RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 7
ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2014
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/04284
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 janvier 2012 par le tribunal de grande instance d'Auxerre - RG n° 11/08
APPELANTE
SCEA [Y], prise en la personne de son gérant, Monsieur [Q] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée et assistée de Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocate au barreau de PARIS, toque : B0604
INTIMÉS
LE DÉPARTEMENT DE L'YONNE, représenté par le Trésorier Payeur Général par intérim
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Me Françoise SARTORIO de la SCP SARTORIO LONQUEUE SAGALOVITSCH & ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0482
Assisté de Me Jonathan AZOGUI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0482
DIRECTION DES SERVICES FISCAUX DE L'YONNE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Madame [U] [O], inspecteur service France Domaine, en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 octobre 2014, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Christian HOURS, président de chambre, spécialement désigné pour présider cette chambre par ordonnance de Monsieur le Premier président de la cour d'appel de PARIS,
Monsieur Claude TERREAUX, conseiller désigné par Monsieur le Premier président de la cour d'appel de PARIS
Monsieur Christian GHIGO, juge de l'expropriation au tribunal de grande instance de PARIS, désigné conformément aux dispositions de l'article L. 13-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
GREFFIÈRE : Madame Amandine CHARRIER, lors des débats et lors du prononcé
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Monsieur Christian HOURS, président et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le Jugement du Juge de l'Expropriation du Département de l'Yonne du 25 janvier 2012, et le procès-verbal de transport sur les lieux y annexé, dont appel ;
Vu la déclaration d'appel du 6 mars 2012 de la SCEA [Y] ;
Vu le mémoire d'appel de la SCEA [Y], exploitant évincé, du 24 avril 2012 ;
Vu le mémoire en réponse du Département de l'Yonne, intimé du 8 juin 2012 ;
Vu le mémoire du Commissaire du Gouvernement, intervenant légal, du 6 juin 2012 ;
Vu le mémoire en réponse du Département de l'Yonne du 5 juillet 2012 ;
Vu le mémoire en réplique du 11 juillet 2014 de la SCEA BEAUREGARD ;
SUR CE
I) Sur la recevabilité des derniers mémoires du Département de l'Yonne et de la SCEA [Y]
Considérant que dans leurs explications initiales, tant l'exploitant évincé que l'expropriant et le Commissaire du Gouvernement faisaient état de l'existence d'un nouveau protocole départemental en cours de négociation et de signature destiné à servir de référence pour fixer à l'amiable les indemnités dues aux exploitants évincés en cas d'opération de travaux publics ; que ce protocole négocié entre les syndicats d'exploitants agricoles et les autorités publiques a été signé le 25 juin 2012, l'ancien protocole pour ce département, qui date de 1980, étant obsolète ;
Considérant qu'il s'agit là d'un fait nouveau justifiant, afin de garantir le respect du contradictoire, que les parties soient autorisées à déposer un nouveau mémoire de nature à ajuster leurs demandes, leurs offres et leur argumentation, et ce d'autant que M. le Commissaire du Gouvernement, déjà au courant des termes du protocole, en avait fait état dans son mémoire pour former appel incident et suggérer une augmentation très sensible des indemnités allouées aux appelants ;
II) Sur les indemnités
Considérant que la Cour, compte-tenu de ce que le protocole ancien date de 1980, soit de plus de 32 ans au jour du jugement entrepris du 25 janvier 2012, considère qu'il convient de prendre en compte le nouveau protocole, plus proche de la réalité de l'évolution de l'évolution de la situation foncière et de l'économie agricoles, du 25 juin 2012 ; que le juge de l'expropriation n'avait pas connaissance de ce nouveau protocole, qui n'était pas signé à la date du jugement entrepris ; que l'argumentation du Département qui tend à faire valoir que le préjudice doit être évalué au jour du jugement entrepris ne saurait empêcher la Cour d'évaluer le préjudice subi par l'exproprié au plus juste et à retenir une indemnisation calculée selon les termes du nouveau protocole, l'ancien n'étant déjà plus représentatif à la date du jugement entrepris ;
Considérant que le juge de l'expropriation n'est pas tenu par les termes du protocole conclu entre les syndicats d'exploitants et les autorités publiques ; que ce document constitue cependant une référence sérieuse dont il n'est pas discuté, sauf cas particulier, qu'il prévoit une indemnisation correcte des exploitants agricoles ;
a) Sur l'indemnité d'éviction
Considérant qu'aux termes du nouveau protocole l'indemnité due est, selon un calcul reprenant la moyenne des cinq dernières années de marge brute en excluant les deux extrêmes, soit en l'espèce de 704 € l'ha, de cinq ans, soit 704 x 5 = 3.520 € ha ;
Considérant que la superficie totale dont l'exploitant est évincé est en l'espèce de 6ha22a35ca ; que l'indemnité est donc de 21.906,72€ ;
Considérant que la SCEA conteste le calcul de la marge à 704€ l'ha faisant valoir qu'en ce qui la concerne, il résulterait de sa comptabilité que sa marge à l'hectare est supérieure ;
Mais considérant, sur le calcul de la marge, que le protocole a été conclu de façon moyenne ; que la SCEA n'établit aucunement que ce seraient précisément les parcelles expropriées qui lui auraient procuré les meilleurs rendements ; qu'elle ne produit aucun élément (étude de sols, etc...) permettant à la Cour de considérer que les parcelles dont elle est évincée avaient une valeur exceptionnelle lui permettant d'en retirer un revenu extraordinaire, ce que les documents comptables produits ne permettent pas de mettre en évidence ; que l'argumentation de l'appelante sera écartée sur ce point ;
Considérant qu'elle fait encore valoir que le nouveau protocole qui retient une marge sur 5 ans est insuffisant et qu'il vaudrait mieux retenir six années ;
Considérant que pareillement elle ne justifie pas en quoi un calcul de l'indemnité sur six années indemniserait plus justement le préjudice subi, sauf à considérer par principe que l'indemnité la plus élevée est la plus juste ;
b) Sur la majoration de l'indemnité pour pression foncière
Considérant qu'il convient également d'appliquer, pour la pression foncière, une majoration de 20% pour les terres situées sur la commune de [Localité 4], soit, pour 3ha22a84ca, 2272,79 € ;
Considérant que la SCEA fait valoir qu'il n'y a pas de raison de considérer que seules les terres de [Localité 4] bénéficient de la majoration de 20% pour pression foncière ;
Considérant que, outre le fait que les zones sont établies à partir de listes d'unités urbaines définies par l'INSEE à la date de signature du protocole à laquelle appartient [Localité 4] mais pas [Localité 2], il convient de relever que les deux communes de [Localité 4] et de [Localité 2] ne sont pas situées pareillement ; que leur égale distance par rapport à [Localité 3] n'est pas le seul élément à prendre en compte ; que la commune de [Localité 2] ne dispose pas des mêmes voies de circulations et réseaux, est plus rurale et ne comporte pas de PLU ; qu'elle n'est soumise qu'au Règlement National d'Urbanisme ; qu'on ne peut les assimiler et qu'il y a lieu de rejeter l'argumentation soulevée sur ce point ;
c) Sur les indemnités pour fumures et arrières-fumures, amendements et façons culturales
Considérant que l'indemnité prévue par le protocole est forfaitairement d'une année de marge brute calculée conformément à l'indemnité d'exploitation ; que cette indemnisation apparaît correcte ; qu'elle est de 704€ /ha, ainsi qu'il l'a été indiqué ci-dessus, soit pour 6ha22a35ca x 704 = 4381,34€ ;
d) Sur les indemnités pour défiguration de parcelles, allongement de parcours et rupture de l'unité d'exploitation
Considérant que compte-tenu de la création de la nouvelle voie, des opérations d'aménagement foncier sont en cours de façon à replacer autant que possible les terres des exploitations qui ont été divisées par la voie du même côté que celui de leur siège d'exploitation; que cette exigence a été à ce jour au moins en partie respectée puisque, pour satisfaire les exploitants, un pont d'accès de l'autre coté de la nouvelle route a été créé ; que cependant, par suite de regroupements et d'échanges, les parcelles de chaque exploitant ont été regroupées de sorte que le pont exigé par les exploitants et construit à travers les champs ne sert à rien ;
Considérant que faute pour la société appelante de justifier à ce jour de parcelles définitivement défigurées, divisées ou de parcours allongé, il convient de dire qu'elle aura droit à l'indemnisation de ces préjudices à charge pour elle d'en justifier ; que le protocole prévoit avec précision les cas d'ouverture à ces droits à indemnisations spécifiques dont il lui appartient de justifier ;
Considérant que compte-tenu des éléments qui précédent, chacune des parties succombant pour partie dans ses prétentions, il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRMANT le jugement entrepris, et statuant à nouveau,
FIXE ainsi qu'il suit les indemnités dues à la SCEA [Y] :
-indemnité d'éviction : 21.906,72€ ;
-indemnité pour pression foncière : 2.272,79€ ;
-indemnité pour fumures, arrières fumures, façon culturale et
amendements : 4.301,34€ ;
DIT que la SCEA [Y] a droit aux indemnités pour défiguration de parcelles, allongement de parcours et rupture d'unité d'exploitation à charge pour elle de justifier de la réalité de ces préjudices ;
REJETTE toutes autres ou plus amples demandes ;
DIT n'y avoir lieu de prononcer de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE le Département de l'Yonne aux entiers dépens, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT