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13/01/2015 | FRANCE | N°12/09300

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 13 janvier 2015, 12/09300


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 13 Janvier 2015



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09300



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/10494





APPELANTE

Madame [J] [I] épouse [E]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne,

assistée de Me Jean-françoi

s ROY, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 80 substitué par Me Mathilde ROY-MASUREL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1407







INTIMEE

SAS SUEZ ENVIRONNEMENT

[Adresse 1...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 13 Janvier 2015

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09300

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/10494

APPELANTE

Madame [J] [I] épouse [E]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne,

assistée de Me Jean-françois ROY, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 80 substitué par Me Mathilde ROY-MASUREL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1407

INTIMEE

SAS SUEZ ENVIRONNEMENT

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Laurent JAMMET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168 substitué par Me Caroline HEUBES, avocat au barreau de PARIS, toque : T09

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Novembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Christine ROSTAND, Présidente

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [I] a été engagée par la société SUEZ selon un contrat de travail conclu le 23 novembre 2004 en qualité d'auditeur junior.

Par courrier du 30 janvier 2008, cette société lui a confirmé sa mutation au sein de la société AGBAR située à [Localité 3] à compter du 11 février 2008,

Par contrat à durée déterminée du 18 octobre 2010 la société SUEZ ENVIRONNEMENT a informé Madame [I] de son engagement en qualité de chef de projet pour remplacer Monsieur [Y] ce, pour la période s'étendant du 18 octobre 2010 au 8 février 2011,

Par courrier du 6 janvier 2011, la société SUEZ ENVIRONNEMENT l'a informé du renouvellement de son contrat de travail jusqu'au 15 mai 2011,

Par jugement rendu le 19 juin 2012, le conseil de Prud'hommes de Paris a débouté Madame [I] de l'ensemble de ses demandes, visant à voir prononcer la requalification de son contrat de travail et obtenir des indemnités au titre de la rupture,

Par conclusions visées au greffe le 18 novembre 2014 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Madame [I] épouse [E] sollicite l'infirmation du jugement, la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le prononcé de la nullité de son licenciement et la condamnation de la société SUEZ ENVIRONNEMENT à lui régler les sommes suivantes :

5223,85 euros à titre d'indemnité de requalification,

15 671,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1567 euros au titre des congés payés afférents,

20 111,82 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

94 029,30 euros à titre de dommages et intérêts au titre, à titre principal, de la nullité de son licenciement et subsidiairement, du défaut de cause réelle et sérieuse le fondant,

3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 18 novembre 2014 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société SUEZ ENVIRONNEMENT sollicite la confirmation du jugement , le rejet des demandes de Madame [I], à titre subsidiaire la réduction de ses prétentions et en tout état de cause sa condamnation à lui régler une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

- sur la relation de travail

Madame [I] mentionne qu'elle a été embauchée le 13 décembre 2004 puis a fait l'objet d'une mutation le 11 février 2008 dans la société AGBAR à [Localité 3], qu'elle a ensuite fait l'objet d'une réintégration le 18 octobre 2010 dans la société SUEZ ENVIRONNEMENT souhaitant revenir en France pour des raisons familiales;

Elle sollicite la requalification de son contrat de travail à durée déterminée conclu le 18 octobre 2010 en un contrat à durée indéterminée et l'intégration de celui-ci dans la relation de travail préexistante depuis le 13 décembre 2004;

S'agissant de la requalification du contrat de travail, Madame [I] fait valoir à titre principal que le motif du contrat de travail à durée déterminée conclu du 18 octobre 2010 au 8 février 2011 est illégal alors que le poste de chef de projet qu'elle a dès lors occupé correspond à une offre d'emploi et un descriptif de poste excluant un contrat à durée déterminée et que le motif du contrat était en réalité son départ en congé maternité ;

La société SUEZ ENVIRONNEMENT énonce pour sa part que les relations contractuelles de travail de Madame [I] avec la société SUEZ SA du 13 décembre 2004 au 10 février 2008, la société AGBAR du 11 février 2008 au 17 octobre 2010 et la société SUEZ ENVIRONNEMENT du 18 octobre 2010 au 15 mai 2011 sont distinctes;

Elle fait valoir, qu'après avoir démissionné de la société AGBAR le 17 octobre 2010, Madame [I] lui a fait état de sa disponibilité pour un emploi jusqu'à son début de congé maternité, qu'à la recherche d'un chef de projet rattaché à la direction projets Eau dont le poste devait être comblé en interne par Monsieur [M] [Y] lequel n'était pas

immédiatement disponible, un contrat de travail à durée déterminée a été conclu avec l'intéressée afin de remplacer partiellement l'ancien chef de projet et dans l'attente de l'arrivée du nouveau ;

L'article L 1242-2 1° du code du travail permet le recours à un contrat à durée déterminée d'une durée maximale de neuf mois dans l'attente de l'entrée en service effectif d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée pour occuper le poste, le choix de l'employeur devant été arrêté sur le nouveau salarié permanent à la date de la conclusion du contrat à durée déterminée;

Il ressort en l'espèce des pièces produites qu'un poste de chef de projet au sein de la direction Projets Eau a été publié en interne par la société SUEZ ENVIRONNEMENT entre le 29 septembre 2010 et le 1er novembre 2010; qu'aux termes de courriels échangés entre Madame [I] et Monsieur [N] [Q] , responsable emploi-formation, entre le 8 octobre et le 17 octobre 2010, il a été acté que Madame [I] rejoindrait l'équipe de [L] [R] en tant que chef de projet, la salariée se voyant cependant préciser le 13 octobre 2010 qu'il ne pouvait lui être proposé 'qu'un CDD jusqu'à la date de départ en congé maternité';

Le contrat à durée déterminée du 18 octobre 2010 fait état du recrutement de Madame [I] au titre du remplacement partiel de Monsieur [C] [Y], 'chef de projet muté au sein du groupe et dans l'attente d'un recrutement';

La société SUEZ ENVIRONNEMENT produit aux débats le courrier du 13 septembre 2010 aux termes duquel elle a confirmé à Monsieur [C] [Y] sa nomination à compter du 1er octobre 2010 au sein de la direction des investissements et des risques;

Elle ne produit cependant aucune pièce relative à la procédure d'embauche de Monsieur [M] [Y] permettant de s'assurer de ce que l'employeur avait arrêté son choix sur ce candidat déterminé à la date du 18 octobre 2010;

Il s'en déduit le défaut de la justification par l'employeur de la réalité du motif fondant le recours au contrat à durée déterminée,

La motivation de la durée du contrat de travail telle que susvisée soit 'jusqu'au départ en congé maternité' de la salariée constitue , dans ce contexte, un manquement de la société SUEZ ENVIRONNEMENT à la protection de la femme enceinte et par là même une mesure discriminatoire au sens des articles L 1132-1 et L 1142-1 du code du travail ;

Le jugement du conseil de prud'hommes est dès lors infirmé tandis qu'il est fait droit à la demande de requalification du contrat à durée déterminé en un contrat à durée indéterminée;

Madame [I] sollicite que ce contrat s'intègre dans la relation de travail préexistante depuis le 13 décembre 2004 et fait valoir sur ce point que son contrat de travail a fait l'objet de transferts successifs au sein du groupe SUEZ;

La société SUEZ ENVIRONNEMENT dépend de la société SUEZ ( devenue GDF SUEZ) et a initié l'acquisition de la société AGBAR à compter de 2009 , société dans laquelle elle avait d'ores et déjà des participations ;

Les pièces produites justifient que Madame [I] a été engagée par la société SUEZ en qualité d'auditeur junior le 23 novembre 2004 étant mentionné à son contrat qu'elle pouvait recevoir 'd'autres affectations au sein de SUEZ ou d'autres sociétés du groupe' ;

Par courrier du 30 janvier 2008, la société SUEZ lui a confirmé 'sa mutation'au sein de la société AGBAR en lui précisant les modalités de son transfert, cette mutation prenant effet le 11 février 2008 et son ancienneté Groupe étant maintenue en date du 13 décembre 2004 ;

Un contrat de travail a été signé avec la société AGBAR le 11 février 2008 ;

Dans les termes de l'attestation délivrée le 2 novembre 2010 par l'employeur, Madame [I] a fait ensuite l'objet d'une 'mutation' de la société AGBAR vers la société SUEZ ENVIRONNEMENT, son contrat de travail du 18 octobre 2010 mentionnant que son ancienneté restait acquise depuis son arrivée au sein du groupe soit le 13 décembre 2004 , ne visant aucune période d'essai et se référant à des accords d'entreprise relatifs aux rémunérations et au temps de travail engageant la société Suez Lyonnaise des Eaux ;

Ces éléments justifient que Madame [I] a fait l'objet de mutations successives auprès de sociétés dépendant, par des liens capitalistiques, de la société SUEZ ;

Son dernier contrat de travail doit dès lors être intégré dans la relation initiée le 13 décembre 2004 ;

- Sur la rupture du contrat de travail

Il a été ici retenu que la durée du contrat de travail de Madame [I] était fondée sur son état de grossesse et constituait une mesure discriminatoire à l'encontre de la salariée ;

Dans ces conditions, la rupture de la relation de travail produit les effets d'un licenciement nul et de nul effet ;

L'article L 1245-2 du code du travail énonce que l'indemnité de requalification ne peut être inférieure à un mois de salaire ;

Il est alloué à Madame [I] la somme de 5223,85 euros à ce titre ;

Selon l'article L 1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages qu'aurait perçus le salarié s'il avait travaillé pendant la période;

Sur la base des accords d'entreprise produits aux débats (article 8) , Madame [I] est bien fondée à solliciter une indemnité de préavis sur une durée de trois mois, soit en l'espèce une somme de 15'671,55 euros outre 1567 € au titre des congés payés y afférents ;

Sur la même base (article 10), la salariée est bien fondée à solliciter une indemnité conventionnelle équivalente à 3:5ème des mois de salaire par année d'ancienneté, l'accord d'entreprise excluant uniquement dans les bases de calcul les primes de performance et les primes exceptionnelles liées à des éléments familiaux;

Au regard des bulletins de salaire produits, Madame [I] est bien fondée à solliciter le paiement de la somme de 20 111,82 euros à ce titre;

Sachant que Madame [I] comptait une ancienneté de 6 ans et 5 mois au moment de la rupture du contrat travail, qu'elle était âgée de 30 ans, qu'elle était enceinte, qu'elle a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi jusqu'en septembre 2011, il lui est alloué à titre d'indemnité au titre de la nullité du licenciement une somme de 32'000 €

La société SUEZ ENVIRONNEMENT qui succombe est déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles et condamnée aux dépens et à payer à Madame [I] une somme visée au dispositif de la présente décision au titre de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Madame [I] épouse [E] de ses demandes,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Re-qualifie le contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée s'inscrivant dans la relation de travail initiée depuis le 13 décembre 2004,

Dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul et de nul effet,

Condamne la société SUEZ ENVIRONNEMENT à payer à Madame [I] épouse [E] les sommes suivantes

5223,85 euros à titre d'indemnité de requalification

15'671,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

1567 euros au titre des congés payés afférents,

20'111,82 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

32'000 € à titre d'indemnité au titre du licenciement nul et de nul effet

1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute la société SUEZ ENVIRONNEMENT de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société SUEZ ENVIRONNEMENT aux dépens

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/09300
Date de la décision : 13/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°12/09300 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-13;12.09300 ?
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