Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 3
ARRÊT DU 08 JANVIER 2015
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/02506
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Décembre 2012 -Tribunal d'Instance d'IVRY SUR SEINE - RG n° 11-10-001050
APPELANTE
SCI CHRYSALIDE
immatriculée au RCS de CRÉTEIL sous le numéro 413 110 958
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée et assistées Me Farouze ISSAD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2017
INTIMES
Monsieur [D] [Z]
né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 2] (SYRIE)
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté et assisté de Me Vélia VOLLAND, avocate au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 428
Madame [N] [G] épouse [Z],
née le [Date naissance 2]/1985 à [Localité 3] (75)
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée et assistée Me Vélia VOLLAND, avocate au barreau de VAL-DE-MARNE, toque': PC 428
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle de 85% numéro 2013/012526 du 03/04/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS au profit de Me Vélia VOLLAND)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Isabelle VERDEAUX, Présidente de chambre
Monsieur Christian HOURS, Président de chambre
Madame Isabelle BROGLY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Hélène PLACET
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle VERDEAUX, présidente et par Mme Hélène PLACET, greffier présent lors du prononcé.
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* *
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte du 31 décembre 2005, la SCI Chrysalide a donné à bail à usage d'habitation à M. [D] [Z], de nationalité syrienne, un logement de type F2 dans un immeuble situé à [Adresse 3], 2ème étage droite, moyennant un loyer de 654,47'euros
M. [Z] s'est marié le [Date mariage 1] 2007 avec Mme [N] [G], de nationalité française.
Sur assignation des époux [Z], qui demandaient la remise en état des locaux (présence de plomb et humidité notamment), le tribunal d'instance d'Ivry sur Seine a, par jugement du 15 février 2011, désigné M. [S] [Y] en qualité d'expert judiciaire.
Les époux [Z] ont quitté le logement, le 31 décembre 2011, à la suite du congé qui leur a été délivré, le 29 juin 2011, par la SCI Chrysalide.
L'expert [Y] a déposé son rapport le 4 janvier 2012.
Par jugement du 21 décembre 2012, le même tribunal a :
- condamné la SCI Chrysalide à payer aux époux [Z] :
- 13 230 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance,
- 1 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2012,
- condamné la SCI Chrysalide sous astreinte, dont il s'est réservé la liquidation, à délivrer aux époux [Z] les quittances de loyers pour novembre et décembre 2011,
- rejeté les autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la SCI Chrysalide aux dépens qui comprendront le coût de l'expertise.
La SCI Chrysalide a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 8 août 2013, elle demande à la cour l'infirmation du jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :
- constater qu'elle a délivré un logement conforme aux exigences des décrets des 6'mars'1987 et 30 janvier 2002,
- juger qu'elle peut conserver le dépôt de garantie des époux [Z],
- condamner les époux [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre à supporter les dépens qui comprendront le coût du procès verbal de constat d'huissier et les frais d'expertise, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières écritures du 27 juin 2013, les époux [Z] sollicitent la confirmation du jugement et la condamnation de la SCI Chrysalide à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que la SCI Chrysalide indique qu'elle est une petite SCI familiale sérieuse, qui a délivré un logement en bon état (électricité et peintures neuves) et a fait réaliser de nombreux travaux avant et après le début du bail consenti aux époux [Z], lesquels ont manqué à leur obligation d'entretien (trou bouché d'évacuation des eaux de condensation de la fenêtre des sanitaires, faïence du local douche largement fissurée) ; que le mauvais montage de l'extracteur de la salle de bains et l'absence de rejingot à la fenêtre de la cuisine sont imputables à l'entreprise qui a fait ce travail et non au bailleur ; que les travaux préconisés par l'expert ont été faits selon constat du 22 septembre 2011 ;
Considérant que ladite SCI fait valoir qu'elle ne pouvait se substituer à la copropriété pour effectuer les travaux de rénovation de la cage d'escalier dont les revêtements dégradés contenaient du plomb ; qu'elle a voté pour ces travaux lors de l'assemblée générale du 22'juin 2012 ; que l'installation électrique ne présentait aucun danger pour le locataire ; qu'une part de responsabilité pour l'humidité des lieux est imputable au locataire en raison du défaut d'entretien;
Qu'elle affirme que les époux [Z] n'ont fait aucune déclaration de sinistre, laissant les locaux se dégrader, les dégradations ayant atteint les parties communes ; qu'elle reproche aux locataires d'avoir transformé le salon en chambre et d'avoir encombré tout l'appartement de cartons et valises ;
Qu'elle conteste que les problèmes de santé des époux [Z] soient liés à l'état de l'appartement ;
Que la comparaison entre le constat d'huissier effectué au départ des locataires avec celui réalisé lors de leur entrée dans les lieux, démontre le défaut d'entretien des lieux et justifie que le bailleur conserve le dépôt de garantie ;
Qu'elle soutient avoir toujours été diligente vis à vis de ses locataires, qui ont fait obstacle à la réalisation de travaux dans la salle de bains, alors qu'elle avait mis un studio à leur disposition dans le même immeuble ;
Considérant que les époux [Z] protestent de leur bonne foi et précisent avoir toujours réglé les loyers malgré leurs griefs ; qu'ils contestent ne pas avoir entretenu les locaux, dès lors que M. [Z], peintre en bâtiment, les a repeints, ce qui a d'ailleurs supprimé le problème posé par la présence de plomb à l'intérieur de l'appartement ; qu'ils mettent en avant le problème d'humidité dans le logement dont doit répondre le bailleur, peu important qu'il ait recouru à un entrepreneur ; qu'au surplus, l'expert a relevé qu'aucun chapeau chinois n'avait été installé dans le mitron de la cheminée, ce qui entraînait un écoulement d'eau et créait de l'humidité ; que l'absence de travaux entrepris rapidement par la copropriété s'agissant de la réfection de la cage d'escalier contenant du plomb ne leur est pas davantage opposable ; qu'il existait d'autres désordres relevés par l'expert (balconnière non fixée, électricité non aux normes) ; que les intimés contestent avoir refusé la réalisation de travaux, hormis en leur présence et pendant la grossesse de Mme [Z] et qu'un studio libre dans un bon état d'entretien leur ait été proposé; qu'ils mettent en cause la sincérité des documents transmis qui ne sont que des devis ou des factures contenant des rajouts ; qu'ils affirment qu'il n'y a jamais eu de dégât des eaux en 2010 ;
Qu'ils affirment avoir subi un préjudice corporel (pathologies respiratoires dont ils ont souffert ainsi que leur enfant) et moral (maintien dans une situation d'inconfort), justifiant une réduction de moitié du loyer réglé à raison de 315 euros pendant 42 mois, comme l'a retenu le premier juge ;
Considérant qu'ils observent que le constat d'état des lieux de sortie a été effectué plusieurs jours après leur départ et qu'ils ont dû attendre des mois avant d'en avoir une copie ; que rien ne permet à la SCI Chrysalide de retenir le montant du dépôt de garantie';
Considérant que le bailleur est, aux termes de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation ;
Qu'il a l'obligation de maintenir le logement en cet état pour peu qu'on lui signale les désordres et problèmes survenus ;
Considérant que le bailleur est responsable de l'absence de délivrance d'un logement décent, sans pouvoir opposer à son locataire le fait d'un tiers, copropriétaire ou entreprise, sauf son recours éventuel contre lui ;
Considérant que si l'état des lieux entrant établi le 31 décembre 2005 ne fait pas apparaître de défaut dans l'appartement loué, à l'exception de portes à raboter, d'une tête de douche, d'une vitre cassée et de la chasse d'eau du WC, il reste que cette situation n'a pas perduré';
Considérant qu'une intervention du Codal-Pact 94 du 1er août 2008 a mis en évidence la présence de plomb dans les parties communes, ayant entraîné le rappel au propriétaire de l'obligation d'effectuer des travaux appropriés pour supprimer l'exposition au plomb ;
Considérant qu'une nouvelle intervention de cet organisme, le 29 janvier 2010, si elle n'a pas permis de relever des facteurs de dégradation du bâti, a conclu à la présence de revêtements dégradés contenant du plomb ;
Considérant que l'expert judiciaire désigné par le tribunal d'instance d'Ivry sur Seine, M.'[Y], dans son rapport clos le 4 janvier 2012, ne faisant pas l'objet de contestations des parties, a relevé :
- la fenêtre hors d'usage des sanitaires/WC, le trou d'évacuation des eaux de condensation, bouché par manque d'entretien, faisant que l'eau, au lieu de s'évacuer à l'extérieur, ruisselle sur la tablette située sous le doublage et s'infiltre derrière amenant de la moisissure sur le mur au niveau des plots de colle de la plaque (humidité relevée 15 %) ;
- dans le séjour doublé avec des plaques de plâtre et isolant, des traces d'humidité et de moisissure, l'appui de fenêtre n'ayant pas été posé sur un rejingot tandis que le joint réalisé entre la maçonnerie et la pièce d'appui en bois n'est plus efficace, laissant de l'eau s'infiltrer derrière et favorisant l'apparition de moisissure (humidité relevée de 13 %) ; une fixation de la balconnière a cédé ; il n'y a pas d'humidité sur les murs ;
- la fissuration de la tablette en faience au pide de la douche, laissant l'eau s'infiltrer ; l'extracteur d'air a été monté à l'envers et n'évacue pas l'air vicié vers l'extérieur, ce qui, selon le technicien, explique une bonne partie des problèmes rencontrés de condensation';
- dans la cuisine, un problème d'infiltration d'eau sous l'allège du fait à nouveau de l'absence de rejingot ; il existe des décollement de peinture du plafond, suite à un dégât des eaux à l'étage supérieur ;
- dans la chambre, le problème d'absence de rejingot sous la fenêtre en PVC récente ; la présence d'humidité sur la hotte de l'ancienne cheminée, imputable à l'absence de chapeau chinois sur le mitron, cette question devant être vérifiée par un couvreur ;
- la présence d'humidité (taux de 90 %) dans le mur du couloir, due aux infiltrations à partir de la douche ;
- la réalisation de travaux de peinture dans l'appartement par le locataire, un an auparavant, sauf dans la cuisine et la douche, ayant mis fin aux risques dus à la présence de plomb ;
- l'absence d'un tableau électrique aux normes avec nécessite de lever les réserves ;
Considérant que l'expert a constaté le 22 juillet 2011 que la balconnière de la salle de séjour avait été rescellée ; qu'il a noté, le 22 septembre 2011, que la salle de bains avait été refaite à neuf et la VMC installée correctement, la cuisine repeinte, les fenêtres du séjour et du WC remplacées, les travaux de vérification du tableau électrique et de remise en peinture du mur de l'entrée progammés pour une réalisation rapide, le mitron de la cheminée devant être examiné par un couvreur ;
Considérant que l'expert impute le désordre d'humidité et de moisissure essentiellement à l'inversion du branchement de l'aérateur de la douche amenant de l'air frais au lieu d'extraire l'air vicié : qu'il a constaté que les peintures à l'intérieur de l'appartement ayant été refaites, il n'y avait plus de risque d'intoxication au plomb tandis que la remise en état du tableau électrique devait être réalisée ;
Considérant qu'il est établi que M.[Z] présente des pathologies ORL et pulmonaires'; que le fils des époux [Z], asthmatique, souffre d'allergies aux moisissures,aux acariens, aux poussières, aux pollens et à d'autres éléments alimentaires, tels que laitages, oeuf et arachides ;
Considérant que s'il n'est pas démontré que les problèmes de santé de la famille [Z] ont été créés par l'état du logement loué, il n'est pas sérieusement contestable que l'humidité et les moisissures les ont favorisés et qu'il s'en est ensuivi pour tous les occupants un trouble de jouissance manifeste ; que, la SCI Chrysalide, bien qu'elle justifie de la réalisation de certains travaux avant l'entrée dans les lieux des intimés, a manqué, s'agissant de la présence de plomb, à son obligation de délivrer un logement ne présentant pas de danger pour la santé des locataires ; que pour le problème d'humidité dont elle est pour l'essentiel responsable par suite des carences de son entrepreneur, elle ne justifie pas avoir mis en demeure les époux [Z] d'accepter les travaux, ni avoir mis à leur disposition pendant leur durée, une solution convenable de relogement, ni que ceux-ci y auraient fait obstacle ;
Considérant qu'eu égard à la durée et à l'importance du préjudice subi, la cour estime que celui-ci sera justement indemnisé par l'octroi de la somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que la SCI Chrysalide ne justifie d'aucune faute des époux [Z], l'expertise ayant fait apparaître que les désordres n'étaient pas de leur fait pour l'essentiel'; qu'il ne peut en particulier être soutenu que ceux-ci auraient eu pour origine un dégât des eaux en provenance de l'appartement au dessus du leur ; que s'agissant de ce sinistre, les époux [Z] ne sauraient être responsables d'un dégât des eaux qui n'est pas né dans leur appartement ; que l'appelante doit en conséquence être déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Considérant sur l'état des lieux sortant, que la SCI Chrysalide ne peut imputer à ses locataires les traces de moisissures dont la persistance, le 9 janvier 2012, tend à démontrer qu'il n'a pas été mis fin à toutes les causes d'humidité ; que l'existence de cette humidité explique l'état de l'appartement dont se plaint l'appelante après 6 ans d'occupation, de sorte que le dépôt de garantie doit être restitué aux époux [Z] ;
Considérant que la SCI Chrysalide devra verser aux époux [Z] la somme de 1'500'euros pour compenser les frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens et supporter les dépens d'appel avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me Velia Volland, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement en dernier ressort,
- confirme le jugement du 21 décembre 2012 du tribunal d'instance d'Ivry sur Seine sauf sur le montant des dommages et intérêts alloués aux époux [Z] ;
- statuant à nouveau sur ce point, condamne la SCI Chrysalide à payer aux époux [Z] la somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ;
- y ajoutant :
- déboute la SCI Chrysalide de sa demande de dommages et intérêts ;
- la condamne à verser aux époux [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me Velia Volland, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE