RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 09 Décembre 2014
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/00533
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Décembre 2011 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 10/02178
APPELANTE
SA CEGID venant aux droits de la société VCS TIMELESS
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON,
En présence de M. [X] [O], Directeur des Ressources Humaines
INTIME
Monsieur [E] [J]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne,
assisté de Me Patrick CHADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0105
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président
Madame Christine ROSTAND, Présidente
Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Monsieur [E] [J] a été engagé par la Société TIMELESS S.A. en qualité de commercial par contrat de travail à durée déterminée pour la période du 7 janvier au 31 mars 1997, renouvelé du 1er avril au 30 juin 1997, puis a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée le 1er juillet 1997 en qualité d'ingénieur commercial (statut cadre). Le 19 juin 2002, il a été élu en qualité de membre suppléant de la délégation unique du personnel.
Le 17 mars 2003, la Société TIMELESS S.A. a convoqué Monsieur [J] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique fixé au 24 mars suivant et le 1er avril 2003 elle a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de le licencier. Par décision du 22 avril 2003, l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement et Monsieur [J] a été licencié pour motif économique par lettre du 28 avril 2003.
Le salarié a formé un recours devant le tribunal administratif de Paris contre la décision de l'Inspecteur du travail ayant autorisé son licenciement. Par jugement du 12 janvier 2004, le conseil de prud'hommes a sursis à statuer sur sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du fait de la procédure pendante devant le tribunal administratif de Paris.
Monsieur [J] a interjeté appel de ce jugement et par arrêt du 19 janvier 2006, la cour d'appe1 de Paris l'a débouté de sa demande de requalification du contrat de travail en contrat V.R.P., a sursis à statuer sur sa demande relative au licenciement sans cause réelle et sérieuse et a ordonné une expertise sur le calcul des commissions.
Par arrêt en date du 7 février 2008, la cour d`appel de Paris a condamné la société TIMELESS S.A. à payer à Monsieur [J] la somme de 100 091,08 euros à titre de rappel de commissions et de congés payés afférents, a maintenu le sursis à statuer sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail et renvoyé l'affaire au 18 décembre 2008. A cette date, la cour a de nouveau maintenu le sursis à statuer et renvoyé l'affaire au 10 décembre 2009.
Le 18 juin 2008, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de Monsieur [J]. La société TIMELESS S.A. a relevé appel de cette décision.
Le 7 mai 2009, la société TIMELESS SA. a été radiée après fusion-absorption avec confusion de patrimoine avec la SA. CEGID, laquelle vient désormais aux droits de la Société TIMELESS S.A..
Par arrêt du 20 mai 2009, devenu définitif en toutes ses dispositions, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement du 18 juin 2008 du tribunal administratif et, dans un arrêt du 4 février 2010, la cour d'appel de Paris a renvoyé la cause et les parties devant le conseil de prud'hommes pour qu'il soit statué en premier ressort sur la demande de Monsieur [J] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 8 décembre 2011, le conseil de prud'hommes de PARIS, en formation de départage, a fixé le salaire mensuel moyen de Monsieur [J] à la somme de 23 743,67 euros (vingt trois mille sept cent quarante trois euros soixante sept centimes),
- condamné la S.A. CEGID à payer, en deniers ou quittances valables, à Monsieur [E] [J] les sommes suivantes :
1 268 461,90 euros (un million deux cent soixante huit mille quatre cent soixante et un euros quatre vingt dix centimes) en réparation du préjudice subi
145 000 euros (cent quarante cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2004,
- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
- condamné Monsieur [E] [J] à payer, en deniers ou quittances valables, à la S.A. CEGID la somme de 11 213,17 euros (onze mille deux cent treize euros dix sept centimes) au titre de la régularisation des charges sociales,
- condamné la S.A. CEGID à payer à Monsieur [E] [J] la somme de l 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la S.A. CEGID aux dépens.
La société CEGID a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions visées au greffe le 14 octobre 2014 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société CEGID demande à la cour de réformer le jugement entrepris et de :
- fixer le salaire de référence de Monsieur [J] à la somme annuelle de 188.537 euros
- débouter Monsieur [J] de l'ensemble de ses prétentions et le condamner à restituer les sommes qu'il a perçues du fait de l'exécution provisoire.
- Subsidiairement sur ce point, surseoir à statuer et avant dire droit : vu les éléments versés aux débats et les dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale, transmettre le dossier au Procureur de la République, ordonner une mesure d'expertise en confiant à l'expert désigné les plus amples pouvoirs, dont celui de s'assurer de la qualité de la personne titulaire de la carte professionnelle d'agent immobilier au vu de laquelle la Société MC IMMOBILIER a exercé et exerce son activité, et de se faire communiquer les comptes desdites sociétés, ainsi que tout acte de vente ou d'achat, dont les plus anciens cités dans l'article Internet en questionnant les entreprises ou commerçants cités (Vente [T] [Y]) pour déterminer la réalité de l'activité professionnelle de Monsieur [E] [J], sa chronologie temporelle et les revenus qu'il en a directement ou indirectement tirés et confier à l'expert la mission de déterminer le préjudice indemnisable sur le fondement de l'article L.2422-4 du Code du Travail.
- limiter l'indemnisation due sur le fondement de l'article 1235 alinéa 3 du code du travail à l'équivalent de 6 mois de salaires.
- confirmer le jugement entrepris sur ce point et ordonner à Monsieur [J] à restituer la somme de 11.213,17 €.
