La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/2015 | FRANCE | N°11/12712

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 29 janvier 2015, 11/12712


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 29 Janvier 2015

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12712

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Juillet 2011 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 10/01664





APPELANTE

Madame [E] [K]

[Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Jean-luc PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1577







INTIMEE

SAS EASYNET

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Pierre BREGOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0093 substitué par Me Caroline VOLLOT-BRUNEAU, avocat au ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 29 Janvier 2015

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12712

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Juillet 2011 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 10/01664

APPELANTE

Madame [E] [K]

[Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Jean-luc PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1577

INTIMEE

SAS EASYNET

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Pierre BREGOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0093 substitué par Me Caroline VOLLOT-BRUNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0093

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [E] [K] est appelante d'un jugement rendu le 27 juillet 2011 par le conseil de prud'hommes de Paris ayant rejeté toutes ses demandes formées contre son ancien employeur la société EASYNET ainsi que la demande reconventionnelle de cette dernière ;

Le conseil de prud'hommes a estimé son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejeté sa demande pour discrimination salariale.

Par conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience, Mme [K], au visa des articles L.3221-1, L.3221-3, L.3221-4, L.1235- 3 du Code du travail ; 4-1-2 et 4-4-1-2 de la convention collective applicable, 515 et 700 du Code de procédure civile, demande à la cour de :

- constater que l'employeur ne l'a pas rémunérée au même niveau que ses collègues remplissant les mêmes tâches ;

- constater que Mme [K] n'a pas bénéficié des mêmes avantages en nature que les autres salariés ;

- constater que le licenciement ne repose pas sur des motifs réels et sérieux ;

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau condamner la société EASYNET à lui verser :

85.020 € à titre de rattrapage de salaire

8.502 € au titre des congés payés afférents

5.400 € au titre des avantages en nature

10.473 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement

75.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans motif réel et sérieux

3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société EASYNET par conclusions visées par le greffier et soutenues oralement demande à la cour de constater que Mme [K] n'a fait l'objet d'aucune inégalité de traitement, que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de débouter Mme [K] de toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire sur la contestation du licenciement elle demande de juger que la somme des six derniers mois de salaires s'élève à 14.157,06 € et que l'appelante ne justifie pas d'un préjudice justifiant une indemnité supérieure à la somme de six mois de salaire telle que prévue par l'article L.1235-3 du Code du travail et donc de ramener à juste proportion la somme sollicitée par Mme [K], à savoir à 14.157,06 €.

CELA ETANT EXPOSE

Mme [E] [K] a été engagée par la société EASYNET par contrat à durée indéterminée le 1er mars 2004 en qualité de chef de projets clients, statut cadre groupe D.

La convention collective applicable est celle des Télécommunications, la société EASYNET comporte plus de 11 salariés.

Par avenant au contrat de travail du 1er mai 2005, elle a été nommée ingénieur commercial groupe D bis rattachée à la direction commercial et marketing. Son salaire annuel brut est, à compter de cette nomination, de 35.000 € réparti comme suit :

Une part fixe 21.000 € brut annuel versé en 12 mensualités égales

Une part variable de 14.000 € bruts annuels calculée sur l'atteinte des objectifs fixés conjointement étant précisé que ce complément de rémunération variable incluerait l'indemnité de congés payés ; il était spécifié que ...Le 27 février 2007 elle a été nommée au groupe E seuil 1 statut cadre.

Le 28 janvier 2008 avant son départ en congé maternité, la société EASYNET, par mail de M. [R] [U], lui avait garanti pour son retour de congé maternité le 2 juillet 2008 une prime de retour de 100% au titre de l'activité de juin, une garantie de commission à 100% au titre de juillet 2008, une garantie de commission à 50 % au titre d'août 2008.

Le 2 septembre 2008, la société annonce le départ de M. [U].

Mme [K] revient de congé maternité en septembre 2008 et annonce fin septembre qu'elle est enceinte.

Le 2 octobre 2008, sous la signature de M. [Q], la société EASYNET avise Mme [K] de ce qu'à compter du 1er octobre 2008, le plan de commissionnement en vigueur sera celui de 2008-2009.

Le 7 octobre 2008, la société la nomme Key Account Manager (KAM) au sein de l'équipe commerciale grands comptes ;

En novembre 2008, Mme [K] reconduit un gros contrat avec la société ALLIANZ ;

Aucune commission ne lui est payée malgré ses demandes.

Par courrier daté du 21 janvier 2009, Mme [K] fait valoir à son employeur que lorsqu'elle est revenue de congé maternité en septembre 2008 aucun des engagements n'a été tenu ; que contrairement à ce qui lui avait été annoncé aucun avenant à son contrat de travail n'a été signé suite à sa nomination au sein de l'équipe commerciale grands comptes ; qu'elle n'a bénéficié d'aucune augmentation de salaire, ne s'est pas vue attribuer de voiture de fonction ni d'ordinateur portable ni de Blackberry.

Elle précise que cette situation lui cause un préjudice puisqu'elle ne peut plus s'occuper de ses anciens comptes et n'a pas encore d'objectifs sur les grands comptes en dépit de ses nombreuses commandes, sa situation a été stationnaire et a même diminué au mois de novembre 2008. Mme [K] ajoute qu'après lui avoir fait signer un nouveau plan de commissionnement en décembre 2008, son supérieur hiérarchique est revenu sur ses engagements, lui a précisé qu'il ne prendrait pas en compte le renouvellement de la société Alliance Hospitality et qu'il ne ferait pas d'avenant à son contrat de travail contrairement à son engagement écrit du 7 octobre 2008 ; elle souligne que ces éléments interviennent à l'occasion d'une nouvelle grossesse qu'elle a annoncée en septembre 2008 ; elle invoque le principe d'égalité de traitement et sollicite une régularisation de cette situation et chiffre son préjudice à 60.000 € au titre du manque de salaire, de commissions, de véhicule de fonction, d'ordinateur portable et de Blackberry).

Suite à son retour de congé maternité le 18 juin 2009, elle adresse le 3 juillet 2009 un courriel à son supérieur hiérarchique par lequel elle fait part des problèmes qu'elle rencontre sur son parc clients et qui ont un impact sur sa rémunération ; elle précise qu'elle n'a pas les moyens de réaliser ses objectifs car depuis son retour, son parc client est incomplet et non-conforme au parc client transmis le 1/01/09 ; elle demande le maintien de son variable durant 3 mois et de pouvoir reprendre les comptes Auchan et Kookaï qui génèrent des projets ; elle réitère sa demande d'ajustement de son salaire et de voiture de fonction.

Suite à un entretien avec son supérieur hiérarchique le 7 décembre 2009, elle rappelle par mail du 8 décembre 2009 qu'elle n'a obtenu un Pc portable que le 30 novembre 2009 que les conditions matérielles n'étaient donc pas réunies pour lui permettre de prospecter efficacement dans une salle de réunion ; que le 18 juin 2009 lors de son retour de congé maternité et que malgré ses nombreuses demandes orales et écrites elle n'a pas récupéré de parc client ; qu'elle dispose d'un parc client que depuis le 2/10/09 et que de ce fait, à compter de cette date, elle a dû recommencer toute son activité commerciale tel un nouvel arrivant au poste de KAM, en effet ayant été absente 6 mois et son parc client redistribué.

Son supérieur M. [M] [W] lui répond par mail du même jour que quatre rendez-vous en deux mois avec une moyenne de 0,6 appels par jour de prospection est nettement insuffisant pour un commercial. Que ce commercial soit nouveau/ancien/junior/senior ... et avec parc ou sans parc ;

Le 15 mars 2010 elle fait l'objet d'un entretien préalable au licenciement (pièce 22) au cours duquel il lui est notamment indiqué que le motif de cet entretien réside dans son insuffisance de résultats, que les clients n'appartiennent pas à un commercial et peuvent être réaffectés. Elle répond que cet entretien s'explique par son assignation d'Easynet aux Prud'hommes le 5 février 2010 et par sa candidature aux élections au CE ; que les mauvais résultats confirment le contexte individuel hostile lors des retours de congé maternité, que son parc de clients ne lui a pas été restitué malgré le départ de [D] [G] ; que les moyens n'ont pas été mis à sa disposition pour retrouver une activité commerciale suffisante ; que le mauvais contexte économique a exacerbé la situation ; que l'ensemble de l'équipe connaît de mauvais résultats qu'elle a fourni de nombreux efforts malgré les difficultés rencontrées.

