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10/12/2014 | FRANCE | N°14/03746

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 10 décembre 2014, 14/03746


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 10 Décembre 2014

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03746 CB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Février 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL section RG n° 13/01383







APPELANTE

Me [D] [U] (SELARL [D]) - Mandataire liquidateur de SARL PAM

[Adresse 2]

[Localité 3]r>
représenté par Me Nathalie CHEVALIER, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC129





INTIMEES

Madame [R] [F] épouse [E]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Vanessa KRE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 10 Décembre 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03746 CB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Février 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL section RG n° 13/01383

APPELANTE

Me [D] [U] (SELARL [D]) - Mandataire liquidateur de SARL PAM

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Nathalie CHEVALIER, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC129

INTIMEES

Madame [R] [F] épouse [E]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Vanessa KRESPINE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0176

AGS CGEA IDF EST

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205 substitué par Me Thierry BLAZICEK, avocat au barreau de PARIS, toque : C.44

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie Pierre DE LIEGE et Madame Catherine BRUNET, Conseillère, chargées du rapport,

Qui en ont délibéré,

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame [R] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil afin que la société PAM soit condamnée à lui payer des indemnités de rupture consécutivement à son licenciement pour motif économique.

Par jugement en date du 18 février 2014 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, cette juridiction a:

- dit que madame [E] ayant retrouvé son statut de salarié, a bien été licenciée pour motif économique,

- condamné la SELARL [D], es qualité de liquidateur de la société société PAL à lui verser la somme de :

* 33 937,02 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 1 6416,30 euros au titre de l'indemnité de préavis,

* 1 641,63 euros au titre des congés payés y afférents,

- dit que le jugement est opposable au CGEA Ile de France dans la limite des sommes mises légalement à sa charge par les dispositions légales et réglementaires,

- débouté la SELARL [D] de sa demande reconventionnelle,

- mis les dépens à sa charge.

Maître [U] [D], es qualités de mandataire liquidateur de la société PAM, a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 3 avril 2014.

Il expose que madame [E] a été engagée par la société PAM par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er juillet 1990 en qualité de responsable administratif. Par décision de l'assemblée générale extraordinaire en date du 10 décembre 2008, elle a été désignée gérante de la société à compter de cette date et est devenue associée égalitaire. Par avenant à son contrat de travail du même jour, il a été convenu que son contrat de travail était suspendu 'de plein droit'. Par décision en date du 7 novembre 2012, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé le redressement judiciaire de la société puis, par jugement en date du 27 février 2013, sa liquidation judiciaire. En sa qualité de mandataire liquidateur, il a convoqué madame [E] à un entretien préalable puis, par lettre en date du 13 mars 2013, l'a licenciée pour motif économique en émettant la réserve d'usage sur sa qualité de salarié. Il ajoute que les créances de madame [E] n'ont pas été inscrites sur l'état des créances salariales en raison de sa qualité de gérante et qu'il a invité cette dernière à saisir la juridiction prud'homale de sa contestation.

Maître [D] soutient que:

- le jugement entrepris ne pouvait pas condamner sa société à payer des sommes à madame [E], l'action de cette dernière ne pouvant que tendre à la fixation de ses créances,

- il n'a pas reconnu la qualité de salariée de madame [E], son licenciement étant prononcé sous réserve,

- elle était gérante de droit et reconnue comme telle depuis plusieurs années,

- le jugement de liquidation judiciaire n'a pas mis fin à ses fonctions de gérante,

- elle n'a pas choisi de cumuler ses fonctions de mandataire social et de salarié comme elle aurait pu le faire,

- en tout état de cause, il lui appartiendrait de démontrer sa qualité de salarié au cours de l'exercice de son mandat social.

A titre liminaire, madame [E] a indiqué à l'audience du 21 octobre 2014 qu'elle abandonnait la fin de non recevoir afférente à l'appel interjeté.

Elle soutient que :

- elle a été salariée de la société PAM pendant 18 ans et 6 mois, période au cours de laquelle elle a cotisé tant aux ASSEDICS qu'à l'AGS,

- sa désignation en qualité de gérante a eu pour seule conséquence la suspension de son contrat de travail, ce que le mandataire liquidateur a expressément reconnu puisqu'il a procédé à son licenciement et lui a délivré une attestation POLE EMPLOI.

En conséquence, elle sollicite qu'il soit :

- dit et jugé que ses créances salariales à l'encontre de la société PAM en liquidation s'élèvent à la somme totale de 73 873,35 euros,

- enjoint à la société [D] de reconnaître et d'admettre ses dites créances salariales sur le relevé des créances salariales de la société PAM en liquidation et de transmettre ledit relevé corrigé au CGEA ILE DE FRANCE EST, le tout dans un délai ne pouvant excéder 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à la charge du liquidateur, la cour se réservant la possibilité de liquider ladite astreinte.

Elle demande en outre à la cour de :

- condamner la société [D], es qualités de liquidateur de la société PAM en liquidation à lui remettre sans délai le certificat de travail ainsi que son solde de tout compte, dans un délai maximal de 8 jours à compter du prononcé du jugement à intervenir

-condamner la société [D], es qualités de liquidateur de la société PAM en liquidation à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par elle du fait des refus abusifs du liquidateur,

- dire et juger le jugement à intervenir opposable au CGEA ILE DE FRANCE EST.

L'AGS CGEA IDF EST s'en rapporte à l'appréciation de la cour concernant la contestation de la qualité de salariée de madame [E] . A titre subsidiaire, elle demande à la cour de retenir que le contrat de travail a été suspendu du 10 décembre 2008 au jour du licenciement et que l'ancienneté à prendre en compte est de 18 ans et demi, les dispositions de l'article L 1226-7 du code du travail n'étant pas applicables à l'espèce. Elle souligne que l'action en dommages et intérêts n'est dirigée qu'à l'encontre du mandataire liquidateur et qu'elle ne garantit pas la somme éventuellement allouée à ce titre par la cour. Enfin, elle rappelle les conditions de mise en oeuvre de sa garantie et ses limites.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le licenciement prononcé par le mandataire liquidateur

La cour relève les éléments constants suivants :

- la qualité de salariée de madame [E] antérieurement à sa désignation en qualité de gérant soit avant le 10 décembre 2008, n'est pas contestée,

- son contrat de travail a été suspendu en raison de cette désignation,

- le licenciement prononcé par le mandataire liquidateur était un licenciement conservatoire sous réserve de la reconnaissance de la qualité de salarié, ce dernier devant procéder au licenciement dans un délai de 15 jours,

- il a adressé à madame [E] une attestation POLE EMPLOI le 2 octobre 2013,

- lorsque le mandat social de l'ancien salarié prend fin, un terme est également mis à la suspension du contrat de travail, le contrat de travail n'étant pas anéanti.

La cour constate qu'en réalité c'est uniquement ce point qui est l'objet du litige. En effet, madame [E] considère que l'exercice du mandat social a eu seulement pour effet de suspendre les effets du contrat de travail et non pas de le rompre alors que le mandataire liquidateur, invoquant les dispositions de l'article L 641-9 du code de commerce et le fait que l'intimée a agi devant le tribunal de commerce aux fins de subsides en sa qualité de gérante, soutient que son mandat de gérant ne s'est pas achevé du fait de la liquidation judiciaire de sorte qu'elle n'a pas retrouvé sa qualité de salariée.

Il résulte de l'article L 641-9 du code de commerce que la mission du gérant se poursuit après le jugement de liquidation judiciaire même si celui-ci entraîne la dissolution de la société. Le mandat du gérant ne trouve son terme qu'à la clôture de la liquidation. En l'espèce, la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Cette analyse est confirmée par les termes du jugement prononçant la liquidation judiciaire qui indique au visa de l'article précité que le débiteur, c'est à dire le gérant, demeure en fonction, par le fait que madame [E] a saisi le juge commissaire d'une reqête aux fins de subsides le 15 mai 2013, donc postérieurement au licenciement prononcé sous réserve par le mandataire liquidateur, dans laquelle elle indique qu'étant gérant, 'elle persiste à travailler à plein temps pour le seul compte et le profit de la société PAM' et par l'ordonnance en date du 13 juin 2013 du juge commissaire rendue au visa de l'article précité et de l'article L 631-11 du code de commerce, c'est à dire en considération de la poursuite par madame [E] de sa fonction de gérante.

Cependant, parallèlement à ces fonctions de gérante, le contrat de travail a été maintenu même s'il est suspendu de sorte que madame [E] n'a pas perdu sa qualité de salariée. En effet, le contrat de travail peut être rompu à l'initiative de l'employeur comme du salarié au cours de sa suspension et celle-ci a simplement pour conséquence l'interruption de l'ancienneté. Dès lors, le mandataire liquidateur a mis fin par le licenciement au contrat de travail suspendu et la clôture de la liquidation judiciaire mettra fin au mandat social. C'est bien dans ce cadre que le mandataire liquidateur a d'ailleurs délivré une attestation POLE EMPLOI. En outre, admettre le contraire comme tente de le faire maître [D], es qualités de mandataire liquidateur, conduirait à considérer qu'un salarié acceptant une gérance au cours de laquelle survient une liquidation judiciaire est privé de ses droits afférents à sa période d'emploi en qualité de salarié.

Dès lors, il convient de considérer que madame [E] a été licenciée et que les créances résultant de cette rupture doivent être inscrites sur le relevé des créances salariales.

Madame [E] considère que l'indemnité conventionnelle de licenciement qui lui est due, est supérieure à celle qui lui a été allouée par les premiers juges car l'ancienneté à prendre en compte est de 23 années, les périodes de suspension du contrat de travail devant être retenues conformément aux dispositions de l'article L 1226-7 du code du travail et la convention collective prévoit une majoration de 20% de l'indemnité de licenciement.

Le mandataire liquidateur ne fait valoir aucun moyen quant au calcul des sommes sollicitées.

L'AGS soutient que la période de suspension du contrat de travail ne doit pas être prise en compte dans le calcul de l'ancienneté, le texte visé par madame [E] concernant les cas de suspension pour accident du travail.

Les périodes de suspension du contrat de travail ne sont pas prises en compte dans le calcul de l'ancienneté sauf disposition conventionnelle ou légale spécifique comme les suspensions pour accident du travail ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu une ancienneté de 18 ans et demi. En tenant compte d'une rémunération de 5 472,10 euros et en application des dispositions de la convention collective applicable, il lui est dû à ce titre la somme de 35 021,44 euros ( 3/10 X 5472,10 X 10 + 4/10X5472,10X 8,5). La même convention collective prévoit en son article 8.1.3 une majoration de 20% de cette indemnité dans le cadre d'un licenciement économique ce qui est le cas en l'espèce. Il est donc dû à madame [E] une indemnité conventionnelle de licenciement de 42 025,73 euros.

C'est à juste titre que les premiers juges ont fixé le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 16 416,30 euros, la somme de 1641,63 euros étant due en outre à madame [E] au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents.

Il convient d'enjoindre à maître [U] [D], es qualités de mandataire liquidateur de la société PAM, d'inscrire sur le relevé des créances salariales la somme de 60 083,66 euros au titre des créances de madame [R] [E] et de transmettre le relevé à l'AGS CGEA IDF EST.

Aucune circonstance de l'espèce ne conduit à assortir cette disposition d'une mesure d'astreinte.

La décision des premiers juges sera infirmée en ce qu'elle a condamné le mandataire liquidateur au paiement des sommes et au titre de leur montant.

Sur les dommages et intérêts

Les parties sollicitent réciproquement des dommages et intérêts, madame [R] [E] au titre du comportement abusif du mandataire liquidateur qui lui a créé un préjudice, maître [U] [D], es qualités de mandataire liquidateur de la société PAM, au titre de la remise en cause par l'intimée de son travail et de son intégrité.

La cour considère que la situation particulière de madame [R] [E] a soulevé des questions juridiques sérieuses auxquelles le mandataire liquidateur s'est trouvé confronté, l'intimée ayant perçu des subsides au cours du litige.

Madame [R] [E] et maître [U] [D], es qualités de mandataire liquidateur de la société PAM, seront tous les deux déboutés de leur demande à ce titre.

La décision des premiers juges sera confirmée en ce qui concerne cette demande de madame [E] et infirmée en ce qu'ils ont omis de statuer sur la demande de maitre [D].

Sur la remise de documents

Il sera ordonné à maître [U] [D], es qualités de mandataire liquidateur de la société PAM, de remettre à madame [R] [E] un certificat de travail conforme à la présente décision, la remise d'un reçu pour solde de tout compte ne s'imposant pas compte tenu du présent arrêt.

Sur la garantie de l'AGS

Il sera rappelé que l'AGS (CGEA) IDF Est doit sa garantie dans les limites légales,

Sur les dépens

Partie succombante, maître [U] [D], es qualités de mandataire liquidateur de la société PAM, sera condamné au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement sauf en ce qui concerne le débouté de madame [R] [E] de sa demande en dommages et intérêts,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés:

ENJOINT à maître [U] [D], es qualités de mandataire liquidateur de la société PAM, d'inscrire sur le relevé des créances salariales la somme de 60 083,66 euros au titre des créances de madame [R] [E] et de transmettre le relevé à l'AGS CGEA IDF EST,

DÉBOUTE maître [U] [D], es qualités de mandataire liquidateur de la société PAM, de sa demande en dommages et intérêts,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Ajoutant,

ORDONNE à maître [U] [D], es qualités de mandataire liquidateur de la société PAM, de remettre à madame [R] [E] un certificat de travail conforme à la présente décision,

RAPPELLE que l'AGS (CGEA) IDF Est doit sa garantie dans les limites légales,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE maître [U] [D], es qualités de mandataire liquidateur de la société PAM, au paiement des dépens.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 14/03746
Date de la décision : 10/12/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°14/03746 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-10;14.03746 ?
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