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21/01/2015 | FRANCE | N°12/23261

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 21 janvier 2015, 12/23261


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 21 janvier 2015



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/23261



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/11926





APPELANTS



Monsieur [X] [G]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Monsieur [C] [O] [G]

[Adress

e 5]

TAIWAN (R.O.C.)



Monsieur [C] [E] [G]

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représentés par Me Marie-france GIRAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0727



INTIMÉE



SARL MMG exerçant sous l'enseig...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 21 janvier 2015

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/23261

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/11926

APPELANTS

Monsieur [X] [G]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Monsieur [C] [O] [G]

[Adresse 5]

TAIWAN (R.O.C.)

Monsieur [C] [E] [G]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentés par Me Marie-france GIRAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0727

INTIMÉE

SARL MMG exerçant sous l'enseigne LE RESERVOIR MARY DE VIVO, prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-marie VIALA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0311, avocat postulant

Assistée de Me Julien MAUPOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : E 0311, avocat plaidant substituant Me Jean-marie VIALA

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, présidente

Madame Brigitte CHOKRON, conseillère

Madame Caroline PARANT, conseillère

Greffier : lors des débats : Madame Orokia OUEDRAOGO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par Madame Orokia OUEDRAOGO, greffière.

********

Faits et procédure

Suivant acte sous seing privé en date du 21 février 1995, M [O] [G] aux droits duquel se trouvent les consorts [C] [E], [X] et [C] [O] [G] a donné à bail à la SARL MMG un local commercial situé au rez- de- chaussée d'un immeuble situé [Adresse 2] avec pour destination celle de

restaurant, café, galerie d'exposition, organisation de spectacles et de réceptions, à l'exclusion de tous spectacles licencieux ou pornographiques .

Par avenant du 13 septembre 1995, l'activité de bar a été autorisée .

Le bail a été renouvelé le 26 novembre 2007 aux mêmes clauses et conditions, seule la clause résolutoire faisant l'objet d'une nouvelle rédaction.

A la suite de dégâts des eaux, la société MMG a sollicité en référé la désignation d'un expert; M [Q] a été désigné par ordonnance du 29 juillet 210 ; les opérations d'expertise sont toujours en cours .

Par acte d'huissier du 27 juillet 2012, les consorts [G] ont fait citer la société MMG en constatation de la résiliation du bail et subsidiairement en prononcé de la résiliation ;

Par jugement du 8 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Paris :

- a débouté les consorts [G] de leurs demandes tendant au constat de l'acquisition de la clause résolutoire et à l'obtention de la résiliation du bail ;

- a condamné la SARL MMG à payer à MM [C] [E], [X] et [C] [O] [G] la somme de 21 786, 18€ au titre de l'arriéré d'indexation pour la période du 1° octobre 2007 au 30 septembre 2012, avec intérêts au taux légal à compter de l'exigibilité de chaque loyer ;

- a dit que les intérêts seront capitalisés lorsqu'ils seront dus pour une année entière ;

- a sursis à statuer sur les demandes d'indemnisation du trouble de jouissance, de réfaction du loyer, de consignation et d'exécution de travaux jusqu'à ce que l'expert commis ait donné son avis sur la faisabilité et l'opportunité de procéder à ces travaux ;

- a ordonne le retrait de l'affaire du rôle des affaires en cours ;

- a dit que l'affaire sera réinscrite sur demande de la partie la plus diligente qui devra à cette occasion justifier de l'avis de l'expert.

- a dit que la décision sera communiquée en application d le'article L 511-1 du code de la construction , à la préfecture de police de Paris, bureau de la sécurité de l'habitat, [Adresse 1] ;

- a réservé les dépens et ordonné l'exécution provisoire.

Les consorts [G] ont interjeté appel de cette décision; ils demandent à la cour par leurs dernières conclusions signifiées le 1° septembre 2014 :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société MMG au paiement de la somme due au titre de l'indexation pour la période allant du 1° octobre 2007 au 30septembre 2012, avec intérêts au taux légal à compter de l'exigibilité de chaque loyer avec capitalisation lorsqu'ils sont dus pour une année entière ;

- de dire rectifiant l'erreur contenue dans le jugement que c'est la somme de 21796, 18€ qui est due au titre de l'arriéré de loyers au lieu de 21 786, 18€ comme indiquée dans le dispositif;

en tant que de besoin,

- de confirmer le jugement sur ce point ;

- d'infirmer en ses autres dispositions ;

- de dire que les activités de concerts, soirées musicales, danse et bar de nuit, exercées par la locataire dans les lieux ne sont pas incluses ou accessoires,

- de constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail,

Subsidiairement,

- de valider le congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d'éviction, signifié le 23 mars 2014 pour le 30 septembre 2014 ;

Subsidiairement,

- de prononcer le résiliation du bail pour manquements graves de la locataire à ses obligations, consistant en la démolition de la totalité des mezzanines du bâtiment, en la suppression de SHON, sans autorisation et à l'insu du bailleur, à l'exercice d'activités de concerts, soirées DJ avec piste de danse, bar de nuit, en infraction au bail et causes de nuisances aux ruverains , travaux affectant la structure du bâtiment sans autorisation de l'expert judiciaire et des bailleurs, ,non paiement de loyers et retards répétés sans le paiement des loyers,

Très subsidiairement, au visa de l'article 1741 du code civil,

- de constater la perte de la chose louée, et le défaut de la société MMG de remplir ses engagements ;

en conséquence ,

- de prononcer le résiliation du bail et surseoir à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise, sur le préjudice des consorts [G], relatifs aux travaux effectués par la locataire en exécution du permis de construire modificatif et aux effets sur le bâtiment des activités de concerts, soirées musicales, et piste de danse, exercées dans les locaux,

Plus subsidiairement, au visa de l'article 1722 du code civil,

- de constater la perte de la chose louée pour vétusté et dire et juger que le bail est résilié de plein droit à la date du 18 juillet 2012 ;

Surseoir à statuer dans tous les cas jusqu'au dépôt du rapport de l'expert [Q], sur l'évaluation du préjudice causé aux bailleurs par les travaux effectués sur le bâtiment à la demande de la société MGM notamment suppression des mezzanines, alourdissement des charges de la structure ;

- de condamner la société MGM à payer aux consorts [G] la somme de 57 129, 90 € à titre d'arriéré de loyers, indemnités d'occupation, accessoires de loyers, arrêtée au 3° trimestre 2014 inclus ;

- de la condamner à leur payer les loyers ou une indemnités d'occupation égale au montant du loyer outre les charges, pour la période du 1° octobre 2014 à la date de l'arrêt, outre les frais de saisie conservatoires effectuées ;

- d'ordonner l'expulsion de la société MGM et de tous occupants de son chef ;

- de la condamner à verser la somme de 1000€ par jour à titre d'indemnité d'occupation à compter de l'arrêt jusqu'à la libération des lieux ;

- de la débouter de toutes ses demandes ;

En tous les cas,

- d'ordonner l'évacuation des locaux ;

- de condamner la société MGM à leur verser la somme de 20 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel qui comprendront le court des deux commandements, des saisies conservatoires, des frais de constat et seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile .

La société MGM par ses dernières conclusions signifiées le 03septembre 2014 demande à la cour :

- de juger que la clause résolutoire ne vise pas le manquement allégué par les bailleurs à la clause de destination du bail, et dire en conséquence irrecevable la demande de constat de la résiliation du bail au titre d'un prétendu manquement à la clause de destination du bail;

Subsidiairement,

- de dire que les consorts [G] avaient connaissance depuis plus de dix ans des activités déployées dans les lieux loués, et dire irrecevable en conséquence comme prescrite la demande de constat de la résiliation du bail ;

Infiniment subsidiairement,

- de dire que les activités déployées dans les lieux loués correspondent à celles prévues au bail ;

- de débouter en conséquence les consorts [G] de leurs demandes ;

- de dire et juger que les bailleurs ont manqué à leur obligation d'exécuter les travaux de grosses réparations de l'article 606 du code civil, et que ce manquement est à l'origine de la vétusté de l'immeuble constaté par l'expert judiciaire ;

- de débouter les consorts [G] en conséquence de leurs demandes ;

Subsidiairement,

- de dire et juger qu'en l'absence de faute de la sa part, la société MMG Le réservoir est fondée à solliciter l'octroi d'une indemnité d'éviction et le droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité ;

- de débouter en conséquence les consorts [G] de leur demande tendant à voir prononcer la résiliation du bail ;

- de dire et juger que les griefs allégués sur le fondement de l'article 1184 du code civil ne sont pas fondés ou ne revêtent pas le caractère de gravité suffisante pour voir prononcer la résiliation du bail, et les débouter de leurs demandes ;

Sur la demande de validation du congé,

- de dire qu'il s'agit d'une demande nouvelle en appel et comme telle irrecevable, et que sa motivation n' est fondée ni en fait ni en droit ;

- de débouter les consorts [G] de cette demande ;

- de dire que le bailleur a manqué à son obligation d'assurer une jouissance paisible et d'effectuer les grosses réparations, pour l'entretien et la conservation de l'immeuble, que cette faute a causé un trouble de jouissance certain dont l'étendue ne peut toutefois pas être définitivement fixée à ce jour ;

- de condamner par provision les consorts [G] à payer à la société MMG la somme de 100 000€ ;

- de dire que pour la période allant du 10 avril 2009 au 14 juillet 2010, et ultérieurement en raison des travaux d'étaiement, la société MMG est fondée en sa demande de réfaction du loyer ;

- de condamner en conséquence les consorts [G] à lui payer la somme de 3571, 96€ en remboursement des loyers trop perçus et ordonner la réfaction dans la limite de 45 % à compter du jugement à intervenir ;

- d'ordonner la consignation des loyers entre les mains d'un séquestre ;

- d'enjoindre aux consorts [G] sous astreinte de 100€ par jour de retard de procéder ou faire procéder aux travaux d'étaiement tels que prescrits par l'expert et le devis des Charpentiers de [Localité 3] ;

- de condamner les consorts [G] à payer à la société le Réservoir la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et frais .

SUR CE

I -Sur la résiliation du bail pour manquements du preneur à ses obligations :

I-1- Sur le manquement du locataire au respect de la clause de destination du bail :

La société MMG fait valoir en premier lieu que les bailleurs sont irrecevables à se prévaloir de la clause résolutoire pour le motif tiré du non respect de la destination dans la mesure ou la clause résolutoire contenue dans le bail ne peut être mise en oeuvre qu' en cas de manquement du preneur à ses obligations financières de payer les loyers et charges, en second lieu que la clause résolutoire comme toute clause de cette nature, est d'interprétation stricte, que la violation invoquée n'est pas prévue par la clause résolutoire, que les activités prétendument irréguliéres existent en effet depuis la création du fonds, que les bailleurs qui connaissent depuis plus de dix ans les activités exercées dans les locaux poursuivent en réalité sous couvert d'une action fondée sur la clause résolutoire une action en contestation de la spécialisation partielle ou plénière et qui est prescrite ;

Le bail conclu entre [O] [G] et la société MMG le 26 novembre 2007 a pour destination expressément prévue dans la bail celle de restaurant, bar, café-théâtre, galerie d'exposition, organisation de spectacles et de réceptions, à l'exclusion de tous spectacles licencieux ou pornographiques.

Le bail contient par ailleurs une clause résolutoire qui prévoit qu'à défaut pour le preneur d'exécuter une seule clause et condition du bail qui sont toutes de rigueur ou de payer à son exacte échéance un seul terme de loyer , le bail sera résiliation si bon semble au bailleur 'un mois après un simple commandement de payer' contenant déclaration par le bailleur de son intention d' user ;

Le tribunal a exactement retenu que la clause résolutoire contenue dans le bail vise bien l'inexécution par le preneur d'une seule clause et condition du bail et que l'indication à la suite que le bailleur pourra se prévaloir de la clause un mois après un simple commandement de payer et partant l'omission des termes 'ou d'une mise en demeure' procèdent d'une simple erreur de rédaction qu'il convient de rectifier afin de donner à la clause résolutoire le sens voulu par les parties, leur intention telle qu'exprimée dans la première partie du libellé de la clause qui n'aurait, à défaut, aucun sens, étant de sanctionner l'inexécution de toute clause et condition du bail,

Il s'ensuit que le jugement doit être approuvé en ce qu'il a dit que la clause résolutoire contenue dans le bail permet au bailleur de solliciter la résiliation en cas de manquement du preneur à l'une quelconque de ses obligations prévues au bail et pas seulement à celle de payer les loyers et charges et que les bailleurs sont donc recevables à se prévaloir de la violation par le preneur de la cause de destination expressément prévue ;

Il doit être également confirmé en ce qu'il a dit que l'action en résiliation du bail pour manquement au respect de la clause de destination telle que poursuivie par les bailleurs ne se confond pas avec une action en contestation d'une déspécialisation du bail qui n'a été ni demandée ni mise en oeuvre et que l'action des bailleurs, soumise à la prescription biennale de l'article L 145-60 du code de commerce a été intentée le 27 juillet 2012, soit moins de deux ans après le commandement adressé le 1° juin 2012 et n'est pas prescrite;

La société MMG ne peut au surplus se prévaloir de ce que les bailleurs auraient parfaitement connu les activités déployées dans les lieux dés l'origine alors que cette connaissance, à la supposer établie notamment du fait de la présence dans le même immeuble et pendant une certaine période de l'un des indivisaires bailleurs, ne saurait valoir acceptation de la poursuite d'activités qui seraient contraires à la clause de destination ;

Le commandement adressé à la société MMG le 1 ° juin 2012 fait le reproche à la société MMG de ne pas respecter la clause de destination en utilisant les locaux pour des activités de concerts, discothèque, clubbing, soirées dansantes et bar de nuit , dont le programme figure sur le site internet de la société , de ne pas respecter la clause du bail qui lui fait obligation de ne pas troubler la tranquillité de l'ensemble immobilier de quelque manière que ce soit par son fait ou du fait des gens à son service, en raison des nuisances sonores que son activité interdite entraîne et qui est préjudiciable à la structure de l'immeuble .

Le constat effectué par Me [W] huissier de justice le 8 juillet 2012 décrit la présence d'un disc jokey animant la soirée, de clients assis aux tables sur lesquelles sont posées des bougies allumées, d'autres clients installés au bar et devant la scène ou un concert vient de se terminer, de clients dansant sur un espace d'environ 30 m² , la salle contenant environ 120 personnes, le tenancier de l'établissement indiquant à l'huissier que le week-end, sont organisées des reprises dansantes, que les concerts se terminent à minuit trente et que leur succéde une phase dansante organisée par un DJ , que durant la semaine, les concerts de reprise dansante font place à des concerts découverte ;

Les bailleurs font observer que l'activité de danse n'est pas occasionnelle ou accessoire à celle de spectacle, comme le prouve l'article de TV magazine du 15 novembre 2009 et que l'activité de bar qui a été autorisée ne saurait s'étendre à celle de bar de nuit dans la mesure ou cette dernière activité est susceptible de créer des nuisances dont ont témoigné les riverains .

Or le bail prévoit une activité générale 'd'organisation de spectacles et de réceptions'; l'activité déployée dans les lieux de concerts répond bien à la définition d'organisation de spectacles de sorte que l'organisation de concerts ne contrevient pas à la destination du bail;

La circonstance qu'à l'occasion de ces concerts et durant les week-ends, la société MMG ait permis aux spectateurs de danser sur une piste de danse réduite à 30 m² ne présente qu'une activité incluse dans celle de concert et accessoire en l'état des seules constatations produites ; la relation par le journal TV magazine de l'existence de cours de tango suivis de dîner concerts eux mêmes suivis d'un bal une fois par mois s'apparente quant à elle à l'organisation à la fois de concerts et/ou de réceptions telle que prévue dans le bail mais surtout, il n'est pas établi que cette organisation ait eu un caractère habituel ou se soit poursuivie, aucune autre publicité plus récente ne faisant état de telles activités dans les lieux.

L'activité de bar a été quant à elle expressément autorisée par avenant postérieur à la signature du bail et le fait qu'elle ait lieu principalement de nuit et jusqu'au petit matin ne contrevient à aucune disposition du bail, les bailleurs n'invoquant pas davantage qu'elle ne respecte pas les règles de police en vigueur édictées dans la Ville de [Localité 3] .

Les bailleurs soutiennent que l'activité nocturne engendre cependant des nuisances auprès du voisinage comme le laissent apparaître tant les témoignages circonstanciés de voisins, se plaignant du niveau sonore de la musique ou encore des cris ou bagarres provoquées par des clients sortant de l'établissement, que de l'invitation de la Préfecture de police du 11 mars 2011 à la société MMG à prendre toute mesure pour respecter l'étude d'impact qui impose de maintenir en permanence les portes et fenêtres fermées et à respecter de manière générale l'ordre et la tranquillité publics notamment celle des riverains, ce qui contrevient selon eux à la disposition du bail obligeant l'exploitant à ne pas troubler la tranquillité du voisinage ;

Il n'est cependant pas démontré qu'il y ait eu, postérieurement au commandement délivré le 1° juin 2012 rappelant au preneur son obligation de respecter la tranquillité publique, d'autres plaintes que celles produites aux débats et qui sont toutes antérieures au commandement du 1° juin 2012 puisqu'elles s'étalent de novembre 2007 à août 2011, une seule étant postérieure à l'avertissement délivré le 11 mars 2011 par la préfecture de police.

En l'absence de toute plainte postérieure au commandement qui établirait la persistance des nuisances occasionnées au voisinage, il ne peut être retenu l'existence d'un motif suffisamment grave et légitime pour prononcer la résiliation du bail .

Enfin, l'établissement a été classé par la préfecture de police en type L classable en type N- 3° catégorie susceptible de recevoir 446 personnes en utilisation réunion ou spectacles debout et 244 personnes en cabaret, suivant arrêté du 7 septembre 1999 et il n'est aucunement établi qu'un tel classement prohibe l'installation de bougies allumées sur les tables ;

Les bailleurs sont donc mal fondés à invoquer que le preneur contrevient à la disposition du bail lui faisant obligation de respecter les règles concernant les ERP ( établissements recevant du public ), l'erreur administrative alléguée au motif que l'établissement aurait été classé à tort dans la catégorie N sur la foi des seules déclarations du preneur n'étant pas à ce stade établie alors que figure en annexe de l'arrêté un dossier portant sur l'aménagement des mesures de sécurité à réaliser dont il n'est pas invoqué qu'elles n'auraient pas été effectuées;

I-2- Sur le manquement de la locataire à la clause de travaux du bail

Les bailleurs soutiennent que les seuls travaux autorisés dans les lieux sont ceux résultant de la réunion du 21 février 1994 développés dans le descriptif annexé au dossier de permis de construire daté d'avril 1995 mais que la locataire ayant décidé de changer d'architecte, elle a fait déposer une demande rectificative prévoyant la suppression de la quasi totalité sur 201m² des mezzanines qui assuraient la stabilité de la structure du bâtiment au lieu de 121, 95m² tels que prévus dans la demande de permis initial, sans obtenir l'autorisation du bailleur ;

Or il importe de relever en premier lieu que s'il est établi que le permis modificatif présenté par le cabinet d'architecture nouvellement choisi par le preneur aux lieu et place de celui initialement désigné comporte une part plus importante de destruction du SHON soit 201m² au lieu de 121, 95m², il n'est en l'état du caractère inachevé de l'expertise en cours concernant l'immeuble aucunement établi que la destruction des mezzanines soit directement à l'origine de la fragilité actuelle de l'immeuble ;

Dans sa dernière note produite aux débats ( 18 août 2014) , l'expert a en effet souhaité, avant ses conclusions définitives, obtenir un audit complet de la structure avec étude de descente de charges depuis la toiture, une étude par un plombier du réseau d'évacuation EU/EP , une purge de la façade, pour éliminer les enduits instables dont il indiquait précédemment qu'elle présentait une fissuration importante, les factures d'entretien réalisés par chaque partie, la vérification de l'adéquation entre le poids du bâtiment et les caractéristiques des fondations ;

En outre, le bailleur avait donné son accord de principe en avril 1995 à la réalisation des travaux, sous réserve qu'ils n'altèrent pas la solidité de l'immeuble et notamment à la destruction de SHON ; le simple avis de l'expert judiciaire, non définitif et soumis à la discussion des parties, suivant lequel la destruction des mezzanines a été une erreur ne permet cependant pas de retenir a posteriori que la locataire qui a pris à cet égard conseil d'un architecte, a effectué les travaux conformément au plan modificatif, a commis un manquement à ses obligations contractuelles en portant délibérément atteinte à la solidité de l'immeuble, aucune relation de causalité directe entre la destruction des mezzanines et la détérioration de la structure n'étant à ce stade établie.

Le bailleur a ensuite autorisé expressément, en 1999, d'autres travaux tels que le réaménagement de la cuisine, la réfection de la devanture, l'aménagement de la scène ainsi que des travaux de mise en sécurité, ce qui suppose sa connaissance du descriptif des travaux envisagés et des plans actualisés prenant en compte l'état existant et notamment la quasi absence des mezzanines, étant enfin souligné que le bailleur a postérieurement à l'ensemble des travaux ainsi réalisés, renouvelé sans réserve et en l'état des locaux existants le bail en 2007;

Il s'ensuit que les bailleurs ne peuvent fonder leur demande de résiliation du bail sur une absence d'autorisation des travaux figurant sur la demande de permis modificatif de construire de septembre 1995;

Les bailleurs ne peuvent davantage fonder leur demande de résiliation sur le fait que le maître d'oeuvre [N] aurait en décembre 2012 à la demande de la locataire, pendant le cours de la mesure d'expertise, effectué des sondages au pied de deux poteaux pour constater que ceux ci étaient dans le vide et ne reposaient pas sur une structure adaptée et effectué des travaux de confortement provisoires dés lors que, bien que réalisés en dehors de tout avis de l'expert, ils étaient limités dans leur ampleur et ne tendaient dans l'urgence qu'à mettre fin à des désordres existants et déjà constatés .

I-3 Sur le manquement à l'obligation de payer les loyers et les charges

Les bailleurs soutiennent qu' en première instance, la locataire était redevable d'un montant de compléments de loyers pour la période allant du 4° trimestre 2007 au 1° trimestre 2012 de 27 149, 09€ après indexation annuelle du loyer, montant réclamé par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 mars 2012 et commandement de payer du 24 mai 2012, que si à la suite du jugement et de la mesure de saisie attribution , une somme de 21 786, 18€ a été réglée, la locataire a à nouveau laissé impayée une somme de 754, 30€ à titre de complément de loyers et une somme de 85 474, 23€ correspondant aux loyers dus pour la période allant du 1° trimestre 2013 au 1° trimestre 2014 ; elle relève qu'elle a accepté de refaire le compte des taxes au prorata de la surface occupée conformément aux stipulations du bail, ce qui laisse apparaître un solde créditeur au titre des charges en fin 2012 mais débiteur à fin 2013.

La discussion concernant le calcul des taxes d'enlèvement des ordures ménagères et de balayage n'a plus lieu d'être, les bailleurs ayant accepté de revoir le décompte des sommes réclamées à ce titre pour la période allant de 2008 à fin 2013;

La locataire n'a cependant au visa du décompte précis des sommes dues produit par les bailleurs arrêté au 12 février 2014 soulevé aucun moyen de contestation sérieuse de ce décompte qui laisse apparaître un solde en faveur des bailleurs de 157, 93€ au 12 février 2014 auquel elle sera condamnée ;

Ce reliquat, malgré les paiements irrégulièrement effectués dans la période allant de à 209 à 2011 ne revêt cependant pas le caractère de gravité suffisant pour justifier le prononcé de la résiliation du bail ainsi qu'il a été jugé.

II- Sur la perte de la chose louée et le trouble de jouissance

Les bailleurs invoquent la perte de la chose louée sur le fondement des articles 1741 et 1722 pour voir dire que le bail est résilié, à la fois par le manquement du preneur à ses obligations et en raison de la vétusté ;

L'expert a fait très tôt le constat de ce que l'immeuble était dans un état de vétusté avancé et ne pouvait remplir sa fonction en raison des divers désordres qui l'affectent et qui portent non seulement sur la structure bois mais également sur le second oeuvre générateur d'infiltrations ( couverture, réseau EP et EU, zingueries ); les mouvements constatés sur la structure entraînent eux mêmes des désordres sur les prestations accomplies par le preneur concernant le plafond acoustique et coupe feu de la verrière qui ne remplit plus son rôle ; la déformation des couvertures entraîne celle des évacuations; l'expert a relevé que si des réparations, comme le laissent apparaître les factures produites aux débats, ont été entreprises pour palier à des désordres ponctuels, elles se sont révélées insuffisantes au regard de la nécessité de prévoir un entretien d'envergure ; il relève encore qu'il y a eu une absence de vérification des charges imposées par rapport à la capacité porteuse des fondations et du support et un affaiblissement de la structure, suite au décaissé du sol effectué par la précédente locataire et à la suppression de la mezzanine de la grande salle.

L'expert soulignait dans sa note n° 7 du 18 décembre 2013 que l'ouvrage dans son état actuel doit être considéré comme dangereux et inapte à assurer sa fonction en particulier recevoir un public nombreux et une activité productrice de vibrations importantes ;

En l'état de ces constatations non définitives et soumises à la discussion des parties, il ne peut être retenu que la perte de la chose louée résulte d'un manquement du preneur consistant soit à avoir exercé des activités non autorisées soit entrepris des travaux sans autorisation, la cour ayant répondu plus avant sur ces points ; il ne peut davantage être retenu que le bailleur ne serait pas lui-même en tout ou partie à l'origine de l' état de vétusté invoqué, l'expert ayant d'ores et déjà pointé l'absence de tout entretien d'envergure concernant l'immeuble dans son entier alors que le bailleur supporte au terme du bail la charge des grosses réparations concernant la structure et la solidité de l'immeuble.

Il s'ensuit que la bailleur ne peut prétendre à la résiliation du bail pour perte totale de la chose louée; le preneur sollicite de son coté l'indemnisation de son préjudice résultant de l'impossibilité de jouir en partie des locaux donnés à bail, mais seulement à titre provisionnel dans la mesure ou l'étendue de son préjudice ne peut selon lui, être déterminé, ainsi que la réfaction du loyer pour la période allant du 10 avril 2009 au 14 juillet 2010 et pour l'avenir dans la limite de 45 % .

Le bailleur demande reconventionnellement la validation du congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d'éviction délivré le 23 mars 2014 pour le 30 septembre 2014 ;

Cette dernière demande de validation du congé est nouvelle en cause d'appel ; elle ne constitue ni le complément ni la conséquence des demandes originaires et cette demande de validation est en conséquence irrecevable en cause d'appel ;

La perte au moins partielle des lieux loués est établie par les constatations d'ores et déjà effectuées par l'expert [Q] qui relève sans contestation sérieuse l'impossibilité pour la locataire de poursuivre pleinement l'exploitation de son commerce dans des conditions de sécurité suffisantes sans des travaux confortatifs ou de rehabilitation ;

Cette impossibilité justifie la réduction du loyer à concurrence de 25 % à compter de l'arrêt à intervenir; en revanche, il n'est pas établi que le preneur n'a pu jouir des locaux et souffert d'un préjudice d'exploitation du mois d'avril 2009 au mois de mars 2010 de sorte qu'il n'y a pas lieu de procéder à la réfection du loyer pendant cette période ; en outre le preneur indique que l'évaluation de son préjudice de jouissance ne peut avoir lieu que dans le cadre de l'expertise judiciaire en cours, mais il réclame néanmoins une indemnité provisionnelle qui, en l'absence de tout élément suffisant permettant d'apprécier le préjudice allégué, sera rejetée .

Il n'y a pas davantage lieu d'ordonner la consignation des loyers, d'autant que les bailleurs vont devoir faire face à des dépenses importantes .

III- Sur les autres demandes :

Le tribunal a à bon droit sursis à statuer sur la demande d'injonction de réaliser les travaux d'étaiement et sa décision sera confirmée sur ce point .

Les consorts [G] supporteront les dépens d'appel, chaque partie supportant les frais irrépetibles qu'elle a exposés .

PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement déféré uniquement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de réfaction du loyer de la part de la société MMG et en ce qui concerne le montant des sommes dues au titre des loyers et charges.

Statuant à nouveau sur ces points,

Dit qu'à compter de l'arrêt, le loyer HT sera diminué de 25 % ;

Condamne la société MMG à payer aux consorts [G] la somme de 157, 93€ au titre des loyers et charges restant dus au 12 février 2014, avec intérêts au taux légal à compter de cette date ;

Déclare irrecevable la demande de validation du congé délivré le 23 mars 2014 comme nouvelle en cause d'appel ;

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne les consorts [G] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/23261
Date de la décision : 21/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°12/23261 : Statue à nouveau en faisant droit à la demande en tout ou partie


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-21;12.23261 ?
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