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03/02/2015 | FRANCE | N°12/00166

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 03 février 2015, 12/00166


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 03 Février 2015



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/00166



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Décembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/10318







APPELANT

Monsieur [F] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne

assisté de

Me Stéphane BRUSCHINI-CHAUMET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0761







INTIMEE

SAS HUGO BOSS FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Nicolas LEDERMANN, avocat au barreau de PARIS, ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 03 Février 2015

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/00166

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Décembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/10318

APPELANT

Monsieur [F] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne

assisté de Me Stéphane BRUSCHINI-CHAUMET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0761

INTIMEE

SAS HUGO BOSS FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Nicolas LEDERMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1346

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Claudine PORCHER, Président

Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller

Madame Christine LETHIEC, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claudine PORCHER, président et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [F] [Z] a été engagé par la SAS HUGO BOSS FRANCE le 1er février 1985 en qualité d'assistant administratif et commercial, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Par avenant du 6 janvier 1999, M. [Z] a été promu directeur administratif et financier, statut cadre, niveau II, échelon 2, moyennant une rémunération mensuelle brute de 49 000 francs (soit environ 7 500 euros).

En dernier lieu, M. [Z] occupait encore le poste de directeur administratif et financier, avec le statut de cadre dirigeant, en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute de 18 487,66 euros.

M. [Z] a été licencié par lettre du 28 juillet 2010 énonçant le motif du licenciement dans les termes suivants :

« Monsieur,

['] Depuis plusieurs mois vous avez adopté une attitude qui n'est plus conforme avec votre statut de Directeur Administratif et Financier de la société Hugo Boss France et avec les obligations contractuelles attachées à ce statut et notamment eu égard à vos contacts et activités avec la société mère.

Les faits sont les suivants :

- à la fin du mois de juin dernier, nous avons été contraints de constituer une provision de 1,5 ME, faute pour vous d'avoir assuré la mise en 'uvre de la nouvelle méthode d'évaluation des stocks que le groupe vous avait pourtant demandé d'appliquer à compter du 1er janvier 2010.

Outre que nous avons été contraints d'intervenir sur le bilan intermédiaire, votre omission a mis la Direction Générale de la société HUGO BOSS FRANCE dans une situation délicate vis-à-vis du groupe, qui n'a pas manqué de pointer, à cette occasion ; l'inobservation de ses recommandations.

- la société mère nous a récemment informés que vous n'aviez pris aucune des initiatives qu'elle réclamait pour assurer correctement le traitement comptable des clients douteux, en particulier l'extourne des créances irrécouvrables, ce qui a engendré une mauvaise analyse au niveau des délais de règlements clients (DSO).

En outre, elle nous a exposé que des erreurs avaient été commises dans le calcul des provisions afférentes.

- votre réticence - pour ne pas dire votre refus voire votre incapacité - à la mise en place d'un suivi des paiements (DSO) par SAP n'est plus tenable.

A ce jour, vous ne nous avez fourni aucune explication crédible de nature à pouvoir justifier auprès du groupe l'absence de cette mise en place pourtant réclamée, si ce n'est votre pure et simple hostilité à cette mesure.

Vous nous avez indiqué que les plans de financement et lettrage des factures sur les comptes clients ne sont pas compatibles, ce qui est totalement faux.

Ce manquement, parmi d'autres, a pour conséquence de rendre impossible l'analyse des délais de paiement des clients.

- la société mère vous a demandé de faire financer les factures clients ; or, malgré une longue négociation triangulaire entre une banque française, la maison mère et vous-même, notre groupe a été contraint de renoncer à ce projet, vu l'impossibilité de communiquer à un niveau professionnel avec vous.

- l'audit effectué sur le système de relance client avec vous-même ainsi que vos collaborateurs n'a toujours pas permis, à notre maison mère, de comprendre le système de règlement en France qui ne nécessite pas les mêmes systèmes de relance que dans d'autres pays ; la maison mère a l'impression que la filiale française ne relance pas correctement ses clients, et ce par manque d'information correcte de votre part.

- vous ne communiquez pas correctement avec le service controling de la maison mère (notamment au sujet d'un potentiel d'économie à hauteur de 60 000 Euros lié à l'intervention d'un comptable extérieur un jour par mois).

Les conséquences de votre inertie sont encore aggravées par le fait que de nombreuses erreurs ou retards sont à dénombrer dans l'accomplissement de certaines missions.

Ainsi, le 21 juin 2010, vous avez adressé le SFC (budget annuel révisé pour l'année 2010) au siège du groupe HUGO BOSS AG. A cette occasion, le document que vous aviez la responsabilité de préparer - et que vous aviez établi au dernier moment sans possibilité de vérification préalable par la Direction Générale - s'est avéré inexact sur plusieurs points que n'ont pas manqué de relever nos interlocuteurs.

