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10/12/2014 | FRANCE | N°12/08971

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 10 décembre 2014, 12/08971


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 10 Décembre 2014

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08971 CB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 11/01831









APPELANT

Monsieur [J] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Charles-hubert OL

IVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029 substitué par Me Nathalie MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346







INTIMEE

Société BARCLAYS PATRIMOINE

[Adresse 2]

[Localité 1]

re...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 10 Décembre 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08971 CB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 11/01831

APPELANT

Monsieur [J] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Charles-hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029 substitué par Me Nathalie MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346

INTIMEE

Société BARCLAYS PATRIMOINE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Thierry MEILLAT, avocat au barreau de PARIS, toque : J033 substitué par Me Géraldine DEBORT de la SCP HOGAN LOVELLS LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J 068

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente et Madame Madame Catherine BRUNET, Conseillère, chargées du rapport.

Qui en ont délibéré

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [J] [L] a été engagé par la société BARCLAYS PATRIMOINE par un contrat de travail à durée déterminée en date du 6 septembre 1993 en qualité de conseiller financier stagiaire; un contrat de travail à durée indéterminée a été conclu le 6 mars 1994.

Par avenant en date du 19 décembre 2008, il a été nommé aux fonctions de Senior Manager à compter du 1er janvier 2009.

Il exerçait à la fois des fonctions de conseiller financier et des fonctions d'encadrement, son équipe étant composée de monsieur [M] à compter du mois de septembre 2001 et de madame [X] à compter du mois de mai 2009.

Monsieur [L] a été élu membre du comité d'entreprise le 8 octobre 2009.

Madame [X] a été affectée à un autre manager.

Monsieur [L] a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 23 décembre 2010.

Il a saisi le 27 janvier 2011 le conseil de prud'hommes de PARIS d'une demande de résiliation de son contrat de travail en invoquant notamment l'existence d'un harcèlement moral et a repris son travail dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique le 7 février 2011; Monsieur [M] a obtenu une autre affectation le 1er septembre 2011.

Par jugement en date du 6 juin 2012, auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, cette juridiction l'a débouté de ses demandes et a débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [L] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 20 septembre 2012.

Il a été à nouveau placé en arrêt de travail pour maladie et, à l'issue d'une visite médicale de reprise en date du 28 juin 2012, il a été déclaré inapte à son poste de travail.

Par courrier en date du 23 juillet 2012, la société a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de le licencier. En l'absence de réponse, elle a saisi le ministre du travail d'un recours hiérarchique, celui-ci, par décision du 5 octobre 2012, a autorisé son licenciement.

Par lettre en date du 15 octobre 2012, la société a notifié à Monsieur [L] son licenciement pour inaptitude.

Celui-ci a saisi la Caisse Primaire d'Assurance Maladie le 24 novembre 2012 d'une demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle en raison d'un épuisement et d'un état dépressif réactionnel depuis le 9 décembre 2010. Cet organisme a par décision en date du 1er juillet 2013, reconnu l'origine professionnelle de la maladie du salarié. Considérant que la procédure suivie n'était pas contradictoire, la société a saisi la commission de recours amiable de la CPAM le 30 août 2013 et, n'ayant pas obtenu de réponse, a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Versailles afin que soit constaté l'absence de caractère professionnel de la maladie de Monsieur [L]. L'affaire est actuellement pendante devant cette juridiction.

Avant toute défense au fond, la société a soulevé l'irrecevabilité de la demande de résiliation en raison de l'autorisation de licenciement délivrée par l'autorité administrative et sur le fondement du principe de séparation des pouvoirs. Monsieur [L] ne sollicite pas la résiliation judiciaire de son contrat de travail et il a abandonné à la barre sa demande en nullité de son licenciement, abandon expressément mentionné dans ses conclusions.

La société a soulevé également l'irrecevabilité de ses demandes en dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, de la violation du statut protecteur et de la violation de l'obligation de sécurité de résultat pour le même motif pris du principe de la séparation des pouvoirs, l'autorité administrative ayant nécessairement pris en compte les manquements invoqués par le salarié dans le cadre de la procédure d'autorisation.

En réponse, Monsieur [L] a abandonné sa demande au titre de la violation du statut protecteur mais a maintenu ses deux autres demandes en faisant valoir qu'il n'appartient pas à l'autorité administrative de rechercher la cause de l'inaptitude, le salarié pouvant faire valoir devant les juridictions judiciaires tous les droit résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur.

Sur le fond, Monsieur [L] soutient notamment qu'il a été harcelé, que la société n'a pas respecté son obligation de sécurité, que des congés payés et des frais professionnels lui sont dus.

En conséquence, il sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui verser les sommes suivantes:

- 592 020 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 1152-1 du code du travail,

-197.340 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 4121-1 du Code du Travail,

- 84.411 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement sur le fondement de l'article L. 1226-14 du Code du travail,

- 49.335 € au titre du préavis sur le fondement de l'article L. 1226-14 du Code du travail,

- 3.600 € à titre de rappel sur la commission due au titre des « conseillers en réussite'

- 99.701,81 € à titre de rappel sur congés payés

-141.929 € à titre de rappel sur frais professionnels ,

avec intérêts légaux à compter de la requête introductive.

Il demande en outre à la cour d'ordonner à la Société BARCLAYS PATRIMOINE de délivrer les bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle Emploi conformes à l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard et par document, dont la Cour se réservera le contentieux de la liquidation et de condamner la société à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre le paiement des dépens.

En réponse, la société BARCLAYS PATRIMOINE fait valoir que le salarié n'a pas été harcelé, qu'elle a respecté son obligation de sécurité et qu'aucune somme ne lui est due.

En conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris le débouté de Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes et sa condamnation à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC, outre le paiement des dépens.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur l'irrecevabilité des demandes au titre du harcèlement et de l'obligation de sécurité

Lorsque la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement. En revanche, il ne lui appartient pas, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet serait la nullité du contrat de la rupture du contrat de travail.

Il en résulte que l'autorisation de l'inspecteur du travail de licencier monsieur [L] ne fait pas obstacle à ce que ce dernier fasse valoir devant la cour d'appel ses droits résultant de l'origine de son inaptitude qu'il attribue à un harcèlement moral et à un manquement de la société à son obligation de sécurité.

Dès lors, ses demandes à ce titre seront déclarées recevables.

Sur le harcèlement moral

Monsieur [L] soutient qu'il a été victime d'un harcèlement moral à compter de l'année 2010 en raison des critiques qu'il formulait dans le cadre des réunions du comité d'entreprise au sujet de la Réforme Renaissance, projet que la société souhaitait mettre en oeuvre.

Il expose que ce harcèlement a consisté à:

- le prendre à parti à l'occasion ou à l'issue des réunions du comité d'entreprise,

- le convoquer à un entretien le 9 novembre 2010 alors qu'un 'point manager' était organisé le 29 novembre avec l'ensemble des managers, entretien pendant lequel des pressions ont été exercées à son encontre afin qu'il démissionne, ce qu'il a refusé,

- lui retirer immédiatement après une de ses collaboratrices, madame [X], à son insu et en indiquant à cette dernière qu'il allait démissionner,

- la diminution consécutive de sa rémunération,

- la remise en cause des résultats de son autre collaborateur, monsieur [M],

- l'indifférence de sa direction,

- une absence de prise en compte de sa situation à la reprise de son travail dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique,

- l'absence d'organisation des visites de reprise par l'employeur après trois arrêts de travail supérieurs à 8 jours,

- des retards de paiement de son salaire, de délivrance des attestations de salaire et de paiements des indemnités journalières,

- une absence d'entretien annuel d'évaluation pour les années 2011 et 2012,

- une mise à l'écart d'une formation 'manager academy'.

Il soutient que ces agissements répétés ont conduit à la détérioration de son état de santé et sollicite des dommages et intérêts représentant 36 mois de salaire.

En réponse, la société fait valoir que :

- la définition du harcèlement moral est restrictive de sorte qu'il ne peut résulter que de la répétition de faits dégradants et avoir des conséquences directes sur la carrière et la santé du salarié,

- en l'espèce, le salarié ne présente aucun fait objectif dont la répétition serait de nature à caractériser l'existence d'un harcèlement moral,

- les faits qu'il invoque sont soit non établis soit expliqués par des éléments objectifs.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La cour remarque à titre liminaire que la période au cours de laquelle doit être recherchée l'existence d'un harcèlement s'étend du mois de novembre 2010 au licenciement du salarié survenu le 15 octobre 2012. Monsieur [L] dénonce plusieurs faits de harcèlement au cours de cette période qui seront examinés successivement.

Sur les prises à partie pendant les réunions du comité d'entreprise

Monsieur [L] soutient que des propos agressifs lui ont été tenus au cours de ces réunions et produit à l'appui de ses dires des attestations de monsieur [Q], de monsieur [P] et de monsieur [B], tous trois salariés de la société et membres du comité d'entreprise. Monsieur [Q] affirme que monsieur [E], supérieur hiérarchique de monsieur [L], se montrait méprisant, feignait de ne pas comprendre ses remarques ou ne lui répondait pas, 'lui aboyait dessus', après la réunion, le menaçait de perte de son emploi; monsieur [P] confirme ces menaces une fois les réunions terminées ( 'sachez que je peux me débarasser de qui je veux... pour certains, dont vous risquez malheureusement de faire partie, l'APEC n'est pas si loin...') et l'agressivité et le mépris dont faisait preuve monsieur [E] à l'encontre de monsieur [L] lorsque celui-ci intervenait; monsieur [B] évoque l'agacement, le mépris, une attitude plutôt agressive et parfois dédaigneuse de monsieur [E] ainsi que les menaces qu'il a proférées sur l'emploi de Monsieur [L] après les réunions du comité d'entreprise.

Ces éléments permettent de présumer l'existence d'un fait pouvant constituer parmi d'autres un harcèlement moral.

En réponse, la société expose que les réunions du comité d'entreprise étaient enregistrées et retranscrites; que les procès verbaux sont exempts de tout propos agressif, méprisant et menaçant à l'encontre de monsieur [L], celui-ci intervenant par ailleurs assez peu. Elle relève que d'autres membres salariés du comité d'entreprise intervenaient de manière plus revendicative sans pour autant se plaindre d'un comportement agressif de monsieur [E]. Enfin, elle remet en cause les attestations versées aux débats en faisant valoir qu'elles sont rédigées sur le même modèle et font état des deux mêmes incidents en date du 20 mai et du 16 septembre 2010.

D'une part, la cour constate que les attestations produites sont conformes à l'article 202 du code de procédure civile. Elles revêtent une force probante certaine alors qu'elles sont rédigées par des personnes placées sous un lien de subordination et, contrairement à ce que soutient la société, elles ne sont pas rédigées sur le même modèle. A ce titre, la société ne peut repocher à ces écrits d'évoquer les deux mêmes événements, cette dénonciation commune accréditant au contraire les propos dénoncés.

D'autre part, le fait que d'autres membres du comité d'entreprise aient pu intervenir de manière plus virulente que monsieur [L] sans pour autant se plaindre de harcèlement ne saurait être significatif dans la mesure où un supérieur hiérarchique peut être agressif ou méprisant avec un salarié sans pour autant l'être avec les autres placés dans la même situation ce qui participe d'ailleurs spécifiquement du comportement harcelant, le salarié victime ne comprenant pas la raison de l'attitude particulière de l'auteur à son égard.

Enfin, s'il est exact que les compte-rendus de ces réunions ne recèlent aucun propos désobligeants, il est évident que le dédain, le mépris, le fait de feindre de ne pas avoir entendu quelqu'un poser une question, d'employer un ton agressif ne peut être enregistré et donc être retranscrit, non plus que les menaces sur l'emploi après les réunions. La société ne peut valablement invoquer le peu d'interventions de monsieur [L] et leur faible intensité contestatrice alors que cet argument est parfaitement inopérant et qu'en outre la cour relève que le salarié est intervenu lors de 8 réunions sur 11en faisant à deux reprises 5 et 6 interventions, et que ses propos critiquent clairement la politique de l'entreprise.

En dernier lieu, la cour relève que la société ne verse aucune attestation concernant ces faits alors que des membres de la direction dont monsieur [E] assistaient nécessairement aux réunions et que les autres salariés présents auraient pu également attester.

En conséquence, la cour retient que monsieur [L] a été l'objet des faits qu'il dénonce durant et après les réunions du comité d'entreprise.

Sur le dénigrement et les pressions pour lui faire quitter son poste

Monsieur [L] fait valoir qu'alors qu'il était convoqué avec tous les autres managers à un 'point manager' qui devait se tenir le 29 novembre 2010, il a été convoqué à un entretien le 9 novembre par monsieur [E], entretien au cours duquel ce dernier l'a incité à démissionner de ses fonctions ce qu'il a refusé. Il ajoute qu'il a été indiqué le lendemain à madame [X], une de ses deux collaborateurs, qu'il allait démissionner et qu'il a été dénigré.

La société conteste tout dénigrement auprès d'un tiers.

A l'appui de ses dires, monsieur [L] verse aux débats notamment:

- des écrits de madame [X] (mails du 13 et du 23 novembre 2010- pièces 5 et 13 du salarié) dans lesquels elle indique que lors de l'entretien du 10 novembre qu'elle a eu avec sa hiérarchie, il lui a été indiqué que monsieur [L] allait partir de manière imminente et qu'il serait remplacé par monsieur [A],

- un mail qu'il a adressé à monsieur [S] [I] un de ses supérieurs par lequel il s'indigne qu'on lui ait fait cette annonce (mail du 19 novembre- pièce 27 du salarié) et indique avoir subi des pressions de la part de monsieur [E] le 9 novembre afin qu'il quitte son poste,

- une lettre adressée en recommandée à monsieur [E] le 24 novembre (pièce 30) reprenant de manière explicite les mêmes éléments,

- une attestation de monsieur [R] [N] (pièce 76), salarié de la société, qui affirme que lors de son entretien de recrutement, monsieur [I] lui a indiqué que son recrutement coïnciderait avec le départ de monsieur [L] qui interviendrait soit le 1er septembre 2010 soit le 1er janvier 2011 et a dénigré ce dernier auprès de lui.

