La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2015 | FRANCE | N°12/10270

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 12 février 2015, 12/10270


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 12 Février 2015

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/10270



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL Section Encadrement RG n° 11/01587





APPELANTE

Madame [O] [N] épouse [M]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

ass

istée de Me Luc KIRKYACHARIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEE

SA HEYRAUD

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me André FOLLEN, avocat au barreau d'ANGERS







...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 12 Février 2015

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/10270

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL Section Encadrement RG n° 11/01587

APPELANTE

Madame [O] [N] épouse [M]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

assistée de Me Luc KIRKYACHARIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE

SA HEYRAUD

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me André FOLLEN, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Patrice LABEY, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice LABEY, Président

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller

Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [O] [M] née [N] a été engagée par la SA HEYRAUD le 24 juillet 1990 en qualité de vendeuse.

Elle est devenue gérante salariée de magasin le 1er septembre 1999 et a été promue cadre, position 1 échelon A, à compter du 1er janvier 2001 en cette qualité.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, Mme [M] était gérante salariée du magasin de chaussures situé au Centre Commercial de [1] depuis le 1er avril 2010, classée cadre B, position 2.

La convention collective nationale des entreprises à succursales du commerce de détail de la chaussure s'applique.

Mme [M] a été convoquée le 28 février 2011 à un entretien préalable à licenciement, avec mise à pied conservatoire, et, après entretien le 14 mars 2011, s'est vue notifier son licenciement pour faute grave le 24 mars 2011.

Contestant son licenciement Mme [M] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Créteil le 3 juin 2011 et, dans le dernier état de la procédure, a présenté les chefs de mande suivants contre la société Heyraud.

Dire don licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamner de ce fait la société Heyraud à lui verser les sommes suivantes :

- 22.616,18 € au titre d'indemnité de licenciement conventionnelle ;

- 12.110,43 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1.211,04 € à titre de congés payés sur indemnité de préavis ;

- 113.030,68 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 3.364,00 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied ;

- 336,40 € à titre de congés payés sur rappel de salaire ;

- 7.052,50 € à titre de rappel de salaire au titre de la classification professionnelle ;

- 705,25 € à titre de congés payés sur rappel de salaire au titre de la classification professionnelle;

- 3.424,28 € à titre de rappel de salaire sur prime d'ancienneté ;

- 342,42 € à titre de congés payés sur rappel de salaire sur prime d'ancienneté ;

- 53.080,05 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires ;

- 5.308,05 € à titre de congés payés sur rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

- 25.000 € à titre de repos compensateur ;

- 24.220,86 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- 30.000 € au titre du préjudice moral ;

- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tout avec exécution provisoire du jugement.

La Cour est saisie d'un appel régulier de Mme [M] du jugement du conseil de prud'hommes de Créteil de 18 septembre 2012 qui a :

' Dit que la faute grave de Mme [M] n'a pas été démontrée.

' Requalifié la rupture en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

' Fixé le salaire moyen mensuel de Mme [M] à 3.176,11 €.

' Condamné la société Heyraud à verser à Mme [M] les sommes suivantes :

- 2.646,76 € à titre de rappel de salaire correspondant à la période de la mise à pied à titre conservatoire ;

- 264,67 € à titre de congés payés sur mise à pied à titre conservatoire ;

- 9.528,33 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 952.83 € à titre de congés payés sur indemnité de préavis ;

- 17.794,14 € à titre d'indemnité de licenciement.

- 1.000 € au titre de l'Article 700 du code de procédure civile.

' Débouté Mme [M] du surplus de ses demandes.

' Débouté la société Heyraud de sa demande de 2000 € formulée sur le fondement de l'Article 700 du code de procédure civile.

' Condamné la dite société aux dépens.

Vu les écritures visées par le greffe le 7 janvier 2015, développées à l'audience par Mme [M] au soutien de ses observations, par lesquelles elle demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la SA HEYRAUD au paiement des sommes suivantes, nettes de CSG

et CRDS en matière indemnitaire :

- 113 030,68 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

- 50.080,05 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires.

- 5.008 € d'indemnité de congés payés sur ce rappel.

- 25.000 € au titre du repos compensateur.

- 24 220.86€ au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.

Confirmer la décision entreprise sur les indemnités de rupture qui ont été chiffrées exactement aux sommes de :

- 2.646,76 €, à titre de rappel de salaire correspondant à la période de la mise à pied à titre conservatoire et 264,67 € à titre de congés payés sur mise à pied à titre conservatoire,

- 9.528,33 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 952,83 € à titre de congés payés sur indemnité de préavis,

- 17.794,14 € à titre d'indemnité de licenciement.

