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29/01/2015 | FRANCE | N°12/09629

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 29 janvier 2015, 12/09629


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 29 Janvier 2015

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09629

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 11/03964





APPELANT

Monsieur [I] [J]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Marisa DIAS, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : 48







INTIMEE

SARL TOUTAPIS DELEAU

[Adresse 1]

représentée par Me Eric CHEVRIER, avocat au barreau de DE LA HAUTE MARNE







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 29 Janvier 2015

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09629

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 11/03964

APPELANT

Monsieur [I] [J]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Marisa DIAS, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : 48

INTIMEE

SARL TOUTAPIS DELEAU

[Adresse 1]

représentée par Me Eric CHEVRIER, avocat au barreau de DE LA HAUTE MARNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Novembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [J] a été embauché par la SARL TOUTAPIS DELEAU, en vertu d'un contrat à durée déterminée, à compter du 02 février 1998 qui s'est transformé en contrat à durée indéterminée depuis le 30 avril 1998 , en qualité de poseur de moquette.

La SARL TOUTAPIS DELEAU emploie moins de onze salariés. La convention collective applicable est la Convention collective du Bâtiment région parisienne.

A compter du 09 novembre 2000, Monsieur [J] a très souvent été placé en arrêt maladie.

Par courrier du 29 octobre 2009, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a reconnu que la maladie de Monsieur [J] était une maladie professionnelle.

Le 02 mai 2011, le Médecin du travail dans le cadre de la première visite de reprise a déclaré que «'Monsieur [J] ne devait être affecté à aucun poste comportant le port de charges lourdes ou répétitives, les travaux en position tronc en antéflexion, une inaptitude à son poste serait à prévoir, en fonction de l'étude du poste prévue le 4 mai 2011'».

Le 17 mai 2011, lors de la seconde visite médicale de reprise, le Médecin du travail a conclu à l'inaptitude définitive de Monsieur [J] à son poste de poseur de revêtements de sols'», en indiquant cependant qu'il «serait apte à un poste sans charges lourdes et répétitives, sans travaux avec le tronc en antéflexion et qu'il pourrait conduire un VL'».

Par courrier en date du 25 mai 2011, la SARL TOUTAPIS DELEAU a informé Monsieur [J] de son impossibilité à le reclasser au sein de sa société ou dans d'autres entreprises.

Par courrier en date du 27 mai 2011, Monsieur [J] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, prévu le 8 juin 2011.

Par courrier en date du 14 juin 2011, Monsieur [J] a été licencié pour inaptitude physique médicalement constatée sans reclassement possible.

Le 07 octobre 2011, Monsieur [J] a saisi le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY aux fins de voir juger que son licenciement était dépourvu d'une cause réelle et sérieuse et d'obtenir le paiement des indemnités afférentes.

Par jugement en date du 27 septembre 2012, le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY aux motifs que :

un poste de chauffeur ne pouvait être crée compte tenu que les fournisseurs livrent les matériaux sur place et que toute adaptation était également impossible compte tenu de la très petite structure de la société, l'obligation de reclassement avait été respectée.

A':

Débouté Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes,

Débouté la SARL TOUTAPIS DELEAU de sa demande au titre de l'article 700 du CPC,

Condamné Monsieur [J] aux entiers dépens.

Le 09 octobre 2012, Monsieur [J] a interjeté appel de ce jugement.

Assisté par son Conseil, Monsieur [J] a, à l'audience du 18 novembre 2014, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles il demande à la Cour de :

Déclarer Monsieur [J] recevable et bien fondé en ses demandes,

Dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

Condamner la SARL TOUTAPIS DELEAU à verser à Monsieur [J], avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil, les sommes de :

30.307,80 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

505,13 € au titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

3.000 € au titre de l'article 700 du CPC.

Ordonner que l'exécution provisoire de droit, l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du CPC.

Condamner la SARL TOUTAPIS DELEAU aux entiers dépens et notamment au remboursement des 70 € de timbre fiscal pour ouverture de la procédure et poursuite en appel.

Représentée par son Conseil, la SARL TOUTAPIS DELEAU a, à l'audience du 18 novembre 2014, développé oralement ses écritures, aux termes desquelles elle demande à la Cour de :

Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 septembre 2012 par le Conseil de prud'hommes de BOBIGNY,

Y ajoutant,

Condamner Monsieur [J] à payer à la SARL TOUTAPIS DELEAU la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC.

Condamner Monsieur [J] aux entiers dépens de l'instance.

SUR QUOI, LA COUR

Sur l'obligation de reclassement

Selon les dispositions de l'article L1232-1 du Code du travail, tout licenciement doit être motivé dans les conditions prévues par ce code, doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; en vertu des dispositions de l'article L1235-1 du même code, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

En application des dispositions de l'article L1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les termes du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement en date du 14 juin 2011, notifiée à Monsieur [J], mentionne en substance que :

«A la suite de deux visites respectivement en date des 2 et 17 mai 2011, consécutives à un arrêt de travail plusieurs fois prolongé en lien avec une maladie professionnelle reconnue le 29 octobre 2009, le médecin du travail a conclu à votre inaptitude définitive au poste de poseur de revêtement de sols que vous exerciez au sein de la société. Compte tenu des précisions du médecin du travail, nous avons envisagé les possibilités de votre reclassement. En effet, eu égard aux conclusions du médecin du travail, nous ne sommes pas en mesure de vous proposer un quelconque emploi correspondant à vos compétences professionnelles, respectant les prescriptions du médecin du travail et actuellement disponible. Dans ces conditions, face à l'impossibilité manifeste de procéder à votre reclassement, nous avons aucune autre alternative que de prononcer votre licenciement'».

Lorsqu'un salarié se trouve dans l'incapacité physique d'exercer tout ou partie de ses fonctions, l'employeur est tenu à une obligation de reclassement ; le contrat de travail peut être rompu en cas d'impossibilité de reclassement.

La recherche des possibilités de reclassement doit être compatible avec la qualification et le niveau de formation du salarié et avec les conclusions émises par le médecin du travail, lors de la seconde visite de reprise ; le reclassement doit être recherché parmi les emplois disponibles ; la proposition de reclassement doit être la plus précise possible.

Sur le périmètre de reclassement

Monsieur [J] fait valoir que la SARL TOUTAPIS DELEAU n'a pas démontré la réalité de la recherche de reclassement le concernant.

La SARL TOUTAPIS DELEAU rétorque qu'aucun poste ni aménagement n'était possible et qu'au regard de cette impossibilité, elle a été contrainte de procéder au licenciement.

En l'espèce, lors de la première visite médicale de reprise, le médecin du travail avait déclaré que Monsieur [J] ne devait être affecté à aucun poste comportant des charges lourdes ou répétitives, les travaux en position tronc en antéflexion. Suite à la seconde visite médicale de reprise, le médecin du travail a déclaré Monsieur [J] inapte définitif à son poste de poseur de revêtements de sol, après deuxième convocation. Il serait apte à un poste sans port de charges lourdes et/ou répétitives, sans travaux avec le tronc antéflexion et qu'il pouvait conduire un véhicule libre.

Il ressort des pièces versées au débat que la SARL TOUTAPIS DELEAU est une société qui compte cinq salariés. Compte tenu de sa petite structure, elle a pu rapidement s'apercevoir qu'aucune possibilité de reclassement interne n'était envisageable.

Par ailleurs, la SARL TOUTAPIS DELEAU a adressé deux courriers à deux entreprises avec lesquelles elle travaille afin de savoir si ces dernières disposaient de postes disponibles conformes aux exigences du Médecin du travail. Les réponses ont été négatives.

Sur l'exécution de l'obligation de reclassement

En application des dispositions des articles L1226-2 et L1226-3 du Code du travail, si un salarié est déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

En application de ces dispositions, il incombe à la SARL TOUTAPIS DELEAU de justifier des démarches précises entreprises pour satisfaire à son obligation d'adaptation du poste de travail de M [J] en considération de l'avis du médecin du travail.

En l'espèce, la SARL TOUTAPIS DELEAU affirme que tous les emplois occupés au sein de la société recouvraient la pose de revêtement de sols et la conduite de véhicules. Elle indique que si elle avait dû adapter le poste de Monsieur [J] à la seule conduite d'un véhicule libre, alors elle aurait dû procéder au recrutement d'un nouveau poseur de sols.

Cependant, la SARL TOUTAPIS DELEAU ne justifie pas avoir étudié la possibilité de réorganiser l'organisation du travail et le poste de Monsieur [J] de manière à lui éviter le port de charges lourdes, étant entendu qu'il aurait pu être affecté à différentes tâches telles que le métrage, la réception des marchandises ou encore à la conduite de véhicules.

Cette société ne justifie pas plus avoir eu recours aux organismes publics (MDPH, SAMETH ou AGEFIPH) en charge de l'étude de l'aménagement des postes de travail ou du maintien dans l'emploi des personnes handicapées qui auraient pu procéder à des propositions d'adaptation de poste ou encore à un bilan de compétence de M.[J].

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de BOBIGNY; l'obligation d'une recherche effective de reclassement par la mise en oeuvre de mesures d'adaptation du poste de travail n'ayant pas été satisfaite, le licenciement de Monsieur [J] est dénué de cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L.1235-5 du code du travail, en réparation du préjudice subi par Monsieur [J] qui avait de plus de 13 ans d'ancienneté au moment de son licenciement et était âgé de 46 ans, la SARL TOUTAPIS DELEAU sera condamnée à verser à Monsieur [J] la somme de 20.000 €.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés afférents au préavis

Monsieur [J] ayant fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il lui sera par application des articles L1234-1 3° et L1234-5 du Code du travail, une indemnité compensatrice de congés payés afférents au préavis.

Monsieur [J] a déjà perçu la somme de 5.051,30 € au titre du préavis, il est donc fondé à obtenir le versement de la somme de 505,13 € au titre des congés payés y afférents.

Sur les frais irrépétibles et dépens

La SARL TOUTAPIS DELEAU succombant en la cause, sa demande formée au titre des frais irrépétibles sera rejetée et elle sera condamnée à verser à Monsieur [J] la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris le remboursement de 70 euros au titre des timbres fiscaux.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau , y ajoutant :

Déclare le licenciement de Monsieur [J] sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL TOUTAPIS DELEAU à verser à Monsieur [J] :

- 20.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 505,13 € à titre d'indemnité de congés payés afférents, au préavis

- 2.000 € au titre des frais irrépétibles,

Rejette la demande de la SARL TOUTAPIS DELEAU au titre des frais irrépétibles,

Condamne la SARL TOUTAPIS DELEAU aux entiers dépens.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 12/09629
Date de la décision : 29/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°12/09629 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-29;12.09629 ?
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