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22/01/2015 | FRANCE | N°11/07598

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 22 janvier 2015, 11/07598


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 22 Janvier 2015

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07598



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Mars 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS Section Encadrement RG n° 09/14308





APPELANTE

Madame [H] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne

assistée de Me Hervé T

OURNIQUET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN290





INTIMEES

SAS GLOBAL MEDIA SANTE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

SAS ATMED

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 22 Janvier 2015

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07598

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Mars 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS Section Encadrement RG n° 09/14308

APPELANTE

Madame [H] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne

assistée de Me Hervé TOURNIQUET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN290

INTIMEES

SAS GLOBAL MEDIA SANTE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

SAS ATMED

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

SARL FISMAT

[Adresse 3]

[Adresse 3]

en présence de Mme [J], Directrice des Ressources Humaines

assistés de Me Jean-Sébastien GRANGE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0790

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 décembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur, Patrice LABEY, Président, et Monsieur Bruno BLANC, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice LABEY, Président

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller

Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Mme Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [H] [B] a été initialement embauchée par les éditions J.B BAILLIERE, constituant une branche santé du groupe LES ECHOS, par contrat de travail du 2 janvier 1995.

A la suite de différents transferts et rachats de sociétés, Mme [B] a assuré les fonctions de directrice commerciale groupe, pour l'ensemble des publications du groupe GLOBAL MEDIA .

Sa dernière rémunération mensuelle brute était de 6.636,61 € sur 13 mois, outre une prime

annuelle.

La société Global Média Santé a convoqué Madame [H] [B] le 09 octobre 2009 à un entretien préalable à licenciement pour faute lourde, avec mise à pied conservatoire et, après entretien tenu le 21 octobre 2009, lui a notifié son licenciement pour faute grave, par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 octobre 2009.

Contestant son licenciement et soutenant l'existence d'un co-emploi, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes le 3 novembre 2009 et, dans le dernier état de la procédure, a demandé la condamnation solidaires des sociétés GLOBAL MEDIA SANTE, ATMED, FISMAT et EPF PARTNERS à lui payer les sommes suivantes :

* Salaire du 01 au 05/10/2009 1 123,23 €

* Congés payés afférents 112,32 €

* Salaire de mise à pied 3318,23 €

* Congés payés afférents 331,82 €

* Indemnité compensatrice de préavis 19 909,83 €

* Congés payés afférents 1.990,98 €

* 13 ème mois prorata temporis 1.948,96 €

* Congés payés afférents 194,89 €

* Indemnité conventionnelle de licenciement 96 230,70 €

* Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et manoeuvres vexatoires

192.461,52€

- Droit Individuel à la Formation -DIF- 4 740,49 €

- Article 700 du Code de Procédure Civile 3 000 € .

En défense, ont été présentées les demandes suivantes :

1- par la SAS GLOBAL MEDIA SANTÉ:

-Condamner Madame [B] à lui payer 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

2-par la SA ATMED:

-Prononcer sa mise hors de cause;

-Condamner Madame [B] à lui payer 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

3-par la SARL FISMAT:

- Prononcer sa mise hors de cause;

- Condamner Madame [B] à lui payer 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour est saisie d'un appel régulier de Madame [H] [B] du jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 28 mars 2011 qui a :

-Pris acte du désistement d'instance et d'action de Mme [B] envers la Société EPF PARTNERS ;

- Mis hors de cause la SAS ATMED et la SARL FISMAT;

- Débouté Madame [H] [B] de l'ensemble de ses demandes ;

- Débouté les différentes sociétés de leurs demandes reconventionnelles ;

- Condamné Madame [H] [B] aux dépens.

Vu les écritures visées par le greffe le 16 octobre 2014, développées à l'audience par Madame [H] [B] au soutien de ses observations, par lesquelles elle demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

- Juger que les sociétés Gobai Media Santé, Atmed, Fismat sont co-employeurs,

- Dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

-Condamner solidairement les sociétés Gobal Media Santé, Atmed, Fismat, et à tout le moins la société Global Media Santé, à lui payer les sommes suivantes :

* Salaire du 01 au 05/10/2009 1 123,23 €,

* Congés payés afférents 112,32 €,

* Salaire de mise à pied 3318,23 €,

* Congés payés afférents 331,82 €

* Indemnité compensatrice de préavis 19 909,83 € ,

* Congés payés afférents 1.990,98 € ,

* 13ème mois prorata temporis 1.948,96 € ,

* Congés payés afférents 194,89 €,

* Indemnité conventionnelle de licenciement 96 230,70 € ,

* Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et manoeuvres vexatoires 192.461,52€,

* Droit Individuel à la Formation de 108,33 heures -DIF- 4 740,49 €,

* Article 700 du Code de Procédure Civile 3 000 € ;

- Ordonner, sous astreinte de 250 € par jour de retard, la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes à l'arrêt;

- Dire et juger que l'ensemble de ces sommes et indemnités ci-dessus visées seront soumises à intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation du Conseil des prud'hommes, soit le 9 novembre 2009, et jusqu'à parfait paiement;

- Prononcer la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil;

Vu les écritures visées par le greffe le 16 octobre 2014, développées à l'audience par la SAS

Global Media Santé au soutien de ses observations, par lesquelles elle demande à la cour de

- Confirmer le jugement, de débouter Mme [B] de toutes ses demandes et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures visées par le greffe le 16 octobre 2014, développées à l'audience par la SAS ATMED au soutien de ses observations, par lesquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter Mme [B] de toutes ses demandes et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT:

Sur 1' employeur et le Co-emploi :

Considérant que pour demander la condamnation conjointe et solidaire des sociétés ci-dessus, l'appelante soutient qu'il s'agit de ses co-employeurs "au regard, non seulement de la confusion et de la complémentarité de leurs activités, des directions, du personnel, du lieu et des conditions de travail mais aussi des intérêts qu'elles ont en commun" ;

Que la SAS GLOBAL MEDIA SANTE expose être le seul employeur de Mme [B], les deux autres sociétés sollicitant leur mise hors de cause en soutenant n'avoir jamais employé l'intéressée ;

Considérant que s'il est indiscutable que des liens capitalistiques existent entre ces trois sociétés, Mme [B] n'était cependant tenue dans les liens d'un contrat de travail qu'avec la seule SAS GLOBAL MEDIA SANTE ; qu'aucun lien de subordination ou de sujétion avec les deux autres sociétés n'est établi, pas plus que la permutabilité des salariés entre ces sociétés du même groupe ;

Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la SAS ATMED et la SARL FISMAT;

Sur le licenciement :

Considérant que la lettre de licenciement, à laquelle il est expressément fait référence, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce, est ainsi motivée :

" Je fais suite à notre entretien du 21 octobre 2009, en présence de [X] [J], Responsable des ressources humaines, au cours duquel vous étiez assistée de [I] [O], membre de la délégation unique du personnel.

Je vous informe que j'ai pris la décision de vous licencier pour faute grave en raison des faits suivants, exposés au cours de l'entretien précité.

Comme je m'en suis entretenu plusieurs fois avec vous au cours de ces derniers mois Je constate de manière récurrente une insuffisance de l'activité commerciale et une organisation non satisfaisante de la direction commerciale avec des problèmes managériaux.

Cela se traduit notamment par une insuffisance dans la prise d'initiatives, dans le nombre de rendez-vous sur le terrain et dans le reporting commercial, par des opportunités commerciales inexploitées, un manque d'implication dans la nécessaire diversification de notre activité, un fonctionnement inadapté avec la Directrice commerciale adjointe, une pression souvent excessive sur les commerciaux juniors, des relations conflictuelles avec d'autres collaborateurs, un turn-over trop important au sein de l'équipe.

La baisse drastique du marché publicitaire et la profonde mutation de notre métier s'ajoutant à cela, j'ai dû intervenir pour faire évoluer notre fonctionnement et permettre ainsi un meilleur suivi de l'activité commerciale, assurer une meilleure gestion des équipes et développer la rapidité dans la prise de décisions.

