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27/01/2015 | FRANCE | N°12/09153

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 27 janvier 2015, 12/09153


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 27 Janvier 2015



(n° , 09 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09153



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juillet 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/03422





APPELANTE

Madame [O] [Q] épouse [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

assistée de Me Pa

ola CARNEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : D0109

substituée par Me Karine MUZEAU-COUTIER, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE

SAS GROUPE DUFFORT venant aux droits de la SAS ADTC ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 27 Janvier 2015

(n° , 09 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09153

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juillet 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/03422

APPELANTE

Madame [O] [Q] épouse [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

assistée de Me Paola CARNEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : D0109

substituée par Me Karine MUZEAU-COUTIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SAS GROUPE DUFFORT venant aux droits de la SAS ADTC COMMUNICATIONS

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Géraldine HANNEDOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0031

substituée par Me Justine LAURENT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine LETHIEC, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Claudine PORCHER, président

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claudine PORCHER, président et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [O] [Q] épouse [Y] a été engagée par la société DUFFORT Investissement, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée du 11 mai 2009, en qualité de "Responsable Communication Groupe", catégorie cadre, Niveau C2, la convention collective applicable jusqu'en janvier 2010 étant celle de l'immobilier et la rémunération mensuelle brute de la salariée étant de 3.150 € bruts.

Le 13 novembre 2009, la société DUFFORT Investissement, ayant une activité d'agence de communication, a pris une participation à hauteur de 95 % dans le capital de la société MALGART, devenue ADTC, laquelle est devenue une filiale du Groupe DUFFORT Investissement.

Selon un avenant au contrat de travail en date du 3 janvier 2010, le contrat de travail de Madame [O] [Q] a été repris par la société ADTC Communication à compter du 1er janvier 2010.

Cet avenant contractuel précise que l'ancienneté et le salaire de Madame [O] [Q] sont maintenus et qu' à compter de cette date, la convention collective applicable est celle de la publicité.

Suite à un courriel adressé par la salariée le 5 septembre 2010, la société ADTC Communication, a notifié à Madame [O] [Q] épouse [Y], par lettre recommandée du 7 septembre 2010, une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave fixé au 17 septembre 2010.

Un licenciement pour cause réelle et sérieuse avec dispense de préavis a été notifié à l'intéressée par courrier recommandé du 30 septembre 2010.

Le 17 février 2011, Madame [O] [Q] épouse [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de contester la rupture de son contrat de travail et solliciter la condamnation de la société ADTC Communication au paiement d'indemnités pour licenciement abusif et rappels de salaires pour heures supplémentaires.

Par jugement rendu le 17 juillet 2012, le Conseil de prud'hommes a débouté l'intéressée de l'ensemble de ses demandes, en lui allouant, simplement, une somme de 1.600 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 27 septembre 2012, Madame [Q] épouse [Y] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 3 novembre 2014 et soutenues oralement, Madame [Q] épouse [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, en statuant de nouveau :

- Sur la demande au titre de la rupture abusive du contrat de travail de Madame [O] [Q]

A titre principal, dire et juger que Madame [O] [Q] a fait l'objet d'un licenciement verbal le 3 septembre 2010,

En conséquence,

Condamner la société ADTC communication à verser à Madame [O] [Q] les sommes suivantes :

- 24.387,96 euros au titre du licenciement abusif,

- 4.064,66 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement,

- 12.193,98 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

En tout état de cause, et à titre subsidiaire, dire et juger que le licenciement prononcé le 30 septembre 2010 est abusif,

En conséquence,

Condamner la société ADTC Communication à verser à Madame [O] [Q] les sommes suivantes :

- 24.387,96 euros au titre du licenciement abusif,

- 12.193,98 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Condamner la société ADTC Communication à remettre à Madame [O] [Q] une attestation Pôle emploi et un reçu pour solde de tout compte conformes,

- Sur la demande de rappel de salaires pour les heures supplémentaires accomplies en 2009 et 2010

Fixer le salaire de référence de Madame [O] [Q] à 4.064,66 euros,

Condamner la société ADTC Communication à verser à Madame [O] [Q] les sommes suivantes :

- 9.510 euros au titre des heures supplémentaires sur l'année 2009,

- de 951 euros au titre des congés payés sur les heures supplémentaires accomplies sur l'année 2009,

- 1.235 euros au titre du repos compensateur sur l'année 2009,

- 11.709,024 euros au titre des heures supplémentaires accomplies sur l'année 2010,

- 1.170 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires accomplies sur l'année 2010,

- 2.284 euros au titre du repos compensateur sur l'année 2010,

- 24.387,96 euros à titre d'indemnité forfaitaire prévue à l'article L 8223-1 du code du travail.

Dire et juger que les sommes dues par la société ADTC Communication produisent intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes de Paris le 17 février 2011 ;

Condamner la société ADTC Communication au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisser les éventuels dépens à la charge de la société ADTC Communication.

Par conclusions visées par le greffe le 3 novembre 2014 et soutenues oralement, le groupe DUFFORT, venant aux droits de la société ADTC Communication, suite à une fusion absorption du 22 janvier 2013, demande à la cour de :

Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de PARIS en date du 17 Juillet 2012 en ce qu'il a débouté Madame [Y]-[Q] de ses demandes ;

Infirmer le jugement en ce qu'il a qu'il a condamné la société ADTC COMMUNICATION à verser à Madame [Y]-[Q] la somme de 1.600 euros au titre de son préjudice moral pour licenciement brutal et vexatoire et statuant à nouveau, l'en débouter.

En tout état de cause :

Condamner Madame [Y]-[Q] à verser au GROUPE DUFFORT la somme de 3,000 Euros au titre de l'article 700 du CPC ;

Condamner Madame [Y]-[Q] aux entiers dépens de l'instance.

Pour le plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la rupture du contrat de travail

L'article L 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si un doute persiste, il profite au salarié.

Il est constant qu'un licenciement verbal ne peut être régularisé par l'envoi postérieur d'une lettre de rupture, ce licenciement étant nécessairement sans cause réelle et sérieuse mais qu'il appartient au salarié d'établir par tous moyens, y compris par message téléphonique vocal, la preuve de la mesure prise à son encontre, celle-ci ne pouvant consister en la seule prise d'acte de rupture par la salariée.

Il y a lieu d'apprécier si la preuve de la notification personnelle de façon verbale de la décision de licencier est rapportée.

En l'espèce, il résulte des éléments de ce dossier qu'un entretien informel a eu lieu, le vendredi 3 septembre 2009, entre Monsieur [G] [W], dirigeant de la société ADTC COMMUNICATION et Madame [O] [Q] épouse [Y].

Cet entretien s'est déroulé en fin de journée vers 16h30 alors même que la majorité du personnel était partie.

Il est surprenant que ce dirigeant de la société ADTC COMMUNICATION, en charge de 60 salariés, n'ait jamais précisé les motifs de cet entretien dont l'existence n'est pas contestée et que les mentions portées sur la lettre de licenciement du 30 septembre 2010 soient aussi évasives.

Les attestations de Monsieur [L] [V] et de Madame [U] [J] indiquent que l'intéressée serait sortie normalement du bureau, en retournant à son poste de travail.

Toutefois, outre le fait que l'attestation de Monsieur [L] [V] n'est pas datée et que celle de Madame [U] [J], toujours salariée dans l'entreprise, a été rédigée plus d'un an et demi après les faits, il est intéressant de relever que Monsieur [L] [V], directeur général de la société ADTC, a adressé un message téléphonique à la salariée dans la journée du 5septembre, lui proposant une discussion le lendemain matin et que Madame [U] [J] a contacté Madame [Q] épouse [Y] en fin de journée le lundi 6 septembre pour connaître les motifs du licenciement.

Par ailleurs, les attestations de l'époux de la salariée ainsi que d'une amie, Madame [K], précisent l'état de choc dans lequel se trouvait l'intéressée, suite à l'entretien incriminée, Monsieur [R] [Y] indiquant avoir sonné à l'interphone de la société vers 16 h30, suite à l'appel de sa femme et avoir parlé à Monsieur [G] [W], seul membre présent dans les lieux.

En outre, il ne peut être reproché à la salariée d'avoir adressé un courriel à son employeur dans la soirée du 5 septembre 2010 pour confirmer les propos échangés et sa disponibilité à trouver une solution amiable au différend.

L'intéressée qui n'avait effectué aucune recherche d'emploi, préalablement au mois d'octobre 2010, et qui justifiait de son investissement dans l'entreprise, n'avait aucun intérêt à adresser à son employeur un courriel faisant faussement état de l' intention de celui-ci de rompre son contrat de travail.

Il ne peut, davantage lui être reproché de s'être, régulièrement, présentée à son poste de travail le lundi 6 septembre dans la mesure où un licenciement verbal, malgré son irrégularité, entraîne la rupture du contrat de travail et fixe le point de départ du préavis.

Compte tenu de ces circonstances, la salariée était fondée à se prévaloir d'un licenciement verbal et ce, alors même qu'occupant le poste de responsable de communication, en charge de la « stratégie » de communication de la société ADTC et du groupe Duffort, elle avait été informée dès le 1er septembre 2010, par une personne recherchant un poste en stratégie de communication que la société ADTC était « en période de recrutement » ainsi que l'atteste l'échange de courriels avec Madame [P] [T].

Il y a lieu, également, de constater que, le 6 septembre vers 17 heures, Monsieur [W] a indiqué verbalement à Madame [Q] épouse [Y] sa mise à pied à titre conservatoire, en lui demandant de quitter l'entreprise après avoir pris ses effets personnels et rendu ses instruments de travail et qu'il ne lui a adressé aucun écrit, en adoptant la même stratégie que lors de l'entretien du 3 septembre.

Par courriel du 6 septembre à 17h44, Madame [O] [Q] épouse [Y] a confirmé les propos qui lui avaient été tenus, en déplorant la situation et en rappelant son attachement à l'entreprise et son souhait d'une solution amiable au litige.

Ce n'est que par courrier recommandé du 7 septembre 2010 que Monsieur [G] [W] a convoqué la salarié à un entretien préalable en se prévalant des allégations mensongères portées sur le courriel du 5 septembre et en confirmant la mise à pied à titre conservatoire notifiée oralement le 6 septembre.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la direction de la société ADTC COMMUNICATION s'est efforcée de régulariser la procédure de licenciement verbal, en notifiant oralement à l'intéressée, le 6 septembre 2010, une mise à pied à titre conservatoire pour faute grave puis en la convoquant, le 7 septembre 2010, à un entretien préalable et en la licenciant pour cause réelle et sérieuse le 30 septembre 2010.

Dès lors que Madame [O] [Q] épouse [Y] s'était déjà vue notifier une mesure de licenciement verbal le 3 septembre 2010, nécessairement sans cause réelle et sérieuse, cette mesure ne pouvait être régularisée par l'envoi postérieur d'une lettre de rupture, l'employeur ayant, préalablement, manifesté une volonté non équivoque de rompre le contrat de travail.

Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L 1235-2 et L 1235-5 du code du travail avec celles de l'article L 1235-3 du code du travail que, lorsque le licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le salarié ne peut obtenir en plus des dommages et intérêts pour licenciement abusif, une indemnité distincte pour irrégularité de la procédure.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, du montant de la rémunération versée à Madame [O] [Q] épouse [Y], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-5 du code du travail, une somme de 24 387.96 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

Par ailleurs, il est constant que le salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse peut prétendre à des dommages et intérêts distincts de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en cas de comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture.

En l'occurrence, le dirigeant de la société ADTC COMMUNICATION a notifié verbalement à sa salariée un licenciement, qu'il a tenté de régulariser, en lui notifiant, ultérieurement, une procédure disciplinaire de mise à pied et convocation à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour faute grave et en lui notifiant, finalement, un licenciement pour motifs personnels.

Il ressort des éléments de ce dossier et notamment des échanges de courriels versés aux débats que Madame [O] [Q] épouse [Y], s'est vue contrainte de quitter l'entreprise précipitamment, après avoir rendu ses outils de travail et sans avoir pris un dernier contact avec ses collègues de travail ou les clients avec lesquels elle se trouvait en relations professionnelles et dont elle n'a pu honorer certains rendez vous.

Cette mesure de licenciement a été initiée par l'employeur dans des conditions vexatoires pour la salariée alors même qu'aucune faute grave n'a justifié l'urgence des mesures prises et n'a été retenue à l'encontre de l'intéressée.

Madame [O] [Q] épouse [Y] justifie avoir subi un préjudice distinct de celui résultant de la perte d'emploi du fait de ces conditions vexatoires qu'il convient de chiffrer à la somme de 7 500 €.

Le jugement rendu le 17 juillet 2012 par le conseil de prud'hommes de Paris sera infirmé sur les demandes financières présentées par la salariée du fait de la rupture de son contrat de travail

Sur les demandes en rappels de salaires au titre des heures supplémentaires

Madame [O] [Q] épouse [Y] réclame le paiement des heures supplémentaires effectuées au cours des années 2009/2010.

La société ADTC COMMUNICATION souligne, pour sa part, que sa salariée était une cadre autonome disposant d'une totale liberté et indépendance dans l'organisation et la gestion de son travail et qu'elle bénéficiait d'une convention de forfait.

En l'espèce, l'article « durée du travail » du contrat de travail, signé le 11 mai 2009 entre la société DUFFORT Investissement et Madame [O] [Q], dispose que:

« En sa qualité de Responsable Communication Groupe, et compte tenu des caractéristiques et de la nature des fonctions et des responsabilités qui lui sont confiées, Mademoiselle [Q] ne peut être soumise à aucun horaire déterminé.

Mademoiselle [Q] disposera donc d'une totale liberté et indépendance dans l'organisation et la gestion de son travail pour emplir les tâches et missions qui lui seront confiées ».

Il convient de relever que le fait d'adapter ses horaires en fonction des impératifs professionnels confiés ne présume pas de la qualité de cadre dirigeant et n'interdit pas à la salariée de solliciter le paiement d'heures supplémentaires justifiées.

Il résulte des éléments de ce dossier que Madame [O] [Q] épouse [Y], responsable communication groupe, ne pouvait être considérée comme un cadre dirigeant au sens des dispositions de l'article L 3111-2 du Code du travail dans la mesure où elle ne disposait pas d'un pouvoir de décision autonome mais devait en référer, soit au directeur général, Monsieur [V], soit au président, Monsieur [W], que sa rémunération fixée à 3 150 € bruts mensuels n'était pas une des rémunérations les plus élevées de la société, que le contrat de travail la classe dans la catégorie cadres, niveau C2 de la convention collective et non C4, correspondant au statut de cadre dirigeant et que les bulletins de salaires de l'intéressée mentionnent une rémunération pour un horaire mensuel de 151.67 h, soit 35 heures par semaine.

Dans ces conditions, Madame [O] [Q] épouse [Y], soumise à la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires, est recevable en ce chef de demande.

La durée légale du travail effectif prévue à l' article L.3121-10 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article 3121-22 du même code.

Selon les dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.

De ce fait, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement

à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, étant observé qu'il n'est pas nécessaire que l'employeur ait expressément demandé au salarié d'effectuer des heures supplémentaires mais qu'il suffit de son consentement tacite.

En l'occurrence, Madame [O] [Q] épouse [Y] verse aux débats un tableau récapitulant les heures supplémentaires effectuées au cours des années 2009 et 2010, des documents de travail incluant les plannings et déroulés des soirées organisées par l'intéressée ainsi que des clichés photographiques de ces soirées, une copie d'écran de fichiers contenant les heures d'enregistrement de documents de travail démontrant une présence fréquente le soir après 19 heures, des échanges de courriels avec des clients ou membres de la société émis tôt le matin et tard le soir ainsi que des attestations de proches sur son investissement professionnel et son manque de disponibilité en soirée et lors des week ends.

La société ADTC COMMUNICATION conteste ces heures supplémentaires, en s'abstenant de produire le moindre élément permettant de remettre en cause l'investissement professionnel certain de la salarié dans l'entreprise.

Il est manifeste qu'en sa qualité de responsable de communication, l'intéressée se trouvait dans l'obligation professionnelle d'organiser des soirées événementielles en vue des futurs lancements automobiles du groupe DUFFORT confiés à la société ADTC COMMUNICATION, il lui appartenait, également, de participer à des soirées afin de démarcher certains clients comme cela a été le cas avec l'hôtel [1].

