La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2015 | FRANCE | N°13/11024

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 28 janvier 2015, 13/11024


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 28 JANVIER 2015



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/11024



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/01590





APPELANTE



SARL LE BATEAU DE SAFRAN - CREATION [J] [F] anciennement dénommée société '[J] [F]'prise en la personne d

e ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018,...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 28 JANVIER 2015

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/11024

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/01590

APPELANTE

SARL LE BATEAU DE SAFRAN - CREATION [J] [F] anciennement dénommée société '[J] [F]'prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, avocat postulant

Assistée de Me Antoine BOLZE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0202, avocat plaidant

INTIMÉ

Monsieur [O] [X] [B] (MINEUR)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Gérard DELAGRANGE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0049

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, présidente

Madame Brigitte CHOKRON, conseillère

Madame Caroline PARANT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : lors des débats : Madame Orokia OUEDRAOGO

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par Madame Laureline DANTZER, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

********

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé, à effet du 1er novembre 1995,Mme [D] [X] [B] a donné à bail à la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F], alors dénommée ' [J] [F] ' des locaux à usage commercial sis [Adresse 3]..

Ce bail fait suite à une convention d'occupation précaire conclue par Mme [J] [F] le 20 juillet 1994.

M. [K] [X] [B] s'est vu attribuer, par acte de partage, la propriété de l'immeuble dans lequel sont exploités les locaux.

Le bail décrit les locaux comme comprenant une grande surface au rez - de - chaussée, de grande hauteur avec mezzanine partielle en façade sur voie et, au fond, en surélévation, une réserve.

L'article II, à savoir la clause de destination du bail, prévoit que les locaux sont destinés à l'exploitation personnelle du preneur pour l'activité de : entreposage, import et export, restauration, création d'objets de décoration et d'ameublement, comprenant le textile, les accessoires, articles cadeaux.

Il ajoute, en son alinéa 2, que le preneur sera tenu de conserver aux lieux loués la présente destination contractuelle, à l'exclusion de toute autre utilisation de quelque nature, importance et durée, sous peine de résiliation immédiate du présent bail, si bon semble au bailleur.

Par exploit du 2 avril 2009, M. [X] [B] a fait délivrer à la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] un commandement d'avoir à payer la somme de 6 613, 68 € ; ce commandement visait la clause résolutoire du bail.

Par autre exploit du 23 avril 2009 la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] a formé opposition audit commandement devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par acte du 29 avril 2009, M. [X] [B] a fait délivrer à la société ' [J] [F] ' une sommation visant la clause résolutoire du bail d'avoir à :

- justifier de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés,

- faire cesser la sous location à la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F], à Mme [D] [A]- [J] [F], ou encore à M. [T] [W],

- exploiter par elle même le fonds de commerce et s'en tenir à la destination du bail,

- produire une police d'assurance conforme aux clauses du bail,

- exécuter l'obligation d'entretien, de réparation et de remédier aux taches d'humidité et aux manquements susvisés,

- remettre les lieux en leur état original, conformes à la description et à la destination du bail et supprimer l'appartement privé créé à l'étage, en restituant aux lieux leur surface commerciale.

La société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] a protesté, par exploit du 15 juin 2009.

Par jugement du 1er septembre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- constaté que l'ancienne dénomination sociale de la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] était ' [J] [F] ',

- déclaré sans effet sur la résolution de plein droit du bail le commandement de payer du 2 avril 2009,

- dit que la clause résolutoire a été régulièrement mise en mouvement par la sommation délivrée le 29 avril 2009 du chef d'une infraction à la destination contractuelle,

- constaté la persistance d'une utilisation des locaux pour un usage qui n'est pas un usage commercial, plus d'un mois après la délivrance de la sommation du 29 avril 2009,

- dit que le bail liant les parties est résolu de plein droit à compter du 30 mai 2009,

- autorisé l'expulsion, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, à défaut de départ volontaire des lieux dans les deux mois de la signification du jugement, et dit que les objets mobiliers seront soumis aux articles 65 et 66 de la loi du 9 juillet 1991,

