RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 03 Février 2015
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12277
Décision déférée à la Cour : jugements rendus le 12 Novembre 2009 et le 09 Septembre 2011 par le Conseil de prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES section commerce RG n° 09/00145
APPELANT
Monsieur [Z] [F]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Philippe ACHACHE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 238 substitué par Me Ludivine DE LEENHEER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 238
INTIMEES
SAS BELFOR FRANCE
Le Boston Leader Club N°106
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Nicole TIBERI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0369 substitué par Me Ivan HECHT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0369
SOCIETE ADECCO FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me François VACCARO, avocat au barreau de TOURS substitué par Me Adeline DASSONVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1019
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Décembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente de chambre
Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président de chambre
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [F] des jugements du Conseil de Prud'hommes de Villeneuve Saint Georges section commerce des :
12 novembre 2009 qui l'a dit irrecevable en ses demandes en requalification des contrats de travail temporaires, d'indemnités de requalification et de rappel de salaires et dommages-intérêts pour dépassement de la durée légale du travail et utilisation des produits dangereux contre les sociétés Belfor et Adecco et renvoyé sur le surplus des demandes liées à la rupture du contrat de travail ;
et 9 septembre 2011 qui l'a débouté de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail contre la société Belfor France ;
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
M. [F] a effectué des missions intérimaires envoyé par la société Adecco au sein de la société Belfor dans le cadre de 295 contrats de mission allant d'une journée à un mois sur la période du 6 novembre 2000 au 30 janvier 2003;
Il a été engagé en contrat à durée indéterminée par la société Belfor le 1er février 2003 en qualité de chef d'équipe ;
Selon avenant du 3 juillet 2006, M. [F] est nommé chef de chantier, statut assimilé cadre, et en application de l'article 8.2 de l'accord d'entreprise du 29 avril 2004 prévoyant que, pour une durée de travail continue et exclusive à l'égard de l'entreprise sous contrat d'intérim supérieure à 18 mois, le salarié sera intégré dans l'ancienneté du contrat à durée indéterminée, avec une reprise d'ancienneté équivalente à la durée totale des contrats d'intérim, avec une reprise d'ancienneté fixée au 6 novembre 2000 ; En contrepartie de cette reprise d'ancienneté, M. [F] reconnaît n'avoir subi aucun préjudice du fait de la situation antérieure au présent contrat et renonce expressément à toute action judiciaire à l'encontre de la société notamment celle relative à la conclusion, exécution, rupture, requalification de relations contractuelles précédent le présent contrat ;
Le 11 janvier 2008 M. [F] et la société Belfor France ont signé un acte de rupture de contrat de travail d'un commun accord pour motif économique, faisant référence au Pse mis en place soumis aux instances représentatives visant le licenciement de 77 personnes dont le poste de M. [F], que celui-ci ayant déjà trouvé un autre emploi de chef de chantier selon promesse d'embauche dans une autre entreprise, il a sollicité de quitter son emploi avant la fin de la procédure de licenciement économique et proposé une rupture amiable ; Les parties ont décidé sur la demande de M. [F], d'une rupture amiable d'un commun accord du contrat de travail pour motif économique à effet au 11 janvier 2008, M. [F] renonçant expressément et irrévocablement à contester le bien fondé des motifs économiques visés au livre IV du Pse, qu'il bénéficiera des indemnités d'accompagnement du Pse dont l'indemnité de préavis de 2 mois non exécuté à sa demande, les indemnités conventionnelle de licenciement et complémentaire prévues au Pse ;
M. [F] a saisi le conseil des prud'hommes le 2 mars 2009 ;
M. [F] demande d'infirmer les deux jugements, de le dire recevable, de déclarer nulles la clause transactionnelle de l'avenant du 3 juillet 2006 et la transaction du 11 janvier 2008 et de condamner :
à titre principal, la société Belfor à payer les sommes de:
7 089 € d'indemnité de requalification des missions intérimaires
6 000 € pour non respect de durée de temps de travail
6 000 € de dommages-intérêts pour produits dangereux
28 356 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
1 500 € pour frais irrépétibles
avec remise des documents conformes sous astreinte,
à titre subsidiaire à l'égard de la société Adecco
de requalifier les contrats de mission en contrat à durée indéterminée
de prononcer la résiliation judiciaire du contrat
et de la condamner à payer les sommes de :
4 727.20 € à titre de préavis et 472.72 € pour congés payés afférents
7 878.66 € à titre d'indemnité de licenciement
6 000 € pour non respect de la durée du travail
6 000 € de dommages-intérêts pour produits dangereux
28 356 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
1 500 € pour frais irrépétibles
avec remise des documents conformes sous astreinte.
La société Belfor demande de dire M. [F] irrecevable en ses demandes, subsidiairement de la mettre hors de cause, de confirmer les jugements et de condamner M. [F] à payer la somme de 3 000 € pour frais irrépétibles.