Condamner la SA HEYRAUD Chaussures au paiement de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les écritures visées par le greffe le 7 janvier 2015, développées à l'audience par la société Heyraud au soutien de ses observations, par lesquelles elle demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [M] de toutes ses demandes de rappels de salaires et de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Réformant pour le surplus, dire et juger que le licenciement de Mme [M] repose bien sur une faute grave et la débouter de l'intégralité de ses réclamations.

Condamner Mme [M] aux entiers dépens et à payer à la société Heyraud la somme de 2.500 Euros sur le fondement de l'article de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs écritures visées par le greffe le 7 janvier 2015, auxquelles elles se sont référées et qu'elles ont soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le rappel de salaire

Considérant que, dans le corps de ses écritures d'appel ( et non dans le dispositif) Mme [M] prétend à un rappel de salaires de 7.052,50 € et à l'indemnité de congés payés afférents, pour la période de janvier 2010 à février 2011 ; qu'elle se base sur la classification échelon C, position II de la convention collective applicable, pour réclamer la différence entre le minimum conventionnel et le salaire mensuel garanti par la société Heyraud de 1.300 € ;

Qu'en application de la convention collective nationale des entreprises à succursales du commerce de détail de la chaussure, le salaire minimum pour la classification revendiquée par Mme [M] est annuel et se chiffre à 21.753 € pour la période considérée, sans qu'il y ait lieu d'exclure la rémunération variable ;

Que Mme [M] qui a perçu en rémunération fixe et variable, calculée sur le chiffre d'affaires net du magasin selon avenant au contrat à effet au 1er janvier 2010, la somme de 34.846,37 € en 2010, 3.006,75 € en janvier 2011 et 2.946,25 € en février 2011 pour un minimum conventionnel rapporté en mois de 1.821,75 €, a été rémunérée au-delà du minimum conventionnel et n'est donc pas fondée dans sa demande ;

Sur les heures supplémentaires

Considérant que Mme [M] conteste la validité de sa convention de forfait en jours pour soutenir l'application d'un temps de travail de 35 heures hebdomadaires et l'existence d'heures supplémentaires à compter de 36 heures ; que la société Heyraud fait valoir la validité de la convention de forfait jours qui est conforme à l'accord de réduction du temps de travail dans l'entreprise et est en rapport avec la totale autonomie de ce cadre dans l'organisation du magasin et donc dans la fixation de son emploi du temps personnel ;

Que l'avenant au contrat de travail du 1er février 2001 signé par Mme [M] et la société Heyraud prévoit un forfait de 215 jours de travail ; qu'un nouvel avenant s'est appliqué en termes identiques à compter du 1er avril 2010, date de l'affectation de Mme [M] en qualité de gérante au magasin de [Localité 4], sauf à porter le forfait à 216 jours ; que cet avenant stipule que "il vous appartient d'effectuer le planning de travail annuel, mensuel et hebdomadaire de l'ensemble de l'équipe, en accord avec votre directeur de réseau et de déclarer chaque jour travaillé sur les éléments de paie informatique. Le cumul des jours travaillés et des jours de réduction du temps de travail est mentionné sur votre bulletin de paie... Vous reconnaissez que vos horaires de travail ne peuvent être pré-déterminées du fait de la nature de vos fonctions ( de gérant salarié au magasin des [Localité 3]), du niveau de responsabilité qui est le vôtre et du degré d'autonomie dont vous disposez dans l'organisation de votre emploi du temps" et encore qu'elle est "responsable, investie d'un pouvoir de direction et d'organisation de (son) travail ainsi que de celui de son équipe et disposant pour cela de l'autonomie nécessaire" ; que le contrat lui donne autorité sur le personnel du magasin, dont elle assure le recrutement et rationalise le travail, ainsi que la responsabilité de la gestion du budget du magasin et du stock avec le pouvoir d'engager seule les dépenses courantes ;

Qu'en application de l'article L 3121-43 du Code du Travail, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, tant journaliers qu'hebdomadaires, telles que définies par le Code du Travail, dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ;

Que l'article L 3121-46 du Code du Travail dispose qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié ;

Que lorsque les stipulations de l'accord collectif sur l'organisation du temps de travail ne permettent pas d'assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, tant journaliers qu'hebdomadaires ou, lorsque mes stipulations le permettent mais n'ont pas été respectées par l'employeur, la convention de forfait en jours est privée d'effet et le salarié peut prétendre au paiement d' heures supplémentaires, dont les juges doivent vérifier l'existence et le nombre ;

