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14/01/2015 | FRANCE | N°13/23042

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 14 janvier 2015, 13/23042


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 14 JANVIER 2015



(n° 18/2015, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23042



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/11697





APPELANT



Monsieur [D] [S]

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représenté par

Me Olivier BERG, avocat au barreau de PARIS, toque : C2504 et ayant pour avocat plaidant Me Cédric KUCHLER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1928





INTIME



AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 2]

[...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 14 JANVIER 2015

(n° 18/2015, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23042

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/11697

APPELANT

Monsieur [D] [S]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Olivier BERG, avocat au barreau de PARIS, toque : C2504 et ayant pour avocat plaidant Me Cédric KUCHLER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1928

INTIME

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Eric NOUAL de la SCP SCP NOUAL HADJAJE DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493 et ayant pour avocat plaidant Me Vanessa FRIMIGACCI, avocat au barreau de PARIS, toque : P493

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques BICHARD, Président de chambre

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

Madame Marie-Claude HERVE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Fatiha MATTE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Elodie PEREIRA, greffier présent lors du prononcé.

Monsieur [D] [S] a présenté une requête en divorce en 1991. Une ordonnance de non conciliation a été rendue le 4 février 1992 puis un jugement de divorce a été prononcé par le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse le 29 juillet 1994, mettant à la charge de l'époux une prestation compensatoire de 100 000 € et soumettant la prise d'effet du jugement de divorce à son paiement.

Monsieur [S], a demandé que le montant de la prestation compensatoire soit imputé sur la part devant lui revenir sur la communauté.

Maître [M] a été désigné pour réaliser les opérations de compte, liquidation, partage de la communauté.

Par un jugement du 4 juin 1998, le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation, partage de l'indivision existant avec les parents de l'épouse sur le domicile conjugal, et a commis maître [M] pour y procéder. Il a en outre désigné Mme [K] en qualité d'expert.

Madame [K] a déposé le rapport de ses opérations le 9 avril 2001 et

le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse a rendu un jugement le 22 mai 2003 dont monsieur [S] a interjeté appel.

Par un arrêt du 22 février 2005, la cour d'appel de Lyon a ordonné une nouvelle expertise confiée à Mme [K]. Par un arrêt du 25 juillet 2007, elle a réformé partiellement le jugement du 22 mai 2003, a statué à nouveau sur les demandes et a renvoyé les parties devant le notaire pour la poursuite des opérations de partage.

Maître [M] a rencontré des difficultés pour effectuer l'actualisation de l'évaluation du bien immobilier à partager et le juge chargé des opérations de liquidation, partage a renvoyé les parties devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bourg en Bresse

Celui-ci a rendu un jugement le 10 septembre 2012 désignant un nouvel expert M [C] pour procéder à l'évaluation du bien immobilier.

Le 19 juillet 2012, monsieur [D] [S] a assigné l'agent judiciaire de l'Etat devant le tribunal de grande instance de Paris pour le voir condamner pour déni de justice, compte tenu de la longueur de la procédure.

Par un jugement du 6 novembre 2013, le tribunal a rejeté les demandes de monsieur [S] et l'a condamné à payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Celui-ci a formé appel le 2 décembre 2013.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 octobre 2014, monsieur [S] demande que l'agent judiciaire de l'Etat soit condamné à lui payer la somme de 73 281 € en réparation du préjudice résultant du déni de justice et la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 28 octobre 2014, l'agent judiciaire de l'Etat sollicite la confirmation du jugement du 6 novembre 2013 et la condamnation de monsieur [S] à lui payer la somme complémentaire de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Monsieur [S] fait valoir qu'il s'est écoulé 21 ans, si on prend comme point de départ l'ordonnance de non-conciliation, et 19, si on retient le jugement de divorce, depuis le début de la procédure. Il considère que l'affaire ne présente pas de complexité particulière et que lui-même a eu un comportement adapté. Il soutient que l'Etat doit organiser le système judiciaire de façon à ce que chacun puisse obtenir une décision dans un délai raisonnable et qu'il répond donc à ce titre des retards des experts et des autres commis. Il relève ainsi que madame [K] a mis 3ans pour sa 1ère expertise qui ne présentait pas de difficulté particulière, que maître [M] a lui-même passé 4 ans avant de dresser un procès-verbal de difficulté en 1998 et qu'à ce jour, le dossier n'est pas clos. Il ajoute qu'il n'y a pas lieu de tenir compte du comportement de la partie adverse et qu'il ne peut lui être imposé de rechercher d'abord la responsabilité personnelle de l'expert ou du notaire.

Il conclut que le délai excessif de procédure lui a causé un préjudice matériel évalué à 63 281 €, compte tenu de l'impossibilité où il se trouve de bénéficier de sa part indivise sur l'immeuble et un préjudice moral fixé à 10 000 €.