[C] [S], ancien responsable commercial qui l'assiste fait valoir qu'elle était la commerciale la plus performante et a gagné de nombreux challenges, que depuis son retour de congé maternité elle n'a plus les mêmes résultats ni les mêmes comptes ; que lorsqu'on regarde les statistiques de ventes. [E] [K] n'a pas les résultats les pires pourtant elle est la seule inquiétée aujourd'hui.

Par lettre du 18 mars 2010, la société EASYNET lui notifie son licenciement pour les motifs suivants :

« Il vous a été attribué un parc clientèle à exploiter à savoir les principaux clients suivants :

Swisscom

Caterpillar

Nicolas

Quicksilver

Alliance Hospitality

Terreal

Skiset

Et ce non compris les prospects à travailler, liste d'environ 90 prospects dont CELIO, XEROX, SEPHORA, VELUX, ZARA, PROMOD, ARMAND THIERY ...

Or, force a été de constater que malgré la notoriété de la société dans l'Internet professionnel et les aides matérielles et humaines mises en place (aide de votre supérieur hiérarchique [M] [W], les outils Computer Profile, etc.) un manque évident de travail (faiblesse des appels téléphoniques, faiblesse de la prospection, pas d'organisation pour optimiser votre temps de présence etc...), insuffisance qui s'est traduite par le non renouvellement d'un certain nombre de clients et notamment SKISET avec une résiliation de 114 sites soit 62.280 euros en date du 21 décembre 2009 sans alerte de votre part sur le risque éventuel sachant que vous gérez ce compte depuis début octobre, par la faible acquisition de nouveaux clients, qui en conséquence ne vous permet pas d'avoir un volant d'affaires potentiel suffisant dans le futur.

L'insuffisance de votre part se traduit aussi en termes de chiffres d'affaires et de marge : les données du premier semestre de notre année fiscale 2009/2010 :

prise de commande Brut à fin février 226.535€ pour un objectif de 494.667 € en cumulé à fin février (46%)

prise de commande Net à fin février 2010 de -85.589 € pour un objectif de + 66.667 € en cumulé à fin février (-129%).

L'environnement économique ayant exacerbé la concurrence, cela n'autorise pas la société EASYNET à conserver en son sein un salarié qui ne déploie pas tous ses efforts pour son employeur. »

SUR CE LA COUR

Sur l'inégalité de traitement alléguée

En application de l'article L. 3221-2 du Code du travail « Tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. »

L'article L. 3221-3 précise : « Constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier. »

L'article L. 3221-4 du même code ajoute : 'Sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.'

Mme [K] rappelle qu'à compter d'octobre 2008, elle a été promue ingénieur commercial grands comptes qu'à compter de cette date elle aurait dû, comme ses collègues affectés aux grands comptes, être dotée d'un blackberry, d'un ordinateur portable et d'un véhicule de fonction et aurait dû bénéficier d'un salaire équivalent à ceux de ses collègues au même poste.

Elle précise que leur salaire est plus élevé aux environs de 90.000 € annuel alors qu'elle n'a que 35 000 € que leur répartition fixe/variable de 75%/25% est plus avantageuse que la sienne qui est de 63%/37% ; qu'à son retour de son deuxième congé de maternité le 18 juin 2009, elle n'a eu de parc clients que fin octobre et qu'elle n'a pas retrouvé ses comptes clients de sorte qu'elle a dû reprendre sa prospection commerciale depuis le début.

La société EASYNET rétorque que Mme [K] se compare à des collègues masculins qui n'ont pas une rémunération à hauteur de 90.000 € dont le diplôme et l'expérience sont plus élevés et dont les objectifs étaient aussi très supérieurs.

Sur l'avantage tenant au véhicule de fonction, la société fait valoir que la salarié a sollicité une voiture en octobre 2009 et qu'elle l'a obtenue en décembre 2009, qu'elle n'a donc subi aucun préjudice.

