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16/12/2014 | FRANCE | N°12/07310

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 16 décembre 2014, 12/07310


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 16 Décembre 2014



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07310



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juillet 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUXERRE RG n° 11/00277





APPELANTE

SAS ATELIER MECANIQUE LOCAL - AML

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Patricia

NOGARET, avocat au barreau d'AUXERRE,

En présence de M. [N] [Q] (Président)







INTIME

Monsieur [K] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne,

assisté de M. [J] [G] (...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 16 Décembre 2014

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07310

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juillet 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUXERRE RG n° 11/00277

APPELANTE

SAS ATELIER MECANIQUE LOCAL - AML

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Patricia NOGARET, avocat au barreau d'AUXERRE,

En présence de M. [N] [Q] (Président)

INTIME

Monsieur [K] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne,

assisté de M. [J] [G] (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Christine ROSTAND, Présidente

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Monsieur [K] [U] a été embauché le 26 mai 1997 en qualité de fraiseur par contrat à durée déterminée qui se transformera en contrat à durée indéterminée sur la base d'une durée hebdomadaire de travail de 39 heures. Le 27 juillet 2011, il adresse un courrier à son employeur dans les termes suivants :

'...A l'origine, nous avons eu ensemble de nombreuses discussions qui n'ont malheureusement pas abouti, environ 12 fois l'an. Mon seul regret est de ne vous avoir pas écrit avant. Je pense avoir fait preuve depuis des années de bonne volonté. J'ai effectué des heures sans qu'elles ne me soient payées. J'ai fait preuve de beaucoup de patience aussi. C'est ma conscience professionnelle qui m'a poussé à agir ainsi.

Le litige, vous le savez et ne pouvez le nier, porte sur le non paiement des heures supplémentaires que vous m'avez imposé d'exécuter A ma connaissance dans l'établissement, seul le jeune [H] est payé, les autres non. Lorsque nous abordions ensemble le sujet, votre réponse était qu 'il existait un accord tacite dans l'établissement qui ne donne pas lieu à paiement.

De mon côté, comme mes collègues, j'ai inscrit sur des agendas au calendrier, chaque heure supplémentaire que vous m'avez fait faire depuis janvier 2004 au 25 juillet 2011, pour un total de 510 heures.

Je considère que le non paiement de ces heures est un non respect de votre part de mon contrat de travail et à ce titre, si je n'ai pas le paiement sous 72 heures, vous pourrez considérer que cette correspondance sera ma lettre de démission et que je vous en impute la responsabilité.

Sur les congés principaux, je devais être en congés semaine 31, 32 et 33. Le jeudi 28 juillet 2011, vous me les avez modifié en me disant qu'il y avait du travail et que mes congés débuteront la semaine 32. Est-ce que vous avez le droit d'agir de la sorte '...'

Après avoir quitté la société le 28 août 2011, Monsieur [U] a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes

Par jugement du 3 juillet 2012, le Conseil de prud'hommes d'AUXERRE a notamment condamné la SAS ATELIER MECANIQUE LOCAL à payer à Monsieur [U] les sommes de :

- 3 700 € (trois mille sept cents euros) à titre d'indemnité de préavis,

- 370 € (trois cent soixante dix euros) à titre de congés y afférent,

- 7 012,57 € (sept mille douze euros et cinquante sept centimes) à titre d'heures supplémentaires,

- 701,25 € (sept cent un euros et vingt cinq centimes) à titre de congés payés y afférent.

- 4 480 € (quatre mille quatre cent quatre vingt euros) à titre d'indemnité de licenciement.

- 10 008 € (dix mille huit euros) à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 750 € (sept cent cinquante euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société A.M.L. a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions visées au greffe le 29 octobre 2014 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, La société A.M.L. demande à la cour de juger que la rupture du contrat de travail est imputable à Monsieur [U] et s'analyse en une démission et de débouter Monsieur [U] de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive, d'indemnité de préavis et des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement et, subsidiairement, de constater que Monsieur [U] n'a subi aucun préjudice . La société A.M.L. demande en outre à la cour de débouter Monsieur [U] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, de congés payés et d'indemnité pour travail dissimulé et de toute autre demande et de constater que la Société AML a remis le certificat de travail mentionnant la période du 26 mai 1997 au 28 août 2011 ainsi que l'attestation Pôle Emploi. La société A.M.L. sollicite la condamnation de Monsieur [U] au remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire soit 24 493,02 € sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter de la notification de l`arrêt à intervenir et demande la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 29 octobre 2014 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [U] sollicite la confirmation de la décision rendue par le conseil de Prud'hommes en ce qu'elle a condamné son ancien employeur au paiement de :

3 700.00 € Brut au titre de l'indemnité de préavis.

370.00 € Brut à titre de congés payés afférent au préavis.

7 012.57 € Brut au titre de rappel de paiement des heures supplémentaires.

701.25 € Brut au titre des congés payés afférent aux heures supplémentaires.

4 480.00 € Net au titre de l'indemnité légale de licenciement.

750.00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Il demande en outre la condamnation de Monsieur [U] au paiement de :

18 500.00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

11 100.00 € Net au titre du travail dissimulé.

1 000.00 € à titre de dommages intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle Emploi.

1 000.00 € à titre de dommages intérêts pour remise tardive du certificat de travail.

1 098.00 € à titre de dommages intérêts correspondant à la somme du DIF.

2 000.00 € au titre de l'artic1e 700 du code de procédure civile .

Il sollicite en outre la condamnation de la société A.M.L. aux dépens comprenant les frais et honoraires de l'huissier de justice éventuellement chargé du recouvrement forcé de la créance exigible du créancier, au titre de l'article 10 du Décret 96.1080 du 12 décembre 1996.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

****

MOTIFS

Sur l'accomplissement et le paiement des heures supplémentaires

Principe de droit applicable :

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Application du droit à l'espèce

En l'espèce, Monsieur [U] expose qu'il a effectué des heures supplémentaires pour son employeur mais ne produit aucun élément à l'appui de ses prétentions si ce n'est un feuillet manuscrit comprenant huit pages (une page par année entre 2004 et 2011) mentionnant un nombre d'heures qu'il aurait effectuées chaque mois, mais sans aucune autre précision, notamment sur les heures d'embauche et les heures auxquelles il aurait effectivement quitté son travail. Ce document imprécis n'est conforté par aucun autre élément, tel qu'un témoignage, des documents tels que des courriels ou des réclamations que l'intéressé aurait pu formuler auprès de son employeur durant les nombreuses années au cours desquelles il a travaillé. Ainsi, le salarié ne produit pas d'éléments préalables sérieux de nature à étayer sa demande.

Au surplus, l'employeur justifie, notamment par les bulletins de salaire, qu'il rémunérait ses salariés sur la base de 169 heures par semaine, incluant chaque mois 17,33 heures payées comme heures supplémentaires, ce qui correspond d'ailleurs à un nombre d'heures supplémentaires effectivement payées nettement supérieur au nombre d'heures revendiquées par Monsieur [U]. Quatre salariés de cette petite entreprise, Messieurs [L], [Q], [R] et [O] indiquent en outre que les heures supplémentaires ont toujours été payées

Il en résulte qu'au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction que Monsieur [U] n'a effectué aucune heures supplémentaires au delà de celles qui lui ont été rémunérées et ses demandes relatives aux heures supplémentaires et aux congés payés sur heures supplémentaires doivent par conséquent être rejetées. Le jugement est infirmé sur ce point. Par voie de conséquence, la demande fondée sur l'existence d'un travail dissimulé est aussi rejetée.

Sur la rupture

Principe de droit applicable :

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Application du droit à l'espèce

Le courrier adressé par Monsieur [U] à son employeur le 27 juillet 2011 par lequel il fait savoir que s'il n'obtient pas le paiement des heures qu'il réclame 'sous 72 heures', sa correspondance vaut lettre de démission, doit être considérée comme une prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié.

Il résulte des termes de la lettre susvisée que l'unique reproche formulé pour motiver la prise d'acte est le non paiement d'heures supplémentaires. Or, il est établi que le salarié a été rempli de ses droits au titre des heures supplémentaires et que les reproches formulés à l'encontre de l'employeur ne sont pas justifiés.

Il ressort des éléments versés aux débats que Monsieur [U], qui devait en principe reprendre son poste de travail le 29 août 2011 à l'issue de trois semaines de congés payés, ne s'est pas présenté à son travail sans fournir quelconque justification de son absence car il s'était déjà fait embauché au sein d'une autre entreprise, plus proche de son domicile, chez CM1 à [Localité 3].

Ainsi, en l'espèce, aucun manquement de l'employeur n'empêchait la poursuite du contrat de travail et la prise d'acte de rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission.

En conséquence, le jugement est infirmé et Monsieur [U] est débouté de l'intégralité de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail et doit être condamné à rembourser les sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement. Le prononcé d'une astreinte ne s'avère pas en l'état nécessaire. Il y a lieu en outre de débouter Monsieur [U] de ses demandes de dommages-intérêts au titre du droit à la formation. Il y a lieu enfin de constater que la société AML a remis le certificat de travail mentionnant la période du 26 mai 1997 au 28 août 201l ainsi que l'attestation Pôle Emploi et Monsieur [U] sera débouté de ses demandes de dommages-intérêts concernant la remise tardive de l'attestation pôle emploi et du certificat de travail, celles-ci n'étant pas justifiées.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

Il ne résulte pas des éléments versés aux débats que l'attitude procédurale de Monsieur [U] ait caractérisé une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice de l'intéressé.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société A.M.L. ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

DEBOUTE Monsieur [K] [U] de l'intégralité de ses demandes ,

CONSTATE que la Société AML a remis le certificat de travail mentionnant la période du 26 mai 1997 au 28 août 201l ainsi que l'attestation Pôle Emploi,

CONDAMNE Monsieur [K] [U] à rembourser à la société ATELIER MECANIQUE LOCAL (A.M.L.) les sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement rendu le 3 juillet 2012 par le conseil de prud'hommes D'AUXERRE, soit 24 493,02 €,

DIT n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [K] [U] à payer à la société ATELIER MECANIQUE LOCAL (A.M.L.) la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [K] [U] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/07310
Date de la décision : 16/12/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°12/07310 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-16;12.07310 ?
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