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20/01/2015 | FRANCE | N°12/09154

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 20 janvier 2015, 12/09154


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 20 Janvier 2015



(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09154 et S 12/09155



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 10/00647





APPELANTE

SA ENETIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Olivier PHILIPPOT, avocat

au barreau de MULHOUSE





INTIMEE

Madame [L] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne

assistée de M. [J] [N] (Délégué syndical ouvrier), dûment mandaté



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 20 Janvier 2015

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09154 et S 12/09155

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 10/00647

APPELANTE

SA ENETIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Olivier PHILIPPOT, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMEE

Madame [L] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne

assistée de M. [J] [N] (Délégué syndical ouvrier), dûment mandaté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine LETHIEC, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Claudine PORCHER, président

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claudine PORCHER, président et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [L] [Y] a été engagée par la société STN le 2 mai 2002, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 117 heures par mois, pour y exercer les fonctions d'agent de service, niveau AS, échelon 1A.

En application de l'article 7 de la convention collective de la propreté, ce contrat a été repris par la société ENETIS à compter du 1er octobre 2007, en tenant compte d'une expérience professionnelle de la salariée de 2%, soit un salaire de 996.84 €.

Suite au refus de Madame [L] [Y] d'accepter une modification de son lieu de travail, la société ENETIS a notifié à l'intéressée, par lettre recommandée du 7 juillet 2009, une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute fixé au 17 juillet 2009.

Après des échanges effectués dans le cadre de cet entretien, la société ENETIS a, de nouveau, confirmé à sa salariée sa proposition d'un nouveau poste situé à [Adresse 5], en lui demandant de s'y rendre à partir du vendredi 24 juillet 2009, aux termes d'une lettre recommandée du 24 juillet 2009.

Suite au refus de Madame [L] [Y] de se présenter à son nouveau poste de travail, un licenciement pour faute grave a été notifié à l'intéressée par courrier recommandé du 27 juillet 2009.

Par jugement rendu le 4 septembre 2012, le conseil de prud'hommes de Bobigny a requalifié le licenciement pour faute grave de Madame [L] [Y] en licenciement sans cause réelle et sérieuse en condamnant la société ENETIS au paiement des sommes suivantes :

-'2080 € au titre de l'indemnité de préavis.

- 106.86 € au titre de la prime d'ancienneté.

- 1 664 € au titre de l'indemnité de licenciement.

Avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2010, date de la réception de la convocation par la partie défenderesse devant le bureau de conciliation,

7 000 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

Le 27 septembre 2012, la société ENETIS a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 3 novembre 2014 et soutenues oralement, la société ENETIS demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, en déclarant fondé le licenciement pour faute grave et en déboutant Madame [L] [Y] de l'intégralité de ses demandes.

Subsidiairement, l'appelant demande de déclarer le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de rejeter les demandes en dommages et intérêts formées par la salariée à ce titre.

L'appelante forme une demande de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 3 novembre 2014 et soutenues oralement, Madame [L] [Y] demande à la cour de la déclarer fondée en ses demandes suivantes :

- 1 106.80 € de prime d'ancienneté (expérience au sens de la C.C),

- 110.60 € de congés payés afférents,

- 2 170.06 € d'indemnité de préavis,

- 217.00 € de congés payés sur préavis,

- 1 664.11 € d'indemnité de licenciement,

- 12 480.00 € d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6 000 € de dommages et intérêts pour violation des règles de l'annexe 7 de la convention collective et L 3123 -14,

- 3 000€ d'article 700 du CPC,

- Exécution provisoire de droit sur le fondement de l'article 515 du CPC,

- Intérêts au taux légal à compter du bureau de conciliation,

- La remise à la charge de la société les dépens et les frais éventuels d'huissier de justice en cas d'exécution forcée.

A l'audience du 03 novembre 2015, la cour a ordonné la jonction des affaires RG 12/09154 et RG 12/09155 sous le numéro RG 12/09154.

Pour le plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR,

L'article L1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si un doute persiste, il profite au salarié.

Sur la faute grave alléguée

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En application de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits précis et contrôlables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.

Les fautes reprochées à Madame [L] [Y] sont ainsi exposées dans la lettre de licenciement notifiée le 27 juillet 2009 qui fixe les limites du litige et lie les parties et le juge :

' - Le 9 juin 2009, nous vous avons remis en mains propres sur le site de Monoprix une convocation pour un entretien dans nos locaux le 12 juin 2009, suite au courrier de notre client qui vous reprochait

* le non respect des horaires,

*votre refus d'exécuter les tâches courantes de service sur demande des responsables du magasin,

*altercations régulières avec différentes personnes, employés et clients.

- Le 12 juin vous vous êtes présentée avec votre fils à cet entretien et nous vous avons informé suite à votre attitude, les faits récurrents graves et perturbants pour le travail et l'entretien courant du magasin Monoprix, que le client nous interdisait comme il vous l'avait déjà dit de vive voix de travailler sur le site de Monoprix à partir du 10 juin 2009, nous vous avons informé que nous étions dans l'obligation de procéder à une mise à pied conservatoire à compter du 12 juin 2009.

- Lors de cet entretien du 12 juin 2009 nous vous avons proposé un autre site à [Adresse 4] qui vous permettait de réduire considérablement le trajet puisqu'il se trouvait à 5 minutes de chez vous en bus, ce nouveau site vous permettait également d'avoir 7h48 supplémentaires soit 124 h48 mensuelles contre 117 heures actuellement , et nous vous avons précisé que l'acceptation de ce nouveau site surseoirait cette mise à pied conservatoire.

- Suite à votre refus de ce nouveau site, nous vous avons convoqué le 22 juin 2009 pour un entretien afin de procéder à votre licenciement.

- Le 22 vous vous n' êtes pas présentée.

- Le 25 juin nous vous convoquons à nouveau pour le 17 juillet 2009 pour un entretien dans nos locaux afin de procéder à votre licenciement.

- Le 17 juillet 2009, nous vous avons reçu pour l' entretien préalable au licenciement en présence de Monsieur [R] [P] votre délégué syndical CFDT.

- Lors de l'entretien préalable au licenciement en présence de votre délégué syndical Monsieur [P] [R] de la CFDT, à votre demande nous vous avons fait à nouveau une nouvelle proposition de site pour un autre poste , vous avez accepté dans un premier temps, et nous vous avons informé que la mise à pied serait levée dès votre acceptation de travailler sur ce nouveau site.

- Le 21 juillet nous vous confirmons votre nouveau site ainsi que les horaires , vous demandant de vous présenter le 24 juillet à 6 heures sur le site de [Adresse 3].

- Le 23 juillet 2009 votre nouveau délégué syndical de la CGT nous informe qu'il s'occupait dorénavant de votre dossier, et qu'il était heureux d'apprendre que nous vous proposions un autre poste.

- Le 23 juillet 2009 Monsieur [T] votre nouveau délégué syndical de la CGT nous informe que vous refusez ce nouveau poste.

- Ce jour 24 juillet 2009 vous vous n'êtes pas présentée sur votre nouveau poste à [Adresse 3].

Ce nouveau refus de poste, et, ces refus successifs perturbent le bon fonctionnement de notre entreprise.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans la société.

La rupture de votre contrat sera effective dès la présentation de cette lettre.

Vous voudrez bien vous présenter à nos bureaux pour signer le solde de tout compte et pour la remise de votre certificat de travail et de l'attestation d'emploi destinée à Pôle Emploi ».

Il résulte de l'ensemble de ces éléments et notamment du courrier recommandé du 9 mai 2009 de la société Monoprix Dimax, [Adresse 6], que la société ENETIS s'est vue contrainte de proposer à sa salariée un nouveau poste à [Localité 4], suite à l'insatisfaction de sa cliente quant aux prestations de Madame [L] [Y].

Après plusieurs tergiversations, cette dernière a refusé la modification de son lieu de travail.

Il est constant que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information à moins qu'il ne soit stipulé, par une clause claire et précise, que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu, étant observé que le changement de lieu de travail doit être apprécié de façon objective.

En l'espèce, le contrat de travail de reprise conclu entre les parties le 1er octobre 2007, en application de l'article 7 de la convention collective de la propreté, précise , en son article 1er que Madame [L] [Y] exerce son activité d'agent de service niveau AS , échelon 1 sur le site Monoprix DIMAX [Localité 1] mais l'article 3 indique :

« Il est expressément convenu que, sous réserve d'un délai de prévenance de 7 jours ouvrés, cette répartition pourra être modifiée en cas de :

- Surcroît temporaire d'activité

- Travaux à accomplir dans des délais déterminés

- Absence de collègue(s)

- Réorganisation interne à l'entreprise ou à la demande du client.

Ces modifications pourront conduire à une répartition des horaires sur tous les jours ouvrables et toutes les plages horaires, sans restriction ainsi que sur une zone géographique sur les départements de [Localité 5], Ile de France( 75, 91,92,93,94,95, 77, 78) ».

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en application des dispositions contractuelles précitées, l'employeur de Madame [L] [Y] a, suite à la demande expresse de son client, modifié le lieu géographique de travail de l'intéressée, en lui proposant un poste à [Localité 4].

Il n'est pas justifié que ce changement d'affectation géographique ait apporté une modification substantielle du contrat de travail de nature à porter préjudice aux intérêts de la salariée dans la mesure où le poste proposé se trouve à [Localité 4], soit dans la commune où réside Madame [L] [Y] et qu'il lui permet de réduire considérablement son temps de trajet, tout en lui offrant la possibilité de travailler 124 h48 mensuelles au lieu de 117 heures.

En l'occurrence, la société ENETIS a fait preuve de loyauté dans l'exécution des relations contractuelles dès lors qu'elle s'est adaptée aux refus successifs de sa salariée, en lui proposant, à plusieurs reprises entre les mois de mai et juillet 2009 un nouveau poste géographique et qu'elle ne s'est résolue à procéder, effectivement, au licenciement pour faute grave que suite au refus persistant de l'intéressée de se présenter sur le site [Adresse 3].

En outre, il n'est pas contestable que les tergiversations de Madame [L] [Y] ont mis la société ENETIS en difficultés pour répondre aux demandes de ses clients.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le refus de Madame [L] [Y] de se rendre le 24 juillet 2009 sur son nouveau poste de travail à [Localité 4] constituait une faute présentant un caractère de gravité suffisant pour rendre impossible le maintien de la salariée pendant la durée limitée du préavis et la poursuite du contrat de travail et que l'appelante doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement illégitime ainsi que de ses prétentions relatives aux indemnités de rupture , indemnité compensatrice de préavis et indemnité légale.

Ces circonstances spécifiques conduisent la cour à infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny, rendu le 4 septembre 2012, en toutes ses dispositions.

Sur la demande au titre des frais irrépétibles

Il appartient à Madame [L] [Y] qui succombe de supporter la charge des dépens de la présente instance, en versant à la société ENETIS une indemnité de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et en étant déboutée de sa propre demande au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés.

***

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Ajoutant,

Condamne Madame [L] [Y] à verser à la société ENETIS une indemnité de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Condamne Madame [L] [Y] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 12/09154
Date de la décision : 20/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°12/09154 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-20;12.09154 ?
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