Sur la comparaison des niveaux des rémunérations 

La cour observe qu'il résulte de la pièce 19 bis versée par l'employeur (tableau des rémunérations en mars 2010) que les cinq salariées femmes : [T] [Y], [E] [K], [F] [Z], [O] [A] et [X] [H] ont des salaires fixes qui s'étagent entre 24.176 € pour Mme [K] et 40.213 € pour Mme [H], alors que le salaire fixe des hommes commence à 49.662 euros pour M. [YN] et termine à 67.000 € pour M. [L] ; la même observation pouvant être faite en ce qui concerne la part variable, celles des salariées femmes allant de 14.037 € pour Mme [K] à 24.128 € pour Mme [H] alors que pour les salariés hommes la part variable débute à 22052 € pour M. [L] (dont le fixe est de 67 000 €) et va jusque 39 000 € pour M. [V].

De sorte que la simple lecture du tableau des rémunérations met en évidence une inégalité salariale nettement en défaveur des femmes.

A cet égard, sur le même tableau est mise en regard de chaque salarié son année de naissance mais cet élément ne permet pas d'expliquer les différences de rémunération ; en effet Mme [Y] qui est la plus âgée ne bénéficie pas d'une rémunération plus élevée et Mesdames [K] et [Z] nées en 1977 comme M. [P] ont des rémunérations fixes de 24 176 € et 27.200 € alors que ce dernier a un fixe de 55 000 € et qu'elles bénéficient de rémunérations variables de 14 037 € et 15.226 € alors qu'il bénéficie d'un variable de 30.921 €.

L'employeur fait valoir que Mme [K] ne peut revendiquer le même niveau de rémunération que les collègues masculins auxquels elle se compare car elle n'avait lors de son embauche qu'une faible expérience (5 mois en CDD) et un diplôme inférieur (BTS) ; toutefois, il résulte du curriculum vitae de Mme [K] produit par l'employeur (pièce 8 de la société) que contrairement à ce qu'affirme la société, Mme [K] aussi une expérience de 10 mois en alternance de chef de projet extranet et surtout elle a obtenu en 2002 un master en management des nouvelles technologies, son niveau est donc de bac+5 comme la plupart de ses collègues masculins, et non seulement celui d'un BTS comme l'affirme l'employeur.

En outre, la cour observe d'une part qu'en ce qui concerne M. [CW] dont la rémunération était de 97.053 €, la société, malgré la demande formulée par l'appelante, EASYNET ne précise ni son diplôme ni son expérience alors qu'il a été embauché le 18 mars 2003 soit une année avant Mme [K] ; et que l'ampleur de l'écart de rémunération ne saurait être justifiée par le seul niveau de qualification et d'expérience.

L'employeur explique aussi la différence de rémunérations par le niveau des objectifs assigné à chaque salarié ; s'il est exact que les objectifs des collègues masculins sont dans l'ensemble bien supérieurs à ceux de Mme [K], il convient de rappeler que le niveau des objectifs dépend aussi étroitement du portefeuille de clients confié au salarié.

A cet égard, la cour observe qu'il résulte de la pièce 19 produite par l'employeur que l'échantillon fourni comporte 13 salariés (8 hommes et 5 femmes) pour lesquels les indications sont fournies ; que sur les 5 salariées femmes quatre ont des objectifs netS AOV et Gross AOV bien inférieurs à ceux des salariés masculins, seule la 5ème [X] [H] a des objectifs très supérieurs.

Dans la mesure où les objectifs ne dépendent pas du simple travail des salariés mais sont directement corrélés avec le portefeuille de clients attribués par l'employeur, il faut en déduire un net désavantage au détriment des femmes et en particulier à l'encontre de Mme [K].

S'agissant de Mme [K], celle-ci allègue que le 18 juin 2009, lors de son retour de son second congé maternité, malgré ses nombreuses demandes orales et écrites elle n'a disposé d'aucun parc client et n'en dispose que depuis le 2/10/2009 (pièces 27 de la salariée). Ce point n'est pas utilement contredit par l'employeur qui ne justifie pas lui avoir remis lors de son retour du deuxième congé maternité ni ses anciens comptes clients ni même avoir mis à sa disposition dès le 18 juin 2009 date de son retour un parc client. Cette lacune a nécessairement impacté de manière négative la rémunération de Mme [K].

L'employeur ne s'explique pas non plus sur la non restitution à Mme [K] lors de son retour de congé maternité de ses comptes clients à fort potentiel : Auchan et Kookaï (cf. sa pièce 47, échange de mail du 29 juin 2009 où malgré sa demande de reprise de ses comptes, il est clairement dit que les comptes Auchan et Kookaï restent dans le périmètre de [D] [G]) ni même sur le fait qu'ensuite le compte Kookaï ait été affecté à [N] [CW] et le compte Auchan à [N] [L] alors que leur restitution aurait permis à Mme [K] de parvenir à une meilleure couverture de ses objectifs (cf. son mail du 11 février 2010, non démenti pièce 51) et donc à une rémunération plus conséquente. Cette attribution tardive d'un portefeuille lors du retour de son congé maternité et la non restitution de comptes clients à fort potentiel constitue une inégalité de traitement injustifiée.

Enfin contrairement à ce qu'affirme la société EASYNET, Mme [K] a demandé à plusieurs reprises une voiture de fonction, au moins dès le 24 novembre 2008, pour se rendre chez les clients (pièces de la salariée : 4, 10, 17 et 24) au même titre que les autres ingénieurs commerciaux affectés aux grands comptes, alors qu'il n'est pas discuté qu'elle y était affectée depuis octobre 2008 et que ce véhicule ne lui a été affecté qu'en décembre 2009 soit plus de 14 mois après sa promotion aux grands comptes.

Mme [K] a justement fait valoir que l'attribution d'un tel véhicule aurait facilité Sa prospection de clientèle et ce alors même qu'elle était enceinte et que les transports en commun étaient moins pratiques (son mail du 21 octobre 2008 pièce 10).

A cet égard l'employeur n'explique pas pourquoi malgré les demandes répétées qui lui ont été faites, il n'a pas attribué ou loué de véhicule pour Mme [K], alors qu'il ne conteste pas que cela faisait partie du package grand compte et que les autres salariés en disposaient, le fait que Mme [K] ait annoncé sa grossesse aurait dû être un motif d'accélération de l'attribution du véhicule et non une explication à une attribution tardive comme indique l'employeur qui fait observer que sur la période considérée elle était pendant 6 mois en congé maternité.

Cette résistance de l'employeur à lui attribuer un véhicule témoigne aussi d'une inégalité de traitement en défaveur de la salariée qui de ce fait a subi un préjudice.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour estime établie la différence de traitement en défaveur de Mme [K] d'octobre 2008 à Juin 2010 inclus et infirme la décision de première instance.

Au vu des éléments versés au débat la Cour estime le préjudice de Mme [K] à 3.200 euros par mois, soit pour une période de 21 mois une somme totale de 67.200 € au titre des salaires, 6.720 € au titre des congés payés afférents et à 2.154,24 € au titre de la non mise à disposition d'un véhicule de fonction, sommes auxquelles la société EASYNET doit être condamnée.

Sur le préjudice résultant de la minoration de l'indemnité conventionnelle de licenciement 

En application de la convention collective l'indemnité est 18 % du salaire annuel.

Il résulte des motifs ci-dessus que le salaire annuel de Mme [K] aurait dû être de 38.213€ (somme indiquée par l'employeur pièce 19 bis) majoré de 38.400 euros soit de 76 613 €.

Dès lors c'est sur cette base qu'il convient de calculer l'indemnité conventionnelle de licenciement et celle-ci aurait dû être de 13. 790, 34 €.

Mme [K] ayant perçu 5.727 € à ce titre, il lui reste dû : 8.063,34 €.

Sur les causes du licenciement 

L'employeur expose dans sa lettre de licenciement le manque de travail sur son poste de Mme [K] qui a entraîné une faible acquisition de nouveaux clients et le non renouvellement d'un certain nombre de clients et notamment Skiset en date du 21 décembre 2009 sans alerte de sa part.

L'employeur fait valoir que le supérieur hiérarchique de la salariée a appelé son attention sur ses insuffisances à plusieurs reprises mais qu'aucune amélioration ne s'en est suivie, qu'elle a bénéficié de conseils et de soutiens et que malgré cela son activité insuffisante a eu pour conséquence dommageable d'entraîner le non renouvellement des contrats avec plusieurs clients.

Mme [K] conteste ces motifs et fait valoir que son employeur n'ayant pas réussi à obtenir son départ a procédé à son licenciement.

Elle rappelle la chronologie : à son retour de son second congé de maternité (18 juin 2009) elle réclame ses droits avec insistance ; son conseil écrit un courrier à son employeur le 25 janvier 2010 ; elle décide de se présenter aux élections du personnel ; le 5 février 2010 sur sa demande le conseil de prud'hommes convoque son employeur ; le 27 février 2010 elle est convoquée à un entretien préalable au licenciement pour le 15 mars 2010, le 18 mars 2010 elle est licenciée.

Elle conteste les motifs faisant valoir que sur la période de 2008 à 2010, le nombre de salariés de la société est passé de 136 à 104.

Elle ajoute que les ruptures de contrats ne lui sont pas imputables ; qu'en particulier SKISET a rompu suite à des difficultés avec la filiale suisse d'Easynet et à cause de ses équipement techniques (pièces 53 et 55) que SWISSCOM a souligné le coût trop élevé des lignes ADSL facturées depuis 6 ans (pièce 52), que pour QUICKSILVER la rupture faisait suite à la revente de sa filiale Ski Rossignol.

Elle ajoute que les reproches portant sur la baisse du chiffre d'affaire sont d'autant plus mal fondés qu'elle n'a récupéré à l'issue de son congé maternité qu'une partie de son parc clients et que les plus prometteurs ont été attribués à ses collègues masculins ; qu'en octobre 2009 lorsqu'elle a demandé à prendre un prospect supplémentaire [J], M. [W] lui a répondu qu'il l'avait déjà affecté à M. [B] (pièce 49).

Enfin elle souligne qu'elle n'a reçu un ordinateur portable qu'en novembre 2009, son Blackberry en janvier 2010 et n'a été formée à l'outil Computer Profil que 20 jours avant de recevoir sa convocation à l'entretien préalable.

En l'espèce la cour relève d'abord que la salariée a été convoquée à un entretien préalable trois semaines après avoir elle-même provoqué la convocation de son employeur devant le conseil de prud'hommes pour une inégalité de traitement dont il a été montré plus haut que cette demande était fondée.

Ensuite il y a lieu d'observer que l'employeur ne démontre pas que les résiliations intervenues soient imputables à Mme [K], à cet égard le mail de Mme [I], responsable hiérarchique de M. [W] est inopérant, ce mail ne citant nullement Mme [K] ; par ailleurs les courriers ou mails émanant de clients résiliant leur contrat avec EASYNET ne permettent pas d'imputer ces résiliations à Mme [K] mais au contraire mettent en évidence des causes techniques.

S'agissant de l'implication insuffisante qui est reprochée à la salariée, la cour relève que ce grief n'est pas non plus établi en ce que Mme [K] y a apporté des réponses dans ses mails des 3 juillet 2009 et 8 décembre 2009 et qu'en revanche il ne lui a pas été répondu de manière satisfaisante sur la restitution de son portefeuille de clients et que ce n'est que très tardivement que des moyens de travail analogues à ceux des salariés masculins lui ont été accordés (voiture de fonction, Pc portable et Blacberry) de sorte que ces griefs ne sont pas fondés.

Dès lors, il convient de constater que le licenciement de Mme [K] est sans cause réelle et sérieuse et la décision de première instance sera infirmée de ce chef.

Compte tenu d'une part de ce que son salaire a été minoré de manière injustifiée mais aussi du fait qu'elle a immédiatement retrouvé un emploi, il lui sera alloué la somme de 45.000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société EASYNET succombant en la cause elle sera condamnée à payer à Mme [K] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de PARIS du 22 novembre 2011,

Statuant à nouveau,

Constate que la société EASYNET n'a pas rémunéré Mme [E] [K] au même niveau que ses collègues remplissant les mêmes tâches ;

Constate que Mme [K] n'a pas bénéficié des mêmes avantages en nature que les autres salariés ;

Dit le licenciement de Mme [E] [K] sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS EASYNET à payer à Mme [K] les sommes suivantes :

- 67.200 € à titre de rattrapage de salaire

- 6.720 € au titre des congés payés afférents

- 2.154,24 € au titre des avantages en nature

- 8.063,34 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 45.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile

Rejette toute autre demande,

Condamne la SAS EASYNET aux entiers dépens.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 11/12712
Date de la décision : 29/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°11/12712 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-29;11.12712 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award