- fixé l'indemnité d'occupation à une somme mensuelle équivalente au tiers du loyer en cours, majoré de 10 %, outre les charges et taxes, et ce, à compter du 30 mai 2009, jusqu'à complète libération des lieux, et condamné la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] au paiement de cette indemnité d'occupation, déduction faite des sommes versées,

- dit que les autres demandes de M. [X] [B] sont devenues sans objet,

- débouté la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 4 novembre 2014, la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] demande à la cour :

- de déclarer son appel recevable et bien fondé ;

- d'infirmer le jugement entrepris ;

et, statuant à nouveau,

-de débouter M. [X] [B] de ses demandes;

- de dire et juger que la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] n'a pas enfreint la destination du bail;

- de condamner M. [X] [B] à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de droit et celle de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

à titre subsidiaire,

- de dire et juger que la bonne foi de la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] justifie l'octroi d'un délai de 2 ans pour s'acquitter des sommes pouvant être dues et quitter les lieux.

Par dernières conclusions signifiées le 3 novembre 2014, M. [X] [B] demande que l'appel de la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] soit déclaré irrecevable et mal fondé et demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il:

- a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 30 mai 2009 ;

- a autorisé l'expulsion et la séquestration des meubles ;

- a fixé l'indemnité d'occupation à une somme mensuelle équivalente au tiers du loyer en cours, majoré de 10 %, outre les charges et taxes ;

Il sollicite, en outre, la condamnation de la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] au paiement, en deniers ou quittances, de la somme de 41 399, 37 €, compte non tenu du terme en cours, et au paiement de 1, 50 % des sommes dues à titre de dommages et intérêts conformément à l'article IV du bail, ou à titre de dommages et intérêts compensatoires, et la capitalisation des intérêts .

Subsidiairement , il demande le constat de l'acquisition de la clause résolutoire des autres chefs visés dans la sommation du 29 avril 2009 et dans le commandement du 2 avril 2009.

Plus subsidiairement, il sollicite le prononcé de la résiliation du bail pour manquements graves et renouvelés du preneur ainsi que la condamnation au paiement de la somme de 41 399, 37 € en deniers ou quittances, avec intérêts au taux de 1, 50 % par mois et capitalisation conformément à l'article 1154 du code civil. Il conclut au débouté des demandes reconventionnelles de la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] et sa condamnation aux dépens, dont distraction, et au paiement de la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le constat de la résiliation de plein droit du bail liant les parties et l'expulsion et sur la demande en paiement de 41 399, 37 €.

La société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] soutient qu'elle n'a pas violé la clause de destination du bail et s'est contentée d'utiliser un local de repos personnel permettant à sa gérante de se changer et de se présenter aux clients et fournisseurs sur son meilleur jour.

Elle rappelle que M. [X] [B] doit faire la preuve d'une utilisation non commerciale durable et les premiers juges se sont contentés de traces de nourriture et de boisson pour constater la résiliation du bail alors que le fait pour le gérant de prendre ses repas et de se reposer dans le local n'est pas interdit par le bail ; qu'en tout état de cause, cette prétendue interdiction serait nulle, comme contraire à la convention européenne des droits de l'homme et qu'il est également nécessaire que le salarié M. [W] puisse prendre ses repas et disposer de lieux d'aisance et de repos au sein du local commercial, le tout dans un lieu décent.

Elle ajoute que le tribunal s'est fondé sur un constat ancien de 2009 pour résilier le bail alors qu'il s'agit d'un contrat à exécution successive et qu'il appartient au bailleur de rapporter la preuve de la violation actuelle du bail ; que les griefs ne sont ni établis ni graves alors que le preneur exécute ses obligations.

M. [X] [B] prétend, au contraire , que le tribunal a justement tiré du constat dressé dans les lieux, les 24 et 30 mars 2009, la conclusion que le local à usage commercial était utilisé à usage d'habitation avec salle de bains, cuisine, lits dans les chambres, meubles et matériels destinés à l'habitation ; que l'huissier a procédé le 22 juin 2009 aux mêmes constatations.

Il ajoute que Mme [F] n'a pas mis à profit le délai d'un mois de la sommation pour remédier aux faits, alors que la modification des lieux est une infraction irrévocable et qu'elle a procédé, sans autorisation, à une sous - location interdite, à son profit personnel, comme l'établit la mention de l'adresse du bail comme adresse personnelle de Mme [F], tant sur les pages jaunes que sur l'extrait K bis de la société.

Il demande confirmation de la décision des premiers juges qui ont décidé que la persistance de l'infraction justifiait le constat de la résiliation du bail.

Il ajoute enfin que d'autres manquements à la clause de destination exclusive sont établis et que le preneur avait décidé d'étendre son fonds de commerce au [Adresse 1].

Le bail du 26 décembre 1995 contient en son article VIII une clause résolutoire qui dispose : ' qu'à défaut de paiement d'un seul mois ou terme de loyer et accessoires à son échéance, ou à défaut d'une seule des conditions du présent bail et un mois après un simple commandement de payer ou une sommation d'exécution signifiés à personne ou au domicile ci après élu, contenant mention de la présente clause restée sans effet, le présent bail sera résilié de plein droit, si bon semble au bailleur ...'

Il a été rappelé dans l'exposé du litige l'article II, à savoir la clause de destination du bail, qui prévoit, en son alinéa 1er que les locaux sont destinés à l'exploitation personnelle du preneur pour l'activité de : entreposage, import et export, restauration, création d'objets de décoration et d'ameublement, comprenant le textile, les accessoires, articles cadeaux.

L'alinéa 2 prévoit, en outre, que le preneur sera tenu de conserver aux lieux loués la présente destination contractuelle, à l'exclusion de toute autre utilisation de quelque nature, importance et durée, sous peine de résiliation immédiate du présent bail, si bon semble au bailleur.

Le constat dressé par Maître [Y], huissier, commis par ordonnance sur requête du Président du tribunal de grande instance de Paris, les 24 et 31mars 2009, décrit ainsi les locaux donnés à bail au [Adresse 3] :

- une grande pièce dans laquelle sont entreposés de nombreux objets qui semblent provenir d'Inde,

- une mezzanine contenant :

* une salle de bains équipée d'un lavabo, d'une baignoire avec douchette, d'un WC à l'anglaise ; les photos annexées au constat montrent qu'autour de la baignoire sont entreposés deux flacons de type shampooing ou gel douche et, au dessus du lavabo, deux flacons, un verre à dent avec dentifrice et un diffuseur de laque ;

* la première pièce est à usage de cuisine et salle à manger/ rangement ; elle est équipée d'une gazinière avec deux plaques gaz, deux plaques électriques, deux bacs évier avec égouttoir, d'une machine à laver la vaisselle, d'un four à micro ondes et d'un réfrigérateur ; elle est munie de placards hauts avec de la vaisselle, des produits alimentaires frais et de conserve ; dans le réfrigérateur se trouvent des légumes et des laitages ; est notée la présence de chaises et d'un buffet contenant de la vaisselle ; les photographies de cette pièce montrent tous ustensiles permettant de faire la cuisine ( huile, épices ), de la vaisselle mise à sécher à proximité de l'évier et de la vaisselle sale dans l'évier, des provisions sur le four à micro ondes et divers objets du quotidien sur le réfrigérateur ;

- la seconde pièce est décrite par l'huissier comme moquettée avec un lit ancien, des placards contenant des vêtements et du linge de maison ( serviettes de bain, nappes et torchons), un meuble ancien contenant des dessous féminins ;

- dans le local sous toiture sont entreposés de nombreux objets anciens, et notamment des pendules, un matelas une place et un lit pliant, le matelas présentant des traces de salissure.

Le 24 mars 2009, l'huissier a rencontré la gardienne de [1] qui lui a déclaré: ' La personne qui vit au [Adresse 3] est Mme [J] [F]. Elle y a une chambre et une cuisine où elle vit au premier étage. Le week - end, il y a des gens qui viennent, certains même me demandent d'ouvrir la grille d'accès de la villa pour charger ou décharger des meubles . Je vois aussi des acheteurs qui viennent au 9 et aussi au 13.'

Le 29 avril 2009, M. [X] [B] a fait notifier, par acte d'huissier, à la société [J] [F] , ancienne dénomination de la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F], une sommation destinée notamment à remettre les lieux dans leur état originel conforme à la description et à la destination du bail et à supprimer l'appartement privé créé à l'étage en restituant aux lieux leur surface commerciale, après avoir exposé qu'il était apparu qu'avait été créé un appartement d'habitation dans les lieux à savoir, salle de bains, cuisine, chambre, ce qui modifiait les données originelles du bail et que cette opération constituait une infraction à la clause 6 du bail et à l'article II du chapitre I dont les termes ont été rappelés plus avant.Cette sommation visait d'autres infractions au bail et la clause résolutoire insérée au bail.

Le 22 juin 2009, Me [Y], commis par nouvelle ordonnance présidentielle, s'est à nouveau rendu sur les lieux au [Adresse 3].

La description des lieux loués et notamment de la mezzanine est très proche de celle effectuée le 31mars précédent ; la cuisine est toujours en état de fonctionnement avec de nombreux ustensiles de cuisine et des provisions sur le plan de travail ; la photographie du buffet montre des nombreux verres et tasses à café, de nombreux objets de la vie quotidienne et plusieurs bouteilles de vin ; la baignoire est dans le même état avec quelques flacons supplémentaires sur l'étagère située au dessus de la baignoire.

Il résulte clairement de la lecture de ces deux constats et de l'examen des photographies qui y sont annexées la preuve que, si la grande pièce du rez - de - chaussée sert à l'usage commercial prévu au bail, à savoir l'entreposage import export, la restauration, la création d'objets de décoration et d'ameublement, en revanche, la mezzanine et le local sous toiture sont utilisés par la gérante de la société locataire comme local d'habitation. Contrairement à ce que soutient la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] dans ses écritures, il ne s'agit nullement d'un simple local de repos permettant à Mme [F] de se changer et de se présenter sur son meilleur jour mais d'un local d'habitation permanente caractérisé par la présence d'une véritable salle de bains avec baignoire et lavabo dont l'utilisation est établie par la présence d'objets permettant le lavage, autre qu'occasionnel ( gels douche, shampooings, diffuseur de laque, dentifrice ) ; la cuisine est bien aménagée avec des équipements électroménager complets ( cuisinière, machine à laver la vaisselle, bouilloires ), des casseroles, des provisions et de la vaisselle utilisée ; le nombre des verres, tasses à café et l'importance du linge de maison démontrent également un usage d'habitation que confirment la présence d'un lit et de matelas.

Les déclarations de la gardienne confirment le fait prétendu par le bailleur que le local servait à l'habitation de Mme [F], gérante de la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F], tout comme la mention de son domicile personnel qui figure sur l'extrait K bis de la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] au registre du commerce et des sociétés du 5 août 2014, à savoir le 9 villa Ribeyrolle.

M. [X] [B] démontre ainsi la réalité de la violation par la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] de la clause de destination du bail le 31 mars 2009, et sa persistance le 22 juin suivant, en dépit de la sommation du 29 avril 2009 d'avoir à la faire cesser.

La locataire est mal venue à prétendre à la nullité de la clause de destination du bail comme interdisant toute utilisation personnelle et occasionnelle du local ; il s'agit au contraire d'une clause de destination à usage commercial parfaitement licite , en ce qu'elle exige du preneur qu'il conserve la destination contractuelle commerciale du bail et prohibe le fait que les locaux soient utilisés à usage d'habitation, ce qui n'interdit nullement à sa gérante et à ses employés de se restaurer, de se reposer et de se rafraîchir dans un local de repos aménagé pour ce faire. Cette clause ne porte pas ainsi atteinte au respect des droits fondamentaux de l'homme consistant à pouvoir se restaurer et disposer de lieux d'aisance et de toilettes sur son lieu de travail.

Le fait que Mme [F] dispose d'une habitation très proche de son lieu de travail est sans conséquence sur la réalité de la violation de la clause de destination puisqu'il est démontré que le local commercial servait également d'habitation.

Enfin , contrairement à ce que soutient le preneur, le constat de la résiliation de plein droit du bail est effectué par le juge, au visa de la persistance de l'infraction au bail un mois après la sommation d'avoir à respecter la clause du bail, et non pas en fonction de la situation telle qu'elle se présente au jour où il statue.

Il convient de constater que la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] n'a pas régularisé l'infraction à la clause de destination du bail dans le mois de la sommation à elle délivrée le 29 avril 2009, de sorte que la clause résolutoire est acquise au bailleur le 30 mai 2009.

La société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] n'a pas demandé au tribunal de grande instance de Paris la suspension des effets de la clause résolutoire, se contentant de contester l'infraction.

Ce n'est que devant la cour qu'elle forme, sur le fondement de l'article L 145 - 41 du code de commerce, une demande de suspension des effets de la clause résolutoire en prétendant être de bonne foi, sollicitant un délai de grâce de 2 ans pour s'acquitter des sommes pouvant être dues, et quitter les lieux.

Elle verse aux débats un constat dressé par Me [U], huissier, le 17 octobre 2014 qui démontre que, le jour du passage de l'huissier, la baignoire se trouvant dans la mezzanine n'est plus utilisée car remplie d'objets de décoration et que l'espace cuisine a été réaménagé avec deux tables de repas entourées de chaises ; que le réfrigérateur contient principalement des boissons, Mme [F] indiquant à l'huissier que la vaisselle était utilisée par elle et son employé pour des déjeuners à usage professionnel. La pièce mitoyenne de la cuisine est décrite comme une remise d'éléments de textile d'usage professionnel.

Ce constat permet d'établir la régularisation de l'infraction de violation de la clause de destination le 17 octobre 2014, soit plus de 5 ans après les constats de mars et juin 2009.

La tardiveté de cette régularisation et l'absence de toute demande de suspension des effets de la clause résolutoire fut-ce à titre subsidiaire devant les premiers juges conduisent la cour à exclure toute bonne foi de la locataire et à rejeter en conséquence la demande de suspension des effets de la clause résolutoire, compte tenu de la persistance de l'infraction au bail en dépit d'une sommation de faire et d'une précédente instance devant le tribunal de grande instance de Paris.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail au 30 mai 2009, ordonné l'expulsion de la locataire et autorisé la séquestration de ses meubles.

Il sera infirmé seulement sur le délai donné à la locataire avant que l'expulsion ne soit autorisée, délai qui sera porté à 6 mois, compte tenu de l'ancienneté de l'occupation de la locataire, soit 20 ans, et de l'importance du déménagement à opérer, compte tenu du nombre d'objets mobiliers se trouvant dans les lieux loués.

Sur l'indemnité d'occupation et la demande en paiement de la somme de 41 399, 37 €

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a fixé une indemnité d'occupation au loyer contractuel majoré de 10 %, l'état de vétusté du local justifiant que l'indemnité d'occupation à laquelle la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] est condamnée à paiement à compter du 30 mai 2009 soit fixée au montant du loyer contractuel, outre charges et taxes.

Les parties sont contraires en fait sur le montant du solde locatif restant dû à M. [X] [B] par la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] ; M. [X] [B] soutient que lui reste due la somme de 41 399, 37 € à titre de solde de loyers, indemnités d'occupation et charges arrêté au 3 octobre 2014, alors que la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] prétend s'être toujours acquittée régulièrement de ses loyers, suivant attestation de son expert comptable, et conteste le décompte des charges incompréhensible et non détaillé.

Il résulte des pièces versées aux débats que le bailleur justifie par la production de décomptes détaillés des charges appelées jusqu'en 2009 et des taxes foncières appelées jusqu'en 2009 ( la taxe foncière intitulée taxe foncière 2010 sur le relevé de compte correspond à la taxe foncière de l'année 2009 ).

La société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] ne conteste pas les sommes portées au crédit de son compte sur les relevés de compte produits par le bailleur, et notamment sur le dernier relevé du 3 octobre 2009 qui arrête les comptes au 30 septembre 2013.

Au 5 novembre 2009, la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] était débitrice de la somme de 4 246, 91 € à titre de solde de loyers, indemnités d'occupation, charges et taxes.

A compter de 2010, la locataire était redevable d'indemnités d'occupation égales au loyer, soit 3 773, 68 € par trimestre, outre les charges et taxes, et le bailleur devra justifier des charges et taxes appelées à compter de cette date sans qu'aucune condamnation puisse intervenir en l'état, de ce chef, en l'absence de justificatif des charges et taxes appelées .

Les indemnités d'occupation s'élèvent à 19 trimestrialités ( 4 en 2010, 2011, 2012, 2013 et 3 en 2014 ) soit 3 773, 68 x 19 = 71 699, 92 € de sorte que les sommes totales dues par l'appelante s'élevaient au 30 septembre 2014 à la somme de 71 699, 92 + 4 246, 91 = 75 946, 83 €.

Le crédit du compte locataire de la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] s'élevait au 3 octobre 2014 à la somme de 99 980, 32 €, total dont sera déduite la somme de 16 009, 40 €, payée jusqu'en janvier 2010 ( somme déjà déduite lors du calcul du solde dû au 5 novembre 2009 soit 4 246, 91 € ).

Les sommes payées par l'appelante du 1er janvier 2010 au 3 octobre 2014 s'élèvent à la somme de 99 980, 32 - 16 009, 40 = 83 970, 92 €.

Il est ainsi démontré que la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] s'est acquittée du montant de l'indemnité d'occupation, pour la part correspondant au montant du loyer, et qu'elle a payé, en sus, une partie des charges et taxes, soit 83 970, 92 - 75 946, 83 = 8 024,09 €.

M. [X] [B] qui devait régulariser les charges et justifier du montant des taxes à acquitter par l'appelante, ne justifie pas de la somme effectivement due par son ancienne locataire au titre des charges et taxes à compter de janvier 2010, de sorte qu'il sera débouté de sa demande en paiement de la somme de 41 399, 37 € et de ses demandes accessoires en paiement de la majoration contractuelle et de capitalisation des intérêts.

Sur le surplus des demandes

La société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] qui forme une demande reconventionnelle en paiement de 10 000 € à titre de dommages et intérêts sans caractériser d'abus du propriétaire dans l'exercice de son droit d'agir ni démontrer sa volonté de nuire en ayant sollicité la nomination d'un huissier pour constater les conditions d'occupation du local lui appartenant donné à bail, sera déboutée de cette demande, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

La société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] qui succombe principalement sera déboutée de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles et condamnée aux dépens de l'instance d'appel, dont distraction; elle paiera à M [X] [B] une somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris, à l'exception de ses dispositions sur l'expulsion et sur l'indemnité d'occupation ;

Statuant à nouveau, sur les chefs infirmés,

Autorise l'expulsion, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, à défaut de départ volontaire des lieux loués [Adresse 3] de la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] et de tous occupants de son chef, dans les six mois de la signification du présent arrêt ;

Fixe l'indemnité d'occupation payable à compter du 30 mai 2009 à une somme équivalente au loyer en cours, outre les charges et taxes, jusqu'à complète libération des lieux, et condamne la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] au paiement de cette indemnité d'occupation ;

Y ajoutant,

Déboute M. [X] [B] de sa demande en paiement de la somme de 41 399, 37 € à titre de solde locatif et de ses demandes accessoires en paiement de majorations contractuelles et de capitalisation des intérêts ;

Condamne la société ' Le Bateau de Safran ' - Création [J] [F] à payer à M [X] [B] une somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/11024
Date de la décision : 28/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°13/11024 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-28;13.11024 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award