- condamner Monsieur [J] aux dépens ou les réserver en cas d'instauration d'une mesure d'expertise et le condamner au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées au greffe le 14 octobre 2014 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [J] la confirmation du jugement et la condamnation de la société CEGID venant aux droits de la société TIMELESS à lui verser la somme de 15.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Subsidiairement, il demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le salaire mensuel moyen du salarié à la somme de 23 743,67 €, condamné la CEGID à payer les sommes suivantes 1 232 727 € en réparation du préjudice subi et 145000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2004, ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, condamné la CEGID à payer 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il demande en outre la condamnation de la société CEGID au paiement de 15.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
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MOTIFS
Sur le salaire mensuel moyen :
Monsieur [J] ayant fait l'objet d'un licenciement le 28 avril 2003, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a intégré dans l'assiette du calcul du salaire moyen de Monsieur [J] la somme de 100 091,08 euros qui lui a été allouée à titre de rappel de commissions et de congés payés afférents pour les années 2002 et 2003 aux termes de l'arrêt du 7 février 2008 de la cour d'appel de Paris. Le calcul de ces commissions, qui constituent la partie variable de la rémunération de l'intéressé, a été déterminé par expertise et la somme retenue par l'expert a été prise en compte par l'arrêt précité qui est définitif en toutes ses dispositions. Le droit de Monsieur [J] à ces commissions était né dans la période des 12 mois qui ont précédé le licenciement et celles-ci doivent ainsi être intégrées pour opérer le calcul du salaire de référence de l'intéressé correspondant à la moyenne mensuelle des salaires perçus pendant les douze mois qui ont précédé le licenciement. Dès lors, le salaire mensuel moyen de Monsieur [J] doit être calculé sur la base des salaires versés durant les 12 mois précédant le licenciement, soit 1 188 537,00 euros auxquels il convient d'ajouter les commissions relatives aux années 2002 et 2003, soit 100 091,08 euros, ce qui correspond à un total de 288 628,08 euros auquel il y a lieu de déduire les commissions relatives aux factures émises après le licenciement, conformément aux conclusions de l'expertise, soit 3704 euros, ce qui fait un total de 284 924,08 euros, qui correspond à un salaire de référence mensuel de 23 743,67 euros, tel que cela a été déterminé par le conseil de prud'hommes.
Sur le calcul de l'indemnité qui doit être allouée au salarié pour le préjudice subi suite à l'annulation de la décision d'autorisation du licenciement :
Conformément à l'article L.2422-4 du code du travail, le salarié a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il l'a demandé dans le délai de deux mois ou l'expiration de ce délai dans le cas contraire. L'indemnisation est due lorsque l'annulation de l'autorisation est devenue définitive. Le préjudice subi doit être apprécié compte tenu des sommes que l'intéressé a pu percevoir pendant la période litigieuse au titre d'une activité professionnelle.
En l'espèce, le préjudice de Monsieur [J] correspond à sa perte de revenus au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de recours ouvert à l'encontre de la décision du tribunal administratif de Paris du 18 juin 2008, soit du 1er mai 2003 au 19 août 2008. Le préjudice correspond ainsi au montant des revenus que l'intéressé aurait dû percevoir sur la base du salaire de référence auquel il convient de déduire les revenus perçus par le salarié à titre de salaires s'il a retrouvé un emploi et les allocations-chômage versées pendant cette même période.
La société CEGID invoque le fait que Monsieur [J] aurait perçu d'autres revenus pendant la période considérée, au delà du montant retenu par le conseil de prud'hommes de 251.133 euros et produit un article de presse faisant état du fait que Monsieur [J] aurait changé de métier pour devenir agent immobilier. Elle fait valoir pour accréditer ses dires qu'une société MC Immobilier a été créée par des membres de la famille de Monsieur [J] en janvier 2005, que des actions ont ensuite été cédées à Monsieur [J], et que celui-ci est devenu gérant de la société en mars 2009. Elle en déduit que Monsieur [J] s'est livré à une activité qui lui a occasionné des revenus mais n'apporte en réalité aucun élément probant et se borne à solliciter une mesure d'expertise pour 's'assurer de la qualité de la personne titulaire de la carte professionnelle d'agent immobilier' et se faire communiquer les comptes de sociétés de la société. La société CEGID demande par ailleurs de transmettre le dossier au procureur de la République sans pour autant apporter d'élément sérieux de nature à donner un avis au procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale, la société CEGID ayant néanmoins la possibilité de procéder par ailleurs à une dénonciation ou de déposer plainte si elle se considère victime d'une infraction. En conséquence, la cour estime qu'il n'y a pas lieu d'accéder aux demandes de la société CEGID.
En définitive, au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation du préjudice subi par Monsieur [J] du fait l'annulation de la décision d'autorisation du licenciement en application de l'article L.2422-4 du code du travail et c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a relevé que les bénéfices éventuellement réalisés par la société dont Monsieur [J] est devenu le gérant ne peuvent être pris en compte en l'espèce pour venir en déduction du préjudice.
Sur l'indemnité pour licenciement abusif :
Au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi en application de l'article L.1235-5 du code du travail.
Sur la demande de restitution à la société CEGID :
Il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes, cette demande de restitution de la somme de 11213,17 au titre de la régularisation des charges sociales dues sur la somme de 100 091 euros étant bien fondée en son principe et son quantum.
Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties du surplus des demandes ;
LAISSE les dépens à la charge de la société CEGID.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT