire, dans la mesure où le périmètre de sa mission a été augmenté ; c'est ainsi qu'elle souligne qu'alors que sa mission ne portait en 2007 que sur la seule clinique de [Localité 6], le pilotage d'autres cliniques lui a ensuite été confié sans que sa rémunération soit augmentée. Enfin, elle soutient que sa participation à des comités stratégiques n'a pas été rémunérée, comme le prévoyait le contrat, et qu'elle a subi un préjudice moral qu'elle évalue à 50 000 euros.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la modification du contrat

Considérant que le contrat de consultant conclu le 28 juin 2007 pour une durée de trois ans (pièce n° 3 produite par l'intimé) et renouvelé le 29 juin 2010 pour la même durée (pièce n° 6 produite par l'intimé) définissait ainsi les missions confiées par le GIE Vitalia, dénommé « la Société », à la société Antares Consulting, dénommée « le Consultant », aux droits de laquelle vient la société TGH Together :

« Art. 2 Mission

2.1 La Société engage le Consultant et le Consultant accepte de fournir les services de chargé de mission à la Société selon les conditions générales de ce Contrat. A ce titre, le Consultant devra, notamment et sans que cette liste ne soit limitative, pour la région de [Localité 6] dont il a la charge :

- procéder à un contrôle des établissements ;

- prendre en charge l'animation des équipes médicales ;

- intervenir dans le cadre de développements et acquisitions envisagés par Vitalia ;

- faciliter des partenariats avec d'autres structures publiques et/ou privées ; et

- faciliter les relations avec les autorités de tutelle...

2.2 Le Consultant pourra également participer au développement de nouveaux produits et/ou à l'acquisition de nouveaux établissements dans d'autres domaines et secteurs d'activités.

2.3 Le Consultant, membre du Comité stratégique Vitalia, participera à des Missions transversales régulières au sein du Groupe Vitalia au niveau national, étant précisé que chaque journée de participation au Comité stratégique donnera lieu au paiement d'un honoraire de 1 000 euros HT au bénéfice du Consultant, hors frais de déplacement pris en charge par la Société.

Ces Missions seront accomplies dans deux domaines principaux :

- Le marketing et le développement des activités médicales et des activités de soins.

- La réalisation d'audits internes d'établissements Vitalia (organisation de la production de soins, gestion des charges, achats, services...) pour le compte de la Direction Générale  »

Considérant qu'il résulte de la lettre même de ces stipulations que le contrat avait pour objet l'exercice par la société TGH, d'une part, d'une mission territorialement limitée à la région de [Localité 6] (art. 2.1) et, d'autre part, de missions transversales au niveau national (art. 2.3) ; que ce contrat prévoyait que la société TGH pourrait en outre participer au développement de nouveaux produits ou à l'acquisition de nouveaux établissements (art. 2.2) ;

Considérant, s'agissant de la mission s'exerçant dans la région de [Localité 6], que les prestations qui la composaient étaient expressément énumérées, les parties ayant précisé que cette énumération n'était pas « limitative » ;  que les parties avaient expressément lié l'entière rémunération de la société TGH à l'exercice de cette mission, comme en attestent les termes de l'article 5.1 du contrat ainsi rédigé : « En contrepartie de ses services, la Société paiera au Consultant des honoraires de 200 000 euros HT par an, payables trimestriellement, tel que convenu entre les parties pour le périmètre actuel des établissements de la région de [Localité 6] » ; que pour l'exercice de cette mission, le GIE Vitalia avait mis à la disposition de la société TGH les moyens matériels et humains nécessaires, consistant en particulier dans des locaux et une équipe de trois personnes ; qu'au titre de cette mission, M. [V], gérant et associé majoritaire de la société TGH, exerçait des mandats sociaux dans les établissements de santé que celle-ci pilotait ; qu'il détenait ainsi les mandats de président, de directeur général ou de gérant de neuf établissements et de deux sociétés civiles immobilières situés dans les départements de l'Allier, du Cher, de la Nièvre et de la Creuse ;

Considérant qu'au début de l'année 2011 le GIE Vitalia, ayant modifié son organisation territoriale, a supprimé ses directions régionales ; que la mise en place de cette nouvelle organisation a entraîné le démantèlement de l'équipe basée à [Localité 6] et mise à la disposition de la société TGH ; qu'elle a conduit à mettre fin à la mission de pilotage des établissements de santé contractuellement dévolue à la société TGH ; que le GIE Vitalia a proposé à celle-ci de lui confier une nouvelle mission, dont le contenu précis restait à définir et qui pourrait évoluer vers un poste de conseiller du président ; que cette substitution d'une nouvelle mission à celle définie par les stipulations ci-dessus rappelées a donc constitué une modification du contrat qui liait les parties ;

Considérant que les conditions dans lesquelles ce contrat pouvait être modifié étaient régies par les stipulations de son article 13 ainsi rédigé :

« Art. 13 Modifications

Aucune des parties ne sera liée par une quelconque modification, ajout, renonciation, amendement de ce Contrat ou résiliation de celui-ci, à moins qu'il ne soit convenu par écrit et signé par un représentant dûment habilité de chaque Partie  » ;

Qu'ainsi, la modification du contrat supposait un accord des parties, consacré par une convention écrite et signée par celles-ci ; que la société TGH n'ayant pas donné son accord, le GIE Vitalia a fautivement mis fin à la mission qui lui avait été contractuellement confiée ;

Considérant que le GIE Vitalia fait cependant valoir que la mission contractuellement définie n'était pas limitée à un cadre régional, puisque la société TGH exerçait des missions transversales plus vastes, et que cette mission avait vocation à évoluer en fonctions de ses besoins ;

Mais considérant que s'il est avéré que les missions de la société TGH n'étaient pas limitées au cadre territorial de la région de [Localité 6], puisque l'article 2.3 du contrat ci-dessus rappelé lui confiait des « Missions transversales régulières au sein du Groupe Vitalia au niveau national », ces missions n'étaient pas alternatives aux missions de pilotage des établissements de santé, mais elles s'y ajoutaient ; qu'en revanche, le contrat avait pour objet explicite et direct de confier à la société TGH le pilotage d'établissements de santé de la région de [Localité 6], puis de régions limitrophes, cette mission n'ayant pas le caractère « indicatif ou supplétif » que lui prête le GIE Vitalia ;

Considérant, par ailleurs, que le GIE Vitalia soutient que la modification de l'organisation territoriale conduisant à la fin des fonctions confiées à la société TGH dans la région de [Localité 6] ne lui est pas imputable, mais qu'elle a été prise par la société Vitalia Présidence, placée à la tête du groupe Vitalia ;

Mais considérant que si tel était le cas, il n'en resterait pas moins que le GIE Vitalia a souscrit à l'égard de la société TGH des engagements qu'il lui incombait d'assumer ;

Considérant que le GIE Vitalia rappelle que la société TGH avait accepté en 2008 que le ressort territorial de son activité soit étendu, au-delà de la région de [Localité 6], à des établissements situés dans la région de [Localité 7], de [Localité 3], de [Localité 9] et de [Localité 5] ; qu'il en conclut que la société TGH avait, ce faisant, donné son consentement, à une extension de sa mission en fonction de ses besoins ;

Mais considérant que si les parties ont convenu, en cours d'exécution du contrat, que la société TGH piloterait d'autres établissements que ceux initialement visés, on ne saurait en déduire qu'elle aurait, par avance, renoncé à l'exercice de la mission qui lui avait été confiée, cette renonciation ne pouvant résulter, selon les stipulations ci-dessus rappelées, que d'une convention écrite et signée ;

Considérant que le GIE Vitalia soutient que la société TGH a commis une faute en refusant de discuter du nouveau cadre de ses missions ; qu'elle souligne que ce refus est contraire tant à l'obligation générale de loyauté dans l'exécution des contrats qu'aux stipulations de l'article 13 du contrat, lesquelles prévoyaient que si l'une de ses clauses s'avérait « invalide ou inapplicable », elle serait considérée comme « exclue » et les parties feraient de leur mieux pour la remplacer par une « disposition valide dont l'effet sera aussi proche que possible de l'effet conféré à la disposition exclue » ;

Mais considérant que l'obligation de loyauté, pas plus que ces stipulations contractuelles, ne sauraient être interprétées comme obligeant l'une des parties à accepter une modification du contrat, celle-ci ne pouvant procéder que d'un accord des parties ; qu'il résulte des échanges de courriers versés au dossier que la suppression des directions régionales a été annoncée à la société TGH le 14 janvier 2011 (pièce n° 9 produite par l'appelant) et que des discussions se sont alors engagées, sans cependant que leur teneur ressorte de ces courriers ; que dans un courrier du 3 février 2011, le représentant de la société TGH indique que « s'agissant du devenir de mes propres fonctions, qui étaient jusqu'alors régionales, vous m'avez indiqué, sans plus de précisions, qu'elles seraient appelées à évoluer vers une mission très différente de conseiller du Président, avec une implantation sur [Localité 8] dans un bureau ouvert sur les Champs Elysées. J'avoue ne pas avoir bien compris, alors, en quoi consisterait cette mission, et j'ai ressenti cette proposition de nouvelle affectation comme une mise à l'écart polie. Ce ressentiment s'est vu confirmé, notamment lorsque vous m'avez demandé de rédiger le projet du nouveau contrat destiné à régir nos futures relations, comme si je devais découvrir par moi-même mon inutilité au sein du groupe Vitalia (...) » (pièce n° 9 produite par l'appelant) ; que par un autre courrier du 16 février suivant, la société TGH s'est exprimée dans les termes suivants : « (') vous avez ré-insisté (') pour que j'exerce une nouvelle mission de 'Conseiller du Président', qui restait cependant à définir. Par le présent courrier, je souhaite vous rappeler, en tant que de besoin, que je ne souhaite pas exercer, en remplacement de ma précédente mission, une mission toute autre de 'Conseiller du Président' (...) » (pièce n° 10 produite par l'appelant) ; que par courrier électronique du 17 février, le GIE Vitalia s'est adressé à la société TGH en récusant toute volonté de sa part de résilier le contrat qui les liait et en précisant les missions qui lui seraient dévolues autour des compétences suivantes : optimisation des filières des soins, pilotage d'un groupe de travail sur l'optimisation des subventions, réflexion sur les possibilités de prise en charge dans les établissements Vitalia de patients étrangers, pilotage de plusieurs 'projets groupe' (pièce n° 1 produite par l'appelant) ;

Considérant ainsi, d'une part, que si la société TGH a fait connaître qu'elle n'entendait pas renoncer à la mission que lui avait confiée le contrat, il ne résulte pas de ces échanges de courriers qu'elle aurait manqué à son obligation de loyauté, alors que ces nouvelles fonctions n'ont été définies que dans le cours des discussions déjà engagées ; que, d'autre part, si on devait considérer que l'article 13 ci-dessus rappelé devait trouver à s'appliquer, la proposition du GIE Vitalia consistant à confier à la société TGH des fonctions de 'Conseiller du Président' ne constitue pas à l'évidence, au sens de cet article, une « disposition valide dont l'effet sera aussi proche que possible de l'effet conféré à la disposition exclue », les fonctions de 'Conseiller du Président' étant d'une nature différente, et donc d'un « effet » éloigné, de celles consistant dans le pilotage d'établissements de santé tel que prévu au contrat ;

Considérant, enfin, que le GIE Vitalia fait valoir que la suppression de son organisation régionale a fait disparaître la cause des prestations initialement confiées à la société TGH et que le contrat est, dès lors, devenu caduc ;

Mais considérant que la demande présentée devant la Cour par la société TGH n'a pas pour objet l'exécution d'une obligation qui serait devenue sans cause, mais la réparation du préjudice né de la cessation anticipée du contrat à l'initiative d'une des parties ;

Considérant, dès lors, qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le GE Vitalia avait fautivement rompu le contrat le liant à la société TGH et qu'il devait réparer le préjudice en résultant ;

Sur le montant de l'indemnisation due à la société TGH

Considérant que la société TGH expose qu'en mettant fin de façon anticipée au contrat, le GIE Vitalia lui a causé un préjudice consistant dans la perte des revenus que lui aurait procurés sa poursuite jusqu'au terme convenu, soit jusqu'au 29 juin 2013 ;

Considérant que le GIE Vitalia s'y oppose en faisant valoir que le prix rémunérant la contrepartie de prestations, même forfaitairement convenu, n'est dû qu'en cas d'exécution de la convention ;

Mais considérant que la demande de la société TGH a pour objet non l'exécution de la convention, mais l'allocation de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice qu'elle a subi ; que ce préjudice est né de la fin anticipée du contrat et consiste dans la perte des revenus que lui aurait procurés la poursuite du contrat jusqu'à son terme ; que contrairement à ce qu'allègue le GIE Vitalia, ce préjudice n'est nullement « prévisionnel », ni « hypothétique », mais qu'il est certain et direct puisque la rémunération prévue au contrat, dont il s'agit de réparer la perte, avait un caractère forfaitaire ;

Considérant, par ailleurs, que le GIE Vitalia soutient que les dommages et intérêts fixés forfaitairement doivent être réduits par le juge lorsqu'ils sont d'un montant manifestement excessif par rapport au préjudice réellement subi ;

Mais considérant qu'en l'espèce les dommages et intérêts n'ont pas été fixés forfaitairement par les parties, mais qu'ils sont évalués en proportion du préjudice subi, compte tenu de la rémunération qui était convenue par les parties ;

Considérant que le GIE Vitalia soutient, par ailleurs, que l'octroi de dommages et intérêts à la société TGH suppose de considérer que les honoraires prévus au contrat constituaient un supplément du prix de cession, par M. [V], de sa clinique de [Localité 6] ;

Mais considérant que tel n'est nullement le cas, puisque les dommages et intérêts dont la société TGH demande l'allocation ont pour objet de réparer le préjudice né de la fin anticipée du contrat et de la perte de revenus en découlant ;

Considérant en ce qui concerne le montant de l'indemnité due à la société TGH, que conclu le 28 juin 2007 pour une durée de trois ans, le contrat de consultant a été renouvelé le 29 juin 2010 pour la même durée, soit jusqu'au 29 juin 2013 ; que le tribunal a justement fixé au 1er février 2011 la date à laquelle il a été mis fin au contrat par le GIE Vitalia (courrier TGH du 3 février 2011 ' pièce n° 9 produite par l'appelant) ; que, dès lors, la perte subie par la société TGH s'élève à la somme de 483 333,33 euros, correspond à l'application de la rémunération annuelle de 200 000 euros à la durée contractuelle de 29 mois qui restait à courir ; que le jugement sera donc confirmé ;

Sur la demande d'indemnisation de la société TGH au titre de l'augmentation du périmètre de sa mission

Considérant que la société TGH fait valoir que selon le contrat conclu en 2007, sa mission de contrôle et de pilotage portait sur clinique de [Localité 6], mais qu'elle a été étendue en 2008 à des cliniques de [Localité 7], de [Localité 3] et de [Localité 9] ; qu'elle expose que, bien que cette extension ait entrainé une augmentation de 200 % du chiffre d'affaires généré par les établissements dont elle avait la responsabilité, sa rémunération n'a pas été augmentée, comme elle l'aurait dû l'être par application du contrat ; qu'elle demande, en conséquence, à être indemnisée de la perte de la rémunération complémentaire à laquelle elle estime avoir droit, par l'allocation d'une somme de 200 000 euros représentant la moitié de la rémunération perçue pour les années 2008 et 2009 ;

Considérant que l'article 5 du contrat, sur lequel la société TGH appuie sa demande, est ainsi rédigé :

« Art. 5 Honoraires et dépenses

5.1 En contrepartie de ses Services, la Société paiera au Consultant des honoraires de 200 000 euros HT par an, payables trimestriellement, tel que convenu par écrit entre les parties pour le périmètre actuel des établissements de la région de [Localité 6].

Ces honoraires seront augmentés en fonction de l'évolution du chiffre d'affaires et de la rentabilité réalisés par les établissements pilotés par les soins du Consultant(') ».

Considérant que par ces stipulations, les parties ont directement convenu du montant de la rémunération due à la société TGH, en la fixant à 200 000 euros par an ; qu'en revanche, si elles ont prévu que cette rémunération serait augmentée en fonction de l'évolution du chiffre d'affaires et de la rentabilité des établissements pilotés par la société TGH, elles n'ont déterminé ni le montant de cette augmentation, ni ses modalités de calcul, renvoyant ainsi l'application de ce principe à une modification du contrat ;

Considérant que la modification du contrat relève des stipulations de l'article 13 du contrat ainsi rédigées :

« Art. 13 Modifications

Aucune des parties ne sera liée par une quelconque modification, ajout, renonciation, amendement de ce Contrat ou résiliation de celui-ci, à moins qu'il ne soit convenu par écrit et signé par un représentant dûment habilité de chaque Partie » ;

Considérant qu'il résulte de cet article que le contrat ne peut être modifié que par la voie d'une convention écrite et signée par les parties ; que le contrat n'ayant pas été modifié dans ces conditions, force est de constater que les parties n'ont pas entendu que l'extension géographique de la mission de la société TGH donne lieu à une augmentation de sa rémunération ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a débouté la société TGH de sa demande ;

Sur la demande d'indemnisation de la société TGH au titre de sa participation aux comités stratégiques du GIE Vitalia

Considérant que l'article 2.3 du contrat de consultant prévoyait, notamment, que le consultant de la société TGH serait membre du « Comité stratégique Vitalia » et que « chaque journée de participation au Comité stratégique donnera lieu au paiement d'un honoraire de 1 000 euros HT au bénéfice du Consultant, hors frais de déplacement pris en charge par la Société » ; que la société TGH soutient que son consultant a participé à dix Comités stratégiques ' les 14 décembre 2007, 18 juin, 20 octobre et 17 décembre 2008, 7 septembre 2009, 8 février, 19 mars, 8 juin et 14 décembre 2010 -, mais que la rémunération prévue n'a jamais été versée ; qu'elle demande en conséquence, sur la base d'un honoraire de 1 000 euros par comité, le paiement de la somme de 10 000 euros ;

Mais considérant que les documents produits à l'appui de cette demande par la société TGH n'en démontrent pas le bien fondé (pièce n° 23) ; qu'il ressort en effet de ces documents que les réunions en cause constituaient soit des comités d'investissement, soit des réunions à objet particulier ; que la société TGH ne fournit aucun élément qui établirait la participation de son représentant à des comités stratégiques dans les conditions prévues par l'article 2.3 ci-dessus rappelé ; qu'il y a donc lieu, confirmant le jugement déféré, de la débouter de sa demande de ce chef ;

Sur la demande d'indemnisation de la société TGH au titre de son préjudice moral

Considérant que la société TGH soutient que la brutalité de rupture du contrat constitue une atteinte à son honorabilité et à celle de son dirigeant et a jeté le discrédit sur leur réputation auprès des acteurs du monde de la santé ; qu'en réparation du préjudice moral qui en résulte, elle demande l'allocation de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Mais considérant que la société ne démontre pas la réalité du préjudice qu'elle allègue ; qu'en particulier, elle ne démontre pas que, par les circonstances dans lesquelles elle a été prise, pas plus que par la publicité qui lui aurait été donnée, la décision du GIE Vitalia aurait porté atteinte à son crédit et à sa réputation ;

Sur les frais irrépétibles

Considérant qu'au regard de l'ensemble de ce qui précède, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société TGH la totalité des frais irrépétibles engagés pour faire valoir ses droits et le GIE Vitalia sera condamné à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

CONDAMNE le GIE Vitalia à payer à la société TGH-Together la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes les demandes autres, plus amples ou contraires des parties ;

CONDAMNE le GIE Vitalia paiement des dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président,

pour La Présidente de chambre empêchée

B. REITZERP. BIROLLEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/11169
Date de la décision : 12/02/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°13/11169 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-12;13.11169 ?
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