L'agent judiciaire de l'Etat soutient que la longueur de la procédure est due au comportement des parties et notamment de l'appelant qui a multiplié les procédures afin d'échapper au paiement de la prestation compensatoire. A titre subsidiaire, il conteste l'existence d'un préjudice.

L'article L 141-3 du code de l'organisation judiciaire dispose que :' les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivants ...2° s'il y a déni de justice. Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre aux enquêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d'être jugées...'.

Le déni de justice est caractérisé par tout manquement de l'Etat à son devoir de permettre à tout personne d'accéder à une juridiction pour faire valoir ses droits dans un délai raisonnable et s'apprécie à la lumière des circonstances propres à chaque espèce en prenant en considération la nature de l'affaire, son degré de complexité, le comportement de la partie qui se plaint de la durée de la procédure et les mesures prises par les autorités compétentes.

En l'espèce, il convient de relever que les juridictions ont répondu dans les délais suivants lorsqu'elles ont été requises. Ainsi,

- l'ordonnance de non conciliation est intervenue le 4 février 1992 à la suite d'une requête déposée le 15 octobre 1991,

- le jugement de divorce a été rendu le 29 juillet 1994 à la suite d'une assignation délivrée le 30 juin 1992,

- le jugement ordonnant l'ouverture des opérations de compte, liquidation, partage de l'indivision existant avec les parents de l'épouse a été rendu le 4 juin 1998 à la suite d'une assignation en justice du 6 novembre 1996,

- le jugement procédant à la liquidation et au partage de la communauté a été rendu le 22 mai 2003 à la suite du dépôt du rapport de l'expert survenu le 9 avril 2001,

- la cour d'appel a elle-même statué le 22 mai 2005 puis après un nouveau rapport d'expertise déposé le 27 novembre 2006, elle a rendu un nouvel arrêt le 25 juillet 2007.

En raison de l'impossibilité pour le notaire de procéder à l'actualisation de la valeur du bien immobilier, l'affaire a de nouveau pris un caractère judiciaire et à la suite d'un procès-verbal du juge chargé des opérations constatant le désaccord des parties sur la valeur du bien du 20 avril 2011, le juge aux affaires familiales a rendu une décision le 10 septembre 2012.

Ainsi les juridictions saisies ont toutes statué dans un délai raisonnable et monsieur [S] n'emet d'ailleurs pas de critique à ce sujet.

S'agissant de l'expertise ordonnée par le jugement du 4 juin 1998, elle s'est terminée par le dépôt du rapport le 9 avril 2001.

L'expert était chargée de déterminer quels ont été les apports respectifs des parties dans l'acquisition d'un bien immobilier indivis àVersonnex, déterminer sa consistance et sa valeur à la date de l'expertise, fixer les droits des parties, proposer un apurement des comptes de l'indivision en ayant égard au remboursement des prêts, aux taxes payées et aux frais exposés pour la conservation et l'entretien du bien, proposer un apurement des comptes de la communauté en tenant compte des diverses condamnations prononcées à l'encontre de monsieur [S] au profit de son épouse.

Le rapport d'expertise portait donc sur un seul bien immobilier constitué d'un pavillon avec jardin construit dans un lotissement, étant précisé que le père de l'épouse était un acquéreur indivis.

L'expert a accepté sa mission le 21 juin 1998 et a été avisée du dépôt de la provision le 16 juillet suivant. Elle a reçu le dossier de monsieur [S] le 6 juillet, elle a organisé une 1ère réunion le 16 octobre 1998, a entendu les parties, a visité les lieux et a listé les pièces devant lui être transmises et les a reçues en octobre et novembre 1998. Elle a ensuite adressé une note préalable le 5 février 2001, elle a recueilli les observations des parties et des pièces complémentaires jusqu'au 30 mars 2001 et a rédigé son rapport à l'issue.

Elle déclare avoir sollicité une prorogation du délai :

le 19 octobre 1998 jusqu'au 28 février 1999,

le 24 juin 1999 jusqu'au 19 juillet 1999,

le 23 mars 2000 jusqu'au 15 mai 2000,

le 27 juillet 2000 jusqu'au 15 octobre 2000 puis jusqu'au 15 février 2001.

Le 5 février 2001, elle a indiqué au tribunal qu'elle déposerait son rapport au plus tard le 15 avril 2001.

Les avocats des parties ont adressé des lettres à l'expert pour lui demander l'état d'avancement de ses travaux en mars, avril et décembre 1999 ainsi qu'en janvier 2000.

Monsieur [S] justifie en outre de l'envoi d'une lettre au magistrat chargé du contrôle des expertises le 6 décembre 2000 dans laquelle son avocat indiquait 'à ce jour, aucun rapport ni aucune note préalable ne semble avoir été adressé aux parties. Il apparaît à mon client que l'expert n'est pas en mesure de s'expliquer sur les raisons de ce retard puisque dans sa précédente correspondance, il indiquait que son rapport était à la frappe'.

Enfin, monsieur [S] verse aux débats trois lettres adressées par le magistrat chargé du contrôle des expertises datées du :

-19 juillet 1999 dans laquelle il déclare accorder un dernier délai jusqu'au 30 octobre 1999 en ajoutant que cette dernière date ne sera en aucun cas reportée,

- 28 mars 2000 dans laquelle il indique 'compte tenu des raison que vous m'exposez, je prolonge ce délai jusqu'au 15 mai 2000 ' en indiquant à nouveau que cette dernière date ne sera en aucun cas reportée,

- du 17 juillet 2000 dans laquelle il sollicite des explications sur l'absence de dépôt du rapport.

Les lettres du magistrat chargé du contrôle des expertises font référence à des lettres de l'expert par lesquelles elle sollicite la prorogation du délai qui lui est imparti.

L'absence de production de ces lettres ne permet pas de connaître les motifs invoqués par l'expert et qui ont été admis par le juge. Dès lors monsieur [S] ne démontre pas que la prorogation de ces délais ait été injustifiée.

Or la seule existence de délais complémentaires accordés à l'expert ne suffit pas à caractériser un retard injustifié et un manquement du service public de la justice dans le contrôle des opérations d'expertise.

S'agissant des opérations de compte, liquidation, partage de l'indivision et de la communauté, il convient de souligner que celles-ci, une fois qu'elles ont été ordonnées par une décision judiciaire, peuvent se poursuivre de manière amiable devant le notaire sans que le tribunal ait à intervenir. Dès lors, la responsabilité de l'Etat à raison du mauvais fonctionnement du service public de la justice, ne peut être recherchée qu'autant que celui-ci a été saisi d'une difficulté rendant nécessaire son intervention et qu'il n'y a pas apporté de réponse.

Monsieur [S] fait valoir que le dossier a disparu pendant quatre ans dans l'étude de Me [M] de 1994 à 1998.

En l'espèce, le jugement du 29 juillet 1994 qui a prononcé la dissolution du régime matrimonial des époux, a désigné, à défaut d'accord entre eux, le président de la chambre des notaires de l'Ain avec faculté de délégation, pour procéder aux opération de compte liquidation, partage.

Dans l'acte qu'il a établi le 27 octobre 2009, Me [M] déclare avoir été délégué le 6 juillet 1995. Un jugement rendu le 16 octobre 1995 a rejeté les demande de monsieur [S] tendant à voir déclarer nulle la vente du 6 juin 1983 et le voir déclaré seul propriétaire avec son épouse de l'immeuble constituant le domicile conjugal. A la suite de ce jugement, monsieur [S] a assigné son épouse et ses parents le 6 novembre 1996, en vue de voir ordonner le partage de l'indivision existant entre eux sur cet immeuble. Le notaire a dressé un procès-verbal de difficulté le 10 mars 1997. Ensuite, le jugement du 4 juin 1998 a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation, partage de l'indivision sur le bien immobilier indivis faisant partie de la communauté; ce jugement qui a désigné Me [M] en qualité de notaire, a aussi ordonné une expertise portant sur ce bien et plus généralement sue les comptes entre les parties.

Ainsi, outre que la désignation du notaire n'est intervenue que le 6 juillet 1995, il a dressé un procès-verbal de difficulté le 10 mars 1997 alors qu'il ne pouvait pas utilement mené ses opérations, compte tenu des procédures judiciaires en cours concernant l'immeuble faisant partie de la communauté.

Par ailleurs, le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse saisi sur une assignation du 6 novembre 1996, a rendu un jugement le 4 juin 1998.

Il y a donc lieu de constater que le dossier ne s'est pas perdu pendant quatre ans chez maître [M] mais que les retards qu'il subissait, résultaient des différentes procédures judiciaires qui devaient déterminer le sort de l'immeuble constituant le principal actif de la communauté et que le tribunal une fois saisi, a répondu dans des délais raisonnables aux questions qui lui étaient soumises.

La période postérieure à 1998 ne fait pas l'objet de critique particulière de la part de monsieur [S].

Ainsi la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée en raison du déroulement des opérations de compte liquidation partage de l'indivision et de la communauté.

Le jugement rendu le 6 novembre 2013 doit donc être confirmé.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 6 novembre 2013,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne monsieur [S] aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 13/23042
Date de la décision : 14/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°13/23042 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-14;13.23042 ?
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