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16/12/2014 | FRANCE | N°12/18548

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 16 décembre 2014, 12/18548


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAIS

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 16 DÉCEMBRE 2014



(n°14/247 , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/18548



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/05487





APPELANTE



SAS DECATHLON FRANCE

Immatriculée au RCS de LILLE sous le N° B 500 569 4

05

Prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

A...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAIS

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 16 DÉCEMBRE 2014

(n°14/247 , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/18548

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/05487

APPELANTE

SAS DECATHLON FRANCE

Immatriculée au RCS de LILLE sous le N° B 500 569 405

Prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Sophie HAVARD DUCLOS de l'Association Laude Esquier Champey, avocat au barreau de PARIS, toque : R144

INTIMÉS

Monsieur [K] [T]

ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société TIME SPORT INTERNATIONAL.

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Alain FISSELIER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assisté de Me Françoise FAURIE, avocat au barreau de BORDEAUX

SAS TIME SPORT INTERNATIONAL

Prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée de Me Françoise FAURIE, avocat au barreau de BORDEAUX

Société DHG KNAUER GMBH

Prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

Mme Nathalie AUROY, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier présent lors du prononcé.

***

Vu le jugement réputé contradictoire rendu le 7 septembre 2012 par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l'appel interjeté le 16 octobre 2012 par la société Décathlon France (ci-après Décathlon),

Vu les dernières conclusions de la société Décathlon transmises le 13 octobre 2014,

Vu les dernières conclusions de la société Time sport international (ci-après Time sport) et Maître [K] [T], commissaire à l'exécution du plan transmises le 14 octobre 2014,

Vu l'absence de conclusions de la société Knauer, régulièrement constituée,

Vu l'ordonnance de clôture du 14 octobre 2014 ;

MOTIFS DE L'ARRÊT

Considérant que la société Time sport a une activité de fabrication d'articles de sport, notamment dans le domaine du vélo et plus particulièrement des casques ; que par jugement du 19 avril 2012, le tribunal de commerce de Vienne lui a accordé le bénéfice d'un plan de sauvegarde d'une durée de dix ans et a désigné Maître [T] en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

Qu'elle est titulaire du brevet européen N° 0 682 885 déposé le 9 mai 1995 et délivré le 25 août 1999 sous priorité du brevet français n° 94 06014 du 10 mai 1994, intitulé 'dispositif de fixation occipitale d'un casque' et comportant 9 revendications ;

Que la société Décathlon est spécialisée dans la distribution d'articles de sport, commercialisés dans des magasins à son enseigne comprenant des rayons spécialisés pour chaque discipline, notamment pour le sport cycliste ;

Que la société Knauer est une société de droit allemand spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de casques de protection pour le sport ;

Qu'estimant que des casques proposés à la vente par la société Décathlon en son établissement de Vouneuil-sous-Biard, dans la région de Poitiers, étaient contrefaisants, la société Time sport a, le 27 janvier 2010, fait procéder à un constat d'huissier de justice dans cet établissement, puis, le 11 mars 2010, dûment autorisée par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 18 février 2010, fait procéder à une saisie-contrefaçon dans ce même établissement, et enfin, par actes du 1er avril 2010, fait assigner la société Décathlon et son fournisseur la société Knauer devant le tribunal de grande instance de Paris, en contrefaçon de la revendication n°1 du brevet EP 0682885 ;

Que Maître [T] est intervenu à la procédure en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

Considérant que par jugement du 7 septembre 2012, le tribunal a, en substance :

donné acte à Maître [T] ès qualités de son intervention,

déclaré irrecevables l'ensemble des moyens soulevés à l'encontre de la société Knauer postérieurement à l'assignation, qui n'ont pas été portés à sa connaissance et qu'elle n'a pas été mise en mesure de débattre contradictoirement,;

débouté la société Décathlon de ses demandes en nullité de la revendication n° 1 du brevet européen n°0 682 885 dont la société Time sport est titulaire,

annulé le procès-verbal de constat d'achat du 27 janvier 2010 et le procès-verbal dactylographié de saisie-contrefaçon du 11 mars 2010,

écarté des débats les procès-verbaux ainsi annulés et toutes les pièces y annexées,

débouté la société Décathlon de sa demande en nullité du procès-verbal manuscrit de la saisie-contrefaçon opérée le 11 mars 2010,

dit qu'en fabriquant, fournissant et commercialisant des modèles de casque KED JOKER et KED MEGGY reproduisant les caractéristiques essentielles de la revendication n°1 du brevet européen n°0 682 885, les sociétés Knauer et Décathlon ont commis des actes de contrefaçon à l'égard de la société Time sport - dit qu'en commercialisant des modèles de casque B'TWIN MIX et B'TWIN URBAN HELMET reproduisant les caractéristiques essentielles de la revendication n°1 du brevet européen n°0 682 885, la société Décathlon a commis des actes de contrefaçon à l'égard de la société Time sport ,

condamné in solidum les sociétés Knauer et Décathlon à payer à la société Time sport la somme de 300 000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice définitif résultant des actes de contrefaçon du fait de la commercialisation des casques KED,

condamné la société Décathlon à payer à la société Time sport la somme de 300 000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice définitif résultant des actes de contrefaçon du fait de la commercialisation des casques B'TWIN,

fait interdiction à la société Decathlon, sous astreinte de 150 € par infraction constatée, de commercialiser tous casques KED ou B'TWIN équipés d'un dispositif contrefaisant,

ordonné sous contrôle de la société Time sport et d'un huissier choisi par elle, la destruction de l'ensemble des stocks de casques B'TWIN MIX, B'TWIN URBAN HELMET, KED JOKER et KED MEGGY au sein de la société Décathlon aux seuls frais de cette dernière, sous astreinte de 300 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de un mois à compter du jour où le jugement sera définitif et dit que ladite astreinte courra pendant un délai de trois mois,

dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes prononcées,

autorisé la publication du jugement dans un journal généraliste et deux journaux professionnels aux frais in solidum des sociétés Knauer et Décathlon, chaque parution ne pouvant excéder la somme de 4 500 € hors taxes,

déclaré irrecevable la demande en garantie formée par la société Décathlon à l'égard de la société Knauer,

avant-dire droit, ordonné une expertise et désigné pour y procéder Mme [F] [S], avec mission de :

déterminer le nombre de casques KED MEGGY, KED JOKER, B'TWIN MIX et B'TWIN URBAN HELMET contrefaisants vendus par la société Décathlon à compter du 1er avril 2007 jusqu'à ce jour,

rechercher le chiffre d'affaires réalisé par chacune des sociétés Knauer et Décathlon à travers la fabrication, la fourniture et la vente des objets contrefaisants commercialisés dans les magasins Décathlon en France, l'étendue et la valeur du stock, et déterminer les bénéfices qu'elles ont réalisés,

donner un avis sur l'étendue de l'atteinte portée au développement de la société Time sport en termes de clientèle, de chiffre d'affaires et de bénéfice et sur les pertes subies en termes d'investissement et de positionnement commercial,

rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties,

fixé à la somme de 10 000 € la provision concernant les frais d'expertise qui devra être consignée par la société Time sport ,

condamné in solidum les sociétés Knauer et Décathlon aux entiers dépens de l'instance, qui pourront être directement recouvrés par Maître Damien Regnier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;

condamné la société Décathlon à payer à la société Time sport la somme de 50 000 €, in solidum avec la société Knauer à hauteur de 10 000 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en ce compris les mesures d'interdiction mais à l'exception des mesures de destruction et de publication judiciaire ;

I - Sur la validité du brevet européen n° 0682885 :

Le domaine technique de l'invention :

Considérant que l'invention du brevet contesté est intitulée 'Dispositif de fixation occipitale d'un casque' ;

Considérant que l'état de la technique antérieur y est décrit comme constitué de casques présentant des sangles latérales en forme de V, l'une des branches de ce V étant disposée en amont du point de basculement avant/arrière du casque et l'autre étant disposée en aval de façon à réduire l'effet de basculement, cet agencement apparaissant insuffisant pour offrir toute la sécurité nécessaire ;

Considérant que l'invention se propose de limiter les déplacements avant/arrière du casque ;

La solution préconisée par l'invention :

Considérant que pour parvenir à l'invention, le brevet préconise un mode de réalisation préférentiel comprenant, à l'arrière du casque, un logement prévu pour recevoir la platine articulée, comportant une première pièce solidaire du casque (un axe) et une seconde pièce articulée par rapport à la première avec des moyens de liaison d'un patin d'appui occipital et au moins une sangle occipitale solidaire de la seconde pièce ;

Que des perfectionnements du dispositif sont envisagés ainsi qu'une variante de réalisation, dans laquelle la platine comprend une sangle courte, solidaire de la coque par une de ses extrémités, l'autre extrémité portant une boucle prévue pour recevoir la sangle occipitale ; un patin d'appui occipital libre coulisse sur ladite sangle occipitale, de part et d'autre de la boucle de la sangle courte ; la première pièce peut y être supprimée ;

Que les figures 1 et 4 illustrent le premier mode de réalisation et la figure 5, la variation proposée dans la description ;

Considérant que le brevet se compose de neuf revendications, dont seule la revendication n°1 est opposée ; qu'elle se lit comme suit :

"Dispositif de fixation occipitale réglable d'un casque, notamment d'un casque (Ï0) de cycliste et plus particulièrement d'un adepte du vélo tout terrain, comprenant une coque (12) prévue pour s'adapter sur le crâne du cycliste et des sangles (14) solidaires des parois latérales de cette coque et reliées de chaque côté en un point unique équipé d'un moyen de liaison amovible (16) à accrochage et décrochage rapides, comprenant une platine (20), solidaire et articulée par rapport au bord arrière de la coque (12) du casque (10), un patin d'appui occipital (28,280,380) et au moins une sangle occipitale (30), solidaire de ce patin d'appui occipital et de la platine, la sangle occipitale (30) est liée aux sangles latérales (14) et au moyen de liaison amovible à accrochage et décrochage rapides (16) de manière que lors de l'encliquetage du moyen de liaison amovible (16), la sangle occipitale assure une traction sur le patin occipital qui se trouve plaqué contre la partie occipitale basse sous l'occiput sans aucune possibilité de retrait" ;

Qu'à la lecture de la revendication 1 et de la description du brevet, il apparaît que les caractéristiques techniques dont la combinaison spécifique constitue l'innovation technique sont : une platine solidaire et articulée par rapport au bord arrière de la coque, un patin d'appui occipital et au moins une sangle occipitale solidaire à la fois du patin et de la platine, et liée aux sangles latérales et au moyen de liaison amovible à accrochage et décrochage rapides ;

L'homme du métier

Considérant que l'homme du métier est en l'espèce un fabricant de casque spécialiste des fixations pour casque ;

Considérant que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la revendication n°1 pour insuffisance de description ; qu'il doit en conséquence être confirmé de ce chef ;

- sur le bénéfice de la priorité du brevet français

Considérant que la société Décathlon demande à la cour de juger que la revendication n°1 du brevet EP 0 682 885 ne peut bénéficier de la date de priorité de la demande française FR 94 06 014 du 10 mai 1994 en raison d'une absence d'identité d'invention ; qu'elle prétend que le périmètre de cette revendication aurait été élargi par l'omission de caractéristiques incluses dans la partie caractérisante de la revendication n°1 du document de priorité, soit :

* le logement, devenu optionnel,

* la première pièce solidaire du casque, supprimée dans le nouveau mode de réalisation de la figure 5,

* les moyens de liaison de la platine avec le patin d'appui occipital,

et ce, dans le but de couvrir de nouveaux modes de réalisation et de revendiquer de nouvelles structures de casques ; qu'elle observe que les caractéristiques omises ont été déplacées dans la revendication n°2 du brevet européen, que la revendication n°9 du brevet européen vise à protéger le mode de réalisation de la figure 5 et que ces deux revendications sont rattachées directement à la revendication n°1 ; qu'elle prétend que l'absence d'identité d'invention est par ailleurs confirmée par la poursuite des effets du brevet français après la fin de la procédure d'opposition du brevet européen ;

Qu'en réponse, la société Time sport soutient que c'est à bon droit que le tribunal a retenu l'existence de la priorité française en faveur du brevet européen, en relevant que dans les deux brevets, la protection porte sur les mêmes éléments, à savoir une platine solidaire du casque et articulée, un patin d'appui occipital et au moins une sangle occipitale solidaire de la platine, avec les mêmes fonctions et en vue du même résultat technique ; qu'elle fait valoir que ni le logement, ni la forme particulière de la platine ne constituent des éléments caractéristiques de l'invention, de sorte qu'il est indifférent qu'ils aient été reportés dans la revendication n°2 ; qu'elle observe qu'au demeurant, la figure 5 fait apparaître un logement et une platine articulée, comportant une première pièce solidaire du casque et une deuxième pièce articulée par rapport à la première, la seule différence résidant dans le remplacement de la pièce ; qu'elle relève que la liaison de la sangle occipitale avec le patin et la platine est parfaitement mentionnée ; qu'elle ajoute que la reconnaissance par la société Time Sport de l'absence d'identité d'invention entre les deux titres ne peut être déduite du maintien des effets du brevet français ;

Considérant, ceci exposé, qu'en vertu de l'article 87 de la Convention sur la délivrance de brevets européen, dite Convention de Munich (CBE) une demande de brevet ne peut bénéficier de la priorité d'une demande antérieure que si celle-ci porte

sur la même invention, c'est-à-dire si l'homme du métier peut, en faisant appel à ses connaissances générales, déduire directement et sans ambiguïté l'objet de cette revendication de la demande antérieure considérée dans son ensemble ;

Considérant que par jugement du 23 novembre 1999, confirmé par arrêt du 18 octobre 2004, le tribunal de grande instance de Bordeaux a notamment déclaré nulle pour défaut de nouveauté la revendication n°1 du brevet français n° 94 06014 du 10 mai 1994 rédigée comme suit :

'Dispositif de fixation occipitale réglable d'un casque, notamment d'un casque (10) de cycliste et plus particulièrement d'un adepte de vélo tout terrain, comprenant une coque (12) prévue pour s'adapter sur le crâne du cycliste, et des sangles (14) solidaires des parois latérales de cette coque et reliées de chaque côté en un point unique équipé d'un moyen de liaison amovible (16) à accrochage et décrochage rapides, caractérisé en ce qu'il comprend, à l'arrière du casque, un logement (18) prévu pour recevoir une platine (20) articulée, comportant une première pièce (24) solidaire du casque, une seconde pièce (22) articulée par rapport à la première avec des moyens de liaison (26) d'un patin d'appui occipital (28) et au moins une sangle occipitale (30) solidaire de la seconde pièce.' ; qu'il a toutefois déclaré valable la revendication n°9 de ce brevet, rédigée comme suit :

'Dispositif de fixation occipitale réglable selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que la sangle occipitale (30) est liée aux sangles latérales (14) et au moyen de liaison amovible à accrochage et décrochage rapide (16)' dans sa combinaison avec la revendication n°1, de sorte que, ces dispositions n'ayant pas été atteintes par l'arrêt de cassation partielle du 31 octobre 2006 (pourvoi n°05-11.149), il en ressort que le brevet français a été jugé valable dans la forme limitée (non inscrite au Registre national des Brevets) combinant les deux revendications ;

Considérant que la revendication n°1 du brevet européen reproduit pour l'essentiel les revendications n°1 et 9 du brevet français, en y ajoutant la précision suivante ' de manière que lors de l'encliquetage du moyen de liaison amovible (16), la sangle occipitale assure une traction sur le patin occipital qui se trouve plaqué contre la partie occipitale basse sous l'occiput sans aucune possibilité de retrait' ;

Que devant la cour, la société Décathlon ne reprend pas son argumentation selon laquelle cet ajout de la phrase finale ajouterait une caractéristique qui priverait le brevet de sa priorité ;

Considérant qu'il ne peut être déduit de l'absence de mention du logement et de la première pièce de la platine, solidaire du casque, dans la revendication n°1 du brevet européen, un élargissement de la protection, dès lors que la variante de réalisation sus-décrite, qui, du fait de la constitution de la seconde pièce de la platine en une sangle courte, ne nécessite pas la présence de ces caractéristiques, pouvait à l'évidence être envisagée par l'homme du métier, sans effort technique, à la lecture du brevet français ; qu'en outre, le mode de réalisation préférentiel mentionnant ces caractéristiques, comme la variante de réalisation, sont énoncés dans le préambule, avant d'être repris respectivement dans les revendications n°2 et 9, dépendantes de la revendication n°1 ;

Que, contrairement aux allégations de l'appelante, la revendication n°1 du brevet européen prévoit comme le brevet français les moyens de liaison de la platine avec le patin d'appui occipital, lesquels peuvent s'entendre non seulement comme leur rattachement en un unique bloc monolithique, mais comme leur liaison au moyen de la sangle occipitale ;

Considérant que le maintien des effets du brevet français par la société Time Sport à l'issue de la procédure d'opposition du brevet européen ne saurait valoir reconnaissance sans équivoque de l'absence d'identité d'invention entre les deux titres ;

Considérant qu'en conséquence, il y a lieu d'approuver le tribunal d'avoir retenu que l'invention était bien divulguée sans ambiguïté et avec toutes ses caractéristiques essentielles dans la demande de brevet français du 10 mai 1994, qui recouvre la même invention que le brevet européen et en constitue la priorité ;

- Sur la demande de nullité pour défaut de nouveauté :

Considérant que l'article L 614-12 du code de la propriété intellectuelle dispose que la nullité d'un brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138 paragraphe 1 de la CBE ;

Que ce dernier article dispose que sous réserve des dispositions de l'article 139 le brevet européen ne peut être déclaré nul, en vertu de la législation d'un Etat contractant avec effet sur le territoire de cet Etat que : a) si l'objet du brevet européen n'est pas brevetable aux termes des articles 52 à 57 ;

Que l'article 54 indique que une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique et que l'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen, par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen ;

que ces dispositions sont reprises par l'article L611-11 du code de la propriété intellectuelle ;

Que pour porter atteinte à la nouveauté du brevet, l'antériorité doit divulguer les éléments constitutifs de l'invention dans la même forme, le même agencement, la même fonction en vue du même résultat technique de sorte que l'homme du métier puisse par cette divulgation reproduire l'invention ;

Considérant que la société Décathlon n'invoque plus devant la cour, au titre de l'absence de nouveauté, les antériorités qu'auraient constitué les casques Tatoo, Römer et Vetta ;

Considérant que la nouveauté de l'invention devant s'apprécier à la date de priorité du brevet européen, soit le 10 mai 1994, il y a lieu d'approuver le tribunal qui a retenu que la société Décathlon ne pouvait se prévaloir de l'antériorité constituée par le casque Extrême Folium de la société Time sport , divulgué en mars 1995, pour combattre la nouveauté du brevet attaqué ;

Qu'il doit en être de même pour le casque Avenir VSR, nouvellement invoqué comme antériorité en cause d'appel, prétendument divulgué 'avant le mois de mars 1995" ; qu'en effet, la partie non traduite de l'article en anglais de la revue Shoptalk daté de l'hiver 1994 produit par l'appelante ne peut qu'être écartée ; que sa partie traduite, dans une version non contestée, réduite à un court extrait se bornant à évoquer un système breveté de stabilisation arrière en cours de délivrance, 'qui est le plus simple, le plus léger et le plus efficace des systèmes de stabilisation du marché' , ne constitue pas une divulgation utile du casque ;

Que s'agissant du casque Avalanche de la société Bell, également nouvellement invoqué comme antériorité en cause d'appel par la société Décathlon, les parties sont opposées en fait sur sa date de divulgation ; que l'appelante la situe en 1993, alors que la société Time sport soutient qu'il n'est pas démontré son antériorité au 10 mai 1994 ;  que les pièces produites par la société Décathlon à l'appui de ses allégations ne permettent pas de lui donner date certaine ; qu'en effet, celle-ci ne saurait résulter d'une attestation sur l'honneur du directeur des affaires de la société Bell et d'une simple photographie produite par lui, établies pour le compte de sa propre société à l'occasion d'une action en nullité engagée contre la société Time Sport en Allemagne, laquelle s'est terminée par une transaction ; que la seule description sommaire faite du casque dans un article de la revue 'Vélo Tonic'd'août-septembre 1993, qui le présente comme le 'seul casque du marché à comporter un ajustement par membrane gonflable' ne peut, en tant que telle, constituer une divulgation utile, ni démontrer d'une mise effective sur le marché du casque à cette date, pas plus que les annonces commerciales ne faisant que mentionner le prix de vente des casques, alors que la société Décathlon reconnaît elle-même dans ses écritures que l'article du magazine Bicycling de novembre 1993 ne fait qu'annoncer 'la sortie prochaine de la nouvelle gamme Pro de Bell' ; que, dans ces conditions, la production d'une boîte d'emballage du casque Bell Avalanche portant mention d'un copyright de 1993 n'assure pas une mise effective sur le marché à la même date, étant observé que l'exemplaire du casque versé aux débats porte, lui, la date de 1995 ;

Considérant qu'en conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société Décathlon de sa demande en nullité du brevet européen pour défaut de nouveauté ;

- Sur la demande de nullité pour défaut d'activité inventive :

Considérant que selon l'article 56 de la CBE, dont les dispositions sont reprises par l'article L611-14 du code de la propriété intellectuelle, 'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique' ;

Considérant que la société Décathlon ne reprend plus devant la cour les antériorités invoquées en première instance au titre du défaut d'activité inventive, à l'exception du casque Mickel, mais dans sa combinaison avec le casque Bell Avalanche ; qu'ayant échoué à établir la date de divulgation de ce dernier casque, elle n'est pas fondée à l'invoquer comme antériorité au titre du défaut d'activité inventive, que ce soit dans sa combinaison avec le casque Mickel ou dans sa combinaison avec le Casque Terramoto de la société Giro ;

Considérant que la société Décathlon invoque nouvellement en cause d'appel l'antériorité du casque Terramoto de la société Giro, en ce qu'il est équipé du système 'Roc Loc', consistant selon elle en un système de maintien occipital pour casque VTT, muni d'un patin d'appui, créé en 1993 ;

Que la société intimée soutient que son antériorité au 10 mai 1994 n'est pas démontrée ;

Considérant, toutefois, qu'outre un communiqué de presse de la société Giro daté du 1er février 1994, annonçant le début de la distribution en janvier 1994 du casque Terramoto, présenté comme comportant 'le système de maintien révolutionnaire Rod, destiné 'à résoudre le problème de l'instabilité causé par le fait de faire du vélo sur des terrains rugueux', en fournissant 'un point de contact additionnel avec l'occiput (arrière) de la tête empêchant les balancements indésirables du casque', et plusieurs articles de presse y faisant référence, tous antérieurs au 10 mai 1994 , la société Décathlon produit des factures de vente de casques Terramoto datées de janvier 1994, dont il résulte indubitablement que ce casque a été divulgué au plus tard à cette dernière date ;

Considérant que, sur le défaut d'activité inventive, la société Décathlon soutient que le casque Terramoto comporte un dispositif de fixation occipitale permettant un assujettissement parfait et que le système Roc Loc qu'il comporte est en tout point identique au dispositif du casque b'Twin argué de contrefaçon, à ceci prêt que les sangles arrières ne traversent pas le patin en plastique noire, cette différence n'impliquant aucune activité inventive ;

Que la société Time sport, qui souligne qu'elle a elle-même cité le brevet US Giro dont est issu le casque Terramoto publié le 19 janvier 1995 sous le n° WO 95/01739 dans le cadre de l'étude de la demande européeenne de brevet, soutient que celui-ci ne comporte pas les caractéristiques essentielles de la revendication n°1 du brevet européen, qu'il résout un problème d'ajustement plus précis sur la tête et, qu'étant dépourvu de sangle occipitale solidaire à la fois de la coque et d'un patin d'appui occipital et de patin d'appui, ne constitue pas un dispositif de fixation occipitale assurant comme l'invention un assujettissement parfait du casque ;

Considérant, ceci exposé, que s'il résulte des différents articles produits par l'appelante, ainsi que du brevet US Giro précité, que le casque Terramoto a été conçu, comme l'invention, aux fins de limiter les déplacements avant/arrière du casque, le résultat recherché est un ajustement plus précis sur la tête de l'utilisateur à la taille de laquelle il doit s'adapter, alors que le résultat recherché par l'invention réside en un véritable assujetissement ou fixation du casque sur la tête du porteur ; que le système Rod Loc que comporte le casque Terramoto, consistant en un élément flexible articulé partant vers le bas de l'arrière du casque et venant au contact de la tête de l'utilisateur au-dessous de la région occipitale - la pression s'exerçant au moyen d'une sangle élastique tendue transversalement à l'arrière de cet élément, d'un côté à l'autre du casque -, tend essentiellement à l'ajustement du casque ; qu'à supposer même que l'on puisse décomposer cet élément en une partie haute, qui serait dénommée platine, et une partie basse, dénommée patin d'appui occipital, il y manque une caractéristique essentielle de l'invention, tenant en la sangle occipitale, solidaire du patin d'appui d'occipital et de la platine, liée aux sangles latérales au moyen de liaison amovible à accrochage et décrochage rapide, assurant sa fixation ; qu'il y a lieu de souligner que c'est sur la base de cette combinaison que le brevet français a été jugé valable ; qu'à cet égard, le casque Terramoto correspond à l'état de la technique antérieur décrit dans le Brevet européen litigieux, dont il peut être rappelé qu'il est 'constitué de casques présentant des sangles latérales en forme de V, l'une des branches de ce V étant disposée en amont du point de basculement avant/arrière du casque et l'autre étant disposée en aval de façon à réduire l'effet de basculement, cet agencement apparaissant insuffisant pour offrir toute la sécurité nécessaire' ;

Qu'il ressort de ce qui précède que l'état de la technique antérieur n'enseignait pas la principale caractéristique essentielle de l'invention et qu'il n'était pas évident pour l'homme du métier - dont il peut également être rappelé qu'il est en l'espèce un fabricant de casque spécialiste des fixations pour casque - de résoudre le problème qui lui était soumis, en vue d'un résultat précis, sans faire oeuvre inventive ;

Qu'il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande en nullité du brevet européen pour défaut d'activité inventive ;

II - Sur la contrefaçon :

- Sur la validité du procès-verbal de constat d'achat du 27 janvier 2010 :

Considérant que la société Décathlon prétend que ce procès-verbal de constat d'huissier doit être annulé dès lors qu'il a été établi de manière déloyale et qu'il constitue une saisie-contrefaçon déguisée ;

Que la société Time sport répond qu'aucun texte ne prévoit les nullités invoquées par l'appelante, qui n'établit aucun grief ;

Considérant qu'aux termes de l'article L615-5, alinéa 1 du cpi, 'La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens' ;

Que l'article 1er de l'ordonnance n° 45 -2592 du 2 novembre 1945 énonce que 'les huissiers peuvent être commis par justice pour effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ; ils peuvent également procéder à des constatations de même nature à la requête de particuliers ;dans l'un et l'autre cas , ces constatations n'ont valeur que de simples renseignements' ;

Que selon l'article L615-5, alinéa 2 du cpi, ' A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant (...)' ;

Considérant qu'il ressort de la lecture du procès-verbal de constat du 27 janvier 2010, que l'huissier de justice s'est rendu devant le magasin de Vouneil-sous-Biard et a constaté l'achat par une personne mandatée par la société requérante de :

' UN CASQUE BTWIN M1X GRIS GRANDE T, référence 592504, prix

TTC 13 euros - photos 1 et 2

UN CASQUE POUR ENFANT KED MEGGY, référence 952756, prix

TTC 19,90 euros - photos 3 et 4", les factures et les photographies étant annexées ; que ces mentions permettent d'attester de ce que l'huissier est bien resté à l'extérieur du magasin et de la réalité de l'achat opéré par une personne tiers suffisamment identifiée ; qu'étant resté étranger à l'acte d'achat et ayant recueilli à son issue la preuve de sa réalisation sans avoir eu recours à une mesure de contrainte sur la personne du distributeur, le tribunal a justement retenu qu'il ne pouvait lui être reproché à cet égard de comportement déloyal ;

Qu'en revanche, il est manifeste qu'en décrivant les casques achetés à la fin du procès-verbal comme étant 'composés des pièces ci-après :

une coque,

des sangles solidaires des parois latérales et reliées de chaque côté en un point unique équipé d'un moyen de liaison amovible à accrochage et décrochage rapides (clips),

un patin d'appui occipital avec une sangle occipitale solidaire du patin", soit en se focalisant sur le dispositif de fixation, tout en reprenant les termes exacts des éléments essentiels de la revendication n°1 du brevet européen de la société Time sport, l'huissier a, excédant les limites de sa mission, procédé à une description technique détaillée d'un produit susceptible de contrefaire le dit brevet et ce, sans respecter les règles strictes édictées par l'article L615-5, alinéa 2, du cpi, lesquelles imposent une autorisation préalable du juge, de sorte qu'en vertu de ce texte, celle-ci doit être annulée ;

Que toutefois, cette irrégularité n'affectant pas le reste du procès-verbal, il convient, infirmant le jugement de ce chef, de n'en prononcer que l'annulation partielle, limitée à la description détaillée ;

- Sur la validité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon du 11 mars 2010 :

Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a annulé le second procès-verbal de saisie-contrefaçon du 11 mars 2010 établi non-contradictoirement, avec la description technique des objets saisis et des photographies, en l'étude de l'huissier de justice, et débouté la société Décathlon de sa demande en nullité du premier procès-verbal de la saisie-contrefaçon du 11 mars 2010, rédigé en présence de la directrice adjoint du magasin Décathlon et lui ayant été régulièrement signifié ; qu'il y a seulement lieu d'ajouter que l'absence de concordance entre le nombre de casques achetés (quatre) et le prix global acquitté par l'huissier de justice (131,20 €) qui y sont mentionnés peut, en l'absence de pièces annexées, être aisément démontrée par la société Décathlon, de sorte que celle-ci ne justifie pas d'un grief provenant de cette irrégularité matérielle ;

- sur le fond :

Considérant qu'outre la partie reconnue valide du procès-verbal de constat d'achat du

27 janvier 2010 et le premier procès-verbal de saisie-contrefaçon du 11 mars 2010, la réalité de la commercialisation par la société Décathlon de casques KED, conçus et fournis par la société Knauer, et B'TWIN, est avérée par la reconnaissance qu'en a fait la société Décathlon elle-même au cours des opérations d'expertise ;

* sur la contrefaçon alléguée des casques KED :

Considérant que les parties sont opposées en fait sur la présence (société Time sport), reconnue par le tribunal, ou l'absence (société Décathlon) dans les casques KED des caractéristiques suivantes de la revendication n°1 du brevet européen :

une platine solidaire et articulée,

une sangle occipitale,

une sangle occipitale liée aux sangles latérales,

de manière que lors de l'encliquetage, il s'opère une traction sur le patin qui se trouve plaqué sur l'occiput et au moyen de liaison amovible à accrochage et décrochage rapides ;

Que, contrairement à ce que soutient la société Décathlon, seules les trois premières caractéristiques sont comprises dans les caractéristiques essentielles de la revendication n°1, la quatrième constituant en réalité une simple description du résultat obtenu par la mise en oeuvre de l'invention ;

Considérant que, comme l'a relevé le tribunal et contrairement aux assertions de la société Décathlon, pour s'en tenir aux ressemblances, l'examen visuel des casques laisse apparaître deux courtes sangles partant du sommet de la partie intérieure arrière du casque, passant dans deux fentes ménagées de part et d'autre d'un patin d'appui occipital, dont la présence n'est pas discutée par la société Décathlon et constitué d'une pièce de plastique noire à l'arrière de laquelle a été aménagée un passage par lequel sont introduites les sangles occipitales au sens du brevet, lesquelles rejoignent les sangles latérales en un point unique ;

Que les deux courtes sangles sont solidaires de la partie arrière de la coque, sont articulées par rapport à leur point unique de fixation à la coque et sont solidaires du patin d'appui occipital ; qu'elles remplissent donc la fonction de platine au sens de la revendication précitée dès lors qu'elles assurent la liaison de l'ensemble formé par le patin et la sangle occipitale au sommet de la coque, se rapprochant ainsi du mode de réalisation présenté en variante prévoyant que la platine peut revêtir la forme d'une sangle courte, et permettent en outre, du fait de leur articulation, le pivotement du patin d'appui dans les deux sens ; qu'il y a lieu d'observer que la description du brevet prévoit que la platine peut avoir plusieurs formes, les deux modes de réalisation proposés n'étant pas exclusifs ;

Qu'enfin, après manipulation du casque argué de contrefaçon, la cour observe, comme le tribunal, et contrairement aux assertions de la société Décathlon, que le casque KED ne comprend pas une ceinture crânienne mais simplement un mécanisme d'ajustement de la taille du casque au plus près de la tête du porteur, grâce au réglage du positionnement du patin par une molette, qui agit sur une pièce rigide poussant le patin ; que ce mécanisme, insuffisant pour assurer la fixation sécurisée du casque sur la tête du porteur, est indépendant du dispositif de fixation qui assure seul, grâce à l'encliquetage, le maintien du patin d'appui contre la partie basse de l'occiput sans possibilité de retrait en cas de choc ; que ces observations sont confirmées par la notice d'utilisation du casque qui prescrit en 'opération 1" 'L'adaptation optimale du casque. Le casque est correctement posé si le bandeau fixe le casque de manière ferme mais confortable' et le'Réglage. Le bandeau peut être réglée à la taille correcte à l'aide du bouton (...)' et rappelle en 'opération 4" que ce réglage relève de l'ajustement, tandis que seul le réglage des sangles de manière optimale permet d'empêcher le déplacement du casque vers l'avant ou vers l'arrière ; qu'elles ne sont contredites ni par les vidéos produites de part et d'autre, dont les résultats apparemment opposés sont à relativiser au regard de leurs conditions de réalisation non contradictoires et surtout non similaires (position de la tête, force du choc...), ni par l'argument non étayé de la société Décathlon tiré de ce que depuis le jugement, elle a mis sur le marché des casques comprenant les mêmes caractéristiques que les casques KED, à l'exception de la portion arrière des sangles latérales qui ne passent plus au travers du patin d'appui ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que s'agissant des casques KED, l'insertion d'un tour de tête réglable par une molette extérieure aux fins d'adapter la coque à la tête du porteur constitue seulement une amélioration du dispositif breveté ;

Que les éléments constitutifs de l'invention de la société Time sport étant reproduits à l'identique dans les casques KED en vue du même résultat, il y a lieu d'approuver le tribunal d'avoir retenu que la contrefaçon est par conséquent avérée et que la société Décathlon en qualité de revendeur averti ainsi que la société Knauer en sa qualité de fabricant et fournisseur des casques KED, ont engagé leur responsabilité de ce chef à l'égard du propriétaire du brevet ; que le jugement doit être confirmé de ces chefs ;

* sur la contrefaçon alléguée des casques B'TWIN :

Considérant que les parties sont opposées en fait sur la présence (société Time sport), reconnue par le tribunal, ou l'absence (société Décathlon) dans les casques B'TWIN des caractéristiques suivantes de la revendication n°1 du brevet européen :

une sangle occipitale,

une sangle occipitale liée aux sangles latérales,

de manière que lors de l'encliquetage, il s'opère une traction sur le patin qui se trouve plaqué sur l'occiput et au moyen de liaison amovible à accrochage et décrochage rapides,

la présence d'une platine solidaire et articulée n'étant plus contestée en cause d'appel par la société Décathlon ; 

Considérant que, pour s'en tenir aux ressemblances, l'examen visuel des casques B'TWIN laisse apparaître une coque prévue pour s'adapter sur le crâne des cyclistes, des sangles solidaires des parois latérales, reliées de chaque côté en un point unique équipé d'un moyen de liaison amovible à accrochage et décrochage rapides, ainsi qu'une pièce en plastique thermoformée, partant de l'arrière du casque, composée d'une première partie étroite accrochée à la coque, qui est articulée et remplit la fonction de la platine définie par le brevet et qui se prolonge en une forme épousant celle du crâne du cycliste, correspondant au patin d'appui occipital, sur la présence duquel les parties s'accordent également ;

Que si les sangles sont en forme de V, leur agencement ne correspond pas, contrairement à ce que soutient la société Décathlon, à l'agencement classique relevant de l'art antérieur, dès lors que la sangle arrière, attachée au bord supérieur arrière de la coque, traverse les deux fentes du patin d'appui occipital, solidaire de la platine, reliée aux sangles avant en un point unique et au moyen de fermeture du casque, constituant ainsi une sangle occipitale au sens du brevet européen ;

Qu'après manipulation du casque argué de contrefaçon, la cour observe, comme le tribunal, et contrairement aux assertions de la société Décathlon, que la bande élastique située à l'arrière du casque, solidaire du patin d'appui occipital et de la coque ne constitue pas une sangle occipitale mais un moyen d'ajuster le casque à la taille du crâne du porteur ; que cette bande est indépendante du système de fixation qui assure seul, grâce à l'encliquetage, le maintien du patin d'appui contre la partie basse de l'occiput sans possibilité de retrait en cas de choc ; que ces observations sont confirmées par la notice d'utilisation du casque qui renvoie, pour l'ajustement du casque, à divers systèmes de réglage du tour de tête, et précise que 'le casque ne doit pas pouvoir s'enlever lorsque le système de fermeture est bouclé' ; qu'elles ne sont contredites ni par les vidéos produites, pour les raisons sus-exposées, ni par la l'assimilation du système de la bande élastique arrière mis en place avec le système Roc Loc du casque Terramoto, dont il a été vu qu'il tendait essentiellement à l'ajustement du casque, ni par l'argument de la société Décathlon tiré de ce que depuis le jugement, elle a mis sur le marché les casques Gavroche 3 les mêmes caractéristiques que les casques B'TWIN, à l'exception de la portion arrière des sangles latérales qui ne passent plus au travers du patin d'appui, pour lesquels il n'est fourni aucune notice d'utilisation ;

Que le casque B'TWIN commercialisé par la société Décathlon reproduisant l'ensemble des caractéristiques de la revendication n°1 du brevet européen, il y a lieu d'approuver le tribunal d'avoir retenu que le grief de contrefaçon est caractérisé à son encontre ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

III - Sur les mesures de réparation et la mesure d'expertise :

Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal condamné in solidum les sociétés Knauer et Décathlon à payer à la société Time sport la somme de 300 000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice définitif résultant des actes de contrefaçon du fait de la commercialisation des casques KED et a condamné la société Décathlon à payer à la société Time sport la somme de 300 000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice définitif résultant des actes de contrefaçon du fait de la commercialisation des casques B'TWIN, ordonné une mesure d'expertise et fait droit à titre de mesures complémentaires aux demandes de destruction, d'interdiction et de publication judiciaire dans les termes précisés au dispositif du jugement ; que ce dernier doit être confirmé de ces chefs ;

Qu'il n'y a pas lieu en effet, au regard de l'importance des sommes déjà allouées, d'accueillir la demande de la société Time sport tendant à voir porter à la somme de 3 000 000 € le montant de la provision allouée sur la base des éléments produits lors des opérations d'expertise, lesquelles sont encore en cours, la note aux parties de l'expert ne revêtant pas de caractère définitif ; qu'il n'y a pas lieu non plus d'accueillir sa demande tendant à voir juger que l'expert désigné devra étendre ses investigations à la recherche du nombre de casques KED MEGGY et KED JOKER vendus par la société Knauer sur l'ensemble du territoire français à compter du 1er avril 2007 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir et à la recherche du chiffre d'affaires réalisé par la société Knauer à travers la fabrication, la fourniture et la vente des objets contrefaisants commercialisés sur l'ensemble du territoire Français, ainsi que celle tendant à voir interdire à la société Knauer la commercialisation des casques KED, dès lors que la présente instance ne concerne que les actes de contrefaçon commis par cette société en tant que fournisseur des casques KED à la société Décathlon ;.

Considérant que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en garantie formée par la société Décathlon à l'égard de la société Knauer, laquelle fait l'objet d'une instance parallèle ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

IV - Sur la demande reconventionnelle de la société Décathlon

Considérant que la société Décathlon succombant dans ses demandes, il convient de rejeter sa demande tendant à voir condamner la société Time sport à lui restituer l'intégralité des sommes versées en exécution du jugement et à lui payer la somme de 40 000 € en réparation du préjudice subi du fait de cette exécution ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a annulé le procès-verbal de constat d'achat du 27 janvier 2010 et écarté des débats le procès-verbal ainsi annulé et toutes les pièces y annexées,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Annule partiellement le procès-verbal de constat d'achat du 27 janvier 2010 dans sa partie contenant la description détaillée des produits achetés,

Ecarte des débats la partie du procès-verbal ainsi annulée,

Rejette les autres demandes de la société Time sport,

Rejette la demande reconventionnelle de la société Décathlon,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Décathlon, et la condamne à payer à la société Time sport la somme de 50 000 €, rejette la demande de la société Time sport à l'encontre de la société Knauer,

Condamne la société Décathlon aux dépens d'appel,

Accorde à la SCP Fisselier et associés le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 12/18548
Date de la décision : 16/12/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°12/18548 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-16;12.18548 ?
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