La société Adecco France demande de constater la péremption de l'instance et le caractère définitif du jugement du 12 novembre 2009, sur le fond de confirmer ce jugement sur l'irrecevabilité, plus subsidiairement de débouter M. [F] de ses demandes, de la mettre hors de cause et de condamner M. [F] à payer la somme de 4 500 € pour frais irrépétibles.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience ;
Sur les demandes principales contre la société Belfor
Sur la recevabilité de l'action relative à la période d'intérim
M. [F] soutient que la clause de renonciation à toute action relative à la période d'intérim est nulle pour vice du consentement, défaut de litige, défaut de concession réciproque, objet illicite et n'a pas été exécutée sur le certificat de travail et attestation assedic indiquant le 1er février 2003 comme entrée dans l'entreprise ;
La cour estime que :
La promotion incluse au contrat n'implique pas nécessairement d'atteinte au consentement sur la clause critiquée ;
Il n'est pas établi de volonté de l'employeur par le biais de cette reconnaissance amiable de reprise d'ancienneté contre abandon de toute action en requalification et indemnitaire d'enfreindre les règles d'ordre public alors que les organisations syndicales ont signé un accord d'entreprise en ce sens qui a donc été considéré comme une négociation avantageuse pour les salariés;
La société Belfor a bien fait une concession pour la reprise amiable d'ancienneté faite au premier jour de la première mission, sans prendre en compte les interruptions entre les missions;
La clause a été exécutée puisque les bulletins de salaire indiquent une entrée dans l'entreprise au 1 er février 2003 avec une ancienneté calculée mois à mois en fonction d'un commencement au 1er novembre 2000 et les indemnités de fin de contrat ont été également calculées sur une ancienneté au 1er novembre 2000;
Dans ces conditions la clause est valable et M. [F] sera déclaré irrecevable en ses demandes en requalification et indemnisation relatives à la période intérimaire ;
Le jugement du 12 novembre 2009 sera donc confirmé à l'égard de la société Belfor ;
Sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande en nullité et en demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
L'acte du 11 janvier 2008 ne constitue par une transaction car il n'interdit pas d'intenter une action judiciaire ; la demande est donc recevable ;
Les dispositions des articles 1237-11 et suivants du code du travail sur la rupture conventionnelle ne sont applicables à l'espèce pour résulter de la loi du 25 juin 2008 postérieure à l'accord du 11 janvier 2008 ;
Le contrat de travail peut prendre fin de l'accord commun des parties ; le salarié concerné par un projet de licenciement pour motif économique n'est pas privé de la faculté de proposer à son employeur une rupture amiable de son contrat de travail, s'il estime y avoir intérêt ;
L'acte de rupture d'un commun accord de M. [F], visé par un projet de licenciement dont il s'est engagé à ne pas contester le bien fondé du motif économique, qui a demandé et obtenu son départ le 11 janvier 2008 sans effectuer son préavis néanmoins payé outre les indemnités conventionnelles de licenciement et complémentaire prévues au Pse, pour lui permettre d'exercer immédiatement selon son souhait un autre emploi selon une promesse d'embauche du 10 janvier 2008 valable jusqu'au 10 février 2008, cet acte étant signé par les deux parties avec la mention manuscrite, 'bon pour rupture amiable du contrat de travail', constitue un accord de rupture avec des engagements réciproques ;
Cet acte auquel M. [F] avait intérêt ne constitue pas la preuve d'une volonté illicite de l'employeur d'éluder ses obligations lors d'un licenciement économique;
M. [F] sera donc débouté de sa demande en nullité de l'acte de rupture du 11 janvier 2008 et de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement du 9 septembre 2011 sera confirmé ;
Sur les demandes subsidiaires formées contre la société Adecco
Sur la recevabilité des demandes subsidiaires faites contre la société Adecco France sur la période de travail intérimaire
Selon vérifications faites dans les dossiers de la cour qui s'imposent pour statuer sur la péremption opposée par la société Adecco France, et indépendamment des notes en délibéré envoyées par les parties que la cour écarte des débats comme non demandées, il s'avère que :
L'ordonnance de radiation du 9 juin 2011 rendue par la cour par défaut contre M. [F], a été notifiée par le Greffe le 9 juin 2011 à M. [F] par lettre recommandée sans accusé réception revenu au dossier de la cour ;
Il a été déposé une demande de remise au rôle, selon des conclusions au nom de cinq salariés dont M. [F], notifiées à la seule société Belfor France, intimée, avec convocation subséquente des parties pour plaider devant le cour par le Greffe par courrier du 21 juin 2013 ;
Le délai de péremption n'a pas couru à l'égard de M. [F] à défaut de preuve de réception par lui de l'ordonnance de radiation du 9 juin 2011 rendue par défaut à son égard ;
Il n'est donc pas établi de péremption d'instance ;
