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28/01/2015 | FRANCE | N°13/05151

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 28 janvier 2015, 13/05151


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRÊT DU 28 JANVIER 2015



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05151



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/13197





APPELANT



Monsieur [J] [U] [L] [D]

[Adresse 1]

[Localité 1]



représenté par

Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

assisté de Me Michèle PARUCCI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1590







INTIMÉ



Syndicat des copropri...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRÊT DU 28 JANVIER 2015

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05151

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/13197

APPELANT

Monsieur [J] [U] [L] [D]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

assisté de Me Michèle PARUCCI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1590

INTIMÉ

Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] représenté par son syndic le CABINET MAVILLE IMMOBILIER, ayant son siège social

[Adresse 3]

75005 PARIS

représenté par Me Louis GABIZON, avocat au barreau de PARIS, toque : U0008

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique DOS REIS, Président de chambre

Madame Denise JAFFUEL, Conseiller

Madame Claudine ROYER, Conseiller, chargée du rapport

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique DOS REIS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier présent lors du prononcé.

Monsieur [J] [D] a acquis le 27 août 2010 un lot n°11 situé au rez-de-chaussée de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 2].

L'acte de vente précisait que ce bien dépendait d'un ensemble immobilier se trouvant dans le périmètre du PLAN DE SAUVEGARDE ET DE MISE EN VALEUR DU MARAIS (PSMV) et qu'il était « à usage de dépôt ».

Ce Plan classait les constructions existantes dans ce secteur en 5 catégories, la 5ème catégorie visant « les immeubles occupés par des activités industrielles, artisanales, dont la démolition [pourrait] être imposée à l'occasion d'opérations d'aménagement lorsque cesserait leur occupation par des activités industrielles ou artisanales ou commerciales. » Ces immeubles, teintés en orange sur le plan, comprenaient l'immeuble en cause.

Le 24 janvier 2011, Monsieur [D] a donné à bail à Monsieur [B] [Q] ce lot n°11 dans le cadre d'une location de courte durée (inférieure à deux ans). Le bail décrit le bien loué comme étant « un local situé au rez-de-chaussée avec kitchenette, salle d'eau et WC, à destination artisanale ».

Par procès-verbal du 18 janvier 2011, notifié à M. [D] le 1er avril 2011, l'assemblée générale des copropriétaires du [Adresse 2] a adopté une résolution n°22 donnant mandat au syndic d'agir contre M.[D].

Monsieur [D] a fait part au syndic de son désaccord sur cette assemblée générale, convoquée selon lui irrégulièrement.

Lors d'une nouvelle assemblée générale du 6 juillet 2011, les copropriétaires ont adopté deux résolutions relatives à M. [D] :

- une résolution n°13 faisant le point sur la procédure concernant l'intéressé (résolution sans vote),

- une résolution n°14 adoptée à la majorité de 762/1035èmes, donnant habilitation au syndic d'agir conformément à la résolution n°22 du 18 janvier 2011, à l'effet d'obtenir la cessation de l'usage du lot n°11 comme habitation, sa remise en état conformément au Plan de sauvegarde et de mise en valeur du Marais, le remboursement des frais exposés dans le cadre de cette procédure, et des dommages et intérêts pour les troubles et nuisances subies par la copropriété.

Dès le 20 juin 2011 (peu après la convocation du 10 juin 2011 à cette assemblée) M. [D] avait renouvelé ses critiques contre l'assemblée générale du 18 janvier 2011, manifesté son désaccord sur la tenue d'une assemblée générale en juillet, et adressé un pouvoir pour une assemblée générale à fixer début 2012.

Sur requête du syndicat des copropriétaires, un huissier a été désigné à l'effet de constater l'état du lot n°11. Ce constat, établi le 30 août 2011, décrit les lieux comme un local à usage d'habitation avec mezzanine, lit, coin-cuisine et salle de bain. Le constat indique, au vu des courriers trouvés sur place, que les lieux sont occupés par M. [Q] [B] et un enfant.

Par acte d'huissier du 6 septembre 2011, Monsieur [D] a assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], afin d'obtenir notamment d'une part l'annulation de la résolution n°14 de l'assemblée générale du 6 juillet 2011, d'autre part l'annulation de la résolution n°22 de l'assemblée générale du 18 janvier 2011.

Peu après, le 13 septembre 2011, M. [J] [D] a acquis dans le même immeuble du [Adresse 2] un second lot (n°10) situé comme le lot n°11 au Rez-de-chaussée de l'immeuble, et toujours « à usage de dépôt ».