Bien avant l'été 2009 déjà je vous avez entretenu des évolutions que je comptais mettre en place une fois notre réaménagement des bureaux effectué, mon arrivée au 2nd étage permettant d'être en contact permanent avec les équipes concernées.

A la rentrée de septembre, la situation de l'entreprise montrait un rebond extrêmement modeste de l'activité publicitaire, une activité "développement"re groupée depuis le mois de mai sous le terme Médical Education (terminologie plus compréhensible pour les laboratoires pharmaceutiques), la complémentarité de nos publications traditionnelles et numérique ( Internet, veille, e-learning). L'entreprise est donc configurée aujourd'hui pour faciliter son rebond dès lors que la situation économique le permettra. Il est donc indispensable que la direction commerciale ait un fonctionnement qui accompagne ces évolutions et n 'entrave pas ce rebond.

J'ai donc souhaité vous voir en tête à tête le 16 septembre pour faire le point sur la situation de la direction commerciale et son management, et vous informer du fait que je souhaitais désormais coordonner directement l'ensemble du développement commercial (fonction "agence ").

Comme je vous l'ai indiqué, les échanges que nous avons eus en tête sont toujours restés confidentiels.

Je vous ai par ailleurs précisé que je présenterai cette évolution aux équipes concernées lors d'une réunion le 30 septembre, celle-ci se mettant en place autour des 4 activités complémentaires dédiées :

- L'activité commerciale globale, désormais déployée en 2 pôles opérationnels, l'un mené par vous, l'autre par [W] [Y]; centrale cette activité a pour objectif de multiplier les contacts et se fait assister des compétences nécessaires selon le contexte (Médical Education, Rédacteurs en Chef Editions Déléguées/ Fournitures de contenu, équipe numérique),

- L'activité numérique avec [V] [R] et [E] [Z],

- L'activé Médial Education avec [M] [C] et [K] [L]

- L'activité Editions déléguées/fourniture de contenu avec [F] [T] et [D] [A].

Le 18 septembre au soir, vous m'avez contacté par téléphone pour m'indiquer, notamment, que vous ne pourriez pas supporter une direction commerciale bicéphale et que vous souhaitiez engager des discussions sur votre départ, ce que j'ai refusé vous rappelant que vous aviez pleinement votre place dans cette évolution. Vous avez été vue par [X] [J] le 22 septembre, puis nous nous sommes revus en présence de [X] [J] et [N] [G], Directeur administratif et financier, le 23, pour échanger sur cette évolution et il a été décidé de lister, à votre demande, les modalités de sa mise en oeuvre afin que cela passe de manière sereine et efficace (gestion des congés, ratios, chemins de fer, etc).Par la suite et malgrès plusieurs relances, vous ne nous avez fait aucun retour à propos de ces modalités.

La situation a ensuite dégénéré.

1 Déjà, lors de la réunion du 30 septembre où 18 personnes étaient présentes, vous avez pris la parole et indiqué ouvertement "que vous n 'acceptiez pas cette évolution, qu 'il agissait de votre déclassement, que nous vous ôtions vos attributions et votre titre de Directrice commerciale groupe. Que nous organisions votre dépeçage de façon très habillée et que vous le refusiez ! Que depuis 15 ans dans cette maison, on reconnaissait votre expérience, que vous adoriez vos équipes et manager et que vous le faisiez bien ! ".

Je vous ai répondu que je n'adhérais pas à votre position, que nous n'étions pas là pour juger le passé mais pour mettre en place un fonctionnement nous permettant d'avancer mieux et plus vite, et que rien ne vous était ôté. Je vous avais d'ores et déjà précisé que vous conserviez votre poste de directrice commerciale, votre rémunération, vos prérogatives, étiez toujours membre du comité de direction, et qu'aucune modification n'était apportée à votre contrat de travail.

Je vous rappelle, comme je vous l'ai indiqué dans mon courrier du 1 er octobre 2009, que vous êtes tenue à une obligation de loyauté à l'égard de notre entreprise. Il vous appartenait donc de faire preuve de retenue dans les propos que vous teniez publiquement au sein de notre société.

Or, en vous comportant de la sorte, vous n'avez pas respecté cette obligation, et avez fait preuve d'une insubordination flagrante en contestant ouvertement une décision prise par votre employeur dans le cadre de son pouvoir de direction.

Dans les courriers qui ont suivit, vous avez maintenu votre refus.

2. Nous avons reçu, depuis le 30 septembre, de nombreux courriers (dont un adressé à la Secrétaire du Comité d'entreprise, et deux avec l'inspection du travail en copie), dans lesquels vous tenez des propos que je qualifie de mensongers, menaçants et diffamatoires, tant à mon encontre qu'à 1 'encontre, notamment de membres de votre équipe.

Notamment, vous m'accusez:

- d'avoir exigé votre démission!

- de vous avoir proposé 6 mois de salaire pour partir !

- de vous avoir annoncé votre déclassement !

- de vous avoir insultée !

- de vous avoir menacé et monter un dossier contre vous pour vous évincer !

- de vous humilier publiquement !

- de mettre en oeuvre à votre égard des mesures de rétorsion !

- de ne pas respecter nos obligation en matière de consultation des représentants du personnel !

- de vous menacer !

- de répandre en interne des rumeurs destinées à vous déstabiliser !

- d'intenter à votre vie privée !

Comme je vous l'ai indiqué dans les courriers de réponse que je vous ai faits, je conteste l'ensemble de vos propos et je vous ai demandé à plusieurs reprises de cesser de proférer à mon encontre, ou à l'encontre de tout membre de la société, des accusations mensongères diffamatoires.

Ce que vous n'avez pas fait.

Au point que je fini par vous informer, dans mon courrier de réponse du 14 octobre 2009, que si vous continuiez à tenir de tels propos, je déposerais une plainte pénale pour faire cesser vos agissements !

- 4 Surtout, en mettant en copie de pareilles accusation l'inspection du travail, accusations qui relèvent du droit pénal et qui sont extrêmement graves, vous manifestez clairement votre intention de causer un préjudice non seulement à notre entreprise, mais à moi personnellement. Un tel comportement est d'autant plus inacceptable de la part d'une Directrice commerciale, membre du comité de direction, détenant votre niveau de responsabilités et de rémunération.

Lors de notre entretien, je vous ai demandé des explications sur les faits que je vous reprochais et si vous mainteniez vos propos et vos positionnement.

Vous m'avez indiqué que vous restiez sur vos positions.

Votre comportement rend impossible maintien dans l'entreprise.

Je vous notifie en conséquence par la présente de votre licenciement pour faute grave, qui prend effet immédiatement à la date du 26 octobre, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Les faits qui vous sont reprochés auraient pu justifier, compte tenu de l'intention manifeste de nuire dont vous avez fait preuve, un licenciement pour faute lourde. Néanmoins, compte tenu de votre ancienneté, nous avons opté pour une faute grave.

Je vous rappelle que vous faites l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire. Cette mise à pied ne sera pas rémunérée.

Je vous demande par ailleurs de vous restituer sans délai l'ensemble des biens appartenant à notre entreprise qui pourraient encore être en votre possession, et notamment votre badge d'accès et votre carte de restaurant d'entreprise....

Vous nous quitterez libre de tout engagement de non-concurrence." ;

Considérant qu'il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que,

lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un

ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant

du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible

le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que l'employeur

qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;

Qu'en droit, l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié qui perturbent la bonne marche de l'entreprise et qui permettent au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; que le licenciement fondé sur un tel motif n'ayant pas de caractère disciplinaire, l'insuffisance pour autant qu'elle soit démontrée, ne peut avoir le caractère d'une faute grave ; Qu'il sera relevé, en outre, que l'insuffisance alléguée de Madame [H] [B] serait survenue subitement après 15 ans de présence dans l'entreprise ;

Que les juges qui constatent que l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire,

doivent retenir, après avoir examiné l'ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement, si aucun d'entre eux, dont certains relèvent de l'insuffisance professionnelle, ne présente de caractère fautif ni ne résulte d'une mauvaise volonté délibérée du salarié, que le licenciement est en conséquence sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant cependant que, préalablement au licenciement en date du 26 octobre 2009 pour faute grave, la SAS GLOBAL MEDIA SANTE a adressé à Madame [H] [B] un courrier recommandé en date du 1er octobre 2009 ainsi rédigé :

" ...1. En tant que Directrice commerciale et membre du Comité de direction, vous êtes parfaitement informée des profondes mutations que connaît notre métier et de l'ampleur de la crise que traverse aujourd'hui notre entreprise.

Comme nous en avons échangé de nombreuses fois depuis ces derniers mois, il est indispensable pour assurer la pérennité de notre entreprise d'accompagner cette mutation et de mettre en place une organisation qui soit adaptée aux évolutions du marché, ce que vous avez admis vous-même plusieurs fois.

Lors du déjeuner que nous avons partagé le 16 septembre, je vous ai à nouveau fait part du fait que l'organisation actuelle et les méthodes utilisées ne nous permettaient pas d'être aussi proactifs et efficaces que nous devrions l'être. Les résultats de notre équipe commerciale en effet ne sont pas à la hauteur en

termes de performances quantitatives et managériales ; les prises d'initiatives sont insuffisantes. Cette situation est particulièrement pénalisante pour notre société.

C'est pourquoi je vous ai fait part de mon souhait de m'impliquer davantage dans l'activité commerciale et développement en la coordonnant en direct. Plus particulièrement, j'ai souhaité que l'activité commerciale soit désormais organisée en deux pôles : l'un mené par vous, et l'autre par [W] [Y], composé chacun d'un commercial « junior » et de deux assistantes.

Je vous ai d'ailleurs confirmé que cela n'entraînait absolument aucun changement vous concernant : vous conservez vos prérogatives, votre titre de Directrice commerciale et votre rémunération, vous êtes toujours membre du Comité de direction, il n'y a absolument aucune modification à votre contrat de travail.

2. A aucun moment je ne vous ai demandé, ni même souhaité, votre démission ; et encore moins exigé une réponse de votre part dans les 48 heures !

Cette accusation est d'autant plus aberrante que vous êtes partie prenante à la mise en place de cette évolution de notre fonctionnement. Et j'attendais d'ailleurs de votre part, comme je vous l'ai indiqué, que vous soyez force de proposition dans la méthodologie à déployer pour la mettre en place. C'est pour cela que je vous ai demandé de revenir vers moi au plus tard en début de semaine suivante, souhaitant informer les équipes concernées lors d'une réunion le 30 septembre, réunion dont vous étiez parfaitement

informée.

Les propos que vous tenez sont non seulement diffamatoires dans la mesure où vous m'accusez de ne pas respecter la réglementation en droit du travail mais également incohérents dans la mesure où dans la même phrase vous m'accusez de « vous extorquez votre démission en vous proposant 6 mois de salaire » tout en vous expliquant que « nous n'avons pas d'argent pour vous dédommager ». Je ne peux accepter de telles accusations !

3. Vous m'avez contacté par téléphone le 18 septembre et m'avez expliqué que vous refusiez cette évolution de l'organisation au motif notamment de ne pouvoir supporter une direction commerciale bicéphale, et de vous retrouver au même niveau que Madame [Y], avançant votre supériorité sur elle, et ce sous mon autorité. Vous ne faîtes pourtant l'objet d'aucun déclassement Ce sont les fonctions de Madame [Y] qui évoluent car je souhaite qu'ainsi vous puissiez travailler en étroite collaboration avec elle, ce qui n'était pas le cas alors même qu'elle faisait partie de votre équipe en tant que Directrice commerciale adjointe.

Je vous ai rappelé que l'objectif aujourd'hui était d'aller de l'avant et de mettre en place une organisation pouvant donner sa pleine puissance à la direction commerciale et donc au développement, cela dans un contexte de travail dynamique et serein.

Au cours de cette conversation, c'est vous qui m'avez indiqué vouloir engager des discussions sur votre éventuel départ I Je vous ai aussitôt répondu qu'il n'en était pas question et vous ai rappelé que vous aviez toute votre place dans l'organisation de la direction commerciale et, surtout, que j'étais ouvert à la discussion sur les modalités de mise en 'uvre de cette organisation, ne cherchant aucunement à vous désavouer, bien au contraire!

Je trouve donc parfaitement insensé que vous m'accusiez de vouloir monter un dossier contre vous et de chercher des témoignages pour vous accabler.

4. De même, je ne peux accepter que vous portiez des accusations mensongères sur le motif du départ de Madame [P] [U]dans votre courrier.

5. De plus, comment pouvez-vous parier de déclassement alors même que votre titre et vos prérogatives restent parfaitement identiques '

Comment pouvez-vous vous permettre de nous accuser d'avoir voulu vous infliger une humiliation publique en vous empêchant soi-disant d'assister à une réunion le mercredi 23 septembre à 9h30, alors même que vous avez donné votre accord à [X] [J], Responsables des ressources humaines, pour que nous

nous rencontrions à cette heure ce jour là, et ce après que vous l'ayez vue et lui ayez demandé à ce que nous échangions ensemble justement sur les points d'organisation à affiner pour la bonne interaction des deux pôles '

Les propos que nous avons échangés au cours de cette réunion sont dans la droite ligne de nos échanges des jours précédents. Vous avez vous-même signalé des points d'ajustement à trancher comme par

exemple les décisions concernant les ratios publicitaires qui sont de votre responsabilité. Et c'est d'ailleurs pour cette raison que [X] [J] a essayé entre mercredi et lundi d'organiser une réunion avec vous et [W] [Y] sans que jamais vous ne lui apportiez de réponse, alors que vous étiez vous-même à l'origine de cette demande.

6. Je n'ai jamais eu l'intention d'intenter à votre dignité comme vous le soulignez vous-même et je ne l'ai jamais fait Les échanges que nous avons eus ensemble avant la réunion d'information du 30 septembre en sont la meilleure preuve.

Je constate avec regret que votre courrier n'a d'autre but que de porter atteinte non seulement à ma personne, mais également à l'entreprise dans son intégralité. Ce comportement est d'autant plus choquant pour une Directrice commerciale membre du Comité de direction, détenant votre niveau de responsabilités et de rémunération.

Surtout, lors de la réunion qui s'est tenue hier en présence de l'ensemble des équipes commerciales, internet, et développement, vous avez clairement indiqué aux personnes présentes que « vous considériez que nous procédions à votre déclassement, et que nous vous retirions vos attributions et vos responsabilités

de manager et de Directrice commerciale groupe ». Vous avez clairement exprimé votre souhait face à tous de ne pas adhérer à cette évolution et êtes allée jusqu'à parier du fait que « nous organisions vous dépeçage » !

Je vous rappelle que vous êtes directrice commerciale et cadre dirigeant, et donc tenue à une obligation de loyauté envers notre société. Il vous appartient donc de faire preuve de probité, de discrétion et de diligence afin d'éviter d'une façon quelconque de causer un préjudice à votre employeur. Il vous appartient de faire preuve de retenue dans vos propos, notamment en n'étalant pas sur la place publique les différends ou les problèmes que vous rencontrez avec votre employeur.

Votre refus d'obtempérer et les propos que Vous avez tenus en public lors de la réunion d'hier, qui sont d'autant plus inacceptables qu'ils sont totalement sans fondement, prouvent que vous ne respectez pas cette obligation. Cela caractérise de votre part un manque de respect et une insubordination flagrante

démontrant que vous contestez ouvertement une décision prise par votre employeur dans le cadre de son pouvoir de direction. Vous causez ainsi un préjudice à la cohésion de l'entreprise à un moment où celle-ci est vulnérable.

Aussi, je vous demande à nouveau et expressément par la présente de mettre en place l'organisation que j'ai décidée, et ce de la manière la plus sereine et la plus efficace possible, en lien avec [W] [Y].

Dans le cas contraire, je serai contraint de prendre les décisions qui s'imposent...";

Considérant que l'avertissement, lequel ne répond pas à des critères formels déterminés, est une sanction disciplinaire mineure qui implique cependant l'énoncé d'un ou de plusieurs manquements du salarié bien identifiés ainsi qu'une mise en demeure d'en cesser la pratique ou de rectifier la situation;

Qu'en l'espèce, l'employeur , ayant connaissance de l'ensemble des griefs imputés à Madame [H] [B] a choisi de lui adresser, en cours de procédure de licenciement, le courrier ci-dessus visant seulement certains griefs et la mettant en demeure de respecter son obligation de loyauté envers la société et de mettre en place l'organisation décidée, à peine de devoir "prendre les décisions qui s'imposent" ; qu'un tel courrier recommandé s'analyse en un avertissement ;

Que l'employeur ne visant dans la lettre de licenciement aucun fait postérieur au 1er octobre 2009, la SAS GLOBAL MEDIA SANTE avait nécessairement épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait prononcer un licenciement pour des faits antérieurs à la date de l'avertissement;

Qu'en conséquence, le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions liées au licenciement;

Considérant que Madame [H] [B] est donc fondée en ses demandes liées au licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse qui ne sont pas autrement contestées par la SAS GLOBAL MEDIA SANTE dans leur montant à l'exception de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Considérant que compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise ( plus de 11 salariés ), de l'ancienneté ( 15 ans ) et de l'âge de la salariée (née en janvier 1951) ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article L 1235-3 du code du travail une somme de 100.000 € à titre de dommages-intérêts ;

Sur les autres demandes :

Considérant que la lettre de licenciement ne fait pas état du DIF auquel pouvait prétendre la salariée même dans l'hypothèse d'un licenciement pour faute grave; que, par infirmation du jugement déféré, il sera fait droit à cette demande dont le montant n'est pas autrement contesté par l'employeur;

Considérant que la demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; qu'il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-dessous, sans qu'il soit utile de fixer dès à présent une astreinte provisoire ;

Considérant qu'en vertu l'article l 1235-4 du code du travail dont les conditions sont réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par la SAS GLOBAL MEDIA SANTE , employeur fautif, est de droit ; que ce remboursement sera ordonné ;

Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE l'appel de Madame [H] [B] recevable,

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la SAS ATMED et la SARL FISMAT;

et statuant à nouveau

JUGE le licenciement de Madame [H] [B] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS GLOBAL MEDIA SANTE à payer à Madame [H] [B] les sommes suivantes :

* Salaire du 01 au 05/10/2009: 1 123,23 €,

* Congés payés afférents: 112,32 €,

* Salaire de mise à pied: 3318,23 €,

* Congés payés afférents : 331,82 €

* Indemnité compensatrice de préavis: 19 909,83 € ,

* Congés payés afférents: 1.990,98 € ,

* 13ème mois prorata temporis: 1.948,96 € ,

* Congés payés afférents: 194,89 €,

* Indemnité conventionnelle de licenciement : 96 230,70 € ,

* Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 100.000 €,

* Droit Individuel à la Formation de 108,33 heures -DIF- 4 740,49 €,

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées.

CONDAMNE la SAS GLOBAL MEDIA SANTÉ , dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent arrêt à remettre à Madame [H] [B] un certificat de travail, des bulletins de salaire et une attestation destinée à PÔLE EMPLOI conformes ;

CONDAMNE la SAS GLOBAL MEDIA SANTÉ à payer à Madame [H] [B] 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

ORDONNE, dans les limites de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SAS GLOBAL MEDIA SANTE à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à Madame [H] [B] à hauteur de six mois;

CONDAMNE la SAS GLOBAL MEDIA SANTE aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER LE PRESIDENT

L. CAPARROS P. LABEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 11/07598
Date de la décision : 22/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°11/07598 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-22;11.07598 ?
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