La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2015 | FRANCE | N°12/01536

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 28 janvier 2015, 12/01536


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 28 JANVIER 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/01536



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Décembre 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS -3ème chambre - RG n° 2010077688





APPELANTE :



SARL LES EDITIONS [E]

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 2]
r>prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

ayant pour avocat plaidant : M...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 28 JANVIER 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/01536

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Décembre 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS -3ème chambre - RG n° 2010077688

APPELANTE :

SARL LES EDITIONS [E]

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

ayant pour avocat plaidant : Me Philippe SARRAILHE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1190

INTIMEE :

Société CJSC PARLAN PUBLISHING

ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1] (RUSSIE)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

ayant pour avocat plaidant : Me Claire PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P372

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame [Y] [I], Présidente de chambre

Madame Irène LUC, Conseillère, rédacteur

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [Y] [I] dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame [Y] [I], présidente et par Madame Violaine PERRET, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du 22 décembre 2011, par lequel le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Les Editions [E] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat amendé la liant à la société CJSC Parlan Publishing et jugé infondée la résolution unilatérale de ce contrat par la société Les Editions [E], condamné la société Les Editions [E] à payer à la société CJSC Parlan Publishing les sommes de : 2 millions € à titre de compensation pour l'interruption du contrat au 30 août 2010 au lieu du 31 décembre 2011, 2 millions US $ au titre du non renouvellement du contrat à son terme, 153 060 € au titre de la rupture d'exclusivité de la sous-licence en Ukraine, et, enfin, 50 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 26 janvier 2012 par la société Les Editions [E] et ses dernières conclusions notifiées le 25 novembre 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, condamner la société CJSC Parlan Publishing à lui payer une somme qui ne saurait être inférieure à 2.000.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi au titre des manquements de CJSC Parlan Publishing à ses obligations contractuelles, celle de 10.000.000 euros pour atteinte à son image, rejeter les demandes de la société CJSC Parlan Publishing sur le fondement de l'article L. 442-6-5 1° du code de commerce, la débouter de l'intégralité de ses demandes de dommages et intérêts, en toute hypothèse, la condamner au paiement de la somme de 150.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, à titre subsidiaire, si, par extraordinaire, la cour venait à condamner Les Editions [E] à verser une quelconque somme à CJSC Parlan Publishing, prononcer la compensation judiciaire entre les créances de dommages et intérêts respectives des parties et reporter ou échelonner le paiement de l'éventuel solde de dommages et intérêts incombant à Les Editions [E], le cas échéant dans un délai de deux ans au titre de l'article 1244-1 du code civil ;

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 24 novembre 2014 par lesquelles la société CJSC Parlan Publishing demande à la cour de :

Sur les demandes nouvelles de [E] et les dernières demandes de [E] :

- constater que [E] a abandonné dans ses dernières conclusions récapitulatives les demandes nouvelles et généralement toute demande au titre d'une quelconque atteinte à ses droits de propriétés intellectuelles, et en particulier à sa marque et au magazine

- à défaut se déclarer incompétente pour entendre des demandes nouvelles de [E] et les déclarer également irrecevables, ainsi que les dernières demandes irrecevables en application du principe que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui,

- les déclarer mal fondées à défaut pour [E] de rapporter les conditions d'application de la loi russe.

En toute hypothèse, débouter [E] de l'ensemble de ses demandes, étant précisé que [E] est à l'origine de ses dommages, et que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et étant remarqué que la résiliation indue du Contrat de Licence a permis à [E] de percevoir une avance sur redevance de 2.093.000 euros d'AST, et le montant des redevances ukrainiennes ainsi que le prix de la cession de la marque Ukrainienne pour la somme de 2.000.000 euros et qu'elle ne saurait être indemnisée d'une somme forfaitaire qui ne correspond pas au préjudice effectivement subi dont la réalité n'est pas démontrée ;

Sur les demandes de Parlan

Sur le droit de préemption :

- juger que les articles 10.4 et 10.5 sont sanctionnés d'une clause de dédit ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que [E] avait commis une inexécution grave de ses obligations contractuelles en privant Parlan du bénéfice des articles 10.4 et 10.5 du contrat de licence ;

- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné [E] à payer à Parlan la somme de 2 millions d'USD en application des articles 10.5 du Contrat de Licence.

Y ajoutant :

- condamner [E] à payer à Parlan la somme de 10.000.000 d'euros, sauf à parfaire, au titre de la perte de chance de pouvoir conclure une nouvelle licence.

Sur la résiliation brutale et abusive du contrat de licence :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la résiliation du contrat de licence brutale et abusive ;

- l'infirmer en ce qu'il a débouté Parlan de sa demande en indemnisation au titre de l'article L. 442-6-5 1° du Code de commerce ;

- l'infirmer en ce qu'il a indemnisé en perte de marge nette alors que l'indemnisation du préjudice doit être apprécié en perte de marge brute ;

- l'infirmer en ce qu'il a statué ultra petita en procédant par compensation judiciaire d'office pour limiter à 2.000.000 d'euros le préjudice de Parlan au titre de la rupture brutale du contrat de licence.

En conséquence,

- juger que Parlan est en droit d'être indemnisée de l'absence de préavis suffisant qui ne serait être inférieur à 24 mois étant donné la relation commerciale établie depuis 1997 avec Parlan.

- Dès lors, condamner la société Les Editions [E] à payer à la société CJSC Parlan Publishing les sommes de :

o 3.105.477,89 euros au titre de la perte de l'excédent brut d'exploitation qu'elle aurait pu escompter de la vente du magazine ainsi que de la perte des annonces publicitaires pour les magazines publiés sur le territoire de la Russie à compter du magazine d'août 2010 jusqu'au terme normal du contrat de licence, soit le 31 décembre 2011 ;

o 1.461.401,36 euros, au titre de la perte de l'excédent brut d'exploitation qu'elle aurait pu escompter de la vente du magazine ainsi que de la perte des annonces publicitaires pour les magazines publiés sur le territoire de la Russie à compter du magazine pour la période de 1er janvier 2012 jusqu'au 30 août 2012, correspondant à la période de préavis supplémentaire pour atteindre un préavis de 2 ans justifié par les 14 années de relations commerciales établies ;

o 400.000 euros au titre des redevances résultant de la sous-licence qu'elle aurait dû percevoir pour la parution du magazine sur le territoire de l'Ukraine si [E] n'avait pas résilié le Contrat de Licence et n'avait pas octroyé à [W] une sous-licence en contrariété avec ses droits d'exclusivité lui interdisant ainsi définitivement toute possibilité d'une sous-licence locale ;

o 153.060 euros au titre de la rupture d'exclusivité de la sous-licence en Ukraine déjà alloués par le tribunal pour compenser les redevances dues par Vavillon antérieurement à la résiliation de la sous-licence et indument perçues par [E] ;

o 5.540.340 euros au titre de la perte des investissements opérés par Parlan pour le développement du Magazine, qui ne pourront pas être compensés du fait de la résiliation du contrat de licence ;

o 500.000 euros au titre du préjudice moral et l'atteinte à l'image qui résulte nécessairement d'une résiliation dénuée de tout fondement dont [E] n'a pas hésité à faire état publiquement par des communiqués de presse hâtifs et inopportuns annonçant l'attribution des droits de publication au groupe AST.

A titre subsidiaire,

- à défaut d'infirmer le jugement entrepris pour accorder à Parlan l'indemnisation intégrale de son préjudice, il sera demandé à la Cour de confirmer les montants d'indemnisation déjà alloués par le Tribunal.

- la débouter de sa demande d'échelonnement ;

- condamner [E] à payer à Parlan la somme de 150.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure d'appel.

SUR CE,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

Les Editions [E] (ci-après [N] ou [E]) sont l'éditeur de l'Officiel de la Couture et de la Mode de [Localité 2] depuis 1921.

Elles ont conclu, le 14 mai 1997, un accord de licence avec la société New Sovereign Ltd, en vue de la diffusion de l'Officiel en langue russe, en Russie et dans certains pays voisins (le Territoire).

Elles ont conclu le 28 décembre 2001 un contrat de licence du titre L'Officiel de la Couture et de la Mode de [Localité 2], comportant l'octroi d'une licence exclusive de la marque en vue de la publication, en Russie et dans certains pays voisins, d'une version en langue russe de L'Officiel. Sa durée était fixée à 10 ans du 1er janvier 2002 jusqu'au 31 décembre 2011.

La société New Sovereign se voyait accorder une protection contre toute résiliation unilatérale du Contrat de Licence, cette résiliation ne pouvant être prononcée qu'en présence de deux conditions cumulatives : (i) par une décision du Tribunal de Commerce de Paris et, (ii) pour l'un des motifs limitativement énumérés dans le Contrat de Licence, un droit exclusif absolu pour l'exploitation du Magazine sur le Territoire, un droit exclusif absolu de reproduire, dans le Magazine et ses différentes versions linguistiques dans les pays du Territoire, tout ou partie du contenu éditorial de la version française du Magazine édité et distribué en France par [E], un droit de préférence, sanctionné, en cas de non-respect, par une pénalité de 2 millions d'USD et un droit de préemption sur tout contrat de licence que [E] souhaiterait conclure avec tout autre licencié afin de garantir à New Sovereign une reconduction dans ses droits de licencié, au terme du Contrat de Licence.

Ce contrat a été amendé le 1er octobre 2006 par un avenant, pour qu'il puisse adopter la forme d'un contrat de licence standard, aux seules fins d'enregistrement du droit d'utilisation de la marque, sans que soient modifiées les stipulations du contrat initial. Il a, par ailleurs, accru les prérogatives de New Sovereign en matière d'octroi de sous-licences d'exploitation de la Marque et du Magazine en Ukraine et au Kazakhstan pour lesquels elle n'était plus tenue d'obtenir l'accord préalable de [E].

Le 1er octobre 2006, les droits et obligations du cocontractant licencié initial, New Sovereign Ltd ont été transférés à la société CJSC Parlan Publishing (ci-après désignée Parlan), representée par M. [P], avec lequel un contrat standard a été signé le 1er janvier 2007, pour une durée de cinq ans, par les Editions [E], aux fins d'enregistrement auprès de l'administration russe. Ce contrat concédait à la société Parlan l'exclusivité d'exploitation du Magazine sur tout le territoire. Le contrat de licence standard a également été signé par M. [P], directeur général de Parlan.

Le 8 janvier 2007, conformément à l'article 3.1 de l'Avenant, Parlan accordait à la société de droit ukrainien Vavilon, une sous-licence pour l'exploitation du Magazine et de la Marque en Ukraine. Cet accord était signé par Monsieur [U] [P], en sa qualité de représentant légal de Parlan.

Le litige a pour origine des divergences d'appréciation entre les partenaires sur l'exécution du contrat amendé de 2001, les Editions [E] souhaitant conserver un contrôle sur la présentation et la qualité rédactionnelle de l'Officiel en langue russe, qui ne lui paraissaient plus assurées par son licencié, la société Parlan.

Après des discussions entre Monsieur [J] [X], de la société [E], et Monsieur [S], de la société Parlan, sur la reconduction du contrat, Monsieur [J] [X] a adressé, le 12 novembre 2009, à Monsieur [S] ses conditions financières révisées pour les 10 prochaines années, comme base de départ de discussions. Le 3 décembre 2009, [J] [X] demandait à Parlan de répondre à cette proposition avant le 14 décembre 2009. Le 10 décembre 2009, le représentant légal de Parlan, Monsieur [U] [P] rappelait à Madame [Z] [E], représentante légale de [E], que Parlan notifierait à [E], avant le 31 décembre 2010, conformément à l'article 10.4 du Contrat de Licence, son intention de préempter, sans que les discussions informelles ayant eu lieu ne puissent être considérées comme une renonciation de Parlan à ses droits. Le 16 décembre 2009, [E] informait Parlan de la rupture des discussions, au motif de l'absence de réponse de Parlan dans le court délai imposé par [E].

Le 4 août 2010, [E] notifiait à Parlan la résiliation unilatérale du Contrat de Licence avec effet au 30 août 2010.

Les manquements contractuels reprochés à Palan étaient les suivants : le licenciement de la rédactrice en chef « sans aucune consultation ni même information préalable » de [E] intervenu trois mois plus tôt, en violation de l'article 3 du contrat  ; l'incapacité à trouver un nouvel accord avec le sous licencié ukrainien [W] malgré les demandes de [E] ; l'absence d'autorisation de mettre un terme au contrat de sous licence, en violation de l'article 9 et, enfin, la perte supposée de LVMH en tant qu'annonceur, prétendument due à un manque de professionnalisme de Parlan, en violation de l'article 5.4 du contrat.

Par courrier du 23 août 2010, la société Parlan a récusé tous les griefs portés contre elle et a demandé à [E] de retirer sa résiliation, à peine d'actions judiciaires.

Les Editions [E] ont choisi en 2010 un autre partenaire pour exploiter le magazine sur le territoire russe. Deux contrats ont alors été signés entre les Editions [E] et la société AST-Release Holdings (ci-après AST), grand conglomérat russe sur le marché de l'édition. Le premier a été conclu le 17 avril 2010 aux fins de fixer les conditions d'exploitation du magazine en Russie à compter du 1er janvier 2012. Le second contrat, du 5 août 2010, a défini les conditions de licence et de distribution avec la société AST pendant la période intermédiaire du 1 er septembre 2010 jusqu'au 31 décembre 2011. Ce dernier n'a pu être inscrit au registre de la propriété intellectuelle de Moscou, l'administration russe s'y opposant en raison de la durée déterminée du contrat amendé de 2001 dont l'exécution courait jusqu'au 31 décembre 2011, alors même que la société les Editions [E] avait pris l'initiative d'une résiliation unilatérale le 4 août 2010 et avait fait état du changement de son partenaire par communiqué de presse en septembre 2010 et décidé de soumettre la résiliation du contrat amendé au tribunal.

Par acte du 10 novembre 2010, la société les Editions [E] a assigné la société CJSC Parlan Publishing devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de faire constater la mauvaise foi de Parlan et son non-respect du caractère intuitu personae du contrat amendé, constater l'inexécution de ses obligations de faire au titre du contrat amendé et constater le caractère légitime de la résiliation unilatérale pour faute du contrat amendé à l'initiative des Editions [E]. Le Tribunal a jugé que la société [N] n'était pas fondée à rechercher la résiliation judiciaire du contrat amendé ni à procéder à une résiliation judiciaire, faute de motifs sérieux. Il a estimé par ailleurs que la société [N] avait tenté de priver son partenaire du droit de négocier le renouvellement du contrat en cours, fait constitutif d' « une inexécution grave de ses obligations contractuelles ».

Devant la cour, la société [E] soulève des demandes d'indemnisation au titre des agissements de Parlan postérieurs à la cessation du Contrat de Licence, au motif notamment d'agissements contrefaisants et d'une atteinte à sa Marque. Elle soutient que la société Parlan a continué à publier la revue russe après la résiliation du contrat le 30 août 2010, sept numéros étant édités, aurait modifié la charte graphique de la marque, aurait dénigré [E], et, enfin, aurait introduit des actions en justice dilatoires pour retarder toute publication.

Sur la compétence des juridictions françaises

Considérant que la société Parlan soulève l'exception d'incompétence des juridictions françaises pour connaître des demandes nouvelles de la société [E] en ce que la clause attributive de juridiction de l'article 15.2 du contrat ne serait pas applicable à la matière délictuelle et que les règles de droit commun donneraient en cette matière compétence aux tribunaux russes, la Russie étant le lieu de réalisation du dommage ; qu'au surplus, elle fait valoir que les demandes nouvelles et les dernières demandes de la société [E] seraient irrecevables, tant au regard de leur nouveauté qu'en application du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ;

Considérant que la société [E] allègue que la société Parlan est mal fondée à soulever l'exception d'incompétence des juridictions françaises en première instance au profit des tribunaux russes aux motifs que cette exception n'a pas été invoquée in limine litis devant le tribunal de commerce et qu'en tout état de cause, la clause attributive de juridiction de l'article 15.2 du contrat est applicable à ses demandes relatives à l'indemnisation du préjudice résultant du comportement fautif de la société Parlan, qui peut d'ailleurs être également qualifié de violation de la clause de non concurrence du contrat ;

Sur la recevabilité de l'exception

Considérant que la société [E] prétend que Parlan soulève pour la première fois en cause d'appel et postérieurement à toute défense au fond intervenue en première instance devant le tribunal de commerce de Paris, une exception d'incompétence, en violation de l'article 74 du code de procédure civile, s'agissant de demandes non déjà présentées devant les Premiers Juges ;

Considérant que la société Parlan expose qu'elle ne pouvait soulever cette exception devant le tribunal de commerce, car les demandes concernées ont été présentées pour la première fois en appel et sont nouvelles ;

Considérant que l'article 74 du code de procédure civile dispose que « [l]es exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir » ;

Considérant qu'il faut donc se prononcer sur le caractère nouveau des demandes de la société [E] pour apprécier la recevabilité de l'exception ;

Considérant que la société [E] demande à la cour d'apprécier les diverses fautes commises par Parlan à la suite de la rupture du contrat (du 28 décembre 2001 tel que modifié ensuite) et de réparer son préjudice, à hauteur de la somme de 10.000.000 euros pour perte de revenus et atteinte à son image ; que ces fautes sont relatives à la publication de la revue russe après la résiliation du contrat le 30 août 2010, la modification de la charte graphique de la marque, des actes de dénigrement et des actions en justice dilatoires pour retarder toute publication concurrente ;

Considérant qu'en vertu de l'article 564 du code de procédure civile : « [à] peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait » ; que l'article 565 du même code dispose que « [l]es prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent » et l'article 566 énonce que « [l]es parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément » ;

Considérant que les pratiques alléguées par [E], distinctes de l'exécution du contrat, n'ont pas été soumises à l'appréciation des Premiers Juges, uniquement saisis de la résiliation du contrat et de ses conséquences ; que ces faits n'ont pas été révélés après l'audience du tribunal ; que si la société [E] prétend que ces fautes pourraient, pour certaines d'entre elles, se rattacher à la violation de la clause de non concurrence, il n'en demeure pas moins que les pratiques en cause n'ont pas été évoquées en première instance ;

Considérant que, dès lors, la société Parlan ne pouvait soulever l'incompétence du tribunal de commerce pour des demandes non encore formulées devant lui ; qu'elle a, en revanche, soulevé l'exception d'incompétence in limine litis, avant toute défense au fond devant la cour d'appel de Paris ; que cette exception est donc recevable ;

Sur la compétence de la cour d'appel de Paris

Considérant que l'article 15.2 dispose : « Tous différends survenant suite à l'application du présent Contrat ou ayant rapport avec celui-ci sont définitivement tranchés dans les tribunaux compétents de la ville de [Localité 2] » ;

Considérant que les demandes nouvelles de la société [E] sont relatives à la responsabilité délictuelle de la société Parlan pour des actes commis après la résiliation du contrat ; qu'ainsi, ces actes sont survenus « suite à l'exécution du présent contrat » et sont donc couverts par la clause attributive de compétence du contrat ; qu'il en résulte la compétence des tribunaux français pour connaître de ces demandes ;

Considérant toutefois que ces demandes, présentées pour la première fois en appel par la société [E], sont nouvelles ; qu'en effet, ces demandes ne tendent pas aux mêmes fins que les autres demandes de la société [E], puisqu'elles tendent à obtenir une somme de 10 000 000 euros supplémentaires, qui s'ajoutent aux demandes d'indemnisation au titre de la mauvaise exécution prétendue du contrat ; que la seule demande déjà soutenue devant les Premiers Juges est relative à la publication, sans droit ni titre, de la revue jusqu'en avril 2011 par Parlan, alors que le contrat avait été résilié ; que cette demande sera examinée plus loin, les autres demandes étant déclarées irrecevables ;

Considérant que la compétence de la cour n'est pas contestée sur les autres chefs de demandes de la société [E] ;

Sur le droit de préemption

Considérant que la société Les Editions [E] soutient qu'elle n'a commis aucune faute au titre du droit de préférence prévu aux articles 10.4 et 10.5 du contrat ; qu'elle était légitime à conclure un contrat avec un tiers dès lors que la société Parlan, bénéficiaire du droit de préférence, avait refusé son offre de renouvellement du contrat ;

Considérant que l'intimée soutient, au contraire, que la société [E] n'a pas respecté le droit de préemption qui attribuait à la société Parlan un droit à renouvellement à son terme du contrat de licence, dont le non-respect était sanctionné par un droit pour la société Parlan de préempter tous nouveaux contrats de licence que [E] entendait conclure ou aurait conclu avec un tiers et une pénalité d'un montant de 2 millions de dollars US ; qu'elle expose, d'une part, que la responsabilité de la société [E] peut être engagée pour rupture abusive des pourparlers puisque cette dernière aurait engagé les pourparlers sans réelle intention de négocier, et d'autre part, qu'elle n'a pas notifié la mise en 'uvre du droit de préemption, que les discussions entre les parties étaient informelles et que les conditions des offres faites à la société Parlan et à la société AST n'étaient pas identiques ;

Considérant que l'article 10.4 du contrat de licence définit le principe du droit de préemption et ses conditions d'exercice, en ces termes : « A l'expiration du présent Contrat, le Concessionnaire, toutes autres conditions étant égales, a le droit de préemption auprès des tiers pour conclure un contrat pour un nouveau délai. Le concessionnaire est tenu d'aviser l'OFFICIEL par écrit en faisant part de ses intentions en matière de signature d'un Contrat pour un nouveau délai, et ce, au plus tard un an avant l'expiration du présent contrat. Passé ce délai, le Concessionnaire perd son droit de conclure le contrat pour un nouveau délai » ;

Considérant que l'article 10.5 du contrat précise les sanctions encourues par le concédant, en cas de non respect du droit à renouvellement : « Si L'OFFICIEL ayant reçu l'avis du Concessionnaire lui annonçant son intention de conclure le contrat pour un nouveau délai n'entame pas les négociations avec le Concessionnaire en vue de la signature d'un Contrat pour un nouveau délai et conclut avec une tierce personne, ou si l'OFFICIEL refuse de conclure le Contrat pour un nouveau délai avec le Concessionnaire, en le signant avec une tierce personne aux conditions auxquelles le Concessionnaire était prêt à conclure le Contrat pour un nouveau délai (ou à des conditions moins avantageuses pour l'OFFICIEL), le Concessionnaire a le droit d'exiger, soit le transfert en sa faveur des droits et obligations issus du Contrat pour un nouveau délai conclu avec des tiers et de verser une pénalité égale à un million de dollars US, soit de lui verser une pénalité égale à deux millions de dollars US» ;

Considérant que durant la semaine du 5 octobre 2009, M. [S], actionnaire unique de Parlan, a fait part à Madame [Z] [E] et à son fils, Monsieur [J] [X], de son intention de renouveler le contrat ; que M. [S] écrivait à Monsieur [J] [X], le 15 octobre 2009 : « C'était agréable de vous rencontrer la semaine dernière à [Localité 2]. Comme convenu lors de cette réunion, j'attends de recevoir de votre part avant le 12 novembre 2009 les termes détaillés de l'extension de la licence actuelle portant sur L'Officiel Russie jusqu'au 31 décembre 2021, merci d'envoyer votre réponse à la présente adresse email» ; que conformément aux termes de la demande de M. [S], la société [N] lui adressait, le 12 novembre 2009, sa proposition détaillée concernant les conditions financières d'extension du contrat, en confirmant « nous ne souhaitons pas renouveler'aux mêmes conditions » et indiquait attendre une réponse de Parlan dans un délai analogue, soit avant le 14 décembre 2009 ;

Considérant que par courrier du 10 décembre 2009, signé de M. [P], la société Parlan exposait que seul M. [P] avait qualité pour négocier, M. [S] n'ayant ni qualité de représentant légal ni ne bénéficiait d'un pouvoir de représentation de Parlan et que la société Parlan se réservait le droit de mettre en oeuvre son droit de préférence jusqu'à la date du 31 décembre 2010 ; que par courrier du 16 décembre 2009, Mme [Z] [E] ([N]) a informé Parlan qu'en l'absence de toute réponse à l'offre proposée, elle se trouvait dans l'obligation de prendre acte du refus de Parlan de renouveler le Contrat aux conditions proposées et qu'elle considérait le droit de préférence comme caduc ;

Considérant que l'offre de renouvellement ayant été communiquée une nouvelle fois à Parlan par [N] le 29 décembre 2009, M. [P] a répondu, par courrier en date du 19 janvier 2010 : « En m'adressant une offre d'extension sans aucune demande de ma part, vous avez méconnu les dispositions des Contrats » «Je suggère de mettre un terme à la discussion précitée qui consomme trop de temps de chacune des parties » ; que le 15 décembre 2010, la société Parlan notifiait son intention de renouvellement du contrat assortie d'une invitation à en faire connaître les termes proposés ;

Considérant que si une offre a été transmise par [N] à Parlan le 12 novembre 2009 et réitérée le 29 décembre 2009, il résulte des pièces versées aux débats que la demande de renouvellement du contrat n'a pas été effectuée par le représentant légal de la société Parlan, M. [P], et n'a pas été effectuée dans les formes requises par le contrat ; qu'il s'en suit que les discussions intervenues entre M. [S] et [N] étaient des discussions informelles qui ne pouvaient engager la société Parlan ;

Considérant que la société [N] pouvait d'autant moins l'ignorer qu'elle savait que M. [P] était le représentant de la société Parlan ; qu'en effet, l'ensemble des accords ayant lié [E] à New Sovereign ou à Parlan ont été signés par les représentants légaux des deux sociétés, à la seule exception de l'accord de 2001 avec New Sovereign qui a été signé par Monsieur [S] en qualité de mandataire délégué, ainsi qu'il est expressément mentionné en préambule de l'accord ; que, par ailleurs, la société Parlan a refusé explicitement de poursuivre les discussions informelles relatives à l'offre de [N] dans un courrier en date du 19 janvier 2010, en relevant qu'elle n'était pas engagée par M. [S] et en soulignant qu'elle n'avait donc jamais formellement usé de son droit de renouvellement, et se réservait clairement la faculté de le faire ultérieurement, jusqu'au 31 décembre 2010 ; que, dans ces conditions, ce refus, par Parlan, de toute discussion relative à l'offre ne pouvait légitimement être considéré par [N] comme un refus de l'offre de renouvellement ; que donc, la société [N] ne pouvait, sans mauvaise foi, considérer, dans son courrier du 16 décembre 2009, que ce refus caractérisait la purge du droit de préférence pour les termes de l'offre  ; que la société [E] et la société AST, avec laquelle [N] a signé son nouveau contrat de licence, reconnaissent elles-mêmes l'absence de purge du droit de préemption de Parlan ; que dans la Garantie d'Indemnisation d'AST que cette dernière a accordée à [E], par lettre du 3 août 2010, elles envisagent l'éventualité d'une : « impossibilité [d'AST] d'exercer son droit de publication de l'édition russe du Magazine ' en raison de b) l'exercice réussi par Parlan de ses droits de préemption en vertu de l'Accord PARLAN » ;

Considérant que la société [N] soutient qu'en appliquant la clause pénale prévue à l'article 10.5 du contrat, alors pourtant que cette clause vise uniquement le cas dans lequel [N] conclurait un nouveau contrat à des conditions que Parlan aurait été disposée à accepter, et alors qu'il constatait à plusieurs reprises tant le refus de Parlan de renouveler le contrat à des conditions comparables que son refus de poursuivre la négociation en formulant une contre-proposition, le tribunal de commerce de Paris aurait violé l'article 1226 du Code civil et dénaturé le contrat en appliquant cette clause pénale, en l'absence d'une quelconque faute de [N] ;

Mais considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 10.5 a été violé en son alinéa 1, qui dispose : « Si L'OFFICIEL ayant reçu l'avis du Concessionnaire lui annonçant son intention de conclure le contrat pour un nouveau délai n'entame pas les négociations avec le Concessionnaire en vue de la signature d'un Contrat pour un nouveau délai et conclut avec une tierce personne ('),  le Concessionnaire a le droit d'exiger, soit le transfert en sa faveur des droits et obligations issus du Contrat pour un nouveau délai conclu avec des tiers et de verser une pénalité égale à un million de dollars US, soit de lui verser une pénalité égale à deux millions de dollars US » ; que la société [N] a donc violé cet alinéa ;

Considérant qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a jugé que la société [N] avait violé l'article 10.5 du contrat ;

Sur la sanction encourue par la société [N]

Considérant que la société [N] soutient, à titre subsidiaire, qu'aucun dommage n'a résulté, pour la société Parlan, de la violation prétendue de l'article 10.5 du contrat, car, à aucun moment, Parlan n'était disposée à accepter les termes de l'offre formulée par [N], ni les conditions acceptées par AST ; que la cour devrait, en conséquence, user de son pouvoir de modération de la clause pénale et ne pourrait allouer à Parlan plus d'un euro symbolique, en application de l'article 10.5 du contrat ;

Considérant que la société Parlan rétorque que la clause est une clause de dédit, qui ne peut être réduite par le juge ;

Considérant que l'article 10.5 du contrat de licence prévoit qu'à défaut pour [E] d'avoir mis Parlan en mesure d'exercer son droit de préemption, elle lui doit le paiement d'une pénalité d'un montant de 2 millions d'US dollars ;

Considérant que la clause de dédit est celle qui vient organiser la liberté du débiteur de s'échapper de l'obligation s'il ne l'exécute pas ; que le fait générateur qui entraine l'exigibilité des sommes est différent de celui des clause pénales ; que la peine qui est fixée dans la clause de dédit est due en cas d'inexécution licite, car il s'agit de l'hypothèse où il est envisagé que le débiteur n'exécute pas l'obligation ;

Considérant que tel est le cas de la clause litigieuse ; qu'en conséquence, cette indemnité, qui n'a pas le caractère d'une clause pénale n'est pas susceptible d'être modifiée par la cour ;

Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné la société [E] à payer à la société Parlan la somme de 2 millions d'US dollars ;

Sur la perte de chance de conclure une nouvelle licence

Considérant que la société Parlan demande également une indemnisation pour perte de chance d'avoir obtenu une nouvelle licence, et sollicite à ce titre le paiement d'une somme de 10 millions d'euros, sur la base d'un rapport d'expertise ;

Considérant que la société [E] soutient que cette demande est infondée, car, à aucun moment, Parlan n'était disposée à accepter les termes de l'offre formulée par [N] ni les conditions acceptées par AST et que donc, le contrat n'aurait, de toute façon, pas été renouvelé ;

Considérant que le non-respect de l'obligation, par [E], de renouveler le contrat au profit de Parlan, est sanctionné par une indemnité de dédit de 2 millions d'euros que la société [E] a été condamnée à payer à la société Parlan ; qu'indépendamment de cette obligation, la société Parlan ne bénéficiait d'aucun droit à obtenir le renouvellement du contrat ; qu'elle ne saurait dès lors alléguer un préjudice pour perte de chance, faute de démonstration d'un préjudice distinct du non-respect de la clause de renouvellement ; que sa demande sera donc rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point ;

Sur la résiliation du contrat

Considérant que l'appelante fait valoir que la rupture du contrat du 4 août 2010 était justifiée par la gravité des manquements contractuels commis par la société Parlan et par sa mauvaise foi ; qu'elle expose, d'une part, que le principe de la résiliation unilatérale d'un contrat à durée déterminée est admis en droit français depuis l'arrêt [Localité 3] du 13 octobre 1998, et d'autre part, que le motif de rupture doit être apprécié au jour de la rupture ; que la gravité des fautes reprochées à la société Parlan ne pouvait qu'entraîner une perte totale de confiance et justifiait la résiliation unilatérale du contrat ; qu'au titre des manquements contractuels commis par la société Parlan, la société Les Editions [E] relève les plaintes répétées de clients, la résiliation inconsidérée de la sous-licence ukrainienne ainsi que le licenciement brutal de la rédactrice en chef ; que ces motifs, de nature à justifier, seuls, la résiliation unilatérale du contrat, renforceraient, par leur succession, la légitimité de la décision de [N] ; que les divers manquements de Parlan auraient eu pour effet de briser la nécessaire relation de confiance entre les parties, faisant en outre légitimement craindre à [N], au moment de leur décision de procéder à la rupture du contrat, un péril grave pour la continuation de la publication de la Revue Russe pendant les 16 mois restant à courir, dans le respect des critères de qualité et d'éthique de [N] ; qu'elle demande, en conséquence, réparation de son préjudice d'image lié à l'impact extérieur et à une grave perturbation de ses activités d'édition ;

Considérant que l'intimée prétend que la résiliation du contrat par la société [E] est brutale et abusive puisqu'elle n'est ni justifiée par une clause résolutoire de plein droit ni par des manquements expressément prévus contractuellement ni encore par un manquement d'une gravité suffisante ; qu'il appartient au titulaire de la marque de convenir des limitations aux droits du licencié qu'il jugera appropriées par des clauses de contrôle ou de coopération spécifiques ; qu'en conséquence, elle considère que les manquements qui lui sont reprochés ne permettent pas de justifier la résiliation du contrat de licence ;

Considérant que l'article 11.3 du contrat de licence dispose que « Le Contrat peut être résilié suite à une requête émise par l'une des deux Parties sur décision d'un tribunal compétent exclusivement, et ce, uniquement dans le cadre des motifs stipulés par les présentes » ; que l'article 11.4 vise les évènements ou faits ouvrant la possibilité d'une résiliation : le concessionnaire n'a pas été en mesure de publier dans l'année 10 numéros (article 11.4.1), la qualité de trois parutions consécutives ne correspond pas au niveau de qualité requis et défini au paraphe 3.2 du Contrat de Licence (article 11.4.2), la qualité requise étant définie comme conforme si elle satisfait aux conditions suivantes (i) format 227mm x 297 mm, (ii) papier égal ou supérieur à Allegro 90 g/m², (iii) standard d'impression ISO 12647 (part 2) ; le concessionnaire manque à ses obligations de paiement envers [E], notamment au titre de la redevance et des délais de paiement (articles 11.4.3 et 11.4.4) ; le concessionnaire signe un accord de sous-licence sans l'autorisation préalable et écrite de [E] (article 11.4.5) ;

Considérant que la société [E] ne se fonde pas sur les manquements prévus au contrat, mais sur son droit à résiliation unilatérale du contrat ; que toutefois, les motifs de résiliation prévus au contrat fournissent une indication des comportements considérés comme graves par les parties ;

Considérant qu'en application de l'article 1184 du code civil, la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier, exceptionnellement, que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls ; que les manquements doivent toutefois revêtir une gravité suffisante pour justifier cette rupture ;

Considérant que les manquements contractuels reprochés à Parlan dans la lettre de résiliation du 4 août 2010 étaient au nombre de trois : le licenciement de la rédactrice en chef « sans aucune consultation ni même information préalable » de [E], intervenu trois mois plus tôt, en violation de l'article 3 du contrat ; l'incapacité à trouver un nouvel accord avec le sous licencié ukrainien [W] malgré les demandes de [E] ainsi que l'absence d'autorisation de mettre un terme au contrat de sous licence, en violation de l'article 9 et, enfin, la perte supposée de LVMH en tant qu'annonceur, prétendument due à un manque de professionnalisme de Parlan, en violation de l'article 5.4. ;

Sur le licenciement de la rédactrice en chef

Considérant que la société [E] soutient que le rédacteur en chef est le garant de la qualité de la Revue Russe qui constitue le fondement du Contrat ; que selon l'article 3.1 du contrat, « La décision concernant le contenu éditorial de la Revue russe appartiendra au Rédacteur en Chef de la Revue Russe, et ce, en accord avec les exigences requises par l'Officiel » ; que le rédacteur en chef est en outre l'interlocuteur direct de [N] dans l'élaboration de la Revue Russe ; qu'il s'agit donc d'une personne dont le rôle est absolument central au regard de l'objet du Contrat ; que le licenciement brutal et non concerté de Mme [D] combiné à son remplacement par une personne inexpérimentée caractérise, selon l'appelante, en soi, un manquement grave au contrat ;

Considérant que la société Parlan expose que la cause de l'engagement ne portait pas sur la personnalité de Mme [D] ; que Parlan ne peut être tenue responsable de son départ et que la personnalité de l'éditeur en chef n'était pas retenue comme critère de qualité tels que définis à l'article 11.4.2 du contrat de licence ;

Considérant que si le contrat de licence comporte bien un article 9 « caractère personnel », son effet est limité à la considération de la personne morale du contractant, la société Parlan, les parties ayant en effet convenu qu'un changement de contrôle ou l'octroi d'une sous licence devaient être préalablement soumis à l'accord de [E] ; que le contrat ne comporte aucune stipulation liée aux personnes constituant l'équipe de rédaction ; que notamment, la société Parlan souligne à juste titre que : « aucune clause du Contrat de Licence ne précise que [E] voyait en la personne de l'Editeur en Chef du Magazine une condition d'exécution personnelle du Contrat de Licence » ; qu' « aucune clause du contrat de Licence ne précise les conditions de recrutement, qualifications professionnelles ou identité de l'Editeur en Chef » et, enfin, qu' « aucune clause du contrat de licence ne précise que le recrutement comme le départ de l'éditeur en Chef doivent être autorisés, voire tout simplement discutés, avec [E] » ; que Madame [D] n'étant pas l'éditrice en chef du magazine lors de la conclusion des premiers contrats, elle ne peut pas davantage être considérée comme la cause de l'engagement de [E] ; que lors de son embauche, la société [E] n'a pas été consultée ;

Considérant que les circonstances de son départ ne sauraient davantage constituer un manquement contractuel de Parlan, ayant rejoint AST, successeur de Parlan ;

Considérant, enfin, qu'il n'est pas démontré que la qualité de la revue ait baissé après son départ ; que cette baisse doit être, en toute hypothèse, constatée sur trois numéros consécutifs, selon l'article 11.4.2 du contrat  ; que lors de la résiliation du contrat, le 4 août 2010, c'est encore Madame [D] qui avait supervisé le numéro de juillet-août et, par conséquent, les conditions de l'article précédent ne pouvaient être réunies ;

Sur la résiliation de l'accord de sous-licence

Considérant que la société [E] prétend qu'en ayant procédé à la résiliation de la Sous-Licence Ukrainienne depuis le 1er janvier 2010, sans solliciter l'accord préalable de [N] sur cette résiliation et en négociant avec plusieurs sous-licenciés pour la conclusion d'une nouvelle Sous-Licence Ukrainienne, sans son accord préalable, faisant ainsi courir le risque d'une interruption de la publication de la Revue Ukrainienne, alors qu'elle était tenue de faire paraître au moins dix numéros par an, la société Parlan aurait commis une grave faute contractuelle ;

Considérant que la société Parlan expose qu'elle pouvait librement gérer ce contrat de sous-licence, sans accord préalable de [E] ; qu'au surplus, [E] l'aurait privée des revenus attendus de cette sous-licence ;

Considérant que par lettres en date des 19 janvier, 12 et 19 février 2010, Parlan informait [E] qu'elle avait été dans l'obligation de résilier la sous-licence conclue avec la société Vavilon, pour le territoire de l'Ukraine, avec effet au 1er janvier 2010, dans la mesure où Vavilon n'avait pas procédé au paiement de la somme de 76.530 euros au titre de l'avance sur redevances pour l'année 2010, en dépit de la mise en demeure que lui avait adressée Parlan ; que par lettres des 8, 17 et 25 février 2010, [E] informait Parlan qu'elle refusait purement et simplement de prendre acte de cette résiliation et indiquait qu'elle continuerait à fournir unilatéralement à Vavilon le contenu éditorial du Magazine ; que le 12 mars 2010, Parlan confirmait à [E] qu'elle avait trouvé un nouveau sous-licencié qui était prêt à payer la redevance, s'élevant à 200.000 euros par an ;

Considérant que l'avenant au contrat de licence du 1er octobre 2006 a ajouté un article 9.4 au contrat de 2007, autorisant le licencié « à concéder une sous-licence du Magazine au Kazakhstan et en Ukraine à un quelconque tiers, dans la limite d'une pour chaque pays » ; qu'en application de cet article, la société Vavilon a été choisie par Parlan ; qu'en vertu de l'article 1.3 du Contrat de Licence, « le concessionnaire pourra utiliser à son gré le droit de réaliser les 'Editions Régionales de la Revue Russe » ; qu'il en résulte que le contrat de sous-licence était géré librement par Parlan, qui pouvait le résilier à son gré, et engager des pourparlers pour la conclusion d'un nouveau contrat, sans en informer préalablement [E], puis proposer un remplaçant à [E], la seule obligation pesant sur elle étant de l'informer de la conclusion d'un contrat de sous-licence, ce qui a été fait, avec la communication du nom du candidat envisagé ; qu'aucune faute ne peut être reprochée à Parlan ; qu'il ne peut lui être reproché d'avoir résilié le contrat de sous-licence, faute de paiement des redevances, alors qu'elle était elle-même tenue de reverser un pourcentage de celles-ci, dans la limite d'une somme minimum, au concédant, selon l'article 9.6 du contrat ; que n'est démontrée ni une quelconque précipitation dans la résiliation du contrat, ni la mise en péril de la sortie du numéro régional, compte tenu des discussions en cours avec un futur sous-licencié ; que si l'article 11.4.1 du Contrat de Licence envisage l'hypothèse d'une résiliation au motif de l'absence d'un minimum de dix numéros publiés dans l'année, c'est « non compris les Editions régionales de la Revue russe», qui elle, ne fait l'objet d'aucun objectif spécifique ; que la société [E] peut d'autant moins reprocher ce point à la société Parlan qu'elle a elle-même fait obstacle à la conclusion d'un nouveau contrat de sous-licence, en maintenant [W] en place et en maintenant la communication, à cette société, des contenus du magazine français, en contradiction avec la licence accordée exclusivement à Parlan et avec les stipulations de l'article 1.4 du contrat du 28 décembre 2001 ;

Sur le mécontentement de clients et annonceurs

Considérant que la société [E] prétend qu'à la date à laquelle elle a décidé de mettre fin au contrat, qui est la date à laquelle l'existence du motif de rupture doit être examinée, la multiplicité des plaintes d'annonceurs et la gravité des manquements signalés, pouvaient légitimement lui faire craindre que le comportement de Parlan conduise à la perte de nombre d'annonceurs importants et mette durablement en péril la pérennité de la Revue Russe ; qu'en particulier, LVMH indiquait à [N] que Parlan adoptait des pratiques commerciales douteuses, consistant à conditionner le maintien du patrimoine premium de LVMH dans la Revue Russe à l'achat d'espaces publicitaires dans un autre magazine édité par Parlan, de bien moindre qualité que la Revue Russe et l'informait de sa décision d'arrêter tout achat de publicité dans la Revue Russe ; que par ailleurs, la société [N] avait reçu plusieurs plaintes concordantes d'annonceurs stigmatisant l'exigence de Parlan de recevoir ses paiements dans des sociétés logées dans des paradis fiscaux ;

Considérant que la société Parlan soutient qu'il n'est pas démontré que les reproches formulés aient nui à la réputation de la revue ou aient entraîné des baisses de vente ;

Considérant que la cour approuve les Premiers Juges d'avoir écarté ces pratiques qui ne sauraient constituer des manquements de nature à justifier la résiliation du contrat, faute de démonstration de tout effet de ces quelques remarques sur la réputation et les ventes de la revue ; que la cour adopte les motifs du jugement entrepris sur ce point ;

Sur la perte de confiance résultant de la succession des incidents

Considérant que si la société [E] fait également état, de façon très succincte, d'autres griefs à l'égard de Parlan, tels son intervention, par l'intermédiaire d'une société dénommée Ping Pong Communications LLC, dans l'obtention de droits d'édition auprès de Roskomnadzor pour des titres de presse identiques ou similaires à ceux exploités en France par [E] ; que ces faits ne sont pas suffisamment documentés devant la cour pour lui permettre de se prononcer sur leur caractère fautif et ne relèvent pas de la compétence de la cour ;

Considérant que la société [E] reproche également à M. [S] d'avoir signé un accord de cession de sa participation dans la société sans l'en avoir informée, au mépris des dispositions contractuelles précises (Article 9.1 du Contrat) ; qu'il y a lieu sur ce point d'approuver le jugement entrepris d'avoir, aux termes de motifs que la cour adopte, écarté ce moyen ;

Considérant que la société [E] ne démontre pas qu'au jour de la rupture, la confiance ait été définitivement rompue avec Parlan et qu'elle pouvait légitimement appréhender les conditions dans lesquelles le contrat pourrait se dérouler pendant les 16 mois restant à courir, les incidents étant, pour la plupart, imputables à [E] et ne revêtant pas, pour les autres, la gravité justifiant une telle résiliation ;

Conclusion générale sur la résiliation

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la résiliation est fautive, la société Parlan n'ayant commis aucune faute de nature à la justifier ; que la multiplication des incidents, non fautifs, ne saurait permettre à la société [E] de résilier le contrat pour une simple perte de confiance, d'ailleurs non démontrée, ces incidents étant surtout dus à l'immmixtion abusive du concédant dans la gestion du concessionnaire ; que le jugement entrepris sera confirmé ;

Considérant que la société [E] sera déboutée de ses demandes d'indemnisation sur ce fondement contractuel, comme sur le fondement, subsidiaire, de manquements aux obligations de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat ;

Sur la rupture brutale

Considérant que l'appelante expose que l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce n'est pas applicable en l'espèce, puisque la loi applicable à une éventuelle rupture brutale des relations commerciales établies entre Parlan et [N] est celle de l'Etat du lieu où le fait dommageable s'est produit, soit la Russie ; qu'elle allègue, à titre subsidiaire, que la résiliation n'est ni brutale ni abusive, dans la mesure où elle a accordé un délai de préavis d'un mois à la société Parlan, malgré la gravité des manquements commis par son cocontractant ;

Considérant que l'intimée prétend que les parties ont choisi conventionnellement l'application de la loi française, et donc de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce qui est donc applicable ; qu'elle a subi une rupture brutale de ses relations commerciales puisqu'elle aurait du bénéficier d'un délai de préavis de vingt quatre mois compte tenu de la durée de leurs relations commerciales de plus de quatorze années et de son état de dépendance économique vis-à-vis de la société [E] ; qu'elle soutient que la loi applicable à ses demandes, au titre de l'indemnisation du préjudice subi du fait du comportement fautif de la société Parlan Publishing, est la loi française ;

Considérant que l'article 15.1 du contrat prévoit que « le présent contrat est soumis au droit appliqué par la République Française » ;

Considérant que le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement une relation commerciale établie engage la responsabilité délictuelle de son auteur et la loi applicable à cette responsabilité est celle de l'État du lieu où le fait dommageable s'est produit, ce lieu s'entendant aussi bien de celui du fait générateur du dommage que celui du lieu de réalisation de ce dernier ; qu'en cas de délit complexe, il y a lieu de rechercher le pays présentant les liens les plus étroits avec le fait dommageable ; qu'en l'espèce, des liens résultent des relations contractuelles entre les parties, préexistantes depuis plus de dix ans ; que celles -ci ont été formalisées par un contrat conclu à [Localité 2], désignant le droit français comme loi applicable et les tribunaux français comme juridiction compétente ; que l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce est donc applicable ;

Sur les relations établies

Considérant que les relations entre les parties ont débuté en 1997 et ont revêtu une certaine stabilité, nonobstant la conclusion d'un contrat à durée déterminée ; que cependant, la reconduction du contrat à son terme n' était pas assurée au 31 décembre 2011 ; qu'en effet, si le concessionnaire avait un droit au renouvellement du contrat, ce renouvellement n'était pas garanti ; qu'il ne pouvait donc légitimement espérer le maintien des relations commerciales ; qu'ainsi, la rupture, abusive, n'a pas également revêtu le caractère de brutalité ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation de la société Parlan sur ce fondement ;

Sur la demande de [E] relative à la publication des numéros de la revue après la résiliation

Considérant que cette demande relative à la période postcontractuelle, la seule déjà soulevée en première instance, est recevable ; qu'elle sera cependant rejetée au fond ; que ces publications ne sauraient être qualifiées de « gravissimes manquements au principe de bonne foi » dans l'exécution du contrat, celui-ci se trouvant fautivement résilié début août par [E] ; qu'au surplus, ces publications ne sauraient être sanctionnées comme violation de la clause de non concurrence de l'article 13 du contrat ; qu'en effet, cet article 13 énonce que « Pendant le présent Contrat, le Concessionnaire s'interdit d'éditer sur le Territoire d'autres revues de mode faisant partie du secteur de la mode féminine 'de luxe'. ['] Dans le cas où le présent Contrat serait résilié pour des raisons stipulées dans le paragraphe 11.4 des présentes, le Concessionnaire s'interdit d'exploiter sur le Territoire, pendant une durée de deux (2) ans à compter de l'expiration du présent Contrat, les revues de mode faisant partie du secteur de la mode féminine 'de luxe' » ; que la clause de non concurrence est d'interprétation stricte ; que la publication de la revue par Parlan dans les huit mois ayant suivi la résiliation du contrat, ne peut être assimilée à la publication d'autres revues de mode concurrentes ;

Sur l'indemnisation de la société Parlan au titre de la rupture abusive des relations commerciales

Considérant que la société Parlan prétend être indemnisée à hauteur de 3.105.477,89 euros, au titre de la perte de sa marge brute (excédent brut d'exploitation) pour la période d'août 2010 à décembre 2011 ;

Considérant que la société [E] verse aux débats une expertise réalisée par le cabinet d'audit et de conseil Mazars, dont l'objet est de minorer le calcul du préjudice évalué par Parlan ;

Considérant qu'il y a lieu d'indemniser la société [E] au titre de la perte de sa marge brute d'août 2010 à décembre 2011 ;

Considérant que l'excédent brut d'exploitation réalisé par la société Parlan dans la commercialisation du magazine a été estimé par le cabinet de consulting et d'audit Gorislavtsev et C° Audit, membre de l'association internationale professionnelle des auditeurs et des conseillers financiers EuraAudit International ; que cette estimation a été certifiée par Madame [A] [B] [L], directrice du service de contrôle interne de Parlan ; que les comptes de Parlan relatifs aux exercices 2007 à 2009 font apparaître une perte de profit mensuel de 5 558 mille roubles une fois enlevés de la moyenne du revenu brut (montant des ventes moins prix de revient des produits vendus) les frais commerciaux, non pris en compte par la société Parlan dans sa demande ; que la perte totale au titre de 17 mois courants d'août 2010 à décembre 2011, s'élève à 94 490 mille roubles ; qu'il faut déduire de cette somme les bénéfices tirés de la publication du magazine par la société Parlan après la résiliation anticipée du contrat, soit 11 698 mille roubles ; que le montant de la perte d'exploitation de la société Parlan s'élève donc à 82 792 000 roubles, soit 2 217 000 € ;

Considérant que, contrairement aux assertions du rapport [Q], la cour n'a pas à prendre en considération l'année 2010 au titre du calcul du préjudice, cette année étant privée de toute signification, s'agissant de l'année au cours de laquelle la résiliation est intervenue ; qu'il n'y a pas davantage lieu de déduire du bénéfice l'impôt sur le revenu, s'agissant de perte d'exploitation avant impôts ; que les frais de gestion (dépenses relatives à la gestion du personnel, à la comptabilité, aux services techniques et informatiques et au service juridique) ne seront pas davantage pris en compte, la société [E] ne démontrant pas que ces frais constituaient des frais variables ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur le quantum alloué à la société Parlan ;

Sur l'indemnisation du préjudice de la société Parlan au titre de la sous-licence ukrainienne

Considérant que la société Parlan ne démontre pas avoir subi un préjudice supérieur à deux années de redevances qui ont été indûment perçues par la société [E], soit la somme de 153 060 € ; que le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point ; qu'elle ne peut soutenir, pour obtenir une somme supérieure, qu'elle avait trouvé un repreneur prêt à lui verser une redevance de 200 000 € par an, ces assertions n'étant nullement établies ;

Sur l'indemnisation au titre du préjudice moral

Considérant que la société Parlan ne verse aux débats aucun élément de nature à démontrer ce préjudice ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;

Sur l'indemnisation au titre de la perte de valeur attachée à la marque et au magazine

Considérant que si la société Parlan demande d'allocation d'une somme de 5 540 340 € au titre de la perte de la valeur attachée à la marque et au magazine, elle n'en rapporte aucun commencement de preuves ; que cette demande sera donc rejetée et le jugement entrepris également confirmé sur ce point ;

Sur la demande de délais formée par la société [N]

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'octroyer des délais de paiement à la société [N], le jugement de première instance datant de décembre 2011 ;

PAR CES MOTIFS

-déclare recevable l'exception d'incompétence soulevée in limine litis par la société CJSC Parlan Publishing,

-se déclare compétente pour apprécier la légalité des actes de la société CJSC Parlan Publishing dont il est demandé réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle,

-les rejette comme présentés pour la première fois en appel,

-confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Les Editions [E] à payer à la société CJSC Parlan Publishing la somme de 2 millions d'euros à titre de compensation pour l'interruption du contrat au 30 août 2010 au lieu du 31 décembre 2011,

-l'infirme sur ce point,

-et, statuant à nouveau,

-condamne la société Les Editions [E] à payer à la société CJSC Parlan Publishing la somme de 2 217 000 € sur ce fondement,

- rejette la demande de délais de la société Les Editions [E],

-condamne la société Les Editions [E] aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

-condamne la société Les Editions [E] à payer à la société CJSC Parlan Publishing la somme de 75 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

V. PERRET F. [I]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/01536
Date de la décision : 28/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°12/01536 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-28;12.01536 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award