Ce manque de sérieux est d'autant moins acceptable qu'un incident identique avait déjà eu lieu en septembre dernier, lors du budget annuel devant le directoire du groupe.

A cette occasion, votre présentation avait déjà été finalisée au dernier moment sans qu'il soit possible pour la Direction Générale de la vérifier ou d'y apporter le moindre correctif. Dès lors, c'est pendant la présentation que des ajustements ou des corrections avaient dû être faits, ce qui n'avait pas manqué d'entacher la crédibilité de notre filiale, notamment lorsque certaines de vos réponses maladroites avaient créé un climat de suspicion et de manque de professionnalisme vis-à-vis de nos interlocuteurs.

La répétition de tels manquements, au cours de ces derniers mois, n'a pas manqué d'entacher votre crédibilité auprès de vos interlocuteurs de la maison mère mais aussi d'entacher celle de la Direction Générale de la société HUGO BOSS FRANCE.

Indépendamment des questions qui intéressent le groupe, nous avons récemment déploré au sein de la société HUGO BOSS FRANCE plusieurs erreurs d'analyse de votre part :

- erreur dans un calcul d'amortissement en raison de la prise en compte d'une mauvaise durée d'amortissement (corner MADELIOS)

- constat d'un changement de marge d'importateur (sauf vérification auprès de la maison mère) se traduisant par un changement de marge d'importateur pourtant non confirmé par la maison mère

- soutien inconditionnel à Madame [O], malgré ses évidentes insuffisances professionnelles.

Nous sommes contraints de procéder au licenciement de Madame [O], ce qui entraîne une dépense importante pour la société HUGO BOSS FRANCE. Pourtant, Madame [D], responsable du site EMGP, s'est plainte à plusieurs reprises auprès de vous des agissements et insuffisances de Madame [O], sans que vous interveniez pour autant.

- plusieurs retards dans le suivi de dossiers pourtant simples (retard dans l'acceptation du devis pour la réparation de la climatisation des magasins des [Localité 3] et d'Aix en Provence qui est demeurée défaillante pendant plusieurs semaines avec la conséquence d'une dépense importante due au manque d'entretien).

- l'entretien général des locaux de la Grande Armée avec, en particulier, un rideau de fer protégeant les valeurs de stockage au sous-sol qui connait un dysfonctionnement depuis des années.

Vous auriez dû prendre les mesures nécessaires pour sécuriser les stocks qui représentent une valeur extrêmement importante.

- blocage de la facture EDF du site de [Localité 4] du fait d'un soupçon de consommation excessive. Sous la menace d'EDF de couper le courant, nous avons été contraints de payer la facture d'urgence ; la vérification de la consommation excessive aurait pu se faire en parallèle.

- stock [Localité 5] : lors de l'établissement du plan d'organisation, prévoyant notamment le projet de fermeture du site de [Localité 5], vous avez affirmé que le contrat conclu avec Norbert Dentressangle pouvait être résilié en respectant simplement un préavis de six mois.

[E] [U] a contesté la résiliation que nous lui avons notifiée sur la foi de vos indications au motif que vous auriez donné d'ores et déjà votre accord sur la conclusion d'un nouveau contrat en open book.

Cet accord, matérialisé par un email envoyé par [E] [U] (compte rendu de la réunion HUGO BOSS du 5 mars 2010) et que vous n'avez pas transmis à l'avocat en charge de cette affaire, rend plus difficile la résiliation du contrat et peut entraîner des conséquences financières importantes pour la société HUGO BOSS FRANCE.

Aussi, dans un contexte où le groupe se montre particulièrement exigeant avec notre société en termes de qualité de ses prestations, de lisibilité de ses processus de fonctionnement et de communication avec les services du groupe, vous avez clairement manifesté une attitude qui est à l'opposé de ces objectifs : vous vous entêtez - plus ou moins délibérément - à ne tirer aucune conséquence des instructions que vous sont données sur des questions pourtant essentielles et vous faites preuve d'un manque évident de rigueur, de réactivité dans les missions qui ressortent de votre responsabilité.

Votre statut de cadre, s'il vous laisse une grande liberté dans l'organisation de votre travail, ne vous dispense cependant pas de poursuivre les objectifs qui vous sont assignés par la Direction Générale de la société et par le Groupe.

Or, vos manquements répétés attestent qu'à force d'autonomie, vous vous êtes finalement affranchi des obligations les plus essentielles de votre contrat de travail, et notamment de l'obligation d'être diligent - et pour tout dire de bonne foi - dans le suivi des directives qui vous sont adressées.

Nous ne pouvons, compte tenu de vos fonctions et de l'importance stratégique de votre poste, voir perdurer vos manquements, notamment vis-à-vis d'intervenants extérieurs, auprès desquels vous n'avez pas su vous imposer.

Vos erreurs répétées, votre manque de sérieux dans votre travail, votre manque d'anticipation des difficultés et votre manque de réactivité, caractéristiques d'une insuffisance professionnelle, rendent impossible le maintien de votre contrat de travail ».

Par jugement du 7 décembre 2011, le conseil de prud'hommes de Paris, en sa section Encadrement, a condamné la société HUGO BOSS FRANCE SAS à payer à M. [Z] 110 925,96 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement, outre 700,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le salarié étant débouté du surplus de sa demande et la SAS HUGO BOSS FRANCE déboutée de sa demande de frais irrépétibles et condamnée aux dépens.

Cette décision a été frappée d'appel par M. [Z] qui demande à la cour :

- Au principal, d'ordonner sa réintégration au sein de l'entreprise Hugo Boss à compter du 29 juillet 2010, avec toutes les conséquences financières en découlant, à savoir le paiement des salaires et accessoires du salaire de la date d'envoi de la lettre de licenciement à la date effective de réintégration avec remise des documents conformes et la condamnation de la société à rembourser Pôle Emploi,

- A titre subsidiaire, de condamner la SAS Hugo Boss France à lui payer 887 407,68 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (soit 48 mois de salaire), et à lui payer des heures supplémentaires et repos compensateurs dont il chiffre ainsi le montant :

* à titre principal, outre les congés payés afférents par chacune des sommes réclamées :

- heures supplémentaires 2005 : 15 806,32 €

- heures supplémentaires 2006 : 137 889,24 €

- repos compensateur : 112 042,17 €

- heures supplémentaires 2007 : 199 992,28 €

- repos compensateur :107 294,76 €

- heures supplémentaires 2008 : 212 489,04 €

- repos compensateur 117 238,72 €

- heures supplémentaires 2009 : 210 970,78 €

- repos compensateur : 97 999,86 €

- heures supplémentaires 2010 : 218 005,05 €

- repos compensateur : 29 680,00 €

* à titre subsidiaire, outre les congés payés afférents par chacune des sommes réclamées :

- heures supplémentaires 2005 : 15 906,32 €

- heures supplémentaires 2006 : 67 496,86 €

- heures supplémentaires 2007 : 42 626,44 €

- heures supplémentaires 2008 : 34 606,08 €

- heures supplémentaires 2009 : 35 803,25 €

- heures supplémentaires 2010 : 14 624,61 €

En tout état de cause, M. [Z] sollicite encore la condamnation de la SAS HUGO BOSS FRANCE à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2010 et bénéfice des dispositions de l'article 1154 du code civil :

- des dommages et intérêts pour préjudice moral sur licenciement (6 mois) : 110 925,96 €,

- des dommages et intérêts pour travail dissimulé (6 mois) : 110 925,96 €,

- des dommages et intérêts pour congés payés non pris : 58 565,96 €

- des dommages et intérêts pour RTT non pris : 40 810,00 €

- des dommages et intérêts pour la perte du budget vêtement Hugo Boss : 4 600,00 €

- des dommages et intérêts pour la perte du bénéfice de la mutuelle : 3 000,00 €

- des dommages et intérêts pour la perte de rente annuelle : 38 800,00 €

- des dommages et intérêts pour la perte de la participation : 3 630,00 €

- des dommages et intérêts pour la perte du plan d'épargne entreprise : 22 500,00 €

- des dommages et intérêts pour la perte de stocks options (SAR) : 2 286,00 €

- des dommages et intérêts pour la perte d'une retraite complémentaire conséquente : 589,00 €.

M. [Z] demande également la remise des documents sociaux conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document (fiches de paie, attestation Pôle emploi, solde de tout compte, attestation de travail) à compter du premier jour de la signification, la cour devant se réserver la liquidation des astreintes prononcées.

Enfin, une somme de 10 000 euros est réclamée au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

La SAS HUGO BOSS FRANCE forme un appel incident pour demander à la cour de juger que le licenciement de M. [Z] reposait sur une cause réelle et sérieuse, de sorte que le salarié doit être débouté de toutes ses demandes.

La SAS HUGO BOSS FRANCE réclame une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la demande de réintégration de M. [Z]

M. [Z] invoque la nullité de son licenciement en faisant valoir que la procédure était entachée d'irrégularité et qu'en outre, il aurait été victime d'une inégalité de traitement et de discrimination.