Ce lot a été loué le 4 octobre à Madame [X] [T] pour un usage de « bureau et dépôt pour échantillons de matériaux de décoration intérieure ».

Ce lot n°10 a fait lui-même l'objet d'un constat d'huissier du 20 octobre 2011 précisant qu'il présentait:

- une cour bordée sur la gauche d'une construction en cours de rénovation,

- une porte neuve,

- un complet décapage des soubassements,

- un encadrement en fer (apposé contre le mur de façade) crevé en partie haute pour dégager l'électricité,

- à l'intérieur, un faux-plafond neuf d'où sortent des fils électriques neufs,

- une plaque de cuisson

- un placard bas,

- un cumulus neuf,

- 2 marches d'accès à un local surélevé dans lequel se situait un lavabo et une douche.

Le 17 novembre 2011, l'architecte des bâtiments de France a dressé contre M. [J] [D] un procès-verbal d'infraction pour « création d'une habitation dans un local légendé en orange, vide depuis 2006 au moins ». Ce procès-verbal décrivant les travaux effectués a été transmis le même jour au Procureur de la République de Paris.

Par actes des 2 et 8 décembre 2011, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] a assigné en référé M. [J] [D] afin de voir condamner à restituer aux lots 10 et 11 leur usage de dépôt.

Par ordonnance du 12 mars 2012, le Juge des référés a débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes.

Par jugement du 29 janvier 2013, le Tribunal de grande instance de Paris (8ème chambre), statuant sur les contestations des décisions d'assemblées générales des 18 janvier et 6 juillet 2011, a :

- dit M. [D] irrecevable en sa demande d'annulation de la 22ème résolution de l'assemblée générale du 18 janvier 2011,

- débouté Monsieur [D] du surplus de ses demandes,

- condamné ce dernier à restituer aux lots 10 et 11 leur usage de dépôt, en faisant cesser l'occupation à usage d'habitation et en supprimant l'ensemble des installations de cuisine et sanitaires dans un délai de 4 mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai,

- condamné M. [D] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens recouvrables conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Monsieur [J] [D] a relevé appel de ce jugement par déclaration d'appel du 13 mars 2013.

Par ordonnance du 9 octobre 2013, le Magistrat de la mise en état a, au visa de l'article 909 du code de procédure civile et sur conclusions d'incident de M. [J] [D] du 24 septembre 2013, dit irrecevables les conclusions signifiées le 28 août 2013 par le syndicat des copropriétaires.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions, moyens et arguments dont elle est saisie, la Cour fait référence expresse à la décision déférée et aux dernières conclusions de M. [J] [D] signifiées le 13 juin 2013.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 novembre 2014.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Aux termes de ses écritures, Monsieur [J] [D] demande à la Cour d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et de :

- dire nulle et de nul effet la 14ème résolution de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2] en date du 6 juillet 2011,

- dire que la nullité de cette 14ème résolution aura pour conséquence la nullité de la 22ème résolution de l'assemblée générale du 18 janvier 2011, avec toutes les conséquences de droit y attachées,

- dire que cette assemblée générale ordinaire du 6 juillet 2011 est nulle pour abus de majorité,

- dire qu'il n'y a lieu pour lui de restituer à usage de dépôt le local n°11 de l'immeuble, l'occupation à titre d'habitation n'ayant pas été prouvée,

- dire le syndicat des copropriétaires irrecevable à le poursuivre en ce qui concerne le lot n°10 en raison de l'absence de mandat donné par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble,

- infirmer en conséquence la décision en ce qu'elle l'a condamné à restituer à l'usage de dépôt le lot n°10 en raison de l'absence de mandat donné par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble,

- condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à lui rembourser la somme de 8000 euros représentant le coût des travaux de toiture qu'il a été dans l'obligation de faire exécuter dans le lot n°11 dont il est propriétaire,

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le syndicat des copropriétaires aux dépens de première instance et d'appel.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], dont les conclusions d'appel ont été déclarées irrecevables, avait conclu en première instance au rejet des demandes de M. [J] [D], à sa condamnation sous astreinte à restituer aux lots n°11 et 10 leur usage de dépôt défini au règlement de copropriété, en faisant cesser l'occupation à usage de dépôt et en supprimant l'ensemble des installations sanitaires ou de cuisine.

* * *

Sur la nullité de l'assemblée générale du 6 juillet 2011

Monsieur [D] soutient comme en première instance que l'assemblée du 6 juillet 2011 doit être annulée en son ensemble pour s'être tenue en juillet, alors que les assemblées ordinaires ont lieu au début de chaque année et non en juillet ; que si plusieurs assemblées pouvaient se réunir la même année, l'une devait être « ordinaire » mais la suivante devait être « extraordinaire ».

Il est exact que le règlement de copropriété a prévu que les propriétaires de l'immeuble devaient se réunir chaque année en assemblée générale dans les quatre premiers mois de l'année pour la gestion des intérêts communs.

Les premiers juges ont à juste titre constaté que cette prescription avait été observée puisqu'une assemblée générale s'était tenue le 18 janvier 2011 et que rien n'interdisait la tenue d'une seconde assemblée générale.

La Cour ajoutera que la loi du 10 juillet 1965 et le règlement de copropriété ne prévoyant pas la tenue d'assemblées générales « ordinaires » ou « extraordinaires » mais la tenue uniquement « d'assemblées générales », le fait que l'assemblée du 6 juillet 2011 ait été qualifiée « d'annuelle » ne peut avoir aucune conséquence particulière et en tout cas nullement entraîner la nullité de ladite assemblée.

Monsieur [D] sera donc débouté de sa demande d'annulation de l'ensemble de l'assemblée générale du 6 juillet 2011.

Sur la demande d'annulation de la résolution n°14 de l'assemblée générale du 6 juillet 2011

Cette 14ème résolution de l'assemblée générale du 6 juillet 2011, intitulée: « Précisions concernant la procédure contre Monsieur [D] », était ainsi libellée :

«L'assemblée générale, après en avoir délibéré, entend préciser l'habilitation donnée au syndic à la 22ème résolution de l'assemblée générale du 18 janvier 2011 à cette fin, elle donne mandat au syndic à l'effet d'engager toutes actions, tant au référé qu'au fond, devant toutes juridictions, à l'encontre de Monsieur [D] et toutes personnes physiques ou morales qu'il conviendrait de mettre dans la cause.

À l'effet de:

Obtenir, outre la cessation de l'usage du lot 11 comme habitation et la remise en état antérieur du lot n°11, la démolition pure et simple de ce lot conformément au PSVM du Marais qui prévoit que la démolition pourra être imposée « à l'occasion d'opérations d'aménagement, lorsque cessera leur occupation par les activités industrielles ou artisanales »,

Obtenir le remboursement des frais exposés dans le cadre de la procédure (avocat, expert, huissier, architecte, syndic, sapiteurs...), l'allocation de dommages & intérêts pour les troubles & nuisances subies par la copropriété; d'assurer le recouvrement des sommes obtenues dans le cadre de la procédure.

Les copropriétaires donnent mandat au syndic de recourir à tous conseils de son choix et nécessaires à la défense des intérêts de la copropriété. Si nécessaire un expert judiciaire sera désigné aux frais avancés de la copropriété.

Personne ne s'abstient,

Votent Pour : 762/1035

Cette résolution est adoptée à la majorité prévue par l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965. » 

Monsieur [D] demande l'annulation de cette résolution pour abus de majorité et non respect du statut de la copropriété et du règlement de copropriété. Il prétend que la nullité de cette 14ème résolution entraînera automatiquement, compte tenu de sa rédaction, la nullité de la 22ème résolution de l'assemblée générale du 18 janvier 2011.

L'abus de majorité ne fait pas l'objet d'une définition précise, mais il peut se caractériser par le fait pour une majorité de copropriétaires, d'user de ses droits sans profit pour elle-même, dans l'intention de nuire ou, à tout le moins, dans un autre but que l'intérêt commun de la copropriété.

En l'espèce, la majorité des copropriétaires a, par la résolution n°14 incriminée, décidé d'engager des actions contre M. [D], au double motif que ce dernier n'aurait pas utilisé son lot n°11 selon l'usage prévu au règlement de copropriété, ni conformément au plan de sauvegarde et de mise en valeur du Marais. L'habilitation donnée au syndic vise à obtenir non seulement la remise en état du lot dans son état antérieur pour faire cesser son utilisation à usage d'habitation, mais aussi à obtenir la démolition pure et simple de ce lot.

L'état descriptif de division de l'immeuble a toujours, même après modifications, désigné le lot n°11 comme étant un « dépôt ». L'acte notarié du 27 août 2010 par lequel M. [D] a acquis ce lot désigne ce bien situé au rez-de-chaussée de l'immeuble comme un « local à usage de dépôts ».

Pour autant, les indications quant à la nature du lot figurant dans l'état descriptif de division ne sont pas figées et ne peuvent être invoquées à elles seules pour sanctionner un changement d'affectation, ce document n'ayant pas en effet de valeur contractuelle.

Dès lors que l'utilisation du lot n°11 à un autre usage n'était ni interdite par le règlement de copropriété, ni contraire à la destination de l'immeuble, et qu'elle ne portait pas atteinte aux droits des autres copropriétaires, l'affectation du local à un autre usage que celui de dépôt strict ne pouvait être interdite.

Or en l'espèce, la lecture du règlement de copropriété révèle que le changement d'affectation d'un lot n'était nullement interdite. Dès lors que dans l'immeuble en cause coexistaient des appartements ou logements et des locaux commerciaux, il peut en être déduit que la destination de l'immeuble avait un caractère mixte et que rien ne s'opposait à ce que lot n°11 puisse être affecté à un usage d'habitation ou à un usage commercial ou artisanal.

Il ressort des pièces versées aux débats que lorsque Monsieur [D] a acquis son local, celui-ci faisait l'objet d'un bail commercial depuis 2008 ainsi que cela figure dans l'acte notarié du 27 août 2010. Il ne résulte pas des pièces produites que cette affectation ait fait l'objet de difficultés particulières ou ait porté atteinte aux droits des autres copropriétaires.

Depuis son acquisition, M. [D] justifie avoir reloué ce local à M. [Q] dans le cadre d'un bail de courte durée pour une activé artisanale. Le fait que ce local soit équipé d'une mezzanine, d'un lit, d'un coin-cuisine et d'une salle de bain n'établit pas, là encore, que cette affectation à un usage mixte (logement et activité artisanale) ait été contraire au règlement de copropriété, ou ait porté atteinte à la destination de l'immeuble ou aux droits des autres copropriétaires. Aucun élément ne permet en tout cas de l'établir.

Au vu de ces éléments, l'assemblée générale ne pouvait sans abus considérer qu'il y a avait eu manquement au règlement de copropriété.

S'agissant de la non-conformité au Plan de Sauvegarde du Marais, il résulte des éléments du dossier qu'un procès-verbal de constat a été établi le 17 novembre 2011 par l'architecte des Bâtiments de France pour dénoncer les travaux effectués dans le local de M. [D], et que ce procès-verbal a été transmis le même jour au Procureur de la République de Paris.

Il est certain au vu de ces éléments qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs de l'assemblée générale de se substituer au Procureur de la République pour apprécier les éventuelles infractions à ce plan de sauvegarde. Dès lors en décidant par sa résolution n°14 que l'utilisation du lot n'était pas conforme au Plan de sauvegarde du Marais, et en habilitant le syndic à agir en vue d'obtenir la démolition du local, l'assemblée générale a excédé ses pouvoirs et commis sur ce point aussi un abus de majorité caractérisé.

Il y a lieu en conséquence d'annuler la résolution n°14 de l'assemble générale du 6 juillet 2011.

Toutefois, contrairement à ce que prétend M. [D], cette annulation ne saurait entraîner l'annulation de la résolution n°22 de l'assemblée générale du 18 janvier 2011. En effet ainsi que l'ont relevé les premiers juges, faute par l'appelant d'avoir contesté cette assemblée dans les délais prévus par l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, cette assemblée est à ce jour définitive, et M. [D], irrecevable à en demander l'annulation.

Sur la restitution sous astreinte des lots n° 10 et 11 à usage de dépôt

Après avoir débouté en première instance M. [D] de ses demandes, les premiers juges ont accueilli la demande du syndicat des copropriétaires en condamnant celui-ci à restituer aux lots 10 et 11 leur usage de dépôt, à faire cesser l'occupation à usage d'habitation et à supprimer l'ensemble des installations de cuisine et sanitaires, et ce dans un délai de 4 mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte passé ce délai de 100 euros par jour de retard.

Monsieur [D] fait observer à juste titre que l'habilitation donnée au syndic par la résolution n°14 ne visant que le lot n°11, le syndicat des copropriétaires ne pouvait faire aucune demande en ce qui concerne le lot n°10.

En ce qui concerne le lot n°11, compte tenu des motifs qui précèdent, le syndicat des copropriétaires ne pouvait sans abus s'opposer au changement d'affectation du lot n°11 ou sanctionner ce changement dès lors qu'il n'était contraire ni au règlement de copropriété, ni à la destination de l'immeuble, et qu'il ne portait pas atteinte aux droits des autres copropriétaires.

Dans ces conditions il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné sous astreinte M. [D] à restituer aux lots 10 et 11 leur usage de dépôt et à supprimer les installations sanitaires et de cuisine se trouvant dans ces lots.

Sur la demande de remboursement des travaux de toiture

Monsieur [D] demande le remboursement d'une somme de 8000 euros correspondant à des travaux de restauration de toiture. Il prétend avoir été contraint d'effectuer ces travaux pour respecter le Plan de sauvegarde du Marais et utiliser ce local à usage artisanal et/ou commercial. Soutenant que la toiture est une partie commune, il s'estime fondé à demander le remboursement de cette somme et produit à cet effet une facture de la société TIG du 6 décembre 2010.

La facture de la société TIG révèle que l'appelant a fait exécuter pour un montant de 8000 euros (HT) des travaux de toiture ainsi définis par l'entreprise:

- Renforcement en transversale sur la longueur de 6 m environ avec traverses en bois de sapin 60 x 200 m

- changement de carreaux cassés avec verre renforcé avec fil de fer émaillé et dépose à la décharge,

- réfection des joints d'étanchéité,

- réparation de la gouttière existante avec joints d'étanchéité ou si serait le cas, nous ferons l'habillage avec des matériaux d'étanchéité,

- fourniture et pose d'un filet métallique de protection dans un cadre métallique, sur toute la surface de la toiture,

- passage de deux couches de peinture anti-corrosion (pour le métal) noir ou gris,

- les fournitures des matériaux d'étanchéité seront fournis par SARL TIG.

Selon le règlement de copropriété, sont parties communes des bâtiments les toitures « à l'exception des parties vitrées, tabatières et lucarnes dont l'entretien restera à la charge de chaque propriétaire ».

Or en l'espèce, il n'est pas contesté que le bâtiment abritant le lot n°11 est élevé sur terre plein dans la cour, et se compose d'un rez-de-chaussée à usage d'atelier et magasin, couvert en vitrage.

Il résulte de la facture présentée, que les travaux effectués par la société TIG ont été essentiellement des travaux de réfection de la partie couverte en vitrage (remplacement des carreaux cassés), d'étanchéité et de renforcement de la solidité de la verrière (réfection des joints d'étanchéité, réparation de la gouttière, filet de protection métallique). Il s'agit incontestablement de travaux d'entretien lui incombant en vertu du règlement de copropriété.

A supposer que ces travaux aient pu en partie concerner la structure de la toiture (par exemple son ossature métallique) et être considérés comme des travaux relevant de l'entretien de parties communes, il appartenait dans ce cas à M. [D] de solliciter une autorisation de l'assemblée générale pour les effectuer ou demander leur prise en charge par la copropriété. Or, il n'en a rien fait. Il ne peut donc aujourd'hui demander à la Cour de substituer à l'assemblée générale en ce qui concerne l'éventuelle prise en charge de ces travaux par la copropriété faute d'avoir observé ce préalable indispensable.

Au vu de ces éléments, c'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté sa demande de remboursement, après avoir retenu que ces travaux avaient été entrepris par l'intéressé de sa propre initiative, sans autorisation de la copropriété, et qu'il ne saurait solliciter le paiement de travaux dont il n'avait pas requis l'exécution par le syndicat ou pour lesquels il n'avait pas soumis de projet chiffré à l'assemblée générale.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires et les dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelant les frais irrépétibles exposés à l'occasion de cette procédure.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [D] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner le syndicat à lui verser une somme de 3000 euros au titre de l'ensemble de ses frais irrépétibles en première instance et en appel.

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge du syndicat des copropriétaires qui succombe. Ces dépens pourront être recouvrés par l'avocat de l'appelant conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirmant partiellement le jugement déféré,

Annule la résolution n°14 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2],

Dit n'y avoir lieu à restitution par Monsieur [D] des lots n°10 et 11 à leur usage strict de dépôt et à démolition sous astreinte des installations sanitaires et de cuisine s'y trouvant,

Dit n'y avoir lieu à démolition du lot 11,

Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à payer à M. [J] [D] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu pour le syndicat des copropriétaires à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirme pour le surplus le jugement déféré en ses dispositions non contraires,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/05151
Date de la décision : 28/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°13/05151 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-28;13.05151 ?
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