Que l'accord d'entreprise du 31 janvier 2001 appliqué dans la société Heyraud n'assure pas la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, tant journaliers qu'hebdomadaires ; que le fait, que selon la convention individuelle de forfait en jours, "il appartient à Mme [M] d'effectuer le planning de travail annuel, mensuel et hebdomadaire de l'ensemble de l'équipe, en accord avec votre directeur de réseau et de déclarer chaque jour travaillé sur les éléments de paie informatique", ne peut suppléer l'absence de stipulations de l'accord collectif permettant d'assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos ;

Que la convention de forfait en jours de Mme [M] est donc sans effet, étant observé que l'employeur n'a pas respecté par ailleurs les dispositions de l'article L 3121-46 du Code du Travail ;

Que pour autant, Mme [M] ne produit aucun décompte détaillé des heures supplémentaires qu'elle aurait effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires et se contente de présenter un rappel d' heures supplémentaires pour chaque année ; qu'elle ne verse au débat aucune pièce établissant qu'elle se trouvait habituellement présente aux heures d'ouverture du magasin, dont il pourrait se déduire qu'elle travaillait plus de 35 heures par semaine, le courrier collectif de ses subordonnés du 25 janvier 2011 mentionnant, en ce qui concerne Mme [M] " des absences pour des raisons personnelles abandonnant le magasin régulièrement dans la journée (parfois plusieurs heures)" ;

Que dans ces conditions, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [M] de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires, de paiement du repos compensateur et du versement d'une indemnité pour travail dissimulé ;

Sur le licenciement

Considérant que la lettre de licenciement du 24 mars 2011, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable que vous avez eu le lundi 14 mars dernier avec Monsieur [G], Directeur du réseau, lors duquel vous étiez assistée de Madame [Q] [R], salariée de l'entreprise, et vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.

Cette décision est motivée par les faits suivants :

Le 25 janvier dernier, nous avons été alertés par un courrier émanant de l'ensemble de l'équipe du magasin de [Localité 4], de problèmes existants au sein de la boutique dont vous aviez la responsabilité.

L'enquête que nous avons menée a révélé que :

Vous prononciez régulièrement des propos insultants à l'égard de votre personnel en présence de clients, par exemple : « Vous n'êtes que des bras cassés » « il faut réfléchir dans votre petit pois chiche ».

Au sujet de la tenue vestimentaire d'une vendeuse : « Vous vous habillez court, on dirait une pute »

Vous profériez des menaces et opériez du chantage, notamment dans les termes suivants :

« si vous continuez à faire couler le magasin ; je vous muterais dans un autre magasin ; et les personnes en période d'essai, je vous bazarde ».

Vous harceliez le personnel :

Vous avez, en effet, appelé un soir jusqu'à 7 fois vers 23 heures, [P] [Z], vendeuse, pour une boîte vide que vous aviez retrouvée au magasin.

Vous enregistriez sous votre code « vendeur » les ventes réalisées par vos vendeuses dans le seul but de les pénaliser.

En parlant des ventes personnelles en articles complémentaires sur lesquelles sont rémunérées les vendeuses, vous avez déclaré : «Je vais mettre tout le complémentaire sous mon nom, et comme ça vous n'aurez que 1000 € tous les mois"

Il s'avère qu'en analysant les ventes du mois de Janvier, vous avez mis à exécution vos menaces puisque le samedi 15 janvier 2011, par exemple, vous avez réalisé plus de 38 % des ventes, soit plus de 7600 €, alors que les 6 vendeuses présentes cette même journée ont à peine dépassé les 2000 € de chiffres d'affaires chacune.

Vous communiquiez les plannings le vendredi ou le samedi pour la semaine suivante, ce qui perturbait les salariées dans l'organisation de leur vie personnelle.

Enfin, à plusieurs reprises, vous n'avez pas respecté la législation du travail :

- en faisant effectuer au personnel 10 jours de travail consécutifs sans jour de repos,

- en faisant effectuer 12 heures de travail dans la journée, de surcroît avec une seule pause de 1/2 heure,

- en vous permettant des remarques à caractère racial lors d'entretiens de recrutement,

Lors de l'entretien préalable avec Monsieur [G], vous avez reconnu partiellement certains faits.

En tout état de cause, nous ne pouvons pas accepter qu'un cadre de l'entreprise puisse avoir un tel comportement à l'égard de ses subordonnées,

La gravité des faits qui vous sont reprochés ne permet pas votre maintien dans l'entreprise. Aussi, la rupture de votre contrat prendra effet à la date de la présente notification..." ;

Considérant qu'il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;

Qu'aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu'en l'espèce, quand bien même les griefs exposés dans la lettre de licenciement sont contestés par Mme [M], après avoir été partiellement reconnu lors de l'entretien préalable, selon le compte rendu de la représentante du personnel l'ayant assistée, ils ont été portés à la connaissance de l'employeur par lettre du 25 janvier 2011 de cinq vendeuses placées sous l'autorité de Mme [M] gérante salariée du magasin de [Localité 4] et sont tous prouvés par les attestations de quatre de ces vendeuses régulières en la forme et rédigées courant février 2011;

Que Mme [M], qui soutient qu'il s'agit là d'allégation diffamatoire, n'a exercé cependant aucune des procédures que lui offre la loi ; que le fait qu'elle ait donné satisfaction à ses subordonnées dans deux affectations antérieures est inopérant sur la réalité des faits dénoncés par les salariés du magasin de [Localité 4] dont elle avait la charge depuis le 1er avril 2010 ; que l'employeur qui a longuement reçu les explications de Mme [M], lors de l'entretien préalable tenu le 14 mars 2011, n'était pas tenu de la confronter avec les témoins qui avaient déjà attesté à cette date, alors au surplus que ceux-ci rapportent des faits précis et concordants ;

Que, contrairement aux explications de Mme [M] au cours de l'entretien préalable, aucune des vendeuses n'attestent avoir accepté de travailler 10 à 12 heures par jour, pendant la période des soldes de janvier, avec un pause de seulement 1/2 heure, au lieu d'une heure non payée ou récupérée en totalité ;

Que le fait que [P] [Z], jeune étudiante, atteste avoir travaillé 10 jours consécutifs du 11 janvier au jeudi 20 janvier 2011, après avoir accepté de travailler le dimanche à la demande de Mme [M] qui exigeait la présence de trois vendeuses et pour augmenter son salaire, ne dispensait en rien cette gérante de magasin, chargée des plannings des vendeuses et investie par contrat du pouvoir de direction et d'organisation de son équipe, d'accorder à cette salariée son repos hebdomadaire ;

Qu'à supposer même que les vendeuses ne soient pas commissionnées sur les ventes, le fait pour Mme [M] de ne pas leur permettre d'encaisser elles-mêmes les ventes réalisées étaient de nature à faire douter l'employeur de leur efficacité ;

Que l'anxiété de trouver une boîte de chaussure vide dans le stock ne peut justifier que Mme [M] appelle à six reprises à son domicile la salarié ayant présenté la paire de chaussure à un client ;

Que le fait pour Mme [M] d'engager des salariés d'origine diverses ne l'autorise pas pour autant à interroger les candidats à l'embauche sur leur origine et leurs pratiques religieuses, ainsi que l'attestent Mme [L] et Mme [J] ;

Que les méthodes de gestion mises en oeuvre par Mme [M] à l'égard de ses subordonnés ne peuvent caractériser un harcèlement moral, dans la mesure où il ne s'agit pas d'agissements répétés envers un salarié déterminé, ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Que les faits visés dans la lettre de licenciement et prouvés constituent un management fautif de son équipe, qui excède son pouvoir normal de direction, et une exécution fautive par Mme [M] de son contrat de travail ; qu'une telle gestion, qui fait suite à un avertissement non contesté du 30 avril 2010 pour des manquants en inventaire de 3,23% du CA et un défaut de respect des consignes et un autre avertissement du 10 septembre 2010 non contesté, pour un défaut de respect des consignes destinées à prévenir les vols d'espèces, rendait impossible le maintien de Mme [M] dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis, en ce que son comportement résultait d'un management habituel au magasin de [Localité 4] qui n'avait pas lieu d'être ;

Que le licenciement pour faute grave est donc justifié et est proportionné au comportement de l'intéressée ; que le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et a alloué à Mme [M] un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, une indemnité de préavis, les indemnité de congés payés afférents et une indemnité de licenciement ;

Sur les frais et dépens

Considérant que Mme [M] qui succombe en appel n'est pas fondée à obtenir l'application de l'article 700 du code de procédure civile, mais versera sur ce même fondement à la société Heyraud la somme de 1.500 € et supportera les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil du 18 septembre 2012 sur le licenciement, les indemnités de rupture, le paiement de la mise à pied conservatoire et l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur ces chefs de demande,

Dit fondé le licenciement de Madame [O] [M] née [N] pour faute grave ;

Déboute Madame [O] [M] de ses demandes de paiement du salaire pendant la mise à pied conservatoire, d'une indemnité de préavis, de l'indemnité de congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement en ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Madame [O] [M] née [N] à payer à la SA Heyraud la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne Madame [O] [M] née [N] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

L. CAPARROS P. LABEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 12/10270
Date de la décision : 12/02/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°12/10270 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-12;12.10270 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award