La société Adecco n'est pas partie à l'avenant du contrat de travail du 3 juillet 2006 et ne peut opposer l'abandon de toute action fait seulement au profit de la société Belfor;
M. [F] est donc recevable en son action subsidiaire à l'égard de la société Adecco ;
Sur les demandes de M. [F] à l'égard de la société Adecco
M. [F] demande la requalification des missions intérimaires en contrat de travail à durée indéterminée à l'égard de la société Adecco pour défaut de respect de clause de carence entre les contrats, mission pendant plus de 18 mois et à défaut de mise à disposition des contrats dans les deux jours de la mission ;
La société Adecco produit les deux exemplaires de 5 contrats de mission
des 28, 29 et 30 mai 2001, 11 et 21 juin 2001, l'exemplaire à remettre au salarié portant un post-it 'important à retourner dans les 48H' et l'exemplaire à conserver à l'agence ; aucun de ces exemplaires de contrats ne porte la signature du salarié;
Le salarié produit également de nombreux exemplaires de contrats à retourner à l'agence et donc restés en sa possession sans retour à l'Agence ;
Au regard de la fréquence des 295 contrats concernant M. [F] habitant [Localité 2] affecté à l'établissement de Belfor à [Localité 3] avec déplacements sur toute la France pour les misions d'intervention après sinistres, émis par Adecco à [Localité 1] sur un peu plus de deux ans, les prétentions de M. [F] de défaut de remise des contrats dans les 2 jours de chaque mission sont établies au regard de l'éloignement de l'agence par rapport au domicile du salarié et des sites d'affectation et d'intervention, en l'absence de toute preuve de mode d'envoi de ces missions au salarié, de telle sorte que la société qui a par ailleurs et en tout état de cause continué à octroyer des missions malgré le défaut récurrent antécédent de retour de contrats de mission signés, ne peut opposer valablement de mauvaise foi du salarié dans ce défaut de retour de contrats signés nécessaires à l'exécution d'une mission intérimaire qu'elle a entériné pendant plus de deux ans, définissant ainsi une exécution de missions en l'absence de contrats écrits et signés par le salarié ;
Dans ces conditions M. [F] est fondé à demander la requalification des missions en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société Adecco et alors que la reprise d'ancienneté consentie 3 ans après par la société Belfor n'est pas de nature à empêcher la requalification demandée contre la société Adecco pour la période pendant laquelle M. [F] a été son salarié ;
Il sera prononcé la résiliation judiciaire du contrat pour rupture du contrat à compter de la dernière mission de janvier 2003 sans formalité de licenciement;
Selon les taux horaires pratiqués en 2003 par la société Adecco, le salaire mensuel de M. [F] s'élevait à 1184 € par mois ;
Il sera alloué la somme de 7 200 € de dommages-intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 368 € de préavis et les congés payés afférents, 532.79 € pour indemnité de licenciement ;
M. [F] justifie du non-respect du repos hebdomadaire pour travail sur plus de 7 jours consécutifs sur les périodes qu'il cite dans ses conclusions par la production de ses bulletins de salaire, contrats de mission et attestation assedic délivrés par la société Adecco ; Il y est aussi indiqué notamment la réalisation de 22 H sur les 18 et 19 janvier 2001, 113H sur la période du 1er au 7 juillet 2001, soit une moyenne de 14H sur les 8 jours ;
Même si c'est l'entreprise utilisatrice qui doit veiller au respect des règles de sécurité et de santé des salariés, l'entreprise intérimaire avait connaissance des dépassements de durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail par les missions données et les bulletins de salaire établis ; Il sera alloué la somme de 2000 € de dommages-intérêts à ce titre à M. [F] ; Par contre il sera débouté de sa demande en dommages-intérêts pour utilisation de produits dangereux qui est hors de contrôle de l'entreprise intérimaire;
Il n'y a pas lieu à frais irrépétibles au profit de Belfor France.
PAR CES MOTIFS
Ecarte des débats les notes envoyées en délibéré ;
Confirme le jugement du 12 novembre 2009 sur l'irrecevabilité des demandes de M. [F] à l'encontre seulement de la société Belfor ;
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau à l'égard de la société Adecco France :
Dit M. [F] recevable
requalifie les contrats de mission en contrat à durée indéterminée
prononce la résiliation judiciaire du contrat
condamne la société Adeco France à payer à M. [F] les sommes de :
2 368 € à titre de préavis et 236 € pour congés payés afférents
532.79 € à titre d'indemnité de licenciement
2 000 € pour non respect de la durée du travail
7 104 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
1 500 € pour frais irrépétibles
avec remise des documents conformes sans astreinte.
Confirme le jugement du 9 septembre 2011 ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne la société Adecco aux entiers dépens de M. [F].
Laisse à la société Belfor France la charge de ses dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT