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27/01/2015 | FRANCE | N°12/08967

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 27 janvier 2015, 12/08967


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 27 Janvier 2015



(n° , 05 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08967



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/04477





APPELANTE

SAS SAGE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Loïc TOURANCHET, avocat au b

arreau de PARIS, toque : K0168 substitué par Me Aymeric DE LAMARZELLE, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE

Madame [F] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

assistée de Me...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 27 Janvier 2015

(n° , 05 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08967

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/04477

APPELANTE

SAS SAGE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Loïc TOURANCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168 substitué par Me Aymeric DE LAMARZELLE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [F] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

assistée de Me Xavier CHILOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B0377

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine LETHIEC, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Claudine PORCHER, président

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claudine PORCHER, président et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [F] [Z] a été engagée par la société SAGE, en qualité de Support Logiciels, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 12 août 1996, moyennant une rémunération annuelle brute de 130 000 € incluant une prime de vacances et une prime de fin d'année, la convention collective Syntec étant applicable.

En dernier lieu, Madame [F] [Z] a exercé les fonctions d'ingénieur commercial au sein de la division Moyennes et Grandes Entreprises à compter du 1er février 2003.

Réclamant le paiement de primes sur objectifs pour un montant de 30 564.31 € ainsi que les congés payés afférents, l'intéressée avait saisi, le 22 juin 2011, la section des référés du conseil de prud'hommes de Paris, laquelle s'est déclarée incompétente et a renvoyé la cause et les parties devant le juge du fond par ordonnance du 28 octobre 2011.

Parallèlement, Madame [F] [Z] a saisi cette juridiction d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et paiement de sommes.

La société SAGE a adressé à Madame [F] [Z], par lettre recommandée du 9 novembre 2011, une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 17 novembre 2011.

Un licenciement pour insuffisance professionnelle a été notifié à l'intéressée par courrier recommandé du 22 novembre 2011.

Par jugement rendu le 28 juin 2012, le conseil de prud'hommes de Paris a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée aux torts exclusifs de l'employeur à la date du 23 novembre 2011 et condamné la société SAGE à verser à Madame [F] [Z] les sommes suivantes :

37 153 € au titre des commissions sur objectifs

3 715,30 € au titre des congés payés afférents

14 402 € au titre des commissions pendant le préavis

3 550 € au titre de la prime de vacance

65000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 20 septembre 2012, la société SAGE a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 27 octobre 2014 et soutenues oralement, la société SAGE demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

A titre principal,

- Constater que la Société a valablement fixé les objectifs au titre de l'exercice 2010- 2011 ;

- Constater que les objectifs au titre de l'exercice 2010 - 2011 étaient réalistes et réalisables ;

- Constater l'insuffisance professionnelle de Madame [F] [Z] ;

- Constater qu'aucune prime de vacances n'est due à Madame [F] [Z] ;

En conséquence,

Juger la demande de résiliation judiciaire du contrat du travail infondée ;

Constater que le licenciement de Madame [F] [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Débouter Madame [F] [Z] de l'intégralité | de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- Constater que la demande de rappel de salaire au titre de la rémunération variable 2010-2011 est infondée ;

- Constater que l'intimée ne démontre pas |'existence d'un préjudice à hauteur de plus de 21

mois de salaire ;

- Constater que l'intimée ne justifie pas le montant de sa demande en rappel de prime de

vacances de 3.350 € ;

En conséquence,

- Réduire la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de Madame [F] [Z] à de plus justes proportions, soit 28.382,94 euros ;

- Débouter Madame [F] [Z] de sa demande au titre de rappel de salaire et de

rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- Débouter Madame [F] [Z] de sa demande au titre de la prime de vacances ;

En tout état de cause,

Condamner Madame [F] [Z] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de

l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions visées par le greffe le 27 octobre 2014 et soutenues oralement, Madame [F] [Z] réfute les moyens et l'argumentation de la partie adverse.

L'intimée sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'elle chiffre à la somme de 100 000 €.

A titre subsidiaire, Madame [F] [Z] demande à la cour de dire et juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société SAGE au paiement des mêmes sommes.

L'intéressée sollicite une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour le plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la rupture du contrat de travail

Il est constant que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, en l'occurrence l'insuffisance de résultats, il appartient au juge de rechercher si la demande en résiliation du contrat est justifiée.

C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur, étant observé que la résiliation judiciairement prononcée prend effet à la date du licenciement.

En l'occurrence, Madame [F] [Z] reproche à la société SAGE d'avoir apporté une modification substantielle à son contrat de travail par suite de la fixation unilatérale de nouveaux objectifs dans le plan de commissionnement 2010/2011alors même que ceux-ci devaient être négociés en concertation entre les parties selon les termes de l'avenant au contrat de travail daté du 30 janvier 2002 et que, manifestement irréalisables, ils entraînaient une baisse importante de la part variable de sa rémunération.

Il convient d'apprécier si les manquements reprochés à l'employeur sont d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail et justifier ainsi la résiliation du contrat de travail à ses torts.

Il ressort de l'examen des documents contractuels et notamment de l'avenant au contrat de travail daté du 30 janvier 2002, qu'outre une rémunération fixe, la salariée percevait une rémunération variable sur objectifs, « les modalités d'attribution de cette prime non garantie étant revus chaque année en concertation avec la hiérarchie ».