Ces éléments laissent présumer l'existence d'un fait pouvant participer d'un harcèlement moral.

En réponse, la société ne produit aucun élément et se contente d'indiquer que monsieur [L] n'a pas été licencié à cette époque, que ce licenciement n'était pas possible sans autorisation de l'inspection du travail et que l'attestation de monsieur [N] n'est pas crédible.

La cour constate au contraire que l'attestation de monsieur [N] est dotée d'une véritable force probante en ce qu'il est salarié de la société, que les dires de madame [X] et de monsieur [L] dans les écrits qu'ils ont adressés n'ont pas été contestés par leurs supérieurs hiérarchiques et que leurs dires sont concordants quant au souhait de la société de voir partir monsieur [L]. Enfin, aucune explication n'est donnée sur le fait que le salarié ait été convoqué le 9 novembre alors qu'il était initialement convoqué avec les autres managers et qu'aucune explication ne lui a été donnée à ce titre malgré les demandes qu'il a formulées non plus qu'à la cour dans le présent litige.

En conséquence, la cour retient que ce fait est avéré.

Sur le retrait de madame [X]

Madame [X], collaboratrice de monsieur [L], a été convoquée à un entretien par monsieur [I], entretien au cours duquel il lui a été indiqué, outre le départ imminent du salarié, son changement de management. Par mail en date du 18 novembre 2010, monsieur [I] lui a indiqué qu'elle rejoignait l'équipe de monsieur [K] à compter du 22 novembre.

Monsieur [L] soutient que:

- tout a été organisé par la direction à son insu,

- cette décision ne peut pas avoir pour fondement les résultats de madame [X] qui étaient bons,

- s'ils étaient mauvais, la société aurait dû l'en aviser,

- il a été privé de la rémunération afférente et ses objectifs ont été maintenus alors que son équipe était réduite,

- il n'a reçu aucune réponse à ses courriers de protestation.

La société fait valoir que:

- ce retrait de madame [X] ne remettait pas en cause les qualités professionnelles de monsieur [L],

- cette décision a été prise en conformité à son contrat de travail, la société ayant la possibilité de modifier les équipes, ce qu'il a expressément accepté,

- cette décision a été dictée par le souci d'accompagner et de soutenir madame [X] alors que celle-ci rencontrait des difficultés pour atteindre ses objectifs.

D'une part, il est établi que monsieur [L] n'a pas été informé préalablement des intentions de la société à l'égard de madame [X] ni même de l'organisation du rendez-vous avec elle et encore moins de sa teneur. Il n'était en copie d'aucun mail que la société a adressé à madame [X] et a été mis absolument devant le fait accompli. Il n'en a été avisé pour la première fois que le 13 novembre par la salariée (pièce 5) et, lorsqu'il s'en est plaint auprès de la société dans les courriers précités, aucune réponse ne lui a été apportée de sorte que la société n'a pas contesté cet état de fait.

D'autre part, l'avenant au contrat de travail en date du 19 décembre 2008 le nommant aux fonctions de Senior Manager stipule expressément que monsieur [L] est responsable du management d'une équipe, son activité étant 'principalement centrée sur le développement, l'animation et le coaching de l'équipe' qu'il encadrait, les parties convenant à ce titre que 10% des actifs composant son portefeuille seraient réaffectés à son équipe et sa rémunération étant désormais composée d'une commission fixe mensuelle de 1666,67 euros majorée d'une commission forfaitaire complémentaire par conseiller en situation de réussite de 400 euros pour le 2ème conseiller outre une prime de production d'équipe correspondant à 15% des commissions de production des conseillers. Il est également stipulé qu' 'aucun droit n'est attaché à la disposition d'équipes ou de personnes, et la Direction se réserve la possibilité de procéder à tout mouvement nécessaire à l'intérêt de l'entreprise.' Il est néanmoins précisé qu'en cas de modification significative de la composition de l'équipe à l'initiative de l'entreprise, les niveaux d'objectifs seront ajustés et que, notamment, le montant de la commission forfaitaire complémentaire fera l'objet d'une garantie sur une période de 6 mois. Il résulte de ces éléments en premier lieu que monsieur [L] était un véritable manager de son équipe et qu'à ce titre, il aurait dû être non seulement averti mais encore consulté sur le comportement professionnel de madame [X] avant toute décision. En second lieu, si une clause du contrat prévoit que le manager n'a pas de droit acquis sur son équipe, il n'en demeure pas moins que, comme tout contrat, il doit être exécuté de bonne foi et que toute modification doit avoir une cause. Or, en l'espèce, la société ne produit aucun élément objectif de nature à démontrer la réalité de l'insuffisance des résultats de madame [X] hormis le courrier que lui a adressé la responsable des ressources humaines (pièce 16 de la société) qui ne peut être à soi-seul un élément de preuve alors qu'il était parfaitement possible pour la société, si ces éléments étaient exacts, de produire les pièces répertoriant les résultats de cette salariée. Au contraire, monsieur [L] verse des éléments (pièces 93-1, 93-3, 93-4) qui conduisent à penser que madame [X] obtenait des résultats. En tout état de cause, quand bien même ses résultats auraient été insuffisants, aucun élément objectif n'est produit de nature à expliquer la décision de la société consistant à muter cette salariée. En effet, si dans un mail en date du 15 novembre 2010, monsieur [E] indique ' et compte tenu des problèmes rencontrés dans l'animation et les résultats de la CF [V] [X]', aucun élément objectif versé par la société ne permet de retenir que monsieur [L] était incompétent dans son rôle de manager et il suffisait de l'alerter sur cet état de fait et de l'inviter à motiver à nouveau cette collaboratrice plutôt que de la retirer de son équipe à son insu ce d'autant que ce retrait avait évidemment des conséquences professionnelles, morales et financières pour lui. Ainsi, la commission de 15% qu'il devait percevoir sur la commission de production des conseillers était forcément diminuée dès lors que l'équipe était réduite de moitié. Malgré la promesse de monsieur [E] dans le mail précité, les objectifs n'ont pas été modifiés. De même, la commission de 400 euros mensuelle qu'il devait percevoir pour le deuxième conseiller et qui selon monsieur [E] devait être maintenue pendant 6 mois, lui a été retirée contrairement à ce que soutient la société à compter du mois de janvier 2011. En dernier lieu, la cour relève que la société n'a pas indiqué à monsieur [L] qu'un nouveau conseiller lui serait affecté alors que ses propres compétences ne sont pas mises en cause et qu'elle ne justifie pas de ce que le retrait d'un conseiller est régulièrement pratiqué en son sein.

Dès lors, la cour retient que le retrait de cette conseillère n'est fondé sur aucun élément objectif, constitue une diminution des responsabilités de monsieur [L], une mise en cause de ses compétences et une réduction de sa rémunération.

Sur la mise en cause du travail de monsieur [M]

Monsieur [L] fait valoir que ses compétences ont été remises en cause à cette occasion et que l'avertissement dont monsieur [M] a été menacé n'a jamais été adressé, ses résultats n'étant pas sujets à caution.

Il verse aux débats à ce titre les mails qui lui ont été adressés par la société à ce sujet (pièces 22 et 24), le deuxième portant en objet ' avertissement travail' et la lettre qu'il a adressée à la société le 17 novembre 2010 (pièce 26).

La société soutient que les résultats de monsieur [M] étaient insuffisants.

La cour relève que la société ne produit aucun élément objectif démontrant cette insuffisance et se réfère simplement aux chiffres cités par monsieur [I] dans un mail alors qu'il lui appartenait de démontrer par des éléments objectifs la réalité de l'insuffisance des résultats de monsieur [M]. La cour constate particulièrement qu'aucune mesure n'a été prise à l'encontre de ce dernier, aucune suite n'étant d'ailleurs donnée à ces échanges.

Cependant, la concommitance entre le retrait de madame [X] et la mise en cause des compétences du salarié à partir des prétendues insuffisances de monsieur [M] n'ont pu que légitimement inquiéter l'appelant, ce qu'il a indiqué dans son courrier en date du 17 novembre.

Sur l'absence de réponses aux courriers du salarié et de prise en compte de sa situation

Monsieur [L] dénonce à ce titre l'indifférence de la société et son absence de prise en compte de son état.

Il est parfaitement établi que la société n'a pas répondu à plusieurs courriers du salarié dénonçant les faits, exposant les difficultés morales qu'il rencontrait, demandant des explications et la société ne peut comme elle le fait soutenir qu'elle ne lui a pas répondu pour ne pas entretenir le conflit car cela aurait pu lui être reproché au titre d'un harcèlement.

Il résulte de cette analyse et des faits sus exposés pris dans leur ensemble, que monsieur [L] a été l'objet d'agissements répétés de harcèlement moral de la part de son employeur qui ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens, le salarié ayant été placé à de nombreuses reprises en arrêt de travail puis ayant été déclaré inapte, ses arrêts de travail portant au surplus mention d'un burn out, d'un syndrôme anxio dépressif et d'un état dépressif caractérisé.

La décision des premiers juges sera infirmée.

La société ayant contesté la reconnaissance par la CPAM du caractère professionnel de la maladie de monsieur [L] devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale et cette juridiction n'ayant pas statué sur cette question, la cour ne peut pas retenir que son licenciement est intervenu dans le cadre d'une telle maladie et que l'indemnité spéciale de licenciement lui était due. Il sera donc débouté de sa demande à ce titre.

Par contre, l'administration du travail a vérifié le caractère réel de l'inaptitude physique du salarié justifiant son licenciement et il appartient à la cour d'apprécier les droits de monsieur [L] résultant de l'origine de son inaptitude. En l'espèce, la cour a considéré qu'il avait été moralement harcelé, son inaptitude physique et le licenciement qui s'en est suivi étant les conséquence de ce harcèlement.

Le salarié sollicite le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l'article L 1226-14 du code du travail en considérant qu'il se trouvait dans le cadre d'une maladie professionnelle. Cette indemnité lui est néanmoins due sans que cela ne remette en cause le licenciement autorisé par l'autorité administrative, son inaptitude résultant du harcèlement dont il a été victime et ne pouvant justifier le non-paiement de cette indemnité. C'est à juste titre que monsieur [L] a retenu une moyenne de salaire de 16 445 euros qui correspond à sa moyenne de salaire antérieurement à ses arrêts de travail et au retrait de madame [X]. Il lui est donc dû à ce titre la somme de 49 335 euros.

D'autre part, l'intégralité du préjudice subi par monsieur [L] du fait du harcèlement dont il a été victime doit être réparé, ce préjudice étant caractérisé par la dégradation de son état de santé, son inaptitude et la perte de son emploi. Monsieur [L] a subi un lourd préjudice du fait de ce harcèlement alors qu'il avait acquis une ancienneté de 18 ans. La cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 300 000 euros le montant des dommages et intérêts de nature à l'indemniser de son préjudice à ce titre.

Sur les dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité

A ce titre, monsieur [L] invoque l'inertie de son employeur qui n'a pas pris de mesure pour assurer la sécurité et protéger sa santé mentale et physique et l'absence d'organisation par la société de visites de reprise dont il a dû prendre l'initiative.

En réponse, la société fait valoir que le sentiment d'insécurité du salarié est purement subjectif et qu'il n'a jamais dénoncé que le retrait de madame [X]. Elle indique que monsieur [L] a été vu régulièrement par la médecine du travail, qu'il en a pris l'initiative une fois et que les autres absences ne nécessitaient pas de visite de reprise dans la mesure où il avait été absent moins de 30 jours.

Il résulte de l'article L 4121-1 du code du travail que l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

En l'espèce, en premier lieu, il a été précédemment constaté que la société n'a pas répondu aux écrits de monsieur [L] alors que ce dernier évoquait expressément sa déstabilisation ( mails des 19 et 23 novembre 2010, courrier recommandé du 24 novembre 2010). La cour relève également que la société ne justifie pas avoir pris de mesure alors que le salarié avait saisi le comité d'entreprise et que l'inspection du travail saisie par ce dernier lui a écrit. De la même manière, elle ne justifie pas avoir accompagné monsieur [L] lors de ses reprises de travail alors qu'elle connaissait parfaitement les difficultés qu'il rencontrait, le salarié produisant quant à lui seulement à ce sujet des échanges de mails avec madame [O], directrice des ressources humaines, aux fins de fixation d'un rendez-vous sans qu'aucun élément ne permette à la cour de vérifier que ce rendez-vous a bien eu lieu.

En second lieu, alors que monsieur [L] a été placé en arrêt de travail à plusieurs reprises (du 23 décembre 2010 au 7 février 2011, du 22 juin au 17 juillet 2011, du 21 février au 28 avril 2012), la société l'ignorera au point de ne pas organiser de visite de reprise ni de visite médicale. En effet, les avis du médecin du travail qu'elle verse aux débats ne portent jamais mention de son initiative mais de celle du salarié ou du médecin. S'agissant des visites de reprise, l'employeur ne devait pas se situer dans le cadre juridique de la maladie professionnelle, le premier certificat médical indiquant la survenue d'une telle maladie étant en date du 23 novembre 2012, même si le médecin a indiqué que le point de départ de cette maladie était fixé au 9 décembre 2010. Néanmoins, il résulte des dispositions de l'article R 241-51 du code du travail applicable au moment de la relation contractuelle et jusqu'au 1er juillet 2012, qu'une visite de reprise devait être organisée à l'issue d'une absence pour maladie de 21 jours. En l'espèce, monsieur [L] a été absent pendant plus de 21 jours à deux reprises et la société n'a pas pris l'initiative d'une visite de reprise comme cela lui incombait.

Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens, la cour retient que la société a manqué à son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale du salarié. Il sera alloué à ce dernier la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, somme de nature à réparer le préjudice qu'il a subi du fait du manquement de son employeur.

Il y a lieu d'infirmer la décision des premiers juges sur ce chef de demande.

Sur le rappel de commission

Monsieur [L] soutient qu'il aurait dû continuer à percevoir la commission pour le second conseiller jusqu'au départ de monsieur [M] au mois d'août 2010 soit 3200 euros (8X400 euros). Il indique également que la commission aurait dû être maintenue pendant 6 mois et sollicite à ce titre 2 000 euros pour finalement solliciter dans le dispositif 3 600 euros à ce titre.

La société oppose que le retrait de madame [X] était légitime et que, le salarié étant à mi-temps, il était difficile de lui affecter un nouveau conseiller.

La cour a précédemment retenu que la société ne produisait aucun élément objectif de nature à justifier le retrait de madame [X] de sorte que la commission doit être maintenue au salarié jusqu'au départ de monsieur [M]. La société sera donc condamnée à lui payer à ce titre la somme de 3 200 euros, la commission afférente au mois de décembre 2009 ayant été réglée.

La décision des premiers juges sera infirmée.

Sur le rappel de congés payés

Monsieur [L] fait valoir que, si l'article 16 de son contrat de travail stipule que les congés payés sont intégrés aux commissions, cette intégration n'est licite que si les commissions sont majorées en conséquence ce qui n'est pas le cas; que, d'ailleurs, la société a conclu le 18 juillet 2013 avec les partenaires sociaux un accord aux termes duquel, elle a reconnu devoir aux salariés des congés payés. Il précise avoir présenté sa demande pour la première fois le 25 janvier 2012 de sorte que sa demande n'est pas prescrite pour la période débutant le 25 janvier 2007.

La société soutient que cette demande a été présentée pour la première fois en cause d'appel de sorte que la prescription triennale s'applique et qu'il ne peut pas formuler de demande à ce titre pour la période antérieure au 16 octobre 2009. Elle ajoute que le salarié ne démontre pas que l'intégration de ses congés payés dans ses commissions lui serait moins favorable.

Il résulte du dossier du conseil de prud'hommes que monsieur [L] a fait viser des conclusions à l'audience du 21 mai 2012, conclusions comprenant dans leur dispositif: ' indemnité de congés payés: à parfaire le jour de l'audience'. Cette demande figure dans le récapitulatif des demandes dressé par le conseil de prud'hommes. L'affaire a été renvoyée à l'audience du 6 juin 2012. Le jugement rendu le même jour ne porte pas mention de cette demande alors qu'il résulte de ces notes d'audience que monsieur [L] a indiqué qu'il maintenait ses demandes à l'exception de sa demande sur la commission [F] et au titre des indemnités journalières de sécurité sociale.

Il résulte de la combinaison des articles 2241 et 2242 du code civil que la demande en justice interrompt le délai de prescription, cette interruption produisant ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

Il convient donc de considérer que le salarié a présenté le 21 mai 2012 une demande au titre de l'indemnité de congés payés peu important qu'elle n'ait pas été chiffrée conformément aux dispositions de l'article 4 du même code.

Dès lors, la cour retient que la prescription a été interrompue avant l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, de sorte que son action à ce titre se prescrit par 5 ans. Il peut donc solliciter une indemnité compensatrice de congés payés pour la période courant à compter du 21 mai 2007.

L'article 16 du contrat de travail est ainsi rédigé: ' le conseiller aura droit annuellement à des congés payés conformément à la réglementation en vigueur. L'époque en sera déterminée selon les décisions prises chaque année par la société. Le montant des émoluments définis aux articles 10 et 11 tient compte de la rémunération du conseiller pendant la durée de ses congés . Aucune indemnité ne lui sera versée à ce titre.'

D'une part, il n'est pas interdit de prévoir expressément dans le contrat de travail une rémunération mensuelle forfaitaire incluant l'indemnité de congés payés mais sous réserve de ne pas aboutir pour le salarié à un résultat moins favorable que l'application des dispositions légales ou conventionnelle ce qui implique que soit prévue dans le contrat de travail ou dans un avenant à celui-ci, une majoration du taux des commissions. Cette convention doit également mentionner de manière claire le montant affecté au congé payé. En l'espèce, l'article précité ne fixe aucun taux de majoration au titre des congés payés.

D'autre part, il résulte clairement de l'accord signé entre la société et les partenaires sociaux le 18 juillet 2013, même s'il ne s'applique pas au salarié, que l'employeur a reconnu que les salariés n'avaient pas bénéficié de l'intégralité de leurs droits à congés payés puisque, après avoir indiqué expressément un

taux de majoration, elle a accepté de verser aux salariés une indemnisation correspondant à 4 ans de congés payés acquis.

Enfin, conformément aux dispositions de l'article 1315 du code civil, il appartient à celui qui se prétend libérer d'une obligation d'en rapporter la preuve. La société avait l'obligation de payer au salarié une indemnité compensatrice de congés payés équivalant à 10% de sa rémunération. Il lui appartient de démontrer qu'elle s'est acquittée de cette obligation, ce d'autant qu'elle dispose de tous les éléments financiers, ce qu'elle ne fait pas.

Dès lors, elle sera condamnée à payer à monsieur [L] une indemnité compensatrice de congés payés pour la période courant à compter du 21 mai 2007. La demande qu'il présente prend en compte les rémunérations à compter du 25 janvier 2007 et la cour ne dispose pas des bulletins de paie pour l'année 2007. Pour la période du 25 janvier au 31 mai 2007, monsieur [L] prend en compte une rémunération de 99 153,85 euros non contestée en son montant. Il convient de la proratiser pour la période du 21 mai au 31 mai 2007 soit la somme de 7 869,35 euros. Pour cette période, il sera donc retenu une indemnité compensatrice de 786,93 euros. Le surplus des sommes demandées n'est pas contesté en son calcul. Il est donc dû à monsieur [L] au titre des congés payés la somme de 90 573,36 euros au paiement de laquelle la société sera condamnée.

Sur les frais professionnels

Monsieur [L] soutient que les frais qu'il a exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de son employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur sa rémunération comme prévu à l'article 13 du contrat de travail, en l'absence de disposition prévoyant qu'il les conserverait à sa charge sous réserve du versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire. Il fixe le montant de ses frais au regard de ses déclarations fiscales.

La société fait valoir que le contrat de travail prévoit que la rémunération inclut le remboursement des frais professionnels et que le salarié ne justifie pas des frais qu'il aurait engagés.

L'article 13 du contrat de travail stipule que tous les frais exposés par le conseiller dans le cadre de son activité, et notamment les frais de déplacement sont à sa charge exclusive, le montant des rémunérations définies aux article 10 et 11 tenant compte desdits frais.

Les frais exposés par le salarié dans le cadre de son activité et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés et ne peuvent pas être imputés sur son salaire, sauf s'il est contractuellement prévu à l'avance qu'il percevra en contrepartie une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire.

Il est évident que le contrat de travail ne stipule pas une somme forfaitaire au titre des frais professionnels.

Dès lors, la société doit rembourser au salarié les frais professionnels qu'il a engagés.

Mais il appartient à ce dernier de justifier de ses frais. Or, dans le cadre du présent litige, monsieur [L] se contente de produire des avis d'imposition ce qui ne permet pas à la cour d'apprécier s'il a réellement engagé des frais et le montant de ceux-ci. Il sera donc débouté de sa demande à ce titre.

Sur la remise de documents

Il sera ordonné à la société de remettre à monsieur [L] un certificat de travail, des bulletins de paie et une attestation POLE EMPLOI conformes à la présente décision.

Aucune circonstance de l'espèce ne conduit la cour à assortir cette disposition d'une mesure d'astreinte.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, l'indemnité compensatrice de préavis sera assortie d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, l'indemnité compensatrice de congés payés sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2012, date de la demande, et les autres sommes de nature indemnitaire seront assorties d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur les frais irrépétibles

Partie succombante, la société sera condamnée à payer à monsieur [L] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel.

Sur les dépens

Partie succombante, la société sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement sauf en ce qui concerne les frais professionnels,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés:

CONDAMNE la société BARCLAYS PATRIMOINE à verser à Monsieur [J] [L] les sommes de :

- 300 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 1152-1 du code du travail,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 4121-1 du code du travail,

avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

CONDAMNE la société BARCLAYS PATRIMOINE à payer à Monsieur [J] [L] les sommes de :

- 49 335 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 90 573,36 euros à titre de rappel de congés payés,

avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

ORDONNE à la société BARCLAYS PATRIMOINE de remettre à monsieur [J] [L] un certificat de travail, des bulletins de paie et une attestation POLE EMPLOI conformes à la présente décision,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Ajoutant,

CONDAMNE la société BARCLAYS PATRIMOINE à payer à Monsieur [J] [L] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE la société BARCLAYS PATRIMOINE au paiement des dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 12/08971
Date de la décision : 10/12/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°12/08971 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-10;12.08971 ?
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