Madame [O] [Q] épouse [Y] justifie s'être, fréquemment, rendue à ces événements en compagnie de Monsieur [W] ou de Monsieur [V] et ce, afin de présenter les intervenants aux membres dirigeants de la société ADTC COMMUNICATION, faciliter les prises de contacts et concrétiser ainsi les projets de lancement.

Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction, au sens des dispositions précitées que Madame [O] [Q] épouse [Y] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées dans les proportions suivantes:

En 2009 : 339 heures supplémentaires

En 2010 : 439.5 heures supplémentaires

Le salaire brut de référence étant de 4064.66 €, l'intéressée est fondée à solliciter:

- Pour l'année 2009,

La somme de 9 510 € au titre des heures supplémentaires et celle de 951 € correspondant aux congés payés afférents.

- Pour l'année 2010,

La somme de 11 709.04 € au titre des heures supplémentaires et celle de 1 170 € correspondant aux congés payés afférents.

Par ailleurs, il est constant que la salariée qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur de formuler une demande de repos compensateur en temps utile a droit à l'indemnisation du préjudice subi, celle-ci comportant à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et celui de l'indemnité de congés payés.

Dans ces conditions, Madame [O] [Q] épouse [Y] est, également, fondée à réclamer les sommes de 1 235 € et 2 284 € au titre des repos compensateurs respectifs en 2009 et 2010 pour les heures accomplies au-delà du contingent annuel légal.

Le jugement rendu le 17 juillet 2012 par le conseil de prud'hommes de Paris sera infirmé sur les demandes financières présentées par la salariée au titre des heures supplémentaires effectuées.

Dés lors qu'il a été fait droit à une partie des demandes financières de l'appelante, l'intimée sera tenue de remettre à l'intéressée une attestation Pôle emploi et un reçu pour solde de tout compte conformes.

Sur la demande en indemnisation au titre de la dissimulation partielle d'emploi salarié.

Madame [O] [Q] épouse [Y] réclame le paiement d'une somme de 24.387,96 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Les dispositions de l'article L8223-1 du code du travail stipulent que le salarié dont le travail a été totalement ou partiellement dissimulé par l'employeur a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, il est constant que la dissimulation d'emploi salarié prévue par les articles L 8221-1, L8821-3 et L 8821-5 n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, il n'est pas établi avec l'évidence nécessaire que la société ADTC COMMUNICATION aux droits de laquelle se trouve le groupe DUFFORT, ait agi de façon intentionnelle envers sa salariée et celle-ci sera déboutée de ce chef de demande.

Sur la demande au titre des frais irrépétibles

Il appartient au groupe DUFFORT, venant aux droits de la société ADTC COMMUNICATION, qui succombe de supporter la charge des dépens de la présente instance, en versant à Madame [O] [Q] épouse [Y] une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en étant débouté de sa propre demande au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne le groupe DUFFORT, venant aux droits de la société ADTC COMMUNICATION, à verser à Madame [O] [Q] épouse [Y] :

- une somme de 24.387,96 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- une somme de 7 500 € au titre du préjudice moral.

Dit que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal qui seront calculés à compter du jour du prononcé du jugement.

Condamne le groupe DUFFORT, venant aux droits de la société ADTC COMMUNICATION, à verser à Madame [O] [Q] épouse [Y] les sommes suivantes :

- 9.510 euros au titre des heures supplémentaires sur l'année 2009,

- 951 euros au titre des congés payés sur les heures supplémentaires accomplies sur l'année 2009,

- 1.235 euros au titre du repos compensateur sur l'année 2009,

-11.709,024 euros au titre des heures supplémentaires accomplies sur l'année 2010,

- 1.170 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires accomplies sur l'année 2010,

- 2.284 euros au titre du repos compensateur sur l'année 2010,

Dit que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal, calculés à compter du jour de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, soit le 17 février 2011.

Ordonne la remise d'une attestation Pôle emploi et d'un reçu pour solde de tout compte conformes.

Condamne le groupe DUFFORT, venant aux droits de la société ADTC COMMUNICATION, à verser à Madame [O] [Q] épouse [Y] une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires

Condamne le groupe DUFFORT, venant aux droits de la société ADTC COMMUNICATION, aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 12/09153
Date de la décision : 27/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°12/09153 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-27;12.09153 ?
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