Le fait qu'il y ait une concertation préalable n'implique pas un accord express de la salariée sur le plan de commissionnement annuel et celle-ci ne peut se prévaloir de la contractualisation des objectifs conditionnant la part variable de sa rémunération.

Dans le cadre de son pouvoir de direction et de gestion, l'employeur a la faculté de déterminer la part variable de la rémunération de ses salariés en fonction d'objectifs qu'il détermine unilatéralement dès lors que ceux-ci sont réalistes et réalisables et que les intéressés en ont été informés en début d'exercice.

En l'espèce, la société SAGE a décidé, en 2011, de ne plus vendre à ses clients de licence , facturée à 100% dans son chiffre d'affaire, mais d'imposer une souscription pluriannuelle correspondant à 35 % du montant initial, situation plus favorable à l'entreprise, laquelle perçoit au bout de trois ans une somme supérieure au prix initial de la licence.

De ce fait , elle a modifié le plan de commissionnement des commerciaux en fixant un coefficient de 35 à 39 % du prix du logiciel vendu, selon les options et le niveau de maintenance souhaité par le client, alors même que les plans antérieurs prévoyaient le commissionnement des commerciaux à hauteur de 100% de la licence vendue.

Au vu des éléments de ce dossier et notamment des tableaux comparatifs des plans de commissionnement 2009/2010 et 2010/2011, il ressort que les commerciaux ne perçoivent qu'un commissionnement de 35 à 39 % sur la première année seulement et non plus un commissionnement sur 100% du produit vendu, ce qui entraîne une baisse sensible de la part variable de leur rémunération et les contraint à s'efforcer de vendre davantage de produits afin de percevoir une rémunération variable identique à celle des années antérieures.

L'examen de la pièce 17 de la société SAGE relative aux rémunérations variables des commerciaux sur l'exercice 2010/2011 ( 1er semestre) révèle que trois commerciaux (Messieurs [P], [H] et [U]) ont réalisé un chiffre d'affaires de respectivement 6 446 €, 10 033 € et 3 349 €, résultats nettement inférieurs à l'exercice précédent dont la moyenne avoisinait 19 000 €.

Par ailleurs, il n'est pas rapporté la preuve de l'augmentation du chiffre d'affaire des commerciaux résultant de l'adoption du nouveau mode de commercialisation du logiciel fondé sur une souscription pluriannuelle dès lors que l'examen des résultats de l'équipe commerciale pour la période en cause fait ressortir que la société SAGE a mis en place un coefficient de saisonnabilité dès le mois de novembre 2010 afin de pallier les retards dans la migration des clients vers la souscription des nouveaux logiciels.

En outre, il est établi qu'au cours de l'année 2011, la direction commerciale a eu recours à un système de bonus afin de corriger artificiellement le plan de commissionnement, confirmant ainsi le caractère irréaliste des nouveaux objectifs fixés.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations que les nouveaux objectifs fixés n'étaient pas réalisables sans application d'un correctif important et qu'ils conduisaient, nécessairement, à une baisse sensible de la part variable de la rémunération de Madame [F] [Z].

Dans la mesure où la salariée justifie d'une modification substantielle de son contrat de travail qui lui est, nettement, défavorable sur le plan financier, l'employeur a commis un manquement d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail et justifier ainsi la résiliation du contrat de travail à ses torts.

Sur les conséquences financières de la rupture

L'examen comparatif de l'ancien plan de commissionnement et du nouveau plan fait ressortir, du fait de la reconstitution des chiffres d'affaires, un différentiel de 11 512 € pour la période antérieure au 1er octobre 2011, celui de 5 172 € pour la période du 1er avril 2011 au 30 juin 2011 ainsi que celui de 5 207 € pour la période du 1er juillet 2011 au 30 septembre 2011, soit un total de 37 153 €.

Madame [F] [Z] est fondée en sa demande principale en paiement de la somme de 37 153 €, outre celle de 3 715.30 € au titre des congés payés afférents et le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.

La salariée justifie ne pas avoir perçu les commissions qui lui étaient dues pour son activité durant la période de préavis à hauteur de la somme de 14 402 € et la décision du conseil de prud'hommes de Paris sera, également, confirmée à ce titre.

Par ailleurs, il est constant que la société SAGE s'est abstenue de régler spontanément la prime de vacances exigible en application de l'article 31 de la convention collective Syntec et il y a lieu de confirmer le jugement entrepris ayant condamné, à ce titre, l'employeur à verser une somme de 3 350 €.

En outre, les circonstances spécifiques de ce litige conduisent la cour à estimer que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en chiffrant à la somme de 65 000 € les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L 1235-3 du code du travail.

Sur la demande au titre des frais irrépétibles

Il appartient à la société SAGE qui succombe de supporter la charge des dépens de la présente instance, en versant à Madame [F] [Z] une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en étant déboutée de sa propre demande au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions;

Ajoutant,

Condamne la société SAGE à verser à Madame [F] [Z] une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires

Condamne la société SAGE aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 12/08967
Date de la décision : 27/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°12/08967 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-27;12.08967 ?
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