* L'irrégularité alléguée de la procédure de licenciement

M. [Z] invoque la nullité de son licenciement ' et sollicite en conséquence sa réintégration ' au double motif que des irrégularités entacheraient la nomination des organes dirigeants de la SAS HUGO BOSS FRANCE, le salarié doutant du remplacement de M. [B] par M. [A] comme président de la société Hugo Boss France, et que la lettre de licenciement aurait été signée par M. [A] qui n'aurait aucune qualité pour agir au nom de la SAS Hugo Boss France, celle-ci étant alors toujours officiellement représentée par M. [B].

La SAS HUGO BOSS FRANCE demande à la cour de juger que M. [A] avait qualité pour signer la lettre de licenciement et, par ailleurs, de lui donner acte de ce qu'elle refuse, en toute hypothèse, la réintégration de M. [Z]. Elle souligne que M. [Z] avait personnellement veillé à ce que le cabinet d'avocats HWH procédât à la modification, en avril 2009, du K-bis de la société pour qu'y figure bien le nom de M. [A] en sa qualité de président.

Considérant que l'examen du Kbis de la SAS HUGO BOSS FRANCE établi le 28 avril 2009 et produit au débat permet à la cour de vérifier que la société a comme président : « Hugo Boss International BV, représenté par Monsieur [J] [A] », lequel était encore président de la société HUGO BOSS France le 3 août 2011, de sorte qu'il avait qualité pour signer la lettre de licenciement de M. [Z] ;

Considérant que la demande ' nouvelle devant la cour ' tendant à la nullité de son licenciement à raison de l'irrégularité invoquée, est rejetée, comme la demande de réintégration qui en résulte ;

* L'inégalité de traitement alléguée

M. [Z] invoque une inégalité de traitement qui résulterait d'un comparatif des sommes versées à titre transactionnel par la SAS HUGO BOSS FRANCE dans le cadre de la rupture du contrat de travail des salariés cadres dont l'entreprise voulait le départ. Il estime que la proposition qui lui a été faite de fixer le montant de son indemnité de rupture à seulement 340 500,00 euros n'était pas acceptable et que son montant aurait dû se situer entre 473 580,53 euros et 550 225,48 euros, s'il avait bénéficié du même coefficient multiplicateur que les autres cadres. Selon le salarié, l'égalité de traitement aurait un domaine plus large que le principe à « travail égal, salaire égal » et viserait l'ensemble des conditions de rémunérations, d'emploi, de travail, de formation, de garanties sociales, etc.

La SAS HUGO BOSS FRANCE conteste l'application du principe allégué en faisant valoir que l'argumentation de M. [Z] repose sur l'analyse de protocoles transactionnels confidentiels, datés du mois de juillet 2010, dont l'intéressé n'avait pu avoir connaissance dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, qu'en outre, le principe « à travail égal, salaire égal » ne s'appliquerait pas aux indemnités transactionnelles versées à la suite de la contestation d'un licenciement, ne constituant pas la contrepartie d'un travail, et qu'enfin, aucune comparaison ne serait possible dès lors que M. [Z] avait mis fin à la négociation engagée sur son éventuel départ.

Considérant qu'il résulte du principe « à travail égal, salaire égal », dont s'inspirent les articles L. 1242-14, L. 1242-15, L. 2261-22.9 , L. 2271-1.8° et L. 3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ;

Considérant qu'un salarié ne peut invoquer le principe d'égalité de traitement pour remettre en cause les droits et avantages d'une transaction revêtue de l'autorité de la chose jugée dont il ne conteste pas la validité ; qu'il ne peut davantage invoquer ce principe pour remettre en cause une proposition de transaction alors que la procédure de rupture conventionnelle n'a pas été menée à son terme, interdisant de ce fait toute comparaison ;

* La discrimination alléguée

Considérant qu'aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ;

Considérant que, selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;

Considérant que l'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Considérant qu'en l'espèce, M. [Z] invoque les faits suivants : il aurait été licencié en raison « de son âge, de sa rémunération et de sa situation de famille », tous les membres de sa famille travaillant chez Hugo Boss (à savoir son fils adoptif M. [H] et son gendre M. [V]) ayant fait l'objet d'un licenciement ;

Considérant que, pour étayer ses affirmations, M. [Z] n'identifie pas de documents particuliers parmi les 1 489 pièces qu'il produit au débat ; qu'en particulier, il ne justifie pas des circonstances dans lesquelles MM. [H] et [V] auraient été licenciés, l'employeur invoquant de son côté le caractère économique de plusieurs licenciements prononcés à une date proche du licenciement de M. [Z] ; qu'il résulte des débats que la rupture même du contrat de travail de Monsieur [N], qui dirigeait la SAS HUGO BOSS FRANCE, a été prononcée ;

Considérant qu'en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus n'est pas démontrée ; que les demandes relatives à la discrimination doivent par conséquent être rejetées ;

Sur la contestation de la légitimité du licenciement de M. [Z]

M. [Z] soutient encore que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour trois motifs, à savoir :

- le non-respect de la procédure de licenciement, le seul report au 23 juillet 2010 de l'entretien préalable initialement prévu le 5 juillet 2010 « compte tenu des pourparlers en cours » suffisant à ses yeux à démontrer que la décision de le licencier aurait été prise dès l'origine, invalidant la notification ultérieure de son licenciement,

- l'absence de preuve de l'insuffisance professionnelle alléguée,

- le changement de motifs au cours de la procédure prud'homale, la SAS HUGO BOSS FRANCE ayant fait, devant le conseil de prud'hommes, « l'aveu judiciaire » de ce que le salarié aurait été licencié « dans le cadre d'une restructuration », le véritable motif de la rupture du contrat de travail étant économique. Selon le salarié, la société aurait cherché à se séparer d'un directeur ayant vingt-cinq années d'ancienneté, bénéficiant d'un très haut salaire et âgé de plus de cinquante ans.

La SAS HUGO BOSS FRANCE conteste à M. [Z] la possibilité d'invoquer la prescription des faits sur lesquels reposerait son licenciement, dès lors que les règles relatives au licenciement disciplinaire n'auraient pas vocation à s'appliquer, la lettre de licenciement visant explicitement l'insuffisance professionnelle, alors qu'au surplus, plusieurs des faits évoqués dans la lettre de licenciement sont antérieurs de moins de deux mois à la convocation du salarié à un entretien préalable à son licenciement.

Elle fait valoir que la notion d'aveu judiciaire a été invoquée à tort et qu'en outre, le licenciement de M. [Z] ne pouvait être de nature économique, dès lors que la suppression du poste de directeur administratif et financier n'est pas envisageable dans une société de cette importance.

Considérant qu'il résulte de l'examen des reproches formulés à l'encontre de M. [Z] par la SAS HUGO BOSS FRANCE dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que le licenciement du directeur administratif et financier de la société ne présente aucun caractère disciplinaire, aucune violation des règles de discipline de l'entreprise ne lui étant reprochée ; que les griefs allégués ressortissent de la mauvaise exécution contractuelle ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; que les motifs invoqués doivent consister en des griefs matériellement vérifiables ; que l'insuffisance professionnelle ne constitue une cause de licenciement qu'à condition d'être fondée sur des éléments objectifs la caractérisant ;

Considérant que l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal ; que si le juge ne peut substituer son appréciation à celle de l'employeur, il lui appartient de s'assurer que l'employeur n'a pas commis de faute dans l'usage de ses pouvoirs d'appréciation ; qu'à cet égard, il y a lieu de tenir compte de la qualification professionnelle du salarié, de l'ancienneté de ses services, de l'existence éventuelle d'avertissements notifiés au salarié ;

Considérant que, selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ;

Considérant que la SAS HUGO BOSS FRANCE reconnaît dans ses écritures que « M. [Z] avait les responsabilités les plus importantes au sein de la société et disposait des pouvoirs les plus larges pour engager la société HUGO BOSS France pour les contrats les plus importants et disposait d'un pouvoir sur tous les comptes bancaires de la société » ;

Considérant que l'employeur soutient que M. [Z] aurait « éprouvé les pires difficultés dans la mise en 'uvre de la nouvelle organisation » de l'entreprise mise en 'uvre à compter de 2008 ; que la relation de travail se serait ainsi « progressivement détériorée au point d'atteindre un seuil critique en 2010 » ;

Considérant que M. [Z] a mené au sein de la SAS HUGO BOSS FRANCE une carrière exemplaire ; que les mérites du salarié ont été reconnus par plusieurs promotions successives ; que l'importance de sa rémunération témoigne également de la satisfaction qu'il donnait à l'employeur ;

Considérant qu'au regard de la qualification professionnelle de M. [Z] et de l'importance de ses responsabilités, l'employeur n'aurait pas toléré de sa part une insuffisance professionnelle qui, selon les griefs évoqués dans la lettre de licenciement, se serait manifestée après une vingtaine d'années de services dont la qualité n'est pas contestée et aurait pu se vérifier durant plusieurs mois, voire près de deux années ; qu'il est par ailleurs significatif de remarquer que la SAS HUGO BOSS FRANCE fait état, dans ses écritures, de « plusieurs alertes » dont le salarié n'aurait « tiré aucun enseignement », persistant au contraire dans ses manquements ; qu'elle ne produit pourtant aux débats aucune trace desdites alertes ;

Considérant que la cour ne trouve dans les très nombreuses pièces échangées entre les parties et produites aucun avertissement ni aucune mise en garde qui aurait été adressée au directeur administratif et financier ; que les griefs mêmes invoqués manquent de consistance et ne sont pas de nature à objectiver l'insuffisance professionnelle reprochée à M. [Z] ;

Considérant que, dans ces conditions, la décision entreprise est confirmée en ce qu'elle a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [Z] ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

Considérant que, compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [Z] (en fonction d'une rémunération mensuelle moyenne de 18 487,66 euros), de son âge (cinquante et un ans), de son ancienneté (plus de vingt années), de sa capacité à trouver un nouvel emploi et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 200 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris étant infirmé sur le seul quantum de l'indemnité allouée ;

Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires

M. [Z] réclame des sommes importantes (de l'ordre d'un million et demi d'euros) à titre d'heures supplémentaires et de repos compensateurs, dont l'employeur observe qu'elles représentent l'équivalent de près de sept ans de salaire de son directeur administratif et financier.

Il conteste son statut de dirigeant salarié, indiquant que, manifestement, cette mention figurant sur ses bulletins de paie y aurait été inscrite lorsque M. [N], gérant de la société, avait décidé de changer de convention collective, abandonnant celle du « commerce de gros en bonneterie et négoce annexe » pour appliquer la convention « maison à succursales de vente aux détails d'habillement ». M. [Z] n'aurait pas été averti du changement intervenu et n'aurait « jamais fait attention à celle-ci », alors qu'une telle modification n'aurait pu intervenir sans son accord. Le salarié aurait été victime de la « méthode du voleur chinois », l'entreprise ayant modifié unilatéralement et petit à petit le bulletin de salaire de son employé pour qu'il ne réalise pas ce qui lui arrivait.

M. [Z] fait encore valoir que la convention de forfait jours qu'il avait signée en 2002 ne pouvait s'appliquer qu'à un cadre disposant d'une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps et dont la nature des fonctions ne lui permettait pas de suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel il était attaché. Or, il aurait été astreint au respect de l'organisation du temps de travail et à l'horaire collectif applicable. M. [Z] invoque également - pour la première fois en cause d'appel - l'illégalité de convention collective « Maisons à succursales de vente au détail de l'habillement » à raison de ce que le nombre maximal annuel de jours travaillés ne serait « pas compatible avec les dispositions relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et aux congés payés », cette situation privant d'effet la convention de forfait et l'autorisant à réclamer le paiement de ses heures supplémentaires.

La SAS HUGO BOSS FRANCE conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [Z] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires. Le statut de cadre dirigeant de M. [Z] ferait obstacle à cette demande.

L'employeur précise encore que M. [Z] avait scrupuleusement respecté les obligations nées de la convention de forfait-jours jusqu'à sa promotion en qualité de cadre dirigeant. La contestation de l'intéressé serait de pure opportunité, alors surtout qu'au risque de se contredire, le salarié réclame l'indemnisation de la perte de ses RTT.

L'employeur ajoute, à titre très subsidiaire, que M. [Z] ne rapporte pas la preuve du nombre d'heures supplémentaires dont il fait état, le décompte d'heures supplémentaires produit n'étant pas probant dès lors que, sans rapporter la preuve de l'amplitude de travail qu'il revendique, il tient pour acquis le postulat suivant lequel, pour chaque jour travaillé, son heure d'arrivée aurait été l'heure de déverrouillage de l'alarme (ou d'envoi du premier message électronique), son heure de départ était l'heure de verrouillage de l'alarme (ou l'envoi du dernier mél), et qu'il aurait travaillé de façon continue (hormis une pause limitée à une heure).

Considérant qu'en vertu de l'article L. 3111-2, alinéa 1, du code du travail, les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III relatifs à la durée du travail, aux repos et congés ; que l'alinéa 2 de ce texte précise que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ;

Considérant que les trois critères cumulatifs énoncés à l'article L. 3111-2 du code du travail impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants au sens de ce texte les cadres participant à la direction de l'entreprise ;

Considérant que la qualité de cadre dirigeant ne requiert pas l'existence d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié ;

Considérant qu'il importe d'examiner la fonction qu'occupait M. [Z] au regard de chacun des trois critères légaux ;

Considérant que la preuve de ce que M. [Z] était en charge de responsabilités importantes impliquant une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps résulte de ce qu'il disposait des pouvoirs les plus larges pour engager la SAS HUGO BOSS FRANCE pour les contrats les plus importants, qu'il engageait la société auprès des banques, en signant les ouvertures et fermetures des comptes bancaires, notamment au sein de la BRED et de la Deutsche BANK ;

Considérant que M. [Z] disposait également de la signature pour engager la société, cette signature dût-elle être conjointe pour valider les paiements, une double signature étant alors requise ; que la signature de Monsieur [N] n'était pas alors obligatoire puisque quatre signataires possibles avaient été désignés en la personne de MM. [N], [Z], [T] et [H], les deux premiers se trouvant ainsi dans une situation identique au regard de la signature bancaire ; qu'il est établi que M. [Z] a opéré des paiements et engagé ainsi la société sans la signature de Monsieur [N], en recueillant celle de Monsieur [T] ou de Monsieur [H], lesquels étaient soumis à son autorité fonctionnelle et qui occupaient un échelon inférieur dans la hiérarchie de la société ; que sont également produits de nombreux contrats et conventions signés par le seul appelant ; qu'il est par ailleurs établi que M. [Z] avait le pouvoir de participer à l'organisation des élections des représentants du personnel et qu'il avait été amené, occasionnellement, à exercer un pouvoir disciplinaire dans l'entreprise ;

Considérant que M. [Z] a également représenté la société face à l'administration fiscale, ayant engagé la société dans le cadre des réunions organisées avec les représentants de cette administration et pris les décisions dans le cadre du contrôle réalisé en 2010 ; qu'il soutient d'ailleurs lui-même que c'est par la qualité de son travail qu'il aurait permis à la société d'éviter un redressement fiscal en mars 2010 ;

Considérant qu'aux termes mêmes de ses écritures, M. [Z] s'attribue personnellement le mérite, avec Monsieur [N], d'avoir « fait grandir cette société en France qui est passée de 8 salariés à plus de 270 salariés et de 5 millions de chiffre d'affaires à 140 millions » ; qu'il se présente comme « le numéro deux » ou « le bras droit » de Monsieur [N], lequel assurait la direction générale de la société elle-même autonome par rapport à la maison mère située en Allemagne ;

Considérant que M. [Z] bénéficiait d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, jouissant d'une totale liberté d'organisation et n'étant tenu par aucun horaire ou planning, comme en atteste notamment le fait qu'à la différence des autres salariés, il disposait d'un libre accès au siège de la société à toute heure et tous les jours ;

Considérant que la preuve est encore rapportée de ce que M. [Z] percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ;

Considérant qu'il résulte en effet des pièces produites par le salarié lui-même, que son salaire de base était le quatrième salaire le plus important de la société, laquelle employait plusieurs centaines de personnes ; que, hormis Monsieur [N], les deux salariés percevant une rémunération d'un montant supérieur à la sienne avaient la qualité de VRP ; que l'importance de leur rémunération tenait à leur niveau exceptionnel de commissionnement ; que la rémunération mensuelle fixe de M. [Z] était la deuxième plus importante de toute la SAS HUGO BOSS FRANCE, après celle de Monsieur [N] ; que les trois salariés les mieux payés après lui percevaient une rémunération mensuelle brute inférieure d'environ 5 000 euros à la sienne, la rémunération des suivants étant inférieure à la moitié de celle qui lui était servie ;

Considérant que M. [Z] percevait également un intéressement, était affilié à un régime de retraite complémentaire et bénéficiait de stock-options ; qu'il importe peu que d'autres cadres aient pu bénéficier de l'accord d'intéressement, les cadres dirigeants n'en ayant pas l'exclusivité ;

Considérant que la participation de l'intéressé à la direction de l'entreprise n'exclut pas qu'il doive faire approuver une dépense non prévue dans le budget établi par ses soins, ni respecter des consignes particulières de sa hiérarchie, dès lors qu'en dépit de sa qualité de cadre dirigeant, il reste salarié de la société, soumis à l'autorité hiérarchique, seules lui étant inapplicables les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail, à raison même des responsabilités hiérarchiques qu'il exerce au sein de l'entreprise ;

Considérant que M. [Z] ne justifie pas avoir été soumis à un système d'astreinte ; que c'est précisément en sa qualité de cadre dirigeant que ses coordonnées avaient été données à la société de surveillance de manière à lui permettre de le contacter en cas de vol ou d'incendie au siège parisien de l'entreprise ;

Considérant que la mention « néant » figurant dans les comptes publiés sous la rubrique « rémunérations allouées aux membres des organes de Direction » ne peut induire l'absence de tout cadre dirigeant au sein de la SAS HUGO BOSS FRANCE comme le soutient M. [Z] ; qu'elle n'est que la conséquence de ce que l'article R. 123-198-1° du code de commerce et l'article 531-3 du plan comptable général ne prévoient une annexe au bilan relative aux « rémunérations allouées aux membres des organes de Direction » qu'en présence de mandataires sociaux, les salariés d'une société n'étant pas concernés par cette exigence ;

Considérant que la qualité de directeur administratif et financier de M. [Z] ne rend pas crédible son affirmation selon laquelle il aurait « découvert » en cours de procédure la mention « cadre dirigeant » qui figurait pourtant sur ses bulletins de paie depuis l'année 2005 ; que M. [Z] ne rapporte au demeurant pas la preuve de ce qu'il n'aurait pas été informé de la substitution de la convention collective nationale des maisons à succursales de vente au détail d'habillement du 30 juin 1972 dont il sollicite même l'application, formant ses demandes au visa exprès de ce texte ;

Considérant que cette mention de « cadre dirigeant » figurant sous la mention de l'emploi de directeur administratif et financier, au chapitre « catégorie », correspond à la situation de M. [Z] au sein de la SAS HUGO BOSS FRANCE ;

Considérant qu'il ressort en effet des pièces produites et des débats que le salarié avait la qualité de cadre dirigeant au sens de l'article L. 3111-2 du code du travail, ce qui exclut notamment le paiement d'heures supplémentaires et des repos compensateurs ;

Considérant que le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] des demandes formées au titre des heures supplémentaires ;

Considérant que l'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié ;

Considérant que la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ; qu'elle suppose une condamnation au paiement d'heures supplémentaires ;

Considérant qu'il y a lieu, dès lors, de débouter M. [Z] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, formée pour la première fois devant la cour ;

Considérant enfin que le statut de cadre dirigeant conduit la cour à rejeter la demande présentée par M. [Z] au titre des journées de réduction du temps de travail, le jugement entrepris étant encore confirmé sur ce point ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour congés payés non pris

Une somme de 58 565,96 € est réclamée par M. [Z] à ce titre. Selon le salarié, la SAS HUGO BOSS FRANCE ne lui aurait pas permis de prendre l'intégralité de ses congés payés. Il soutient que la société lui aurait ainsi supprimé soixante-dix-sept jours de congés qu'il n'aurait pu prendre « par son dévouement pour la société ».

La SAS HUGO BOSS FRANCE demande à la cour de constater que les bulletins de paie du salarié établissent que les jours litigieux correspondent à des « absences pour congés payés » compensées par le versement d'une « indemnité de congés payés » équivalente et qu'en toute hypothèse, les jours de congés non pris sont perdus et ne se reportent pas d'un exercice sur l'autre, de sorte que l'indemnité de congés payés tenant lieu de salaire ne peut se cumuler avec celui-ci. Enfin, l'employeur invoque la renonciation de M. [Z] à ses jours de congés dont le salarié indique qu'il ne les a pas pris « par dévouement » pour la société.

Considérant que M. [Z] ne rapportant pas la preuve de ce que les jours de congés payés mentionnés comme pris sur ses bulletins de paie ne lui auraient pas été réglés est débouté de ce chef de demande, le jugement méritant confirmation sur ce point ;

Sur les demandes de dommages et intérêts pour la perte de divers avantages en nature

M. [Z] réclame différentes sommes à titre de dommages et intérêts pour la perte du budget vêtement Hugo Boss (sa demande étant ramenée de 100 000 € devant les premiers juges à 4 600 €), pour la perte du bénéfice de la mutuelle, d'une retraite complémentaire, de la rente annuelle, de la participation, du plan d'épargne entreprise et enfin de stocks options (SAR).

La SAS HUGO BOSS FRANCE soutient que M. [Z] ne donne aucun fondement juridique à ses demandes et souligne qu'en toute hypothèse, il n'a pas perdu le bénéfice de ses stock-options, qu'en outre, le préjudice allégué n'est pas réel et certain puisqu'il sollicite l'indemnisation de la perte des avantages revendiqués jusqu'à l'âge de soixante-sept ans et qu'enfin, ces demandes font double-emploi avec la demande d'indemnisation du préjudice lié à la cessation du contrat de travail.

Considérant que la cour a pris en considération l'ensemble des conséquences justifiées par M. [Z] du fait de la rupture de son contrat de travail, pour chiffrer à la somme de 200 000 € le préjudice subi par le salarié, par application de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

Considérant qu'est confirmée la décision des premiers juges qui ont débouté M. [Z] de tous ces chefs de demande.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME PARTIELLEMENT le jugement entrepris ;

STATUANT A NOUVEAU ET AJOUTANT,

CONDAMNE la SAS HUGO BOSS FRANCE à payer à M. [F] [Z] une somme de 200 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONFIRME POUR LE SURPLUS le jugement entrepris ;

DEBOUTE M. [F] [Z] du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE la SAS HUGO BOSS FRANCE à payer à M. [F] [Z] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SAS HUGO BOSS FRANCE de sa demande sur le même fondement ;

ORDONNE D'OFFICE le remboursement par la SAS HUGO BOSS FRANCE à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à M. [Z] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois, par application de l'article L. 1235-4 du code du travail ;

CONDAMNE la SAS HUGO BOSS FRANCE aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 12/00166
Date de la décision : 03/02/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°12/00166 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-03;12.00166 ?
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